Reste que, dès le premier soir de diffusion, plus d’un millions de téléspectateurs sont partis en courant dès le générique de fin de «{24}» et n’ont pas posé un œil sur «{Mad Men}», quand bien même la série est, en France comme aux Etats-Unis, particulièrement bien servie par la presse, qui en parle partout et tout le temps, en terme très élogieux, quand bien même personne ne la regarde. Evoquer la soirée Mad Men, où Canal avait largement convié à l’occasion du lancement de la diffusion, était même un must sur le très journalistico-centré réseau Twitter. Alors quoi? Alors, la clef du paragraphe précédent est peut-être passé inaperçu à vos yeux. Il s’agissait de «comme aux Etats-Unis». Là-bas aussi, en effet, «{Mad Men}» est une série que personne ne regarde. En moyenne 2 millions de téléspectateurs par épisode depuis le début de la série. Sur les 310 millions d’habitants que compte le pays, c’est peu: Canal+ n’aurait besoin que de doubler son audience actuelle pour atteindre le même ratio. Voilà qui nourrit une critique que Le Village adresse de façon récurrente à la fiction Canal: ne pas très bien savoir ce qu’elle veut être, entre fiction de haute qualité et fiction grand public. D’un côté, jouer le rôle d’un moteur exigeant, de l’autre faire la même chose qu’ailleurs (ou en tout cas que ce qu’on {devrait} faire ailleurs, avec juste un peu de violence et de seins dénudés en plus). Nous avions pointé la nécessité d’un espace avant-gardiste pour la fiction française dans [nos dossiers->http://www.a-suivre.org/levillage/mot.php3?id_mot=305] sur «{Reporters}». Une série ambitieuse et extrêmement riche, aux [audiences jugées trop faibles pour que Canal+ continue à la soutenir->http://www.a-suivre.org/levillage/article.php3?id_article=1675]. Même si elle était regardée par 4 à 5 fois plus de gens que «{Mad Men}». Il y a ainsi des fictions de niches, qui n’affoleront jamais les compteurs d’audience, mais qui sont indispensables à la bonne santé de la fiction télévisuelle, parce qu’elle sont des laboratoires, des espaces de liberté créative nécessaires pour préparer les succès de demain et pour faire éclore des talents. Aux Etats-Unis, on l’a compris. C’est pour cela que «{The Wire}» dura cinq saisons ; c’est pour cela que «{Mad Men}» continua après une première saison qui n'avait rassemblé, en moyenne, qu’un chiffre minuscule de 915 000 téléspectateurs. Parce qu’en dépit de ces audiences, la qualité de la série a permis à la chaîne AMC, jusque-là inconnue de tous, de se faire un nom en même temps qu’elle se forgeait une image: depuis trois ans, ses deux séries «{Mad Men}» et «{Breaking Bad}» trustent les nominations et les prix aux Emmy. Avec un résultat du côté de l’audience : le premier épisode de la saison 4 de «{Mad Men}» a établi le record historique pour la chaîne de 2,9 millions de téléspectateurs. Pas de quoi en faire le sujet autour de la machine à café, à part peut-être dans les bureaux des sociétés de production à Hollywood. Mais assez pour montrer que la qualité et la persévérance, ça paie. En France, il n’y a personne pour jouer ce rôle de défricheur, pour assumer cette exigence. Au-delà de Canal+, la fiction d’Arte s’est contentée pendant deux décennies de singer le cinéma d’auteur français, et s’est finalement ouverte à la série via un remake d’une série québécoise: pas exactement le signe d’une gigantesque ambition créative. Les chaînes Orange bénéficiaient de savoir à l’avance qu’elles ne seraient regardées par personne, et des millions de bénéfices dont ne sait que faire l’opérateur télécom. Pourtant, elles préférèrent les dépenser sans compter pour s’acheter du foot ou des catalogues étrangers, mais ne s’intéressèrent jamais à la création. Cela fait partie des raisons pour lesquelles la télévision française, quand bien même elle parvient depuis quelques années maintenant à aligner quelques bonnes séries, ne produit aucun chef d’œuvre qui pourrait l’installer définitivement aux yeux des médias et, au final, du grand-public. Et mon intuition me dit que l’actuel inconfortable entre-deux risque fort de durer encore longtemps... {Pour ceux qui ne connaîtraient rien à «Mad Men», je vous renvoie au [bilan de la première saison->http://www.a-suivre.org/usa/article.php3?id_article=1080] rédigé par Dominique pour nos collègues et amis de pErDUSA.} {{{La Journée de la Création TV 2010}}} {Par Emilie Flament}. {{Avant d’attaquer les épisodes inédits de nos séries préférées ou de découvrir les nouveautés de la saison, je vous propose un petit retour en arrière... En effet, le 28 juin dernier avait lieu la Journée de la Création TV organisée par l’Association pour la Promotion de l’Audiovisuel[[[Association pour la Promotion de l’Audiovisuel->http://www.apa-tv.fr] (APA)]] . Voyons ensemble ce que les professionnels du secteur dressaient comme bilan à la fin de la saison dernière.}} Commençons par quelques chiffres avec le [Baromètre de la Création TV->http://www.apa-tv.fr/docs/barometre2010.pdf] :
Notre fiction vieillit ! Et pire... elle n’attire pas les jeunes ! Remarquez, vous en étiez surement vous-même arrivés aux mêmes conclusions en discutant avec vos amis... petite mise en situation : «J’adore la nouvelle série sur France 3, La Commanderie, tu l’as vue ? -- Non mais franchement tu crois que je regarde des séries françaises sur France 3 le samedi soir ? Pourquoi pas Louis La Brocante tant que tu y es ?!»
Pour les non initiés, notre fiction a uniquement le visage d’un Navarro ou d’une Joséphine, et ça n'intéresse pas un public jeune et sélectif, élevé aux séries américaines de qualité.
Pourtant, nous continuons de produire autant de téléfilms que de séries... C’est moi où l’on s’acharne à éloigner les jeunes de nos productions nationales ?
Même si les investissements de Canal + et de M6 augmentent légèrement, les budgets des plus gros investisseurs (TF1, France 2 & France 3) reculent. Quant à la TNT, elle stagne de manière insignifiante (0,4 % des investissements totaux). En parlant de la TNT, précisons que, malgré leur quasi absence dans le process de financement, ces chaînes gagnent des parts d’audience significatives (15%).
Quelles conclusions la profession tire-t-elle de ces chiffres et des débats qui ont animés la journée ?
Dans son discours de clôture[[[Discours de M. Michel Boyon->http://www.apa-tv.fr/docs/DiscoursBoyonCSA2010.pdf], président du CSA]] , M. Michel Boyon, président du CSA, souligne quelques points intéressants. Je retiendrai 2 citations de son discours :
«{Les facteurs d’amélioration sont connus : nous devons collectivement faire l’effort de changer nos habitudes, d’être plus audacieux, plus innovants, en adéquation avec les attentes du public et avec l’évolution de l’audiovisuel numérique}».