Ce que j'écoute en ce moment, entre trucs récents et disques ressuscités hors de mes tiroirs.
Here Come The Lords Lords Of The Underground
Exceptionnel joyau de 1993 que je pensais avoir perdu voilà plusieurs années et que je retrouve mystérieusement coincé derrière mon radiateur voilà deux semaines. Premier album des Lords Of The Underground, entièrement produit par Marley Marl aka LE premier grand beatmaker US - Big Daddy Kane, Biz Markie, Roxane Shante... - fondateur de Cold Chillin' et référence ultime encore aujourd'hui de Dj Premier, avec qui il partage un intérêt poussé pour le jazz. Un classique, contrairement aux fournées suivantes des Lords, et qui comporte entre autres le tube "Chief Rocka", manifeste légendaire qui a d'ailleurs inspiré son pseudo au jadis grand rappeur français Rocca du groupe La Cliqua. Malheureusement, les autrefois seigneurs sont aujourd'hui devenus les concierges de l'underground.
Check Your Head Beastie Boys
Mon album favori des blancs becs Beasties, même si les plus gros cartons du groupe n'y sont pas - "Sabotage" et "Intergalactic" pour les plus connus. Un peu moins punk que les précédents, un peu moins rock que le suivant, mais nettement plus fonky que tous, avec de gros délires electros en prime, et quelques considérations bouddhiste au milieu du fratras ado des lecteurs de Playboy. Alors si t'es hip-hop comme Mix Master Mike toi aussi fais comme eux, arrache le logo Wolswagen de la voiture de ton voisin, et fais en un collier.
Clouddead Clouddead
Premier opus du trio Dose One, Why? et Odd Nosdam, number one au hit parade des nerds, des puceaux ou bien des mecs sous herbe. Le nouvel album des Clouddead sorti voilà deux jours n'étant pas super folichon, il était temps de consacrer son prédécesseur. Dose One murmure son rap intello en se bouchant le nez, Why? comme d'habitude fredonne et chantonne des comptines, tandis que Odd Nosdam livre des instrus nettement plus vivables que sur ses albums solos low-fi, pour ne pas dire des instrus fabuleux, où les nuages toxiques d'une electro supra spleen côtoient des samples étouffés de Game Boy. L'un des rares albums de l'administration Big Dada qui ne soit pas surestimé par la branchouille et ne nous fasse pas chier avec un surplus de techno adipeuse.
Zone Sinistrée Sinistre
Après une année 2003 en fanfare pour le rap français, voilà à mon sens le seul apport national intéressant de ce trimestre. Issu de la Malédiction Du Nord, groupe éphémère mais mémorable dans l'histoire du rap hexagonal, Sinistre a un flow reconnaissable entre mille et une qualité textuelle très au-dessus des moyennes en vigueur. Jadis fana de horrorcore, il est désormais affilié à la petite famille du rap conscient, arborant un panel de thèmes sociaux et politiques insoupçonnés - le très bon "Première Loge Du Récital". Sorti sur Junkadelic, l'un des deux meilleurs labels indépendants français actuels, son premier disque solo est imparfait mais regorge de bonnes choses qui en cinq secondes d'exposition exploseraient le trou de balle de Diams au canon scié.
The Feeling Of Now Raw Produce
Ce disque longtemps retardé est enfin là, orné d'une pochette atypique et pas marketing pour un sous. Le duo de Boston Raw Produce revient après leur dernière petite réussite de 2003, et explose toutes les croyances sclérosées des blaireaux de ce monde qui ont troqué Public Enemy contre G Unit. Oui, il est possible de faire un rap qui fasse dix ans de retard, au bon sens du terme. Raw Produce s'inscrit ici dans la lignée des grands maîtres A Tribe Called Quest et autres Pete Rock & CL Smooth, en délivrant le rap jazzy le plus efficace depuis pas mal de temps. Très bluffant, demandez à quiconque de le dater il vous dira sûrement 1994, mais il est paru il y a une semaine...
Monolith The Omid
The Omid est revenu l'an dernier à la suite de deux pépites dont la première laissera son empreinte longtemps. Meilleur producteur actuel de la Californie, The Omid croise toutes ses influences et ses deux précédents édifices dans cette petite apocalypse rapologique mi-rappée mi-instrumentale où l'on croise en vrac des références de l'Ouest telles que Busdriver et Slug, où le canadien Buck65 dont j'avais déjà vanté les mérites. Grosses basses difficiles, beats déconstruits, touches fines d'electro, rock'n'roll, ambiances lourdes et pesantes, spoken word, pour un tout aussi glauque que cynique. Tout ça sur Mush, label déjà mythique et que les Inrocks n'ont pas encore récupéré, probablement d'ici 2008.
Hell On Earth Mobb Deep
Rien à dire. J'ai ressorti le meilleur album de Prodigy et Havoc en guise d'attente de leur prochain imminent opus, qui s'annonce une fois encore sous de mauvais augures. Reste que celui-là c'est un pavé, un classique du Queen's et un hymne pour toutes les racailles du sous-sol. "Hell On Earth", énorme. Minimaliste, très typé sample de BO's, à la fois un grand ouvrage du hip-hop et un sort néfaste, lorsque tous les rappeurs français se sont mis à tenter de copier Mobb Deep à base de beat-basse-violon... sans la technique rythmique adéquate, créant le rap français marseillais pleurnichard et tout laid, et qui mérite de clamser dans les égoûts avec ses représentants encore bien présents.
Kill The Rhythm (Like An Homicide) Just Ice
Just Ice est le dernier mec au patronyme en Ice qui a gardé son slip. Ice-T joue les flics à la télé, Ice Cube ne sort que des bootlegs pourris, et Vanilla Ice est mort-né, produit d'une major et aujourd'hui batônnet réfrigéré dans le même casier que le sperme de René. Accusé de meurtre à tort en 1987, balançant dès l'année suivante un disque de malade aujourd'hui dur à trouver, Just Ice fait du gangsta rap sa philosophie, mais une philosophie non mercantile, justifiant des années d'activisme dans l'indé, et huit albums coups de poings dont celui-là n'est pas le plus mauvais.
Brutality Pt. 1 Necro
J'ai tardé à acheter ce disque mais j'ai pas regretté. Troisième album studio du vilain petit canard, du Mal personnifié, qui selon ses propres mots aime découper des troncs humains à la tronçonneuse et se faire sucer dans des cimetières tout en se préparant des rails de coke sur la tombe de nos potes. Voilà le personnage, un chouilla dérangé et pas super performant en tant que rappeur, mais génie intégral en tant que producteur une fois n'est pas coutume sur ce disque. Car Necro c'est le roi du sample obscur, qui va chercher ses boucles magnifiques dans les navets d'horreur et les films pornos à petits budgets - il est d'ailleurs réalisateur de films X tendance plus sado que maso. Ca a beau être lourdaud sur les bords, rien à faire c'est génial, jusqu'au clip de "White Slavery" où Necro et son frero se servent d'une pauvre blondasse comme table vivante pour manger leurs spaghettis. Super nerd, super frustré, super unique.