Autour de ces deux couples gravitent une belle galerie de personnages secondaires, sur lesquels je reviendrai dans une partie un peu plus ordonnée du bilan, si vous êtes sages.
Le gros point fort de cette série, et sa plus grande originalité (celle de sa cousine britonne, tout du moins) réside dans sa qualité de faux documentaire, où la caméra n'est absolument pas invisible et où les moindres faux pas sont traqués, sans le moindre souci d'objectivité. Ce qui donne naissance à des jeux d'acteurs avec cette dernière aussi subtils que naturels.
C'est d'ailleurs ce qui manque aux débuts de la série, cette petite pointe d'intérêt supplémentaire, ou de variation dans le discours et le point de vue. Même si Greg Daniels se défend bien de cette raison, il est indéniable que la série est, au premier abord, une version américanisée et accélérée de la version originale (qui est peut-être un peu trop différente des autres productions américaines pour pouvoir obtenir un réel succès). Le pilote en est d'ailleurs un exemple un peu trop flagrant, qui malgré des qualités comiques extraordinaires, fait figure de "traduction" pure et simple du premier épisode anglais. On y assiste donc à une version accélérée et traduite du pilote original, avec un rythme plus soutenu ( la faute aux 21 minutes au lieu des 30 minutes originales, et aux habitudes du téléspectateur américain ?), et où les "{redundancies}" sont devenus des "{downsizing}".
Si l'intention semble persister dans les épisodes suivants, l'éxécution en est nettement meilleure. En effet, les intrigues semblent bien consister en des portages au monde du bureau américain, avec ses spécificités et ses problèmes propres. {{{Mockumentary or unreal-tv ?}}} Aux Etats-Unis, la télévision est une arme légale. Les américains ont un rapport différent à l'image et un comportement beaucoup moins naturel et soumis à la caméra. Ils sont beaucoup plus à l'aise, et savent profiter de l'objectif aussi bien que l'objectif sait profiter d'eux. La réalisation est elle aussi différente, et puisque les gens sont à l'aise avec la caméra, elle l'est elle aussi avec eux. S'ensuit donc une présence importante, et un rôle narratif encore plus dominant (et surtout plus assumé) que pour la télévision européenne. Et ce qui s'applique à la real-tv s'applique tout autant à {The Office}. Michael Scott est certainement plus conscient des pouvoirs de la télévision que David Brent, son homologue anglais. (On imagine mal un épisode semblable à l'épilogue original, où Michael critiquerait les choix de montage et la réalisation orientée et "à charge" du documentaire qu'il croyait destiné à faire l'apologie de ses méthodes de management). Il en est de même avec les autres personnages, si Jim est un garçon plutôt timide, il n'en n'est pas moins joueur dès que l'objectif le prend pour sujet. Et Pam, qui semble avoir quelques problèmes pour se libérer devant la caméra et même en public, se découvre loquace avec un discours touchant pour peu qu'on l'interroge en aparté.
Ce comportement est certainement un héritage de l'omniprésence du cinéma et de la télévision dans la culture américaine, et particulièrement de la real-tv.
En l'espace de six épisodes, Greg Daniels tente d'imposer une vision différente et adaptée à la culture américaine du monde du travail. Et on peut dire qu'il y arrive plutôt bien, malgré des ratés et des épisodes un peu plus faibles, au niveau des intrigues choisies, et surtout des caractères des personnages. Michael Scott est, on peut le dire, une réussite. Malgré un physique très différent de celui de David Brent, il en conserve tout de même les pires défauts, en ajoutant une tendance à charmer ses troupes à coups de sourires parfaits. Il gagne ainsi un capital "sympathie" qu'il compense en perdant le pathétisme attachant de Ricky Gervais (du moins en saison 1). Il en reste un patron exécrable, plus investi dans un rôle de père ou de "{tonton rigolo}" pour faire grimper sa côte de popularité et jouir de l'admiration qu'il est persuadé de recevoir de ses "disciples", que dans son rôle de patron censé prendre les bonnes décisions, tout en étant capable des pires égoïsteries pour défendre ses intérêts. Et si le personnage touche, c'est d'abord parce que Steve Carell est un grand acteur, et ensuite parce ce portrait n'est pas fantaisiste pour un sou, et qu'il est fréquent de croiser ce type de personnage dans le vrai monde cruel et réel du Travail. Dwight Schrute, quant à lui, est certainement le personnage le moins réussi de la série (et le plus éloigné du personnage original, Gareth). Si les deux homologues sont des amoureux de l'ordre et de la discipline, doublés de lèche-bottes, Gareth est autant obsédé sexuel que Dwight est un maniaque psychorigide. Beaucoup trop, d'ailleurs. A tel point qu'il en perd tout réalisme, et que malgré ses talents de victime et de bourreau, il perd un peu le contact avec le reste du bureau, tous plus humains les uns que les autres. La faute à Rainn Wilson, l'acteur ? ou à l'écriture ? Sans doute un peu des deux. Il n'en reste pas moins un personnage indispensable, à la source de nombreuses situations comiques, tant avec Michael qu'avec Jim. Jim et Pam. Tellement indissociables qu'ils ont un paragraphe commun dans ce bilan. C'est dire. Un des plus belles romances de l'histoire de la Télévision (avec un grand T, s'il vous plaît), qui pousserait un bourreau à demander son inscription au { C.S.I.} (voir plus haut). Si John Krasinski peut paraître un peu fade dans les premiers temps (surtout quand on est fan de Martin Freeman), Jenna Fischer est, elle, la véritable révélation de la série. Plus encore que Steve Carell, elle met tous ses talents d'actrice au service de la profondeur du personnage, et... et... c'est beau. Leur alchimie fonctionne parfaitement et cet élément primordial de la série originale a su être conservé, voire même amélioré sur certains points (la relation Pam/Roy, ou les interactions Roy/Jim, par exemple), malgré les différences de caractère, notamment entre Pam et Dawn, son alter-ego british. Les personnages secondaires, font leur travail, et ils le font bien. Ils viennent étoffer le tableau dépeint de la même manière que dans un documentaire ou une émission de real-tv. Sans être mauvais, ils sont volontairement plus vides, pour beaucoup mal à l'aise avec la caméra, et souvent cantonnés à une expression, ou du moins à un rôle de complément dans les scènes. Ce procédé étant assumé, il en est pleinement efficace, et permettent aux "vrais" personnages d'être mis en lumière, et de donner leur meilleur. Côté acteurs, ils viennent pour la plupart du milieu de l'improvisation, et savent donc apporter leur propre contribution à l'écriture déjà excellente et étoffée de la série.De plus, trois d'entre eux (Paul Lieberstein, Minda Kaling et B.J. Novak) sont avant tout des (très bons) scénaristes de la série. Ils ont d'ailleurs écrit les trois meilleurs épisodes de la saison 1.
Maintenant, on oublie Wernham-Hogg Slough, car leurs cousins de Dunder-Mifflin Scranton ont bien mérité la scission.