Les 108 disques essentiels du hip-hop
Publié : 24 août 2003 1:57
70 DISQUES ESSENTIELS DU HIP-HOP ANGLOPHONE
Wu-Tang Clan
Enter The Wu-Tang (36 Chambers)
Une présentation express s’impose. Le Wu-Tang Clan est un collectif géant originaire de New-York et composé au départ de neufs membres principaux : RZA, Method Man, GZA, Ol’Dirty Bastard, Raekwon, Ghostface Killah, Inspectah Deck, Masta Killah et U-God. « Enter The Wu-Tang (36 Chambers) » est le premier album du crew, paru en 1994 et considéré à l’unanimité comme un classique essentiel du hip-hop. Le succès de cet album, qui doit beaucoup au génie musical de la tête pensante RZA, est tel qu’il a refocalisé l’attention sur la East-Coast quand la mode était au gangsta rap de la Côte Ouest. S’ensuivra une longue série de carrières solos, de compilations, de bootlegs et de nouvelles recrues, inégales mais toutes couronnées de succès. L’Empire Shaolin du Wu-Tang Clan grandira encore en 1997 avec le très bon second album « Wu-Tang Forever » avant une période de stagnation dûe à la qualité très peu soutenue des deux derniers opus, selon toutes vraisemblances bâclés. Pour certains fans, le Wu-Tang Clan n’est ni plus ni moins que le plus grand groupe de rap de tous les temps.
EPMD
Business As Usual
Choisir un classique parmi la discographie d’un groupe comme EPMD n’est pas chose aisée puisque Erick Sermon aka E Double E et Parish Smith aka PMD collectionnent les classiques depuis 1988. Les cinq premiers albums du duo de Long Island sont en effet des incontournables, avec une légère préférence des spécialistes pour « Business As Usual », premier ouvrage à sortir sur le label Def Jam. Sur ce disque tout aussi fonky mais davantage street que les deux précédents, EPMD révèle également aux USA un futur leader hip-hop en la personne de Redman. Le mythe EPMD, marqué par des tubes intemporels, s’arrêtera en 1999 lorsqu’affaibli par leurs escapades en solitaire les deux amis livreront un album décevant au titre évocateur, « Out Of Business ». Difficile de croire à un redressement possible.
Black Moon
Enta Da Stage
Trois membres pour un groupe qui laissera sa marque longtemps sur les mentalités d’Outre-Atlantique. Originaires de Brooklyn, les Black Moon font du hip-hop authentique un principe, avec derrière les platines une sommité de l’underground, Dj Evil Dee. Les mc’s 5 Excellerator et Buckshot sont très loin de l’esprit paillettes et grosse bagnoles, leur style reste 100% ghetto. « Enta Da Stage » en 1993 marquera l’arrivée du crew de Black Moon sur le marché, le Boot Camp Click. Et les producteurs réunis sur ce premier long format sont en fait les futurs grands artisans réunis sous le nom de Beatminerz. La suite de la discographie Black Moon ne sera pas à la hauteur des espérances, mais reste qu’aujourd’hui encore des dizaines de rappeurs pompent allègrement les idées mises à jour dans ce premier essai.
Public Enemy
Fear Of A Black Planet
Certains me dépeceront quant au choix de cet album et non pas du précédent. Public Enemy est plus qu’un simple groupe de rap. Il s’agit du groupe de rap, le plus grand. Celui dont François Miterrand voulut interdire le concert au Zénith en 1991. Celui pour lequel chaque Etat américain prévoit une armée de policiers lors de ses tournées. Celui qui prône la prise de pouvoir des Noirs sur la Terre entière et dont chaque morceau est un nouveau pamphlet dirigé contre la Maison Blanche, contre les médias, contre l’ordre capitaliste mondial. Celui qui grâce à un esprit résolument rock où basses et guitares tiennent un rôle central, ont su conquérir un public diversifié, du noir des bas-fonds au blanc des quartiers chics. Celui dont le leader Chuck D s’adresse depuis 1987 et le premier album « Yo Bum Rush The Show » à la population noire du Bronx : arrêtez de vous entretuer, arrêtez l’héroïne, concentrez vos forces contre le Pouvoir ! Le titre Fight The Power est suffisamment explicite pour provoquer la censure des grands médias, mais Chuck D sait comment leur répondre, comment les dénoncer. Un grand nombre de morceaux seront consacrés à la manipulation télévisuelle, le rappeur instruit et instructeur décrivant leur méthode de propagation du conservatisme. Lors du passage à tabac de Rodney King par des policiers, Public Enemy est aux premières loges des manifestations. Lorsqu’il s’agit d’alerter l’opinion sur la situation des prisonniers politiques américains, de dénoncer la politique guerrière du Président Bush ou de vilipender Israël et ses colonies palestiniennes, Public Enemy est là. Chuck D et son acolyte Flavor Flav, soutenus par le génie sonore du Bomb Squad sont pris pour des prophètes dans les ghettos, tandis que le public blanc augmente en flèche grâce aux duos entre Public Enemy et des groupes de metal tels que Anthrax ou les gothiques de Sisters Of Mercy. En 1989 paraît « Fear Of A Black Planet », troisième album, le plus engagé du groupe et le plus abouti. La légère baisse de qualité suivant cet opus n’empêchera pas le groupe de poursuivre sa quête du Black Power durant six albums supplémentaires et un certain nombre de side-projects de qualité soutenue. Les sombres affaires de drogue et les accusations d’antisémitisme gravitant autour du groupe n’auront pas eu raison des Prophètes de la Rage.
Dilated Peoples
The Platform
Un premier album avorté pour causes de magouilles de la major Epic a conduit les futurs Dilated Peoples à ne se révéler que tardivement au public, c’est-à-dire en 1998 lors de ce glorieux « The Platform ». Dilated Peoples, groupe pluri-ethnique réunissant un blanc, un noir et un asiatique prouve alors à un pays incrédule que le hip-hop de la Côte Ouest ne se limite plus au gangsta rap de Death Row. Evidence, Iriscience et Dj Babu, proches du son Rawkus, constituent donc actuellement le groupe le plus new-yorkais de Los Angeles. Oui c’est con mais c’est comme ça, et en plus leur second album fut aussi à la hauteur de toutes les attentes. So now work the angles.
MF Doom
Operation Doomsday
« Operation Doomsday » est à peu près trouvable grâce à sa réédition que l’on doit au flair de Bigg Jus. MF Doom, pour Metal Finger et pour Doom le héros de comics, y livre un indispensable de 1999, gorgé de vieux samples soul et d’atmosphéres improbables. Cet album, premier essai solo d’un MF Doom lié entre autres aux Cenobites ou aux Arsonists, n’est qu’un exemple de choix parmi une discographie de bon goût. Rien de très étonnant à ce qu’un tel rappeur et producteur se fasse remarquer sur tous les projets les plus alternatifs, de Prefuse 73 en passant par The Herbaliser. Reste qu’il devient difficile de comprendre l’intégralité de la carrière labyrinthique de ce mc aux multiples alias : MF Doom, The Supervilain, King Geedorah ou Victor Vaughn, tant de noms différents pour un seul être de grand talent.
Quannum
Spectrum
En provenance directe de la Bay Area de Los Angeles, le crew Quannum regroupe divers groupes tels que Latyrx ou Blackalicious, en bref le dynamique renouveau de la Côte Ouest polluée par un trop plein de banditisme mythomane. Anciennement nommée Solesides, la bande formée vers 1992 fut aussi la première formation hip-hop à intégrer le label Mo’Wax. « Spectrum » en 1999 fut la compilation de présentation officielle de Quannum. Parcouru de tout le génie de Dj Shadow et enrichie de la participation de gens comme Divine Styler ou Jurassic Five, le disque est au top. Les anciens travaux de Solesides ont eux été édités chez Ninja Tune.
Nas
Illmatic
Grand admirateur de Michael Jackson dès son adolescence, Nas rêve lui aussi de devenir une idole populaire et comprend vite que c’est par le rap qu’il pourra y arriver. Déboulant de nulle part en 1994, il largue un premier album extrêmement abouti, un « Illmatic » mémorable grâce auquel il se fera immédiatement un nom chez les puristes. Ce disque qui réunit ni plus ni moins que Dj Premier et Pete Rock à la production restera dès lors comme l’unique réussite d’un Nas empêtré dans ses propres contradictions. Lorgnant dès son second opus « It Was Written » vers un style de plus en plus mythomane et gangsteriste, l’homme voit tous les connaisseurs se détourner de son travail pour laisser place à un engouement mainstream baveux. Mais loin d’en être mécontent, Nas continuera avec plaisir de sortir de la daube en série, jusqu’à un « God’s Son » en 2003 qui peine à se hisser jusqu’au correct.
Beastie Boys
Ill Communication
Les Beastie Boys sont le premier groupe de rap blanc de l’histoire de cette musique. Après des débuts strictly punk, c’est en 1983 que les quatre potes dont le leader Mike D s’essaient au hip-hop et y trouvent leur compte. Trois ans plus tard ils sont signés sur Def Jam et sortent « Licensed To Ill », un premier album dévastateur : le premier disque de rap à atteindre la première place au billboard américain, plus de quatre millions d’exemplaires vendus ! Le succès commercial des Beastie Boys subira des haut et des bas, mais globalement la recette fonctionne. Le public blanc rafolle des textes sexistes, débiles et surréalistes du groupe, ainsi que de son mélange rap et rock, sampler et instruments live. En 1994 l’exceptionnel « Ill Communication » réitère le succès du premier album, alors que les sorties s’accumulent sur le label Grand Royal qu’ont fondé les quatre lascars. Peu après, Mike D et ses collègues créent l’organisation Milarepa destinée à récolter des fonds pour aider la résistance à l’occupation du Tibêt. « Hello Nasty », paru en 1998, semble être la fin de l’aventure pour ces joyeux fouteurs de merde.
Gangstarr
Step In The Arena
Le plus célèbre duo de l’histoire du hip-hop. D’un côté Guru, rappeur posé et charismatique ayant plus d’un lyrics egotrip dans son sac, de l’autre Dj Premier, producteur de génie qui n’est plus à présenter et dont l’œuvre entière a marqué les annales du hip-hop international. Gangstarr entre en scène en 1989 mais leur premier album ne convainc pas les foules. En revanche deux ans après, « Step In The Arena » fait l’effet d’une bombe et renouvelle un hip-hop qui tourne en rond grâce à un savant mélange rap et jazz inédit pour l’époque. Le buzz s’accentue autour du groupe alors qu’il devient ami de Spike Lee et qu’il lance la Gangstarr Foundation pour promouvoir de nouveaux artistes. Guru en solo se lance dans des compilations de hip-hop jazzy telles que les « Jazzmatazz », et Dj Premier œuvre pour de nombreux autres groupes, devenant très vite une légende de la production rap. « The Ownerz », sixième album très attendu du groupe est paru en 2003 et s’avère juste convenable.
Eric B. & Rakim
Paid In Full
« Paid In Full » sort en 1987, à une période où les classiques s’accumulent chez les disquaires. Roi incontesté de l’egotrip à l’époque, Eric B y décrit des conditions de vie lamentable dans le ghetto tout en mettant au défi tous les autres mc’s de venir se confronter à lui. Un certain grain, une certaine street attitude propre à la East-Coast voit le jour. Rakim quant à lui, nettement plus spirituel et converti à la cause d’Allah, n’a de cesse de prouver qu’il est l’un des meilleurs rappeurs de tous les temps. Il mènera une discrète carrière solo par la suite, ne sortant que très rarement de son terrier secret. Mais le mythique duo Eric B & Rakim, responsable de trois albums, martèle encore pas mal de souvenirs au sein de la communauté afro-américaine.
The Roots
Things Fall Apart
Black Thought, Malik B et Questlove forment l’ossature principale du groupe The Roots de Philadelphie. Ces passionnés de jazz et de rap vont proposer la fusion la plus aboutie du genre, en étant le premier groupe hip-hop à instruments strictement live. Avec leur premier album « Organix » en 1993, qui passe totalement inaperçu au sein du milieu rap mais séduit les amateurs de musique alternative, ils imposent un style différent où les revendications se font sur un ton plus métaphorique et moins pompeux. Leur marque de fabrique devient donc très vite le boycott du sample, et même du djing. En 1999, ils sortent leur quatrième et meilleur album. « Things Fall Apart » est comme d’accoutumée inondé de jazz et de soul, mais plus varié et moins fermé au rap puriste, puisque quelques scratches y apparaissent enfin. Ce très bon disque marqué de l’esprit de Martin Luther King cartonnera dans le monde entier et fera connaître The Roots au public rap. L’album suivant, plus rock et plus agité, n’est pas inintéressant non plus. Les membres de The Roots sont évidemment impliqués dans des sorties solo dont celles de Black Thought, strictly rap, sont les plus notables.
A Tribe Called Quest
Low End Theory
A Tribe Called Quest, dit ATCQ, fut un des ciments de la régénérescence new-yorkaise orchestrée par les Native Tongues. Q-Tip, Phife Dawg et Ali Shaheed ont débarassé le rap de ses stéréotypes sexistes, racistes et de ses manières de gangsters. Le deuxième essai, le jazzy « Low End Theory », est généralement admis comme le meilleur album du groupe, et je rejoins cet avis éclairé. A Tribe Called Quest conclue son aventure sur un bon album épitaphe intitulé « The Love Movement » et sorti en 1999. Un départ en beauté pour ce groupe qui a samplé des gens aussi divers que Ron Carter et Lou Reed. Les carrières solos initiées après la fin du groupe seront en revanche assez insignifiantes.
Roots Manuva
Brand New Second Hand
Roots Manuva est issu de l’immigration noire la plus présente dans l’Angleterre du bas, à savoir la population jamaïcaine. Ce qui explique en partie son timbre de voix grave, proche des reggaemen, et sa scansion bien particulière, qui plaît à certains et déplaît à d’autres. Leader du très sélectif label Big Dada pour lequel il est un best-seller, Roots Manuva a à son palmarès l’un des tout meilleurs albums de hip-hop britannique jamais paru à ce jour. « Brand New Second Hand » a enfin tourné les regards vers le rap européen en l’année 1999. Le second essai de Roots Manuva en 2001 « Run Come Save Me » ne déclenchera pas les mêmes critiques dithyrambiques.
Mos Def
Black On The Both Side
Mos Def fait partie de la trop rare scène du rap intelligent. Dès 1994 et son premier essai « My Kung Fu », le rappeur de Brooklyn distille tous les messages positifs autour de lui. Inspiré par la soul et le jazz, ses métissages incluent son rap dans l’éventail des grandes musiques noires. Sa critique sociale non-violente apparaît plutôt comme humaniste. En 1998 il livre sur Rawkus un album en duo avec Talib Kweli, et l’année suivante un solo de toute beauté, « Black On The Both Side ». Personnage très ouvert et fan de musique électronique, il se dit admirateur de Massive Attack avec lesquels il a d’ailleurs collaboré sur un excellent titre.
De La Soul
3 Feet High And Rising
Membres des Native Tongues avec d’autres piliers du rap ludique et réfléchi comme A Tribe Called Quest ou les Jungle Brothers, mentors du conscious rap actuel et mythe vénéré autant par la old school que par la nouvelle génération du hip-hop, autant de qualificatifs pour décrire De La Soul. Toujours fidèles au label pionnier du rap et de la techno Tommy Boy depuis la fin des années 80, et malgré le départ du producteur Prince Paul, le trio tient encore la route, leur sac toujours rempli de tubes en fournées. Sorti en 1989, « 3 Feet High And Rising » reste leur indépassable chef-d’œuvre. Pour l’anecdote, c’est aussi le premier disque de rap condamné en justice pour sample non-déclaré, en l’occurrence le groupe folk-rock The Turtles ayant remporté le procès. De La Soul fut aussi l’instigateur du Daisy Age, notion fictive vantant les louanges d’un rap dansant et décomplexé.
Dr. Dre
The Chronic
Le milieu des années 90 a vu la suprématie du G-Fonk, le son affilié à la Côte Ouest, dominer le rap américain de toute son ampleur gangsteriste et sexiste. Malheureusement, le G-Fonk devient vite la nouvelle soupe à la mode et se nourrit du cliché des bitches, des bling-bling et des grosses bagnoles fluos. Alors on en revient forcément aux rares disques de ce courant qui soient bons. Alors on en revient forcément à « The Chronic » de Dr. Dre, détonateur du G-Fonk en 1992. Une perle, par un producteur branleur et suffisant, par un pauvre raté qui prend aujourd’hui ses bains dans du champagne. Du rap commercial, mais du commercial qui s’assume, qui n’en a rien à foutre de la crédibilité. Du rap de bandits avides de cul et de fric en somme. Fidèle à sa source, la suite du parcours de Dr. Dre sera essentiellement faite de collaborations avec les rappeurs les plus MTVesques de la décennie, et le « Chronic 2001 » ne dérogera pas à la règle. Yo motherfucker.
Antipop Consortium
Tragic Epilogue
Le nom du groupe Antipop Consortium est limpide : pas de place pour le rap variétoche ici. En 2000, « Tragic Epilogue » est le premier et meilleur album du crew révolutionnaire fondé par High Priest, Sayyid et Beans. Les synthétiseurs et la techno tiennent une place prépondérante au sein d’Antipop Consortium, propagateur d’un rap futuriste et ouvert au monde de l’electro. Difficile et expérimental, le son du groupe tient parfaitement la route mais le flow bancal ne suit pas toujours. Quoiqu’il en soit, on a ici à faire à un groupe culte du renouveau hip-hop, auteur de deux autres albums réussis dont un « Arrythmia » sorti sur Warp. En revanche, la carrière solo des trois rappeurs suite à la dissolution du combo laissera totalement sceptique.
New Flesh For Old
Equilibrium
Signés sur Big Dada, les deux rappeurs anglais de New Flesh For Old ont pondu un album très remarqué en 1999, le lanceur en fait du gros buzz autour de leur label. New Flesh For Old, futurs New Flesh, est composé du producteur Part 2, fan d’Aphex Twin, et des rappeurs presque ragga Toastie Taylor et Juice Aleem. Si ce dernier récolte tous les suffrages, force est de constater que « Equilibrium », avec ses touches industrielles voire même gothiques, préfigurera toute une mode. Résultat ? New Flesh For Old faisait du Antipop Consortium avant l’heure. Mais la suite de leur discographie, plutôt tournée dancehall, peine toujours à convaincre qui que ce soit.
Ultramagnetic Mc’s
Critical Beatdown
Urgent, frais, funky et typiquement old school, voilà comment l’on pourrait décrire le « Critical Beatdown » de 1987. Ultramagnetic Mc’s, qui fournira par la suite un second disque tout aussi appréciable, n’est pas un groupe classique seulement du fait qu’il représente le premier projet discographique de Kool Keith, mais également car il avait déjà une bonne longueur d’avance au niveau des productions de Ced Gee. L’album sonne effectivement nettement plus moderne que la concurrence et marque l’installation définitive de la suprêmatie du sample dans la musique rap, pour un total de quinze titres parfaits au bpm inhabituel. Watch me now !
Pete Rock & CL Smooth
The Main Ingredient
Si Pete Rock est considéré à l’heure actuelle comme l’un des meilleurs producteurs des USA, collaborant avec les plus grands, ça n’est pas un pur hasard de circonstances. Par exemple l’adulation dont bénéficient Puff Daddy ou Dr. Dre a largement été conditionnée par une campagne marketing, chose dont Pete Rock lui n’a jamais eu besoin. C’est en 1994 sur « The Main Ingredient », après quelques timides ébauches, qu’il dévoile enfin sa science du sampler sur un album maîtrisé de bout en bout. Cerise sur le gâteau, il s’y associe au rappeur CL Smooth, un mc depuis trop longtemps sous-estimé.
Kurtis Blow
The Breaks
Kurtis Blow a commencé à faire du hip-hop à Harlem en 1977 et n’a donc de leçons à recevoir de personne. En 1979 il se fait remarquer par Mercury et devient donc le premier rappeur signé sur major. Il sort son premier album « Christmas Rappin’ » en 1980 qui obtient un bon accueil. En 1982, il sort son disque majeur, « The Breaks », dont le titre éponyme fera le tour de toutes les radios de New-York. Old school au vrai sens du terme, Kurtis Blow est à la croisée du rap et du funk. Le sampler ne s’est pas encore complètement démocratisé et tout est donc réellement joué façon Funkadelic. Kurtis Blow a maintenant huit albums au compteur mais la plupart sont sans intérêt. Il continue de produire des compilations rétrospectives afin de faire connaître au plus grand nombre les âges préhistoriques de la musique rap.
The Jungle Brothers
Straight Out The Jungle
The Jungle Brothers, groupe de Long Island composé des rappeurs Mike G et Afrika ainsi que de Dj Sammy B sortent leur « Straight Out The Jungle » en 1988, classique du genre inventé par les Native Tongues. Les albums qui suivirent ne furent malheureusement pas du même accabit, le groupe s’étant attaché à la house et à la musique dance : il tenta logiquement une hybridation peu mémorable entre le rap et ces courants. Néanmoins, fonky et ouverts à toutes les expériences, The Jungle Brothers séduisent les personnalités de la musique électroniques et se font remixer par des pointures comme Wiseguys, Terranova ou Stereo Mc’s. Il faudra attendre 1999 pour que The Jungle Brothers ponde un second bon album, un « VIP » très influencé par la jungle, leur nouvel focus musical.
Snoop Doggy Dog
Doggystyle
Tout le monde connaît Snoop Doggy Dog, et c’est bien dommage serait-on tenté de dire. Et si aujourd’hui le chien au flow nonchalant pollue les ondes d’une marmelade indigeste, et vend à des millions d’exemplaires ses défécations à un public d’adolescentes rebelles et de futurs braqueurs de taxi, il serait pourtant hypocrite d’ignorer son « Doggystyle » de 1993, le plus célèbre disque du label West-Coast Death Row. Historiquement voilà le premier album de rap à s’être classé premier dans les charts dès sa sortie : il faut dire que les accusations de meurtre tournant autour de son auteur ont facilité la publicité gratuite. Macho et gangster comme le réclame n’importe quel classique du G-Fonk, Snoop Doggy Dog, rappeur médiocre, ne devra le succès de cet opus et sa pérennité dans les mémoires qu’à la production impeccable d’un Dr. Dre en forme. Un succès largement provoqué par le single Gin And Juice au propos bien lourdaud comme l’impose le genre. A noter aussi que cet angélique rappeur produit des films pornos en série et que ces derniers lui mettent du caviar dans l’assiette.
Divine Styler
Directrix
Divine Styler est un peu comme une légende vivante, c’est un incompréhensible mystère. Ex-membre du Rhyme Syndicate de Ice-Cube, ce rappeur est à mille lieux de tous les autres, à mille lieux des clichés inhérents au hip-hop. Fort d’un premier album solo paru en 1989 et avec dix ans d’avance sur son temps au niveau du traitement des samples, le mc a continué sur la voie de l’expérimentation : son second album ressemble à du free jazz industriel et destabilise tout ceux qui s’attendaient à du rap West-Coast. Divine Styler devient un temps malfrat et deale de la drogue en bas de chez lui, ce qui lui vaudra quatre ans de placard. C’est en prison qu’il se convertit à l’Islam et devient un androïde métaphysique. En l’an 2000 il sort sur Mo’Wax son troisième opus « Directrix », sorte de jeu vidéo infernal où critique politique côtoie ésotérisme pur, un chef-d’œuvre total et avant-gardiste qui malheureusement passa tout à fait inaperçu. Physical primitive !
Puff Daddy
No Way Out
Ca me fait très mal au cul de devoir évoquer Puff Daddy alors faisons vite. Celui que l’on surnomme aussi P. Diddy est à l’origine producteur pour d’autres artistes aussi sirupeux et nuisibles à l’humanité que 112, Mase ou Faith Evans. Sa structure Bad Boys Records se charge dès 1993 de vendre aux adolescents tout ce que le rap produit de plus mauvais ainsi que de nombreuses déjections fécales à base de R’n’B. Il faudra attendre 1997 et l’album « No Way Out » pour que Puff Daddy se décide à nous empoisonner en personne avec de la compote de pomme en bonne et dûe forme et des reprises de standards pop-rock. Les deux albums solos qui suivront celui-ci et des dizaines de sorties parallèles feront de Puff Daddy l’un des rappeurs les plus riches de toute l’Amérique, sinon le plus riche. Et pendant que cet imposteur parade avec l’amibe Mariah Carey et des pédophiles du genre R. Kelly, se sortant à tous les coups de ses hebdomadaires procès pour meurtres, Bad Boys Records enfle encore et pourrit toute une culture.
Lewis Parker
Masquerades And Silhouettes
Si chacun connaît le trip-hop bristolien de Massive Attack, en revanche tout le monde ne sait pas qu’un rappeur, et un bon de surcroît, a été signé sur leur label Melankolik. Ce rappeur c’est Lewis Parker, un anglais bien sûr et qui donnera de la substance à ceux qui aiment le rap teinté de violon et de nappes électroniques. Poétique et bien loin des préoccupations de crapules de ses semblables, Lewis Parker propose avec « Masquerades And Silhouettes » son premier et meilleur album. Huit titres seulement, mais animés par une beauté propre au trip-hop anglais, conduisent ce disque à rejoindre les tout meilleurs éléments de 1998.
Gil Scott Heron
Pieces Of A Man
Grand poète noir, musicien talentueux et écrivain, Gil Scott Heron est certainement l’un des précurseurs du rap admis comme tel. L’écriture, son premier amour, le détournera de ses brillantes études mais la musique prendra finalement le pas sur sa première passion. Initiateur du spoken word, courant poétique et littéraire du rap, à l’image des Last Poets, Gil Scott Heron préfigurera le rap dès 1970 au travers d’une musique moitié afro moitié funk et surtout d’une mise en avant du texte dans ses chansons. « Pieces Of Man » en 1971 est considéré par ses fans comme son tout meilleur disque.
Swollen Members
Balance
Les Swollen Members ont beau être résidents du Canada et plus précisément de Vancouver, ils sont dès le départ affiliés à toute la West-Coast alternative de la fin des années 90 et au puissant label Battle Axe. Les deux rappeurs Prevail et Madchild, épaulés sur « Balance » de Zodak et Dj Vadim, sortie Jazz Fudge oblige, sont en effet les plus proches amis des Dilated Peoples et n’en sont pas très éloignés artistiquement parlant. Cependant, ce petit chef-d’œuvre de 1999 est de loin le meilleur disque sorti par les deux formations. Près de ving titres absolument géniaux le composent, parsemés de collaborations prestigieuses avec la crème de l’underground de la Bay Area. Les albums suivants des Swollen Members, dont le très honorable « Bad Dreams », ne parviendront toutefois jamais à égaliser la première référence.
Sound Bombing
Volume One
« Sound Bombing » est peut-être la compilation la plus importante du hip-hop américain. Parue en 1997, elle draînait derrière elle toute la scène indépendante de l’époque, et particulièrement celle du mythique label Rawkus sur lequel elle est sortie. Des gens aussi incontournables que Company Flow, Mos Def, Talib Kweli, RA The Rugged Man, Hi-Tek et Sir Menelik ont été révélés à travers cette compilation, qui cerise sur le gâteau est mixée par Dj Evil Dee, le légendaire platiniste de Black Moon. Le mix est impeccable, le contenu carrément un best-of underground, et le tout capital.
Dj Shadow
Endtroducing
Qui se doute en 1996 que Dj Shadow, un blanc bec né à Los Angeles et jusque là connu de quelques rares initiés, va révolutionner le monde du hip-hop sur un label trip-hop nommé Mo’Wax ? « Endtroducing » est le plus grand disque d’abstract hip-hop de tous les temps, et l’un des dix disques cruciaux des années 90 tout genres musicaux confondus. La dextérité, l’imagination et la force intrinsèque de cet album laissent pantois. Entre beauté confondante et scratches puristes, Dj Shadow varie les ambiances et culmine sur un Midnight In A Perfect World d’anthologie. Cet ex-fan de Metallica signe là l’ouvrage ultime et ouvre une porte à sa carrière internationale, devenant une vedette dans toute l’Europe et au Japon. Sa participation au projet hip-pop UNKLE deux ans plus tard et son second album « The Private Press » lâché en 2002 ne démériteront pas de ses anciens travaux. Dj Shadow est culte pour l’éternité.
2Pac
All Eyez On Me
Fils d’une membre du parti révolutionnaire Black Panthers, Tupac Shakur dit 2Pac tente de survivre dans Harlem en pratiquant le théâtre. Devant à chaque fois abandonner tout ce qu’il entreprend à cause de multiples déménagements forcés, l’adolescent finit par faire comme tout le monde, c’est-à-dire dealer de la drogue à droite à gauche. Il sort de son gouffre financier en 1991 suite au succès faramineux de son premier album « 2Pacalypse Now », mais ça n’est que le début d’un nouveau merdier. Fustigé par le vice-président des Etats-Unis lui-même, boycotté par plusieurs radios, poursuivi par des gangs, calomnié par sa mère dans les médias, mêlé à des fusillades meurtrières, accusé de viol, puis d’avoir ouvert le feu sur un policier, puis d’avoir violenté Janet Jackson sur le plateau de leur film commun, le rappeur accumule encore et encore tous les suffrages commerciaux mais sa vie privée est un inextricable foutoir. Le quatrième album solo de 2Pac, « All Eyez On Me » paraît en 1996 et deviendra culte pour de très inattendues raisons : en septembre de la même année, 2Pac est assassiné à Las Vegas par des hommes non-identifiés armés de uzis. Sa mort sera récupérée commercialement au travers de disques posthumes, de vidéos et de t-shirts qu’arboreront toute une jeunesse particulièrement en France, persuadée que 2Pac était un type bien, comme tous les gens assassinés c’est bien connu. La culture Skyrock se charge de perpétuer la démagogie 2Pac.
Boogie Down Productions
Criminal Minded
Boogie Down Productions, souvent contracté BDP, est un collectif made in New-York dont il serait trop épuisant d’énumérer tous les membres. Un collectif qui fait partie de la longue liste de pionniers que comporte déjà le hip-hop américain. Gravitant essentiellement autour de KRS-One, Boogie Down Productions fait référence au Bronx, appelé Boogie dans le jargon du ghetto et s’attache d’ailleurs à défendre son quartier envers et contre tout. Le crew lance la polémique et réfute les dires du camp adverse : le rap est né dans le South Bronx, et non pas au Queen’s Bridge. « Criminal Minded » en 1987 est le premier album du collectif, et comporte d’importants classiques comme South Bronx, hommage au ghetto éponyme. Après cinqs albums au son rustique, la famille se disloque et chacun part rapper de son côté. Pour KRS-One, c’est le début d’une carrière solo couronnée de succès.
Tommy Boy
Greatest Beats
Tommy Boy n’est pas un rappeur mais le premier grand label rap américain, créé par Tom Silvermann en 1981. En plus d’être une pionnière du rap, la structure, ouverte, peut également se targuer d’avoir démocratisée la techno et quelques titres sur le « Greatest Beats » de 1999 le font savoir. Cette quadruple compilation, existant aussi en format plus court, retrace quinze années d’un label qui aura permis à plusieurs grands noms de s’exprimer, à l’image de De La Soul, House Of Pain ou Afrika Bambaata et son célèbre Planet Rock samplé sur Kraftwerk et titanesque trou financier du label du fait des incommensurables royalties exigés par les monstres de la musique électronique. Décrite par ses artisans comme de l’electro hip-hop façon New-York, la musique de Tommy Boy se situe à la frontière du funk, du rap et du disco. Mais dès 1994, la maison part en vrille en accueillant en son sein tout un tas de rappeurs de pacotille comme l’infâme Coolio.
Redman
Whut’s Thee Album
Membre du Hit Squad, la famille créée par EMPD, Redman diffère de ses mentors par un timbre de voix rugueux, une attirance revendiquée pour le cannabis et toutes ses variantes et un bonnet rouge qui a toujours fait la spécificité de sa tronche d’allumé. Féroce et totalement fou, Redman passe pour l’un des premiers rappeurs décalés à ne pas choisir la voie du gigolo de service, mais au contraire tire de sa folie une colère et un cynisme régénérateur. Son premier long format « Whut’s Thee Album » en 1992, l’un de ses meilleurs, a fait de lui l’une des valeurs sûres de New-York. Ami de Method Man du Wu-Tang Clan avec lequel il collabore souvent à des disques parallèles, Redman est l’un des rares rappeurs à toujours être apprécié du public dur malgré quatre albums au grand succès populaire et médiatique.
Cannibal Ox
The Cold Vein
Cannibal Ox est Vast Aire et Vordul. Cannibal Ox fut membre de la Atoms Family. En 2000, Cannibal Ox est signé sur Def Jux. L’intégralité de leur album « The Cold Vein », sorti un an plus tard, a été produite par El-P, ex-producteur de génie et membre fondateur du groupe culte Company Flow. Le disque obtient une critique unanime de la part de la presse et du public backpacker. Le rap intellectuel et futuriste de Cannibal Ox ne laisse pas indifférent. Pour preuve, l’ouvrage du groupe a été sacré meilleur disque de l’année 2001 par de nombreux spécialistes très spécialisés en spécialité.
Blackalicious
Nia
Réunion de Chief Xcel et Gift Of Gab, deux rappeurs de Los Angeles aux aspirations soul, qui se démarqueront de la mode bitches and guns en vigueur dans leur zone géographique. Leur rap est intelligent et positif, en conformité avec la sagesse des anciens, mais toujours habité d’egotrip certes. En 1994, ils sortent un premier mini-album remarquable, co-produit par Dj Shadow, le puissant « Melodica ». En 1999, ils récidivent avec « Nia », un superbe disque qui respire la musique noire de toutes parts et fait honneur à Mo’Wax. La suite de leur parcours, notamment l’album un peu plus electro « Blazing Arrow », s’avèrera nettement moins intéressant, mais on attend la suite pour confirmer la baisse de niveau.
Dj Jazzy Jeff & The Fresh Prince
And In This Corner...
De gré ou de force, on est contraint d’évoquer le « And In This Corner… » de Dj Jazzy Jeff & The Fresh Prince en 1989. The Fresh Prince est plus connu actuellement sous le nom de Will Smith, ce grand acteur qui ne joue que dans des films métaphysiques, veut intégrer la Maison Blanche et lâche de temps en temps un album de pop, pardon de rap, à NRJ. Avant de devenir l’idole des Modern Talking, The Fresh Prince avait pourtant fait quelques trucs sympas en duo avec son pote Dj Jazzy Jeff, un excellent platiniste qui lui mérite tous les hommages. Malheureusement ce grand homme a toujours eu le chic pour finir avec les plus gros ratés et seule sa carrière solo l’en libèrera un peu. On en revient donc à son duo avec Will Smith, honnête groupe de divertissement que l’on croirait échappé de Tommy Boy, et qui a fait danser petits et grands sur leur rap festif et enjoué durant trois albums.
Jurassic Five
LP
Jurassic Five, inspirateur des Pharcyde et autres Dilated Peoples, demeure l’un des rares groupes encore fonky aux USA. Quatre albums après leurs débuts, on ne se lasse toujours pas des deux premiers, et surtout de « LP » paru en 1998 et triomphant du tube Jayou. Les quatre rappeurs de la clique West-Coast fan de East-Coast se font appeler Chali 2na, Akil, Marc 7 et Zaakir. Les deux platinistes du groupe, Nu-Mark et l’extraordinaire Cut Chemist, s’occupent des beat et bien sûr du djing. Sans jamais perdre de sa fraîcheur, Jurassic Five s’est pourtant mis à traiter sans lourdeur de sujets plus graves à partir de « Power In Numbers », évoquant la dette du Tiers-Monde et les conditions de vie dans les prisons américaines. Ces textes plus réfléchis n’ont cependant pas comblé une petite régression au niveau de la production du groupe.
Dj Q-Bert
Wave Twisters
« Wave Twisters », référence au son si bizarroïde du scratch, sied à merveille comme titre de l’album solo de Dj Q-Bert. Maître incontesté du turntablism, discipline un chouilla plus technique que le djing, Dj Q-Bert a fait ses armes durant plusieurs années en featuring et en festivals au sein du défunt crew des Invisible Skratch Piklz. Paru en 1999, son disque réservé à un public initié remet le dj au centre des préoccupations, au travers de nombreux titres plus spatiaux les uns que les autres. Dj Q-Bert est l’une des nombreuses sommités des platines à apparaître dans le film SCRATCH.
Lyricist Lounge
Volume One
Il fallait le faire et seul le label Rawkus a osé : enregistrer les sessions du Lyricist Lounge, ces soirées live du club The Muse où parfaits inconnus et rappeurs confirmés se confondent et prennent tour à tour le micro pour des freestyles endiablés et énergiques. Ici, une belle tripotée de mc’s jamais entendus donc, mais également des apparitions de Mos Def, KRS-One, De La Soul, Talib Kweli, Kool Keith et même Zach De La Rocha ! « Lyricist Lounge » double cd au packaging superbe et qui confirme encore qu’avant sa couillade dans le monde de l’entertainment, Rawkus représentait le vrai hip-hop.
Eminem
The Marshall Mathers LP
Un petit blanc, suite à toute une série de plaies familiales dignes de la pire des dramaturgies classiques, grandit à Detroit au milieu d’enfants noirs qui passent leurs journées à le passer à tabac. Entre ses comas et blessures à répétition, la dépendance à la drogue de sa mère et l’assassinat de ses proches, le jeune Eminem cherche à fuir sa vie lamentable dans le rap. Il sort quelques années plus tard un premier album minable qui croupit encore sous la poussière de l’indifférence. Puis il trouve le concept de Slim Shady, son alter-ego maléfique au langage cru, son prétexte idéal à cracher sur tout et tout le monde, à hurler ses textes misogynes et haineux à tout va. En 1999, après s’être associé à Dr. Dre, il explose dans les charts et obtient prématurément la gloire avec son second long format « The Slim Shady LP ». L’année suivante, il sort son meilleur disque, le plus introspectif et le plus méchant, « The Marshall Mathers LP », qui finalise une ascension fulgurante. Le handicap de peau d’Eminem devient son principal atout, puisqu’il devient du coup Le Blanc Produit Par Dr. Dre. Mais Eminem dérange les puristes, devenu une icône pop et la Britney Spears du rap, récupéré de gré par des gamines en chaleur et par MTV. Et pendant qu’Eminem continue d’accumuler des centaines de millions de dollars grâce à son opus de 2002 et son film pseudo-biographique, les vrais Bboys le boudent tous en chœur. Alors que retenir de ce demi-artiste ? Un bon troisième disque et l’histoire incroyable d’un gamin pauvre et dépressif devenu popstar riche et adulée.
Run DMC
Run DMC
Run DMC est le groupe grand-public qui popularisa le rap aux USA, en encastrant pour la première fois cette musique dans les grilles de MTV jusque là occupées par du rock. Run DMC c’est commercial, fun, mais plein de bons sentiments. C’est encore gorgé de rock et de funk, et c’est éminemment positif. « Run DMC », premier opus éponyme incluant le classique des Bboys It’s Like That, sera le premier volet en 1984 d’une série de sept albums à succès. Run, DMC et Dj Jam Master Jay comprennent que c’est en s’associant au monde du cinéma qu’ils toucheront le plus de monde. Le groupe produit alors des films et s’engage sur beaucoup de BOs. Mais malgré le message festif de la bande, leurs concerts partent souvent en baston générale et même en fusillade, ce qui contribue à donner une mauvaise image du rap aux médias. En octobre 2002, alors que le groupe désirait enregistrer un dernier album pour conclure sa carrière de vingt ans, Jam Master Jay est lâchement assassiné de plusieurs balles dans le buste. Il rejoint alors la longue liste des macchabés du hip-hop tués par des gangs rivaux, et devient un symbole. Les deux membres restants, dégoûtés, décident de ne pas continuer Run DMC sans leur dj. Le duo du groupe avec Aerosmith aura popularisé le mélange des styles si banal dix ans plus tard. A noter que Run est également le co-créateur de Def Jam, le plus grand label de l’histoire du rap, qui avant sa dégringolade artistique a cumulé dans ses rangs Run DMC, Public Enemy, Beastie Boys ou encore EPMD.
Edan
Primitive Plus
Edan en bonne machine à tout faire rappe, produit, scratche, graffe et pratique le beatboxing. Ce jeune blanc de Boston fan de KRS-One et de Kool G Rap a réussi en 2002 un exploit presque impossible. Sortir via « Primitive Plus » un album combinant expérimentations avant-gardistes et esprit old school, le tout auto-produit sur un petit label indépendant. Une suite logique pour ce passionné qui vendait son premier album aujourd’hui introuvable dans la rue, copié sur de misérables CD-R. Le revival du hip-hop en somme, et une fort belle pièce d’inventivité, loin du rap soit-disant alternatif dont M6 diffuse les clips en boucle avec l’amitié financière d’Universal.
Cypress Hill
Black Sunday
On ne peut pas passer à côté de l’un des deux groupes latinos américains à avoir marqué le hip-hop. Le rappeur nasillard B-Real a beau vivre dans les quartiers chauds de Los Angeles, le son qu’il prodigue à travers Cypress Hill n’a rien de West-Coast. Une carrière débutée en 1991. A l’heure actuelle près de vingt millions d’albums vendus. Et comme pierre angulaire de l’œuvre de ces partisans farouches de la légalisation du cannabis, le terrible « Black Sunday » de 1993, comportant entre autres tubes légendaires Insane In The Brain, un titre de tarés. Dj Muggs variera par la suite ses compositions, lorsque Cypress Hill s’apercevra de la large audience rock qui les apprécie. Résultat, des guitares électriques et des morceaux neo-metal apparaissent en pagaille dès le cinquième album, « Skull And Bones ».
The Last Poets
The Last Poets
A la fin des années 60, une nouvelle jeunesse noire voit le jour dans les ghettos. Plutôt que de se refermer sur soi-même, de sombrer dans le crime et la drogue ou de terminer balayeurs, cette jeunesse prône l’instruction et la connaissance du passé comme salut. Pionniers du spoken word, cette poésie scandée prémice du hip-hop, The Last Poets est un peu la face artistique d’un discours de Malcolm X. Engagés, culturels, les textes de la bande ont ouvert la voie au rap actuel et marqués l’avènement du spoken word et du slam, de Gil Scott Heron dans les années 70 à Saul Williams en l’an 2000. « The Last Poets », éponyme et premier album du genre paru en 1970 est bien trop peu connu alors qu’il présente déjà des rythmes tribaux presque rap.
Dj Vadim
USSR : Life From The Other Side
D’origine russe mais naturalisé anglais, Dj Vadim est le prodige abstract hip-hop de Ninja Tune. Erudit intégral du hip-hop underground, le monsieur est également le patron du très bon label indépendant Jazz Fudge, qui se présente comme un support au rap anglais expérimental. « USSR : Life From The Other Side » est son second album, le plus remarqué et celui qui a compté dans l’histoire de Ninja Tune. Parcouru de featuring prestigieux, le disque date de 1999 mais n’est pas prêt de vieillir. En 2002, Dj Vadim récidive et largue un « USSR : The Art Of Listening » encore plus abouti que son prédécesseur, mais curieusement moins considéré.
Wild Style
The Soundtrack
Let’s take it back to the old school. En 1981, Charlie Ahearn met en chantier un film à petit budget nommé WILD STYLE et consacré à la culture hip-hop naissante dans le Bronx. Ce film, considéré à l’époque comme un navet de première, fit un bide monumental et disparut longtemps des mémoires, avant d’éclater au grand jour lorsque la nouvelle génération hip-hop voulut revenir en arrière pour s’imprégner des bases. Depuis, c’est le film culte de tous les Bboys. La BO « Wild Style » quant à elle traduit fidèlement l’ambiance du film : freestyles improvisés dans la rue, beatbox, djing. On y croise même des légendes comme GrandMaster Flash ou le Rock Steady Crew.
Necro
I Need Drugs
A des années-lumières d’Eminem et de sa petite provocation pour minettes, la East-Coast a accouché du Mal en personne. Sorte de Marilyn Manson du rap mais en nettement plus gore et pornographique, Necro est le rappeur extrême de la décennie, cultivant tout un amas de clichés gothiques et décadents. Patron du label indépendant Psycho+Logical, il est également un producteur hors-pair, créant des ambiances morbides avec de simples boucles finement trouvées, ayant fait le succès de sommités de l’underground comme Cage ou les Non-Phixion. Si le bonhomme sort des maxis dès 1998, son premier et meilleur album « I Need Drugs » paraît lui en 2000 et explose les normes textuelles du rap en vigueur. Entre récits de fellation dans un cimetière et de massacres à la tronçonneuse, Necro a su s’attirer un public backpacker et pas mal de dérangés misogynes.
Buck 65
Square
Buck 65 n’est pas seulement le meilleur mc canadien, c’est aussi l’un des plus grands mc’s modernes. Plus inspiré par le rock progressif et Tom Waits que par Gangstarr, Buck 65 a déjà cinq albums à son actif alors qu’il n’officie que depuis 1998. Ses disques, sortis dans une confidentialité propre à l’underground et largement promotionnés par Anticon, ont depuis été réédités en major. L’occasion idéale de constater la progression opérée entre les très différents « Vertex » et « Square ». On retiendra essentiellement ce dernier pour sa qualité musicale effarante et sa découpe très particulière, en quatre titres de quinze minutes chacun. Des titres évolutifs, complexes, parfois froids, souvent beaux et tout le temps novateurs.
Common Sense
Resurrection
Le conscious rap, sorte de rap posé et raisonnable, pour ne pas dire intelligent a trouvé en Common son meilleur représentant actuel avec Mos Def et Black Thought. Très marqué par les années 60 et leur soul émouvante, Common puise dans les racines de la musique noire pour fournir un rap humaniste et finalement assez beau. La morale presque puritaine qu’il nous offre dans ses morceaux contraste beaucoup avec le mentalité dominante dans le hip-hop : respectez les femmes, la Nature, aimez vos enfants, Dieu, et cultivez-vous. De ses cinq albums on retiendra surtout ce « Resurrection » paru en 1994 ainsi que le très beau et très black « Like Water For Chocolate » de 2000. On oubliera en revanche son dernier disque en date, « Electric Circus », qui accuse une sévère baisse de qualité.
Deltron 3030
Deltron 3030
Incroyable coalition que celle proposée par « Deltron 3030 », meilleur album-concept sorti jusque là dans le monde du rap et inspiré par Kool Keith. Brodé sur une histoire de science-fiction se déroulant logiquement en l’an 3030, l’album réunit Del Tha Funky Homosapien, l’un des tout meilleurs mc de la décennie, Dan The Automator, producteur nippo-américain exceptionnel très prisé du monde du trip-hop, et le dj farfelu Kid Koala du clan Ninja Tune. Ces trois professionnels livrent en 2000 un disque complet aux ambiances variées, tellement abouti qu’il en ressortira plus tard une version instrumentale. Bien entendu, encore un disque que personne ne connaît.
Marley Marl
In Control 1
Même si les jeunes drogués à MTV et à Puff Daddy n’ont rien à foutre de Marley Marl le dinosaure, certains n’ont pas encore oublié ce producteur et son apport à l’histoire du hip-hop. Ce gaillard du Queen’s Bridge, émérite de la old school et fondateur du Juice Crew, a produit des titres pour Roxanne Shante, Eric B & Rakim, Heavy D et a entre autres lancé Big Daddy Kane et Biz Markie. Des beat fonky et entraînants comme l’impose l’époque. Soutenu par le label Cold Chillin’, Marley Marl sort en 1988 « In Control 1 », historiquement le premier album de producteur rap, et bien évidemment une réussite complète. La suite du parcours solo de Marley Marl ne sera pas aussi glorieuse et il quittera le devant de la scène pour revenir à l’underground en animant des émissions radios hip-hop locales. Il reste cependant un exemple et le mentor spirituel de gens comme Dj Premier et Pete Rock.
Gunshot
Patriot Games
A vrai dire, je ne sais pas grand-chose sur Gunshot. Sinon qu’ils viennent de Londres et qu’ils y ont été des piliers de la old school. Il semblerait que « Patriot Games » en 1993 soit leur premier véritable album. Un album qui tape à l’ancienne et assez agressif, appartenant à la mouvance hardcore et revendicative. En tout cas de véritables pionniers en Angleterre si l’on en croit les gens qui étaient sur place, en contact permanent avec d’autres pionniers, ceux du London Posse. Gunshot est revenu livrer un dernier bon album en 2000 mais la mode n’étant plus au rap engagé il a peu vendu.
Company Flow
Funcrusher Plus
En 1997, un disque va changer à tout jamais l’histoire du hip-hop et symboliser l’étendard d’une nouvelle exigence. Ce disque, c’est « Funcrusher Plus » de Company Flow. Aucun Anticon, aucun Antipop Consortium, aucun label tel que Big Dada ou Mush Records n’existeraient sans l’intervention de ce disque culte, produit par un groupe culte sur un label culte. Company Flow mélange le rap de New-York à des ambiances de films noirs, à des sons mécaniques destructurés, aux scratches hardcore de Mr. Len. Les rappeurs El-P et Bigg Jus, dont le premier est également producteur génial de ce recueil, rentrent de force le hip-hop dans une nouvelle dimension, se servant de la science-fiction pour propager des textes politiques et effrayants. Suivra en 1999 « Little Johnny From The Hospital », un album instrumental sidérant de noirceur, toujours signé sur Rawkus. Par la suite, Company Flow se disloque, El-P et Bigg Jus partent chacun de leur côté créer leur label : le célèbre Def Jux pour le premier et le moins connu Subverse pour le second. Le groupe laisse derrière lui l’un des disques les plus importants du rap international.
Killa Kela
The Permanent Marker
Tout le monde n’entre pas comme ça au sein du Rock Steady Crew, cette communauté active depuis les origines du hip-hop, pluri-disciplinaire et continuellement renouvelable, défendant une image saine et positive du mouvement. Killa Kela lui, y est entré. Beatboxer d’exception, c’est-à-dire qu’il fait sa musique rap à la bouche, il est de plus en plus sollicité en soirées ou en featuring sur les disques d’autrui. Cador de son domaine, il a trouvé en Jazz Fudge la seule structure apte à l’accueillir pour un disque de ses performances vocales hip-hop et drum’n’bass. « The Permanent Marker » a marqué l’année 2002 d’un nouveau pas en avant pour le beatboxing.
Missy Elliott
Supa Dupa Fly
Seule rappeuse grand-public dotée d’un minimum d’intérêt, Missy Elliott possède aujourd’hui la gloire et l’argent, acquis via quatre albums au succès populaire largement aidé par MTV. Trop enrobée pour jouer les lolitas et tortiller du cul façon Foxi Brown, c’est son sens de l’humour que Missy Elliott a dû mettre en avant pour convaincre les acheteurs mâles. Quant à devoir choisir un album de la dame, autant mentionner le « Supa Dupa Fly » de 1997, que l’on peut légitimement considérer comme le premier album de rap américain correct fourni par un individu de chromosomes XX.
KRS-One
Return Of The Boom Bap
KRS-One a vécu dans la rue, au sens propre du terme. Il quitte le domicile de sa mère dès l’âge de quatorze ans, devenant une sorte de SDF juvénile. C’est Scott LaRock qui le ramasse près des poubelles et l’encourage à faire du rap, au sein du groupe Boogie Down Productions dès 1986. Après le meurtre de Scott LaRock et quatre autres albums du crew, KRS-One pour Knowledge Reigns Supreme Over Nearly One, engage une carrière solo dont « Return Of The Boom Bap » est le premier épisode. Un classique bien sûr, dans lequel chacun connaît peut-être sans le savoir le titre de légende Sound Of Da Police. KRS-One, surnommé le Teacher et très influencé par les mythes du reggae, fait du rap social et engagé un principe fondamental et se refuse à parler pour ne rien dire. Il est l’un des fondateurs du Temple Of Hip-Hop, association de rappeurs régis par la clause de faire du hip-hop non-futile, et le promoteur de l’Edutainment dans le rap, c’est-à-dire un rap à la fois distrayant et éducatif. Cette éducation, il la prodigue aussi dans les conférences qu’il tient dans de nombreuses Universités noires et dans son dernier album en date « Spiritual Minded », où il se refuse à se réjouir du drame du World Trade Center, contrairement à nombre de ses collègues. Il fut l’un des créateurs du mouvement Stop The Violence, destiné à faire jeter leurs armes aux jeunes noirs engrainés dans les guerres de gangs. Aujourd’hui encore et malgré quelques écarts commerciaux douteux, KRS-One demeure un très grand du rap américain.
Dr. Octagon
Ecologyst
Kool Keith n’est pas n’importe quel rappeur noir de ghetto qui jouerait au thugz avec des flingues en plastique. Leader des Ultramagnetic Mc’s, changeant de nom à volonté pour se muer en Black Elvis ou en Dr. Octagon selon son humeur, quand il ne tue pas lui-même ses propres personnages. Pionnier du rap science-fictionnel et surréaliste. « Ecologyst » est splendide. Il a lancé dès 1998 la mode insistante des albums-concept dans le hip-hop. Il comprend également une apparition bienvenue de Dj Shadow et d’autres guest à pleurer. Il restera comme un prodige du rap indépendant, et motivera la sortie de pas mal d’autres disques du même genre.
NWA
Straight Outta Compton
A l’heure où Public Enemy appelait à stopper la violence dans les ghettos, NWA au contraire lançait un tout autre message de l’autre côté de l’Amérique : levez vos flingues en l’air et canardez, baisez tout ce qui bouge, foutez le merdier dès que vous le pourrez. Cette doctrine nocive qui généra le succès du gangsta rap fut prise très au sérieux par le FBI qui menaça le groupe de représailles au cas où ce dernier ne se calmerait pas ! Pourtant NWA ne s’est jamais vraiment adouci. Sur le second et seul album culte des cinq Niggaz With Attitude, « Straight Outta Compton » de 1988, le balèse Fuck Tha Police cartonne au nez de l’Etat. Eazy-E, leader immoral jusqu’au plus profond de son être, se complaira dans un hip-hop sulfureux jusqu’au départ crucial d’Ice-Cube en 1989. Après cet évènement, NWA devient involontairement parodique, ridicule et n’inquiète plus personne. Et c’en est fini de lui lorsque même Dr. Dre le quitte pour fonder son label.
Biz Markie
The Biz Never Sleeps
Biz Markie commence à rapper dans les clubs dès 1980 et sort sa première demo en 1985 grâce à Marley Marl. Signé sur Cold Chillin’, il sort en 1988 « Goin’Off », son premier album. Son deuxième opus, le très comique « The Biz Never Sleeps » est un total succès, pérennisant le style humoristique propre au rappeur. Biz Markie cependant ne tiendra pas la route du succès longtemps : son troisième album est retiré des disquaires à cause de problèmes de samples, et le public l’oublie. Ressuscité par un label allemand généreux, Biz Markie est toujours actif à l’heure actuelle mais ne vend plus, et son style de rap rigolo a largement disparu aux USA.
X-Ecutioners
X-Pressions
Les X-Ecutioners sont le plus légendaire crew de djs du hip-hop new-yorkais, composé dans sa forme actuelle de quatre membres : Rob Swift, Roc Raida, Mista Sinista et Eclipse. Ces quatre champions des platines, de nombreuses fois récompensés au DMC, le festival officiel de djing mondial, ont une réputation qui n’en finit pas de grandir partout aux USA. En 1997 ils sortent « X-Pressions », c’est-à-dire le premier album de djing. Carrément. Et sur major en plus, c’est à n’y rien comprendre. Cette pièce de qualité sera suivie d’un « Built From Scratch » en 2002, inférieur mais tout de même très bon. Les X-Ecutioners sortent également des compilations des meilleurs morceaux scratchés du rap américain et poursuivent des carrières solos réussies.
Mobb Deep
The Infamous
Duo à succès de la Côte Est et plus précisément du Queen’s Bridge, Mobb Deep est un cas un peu particulier puisqu’il prodigue depuis quelques années une attitude et des textes gangsta sur un son lugubre hors-propos. Longtemps, Havoc et Prodigy ont été des valeurs sûres qui, pensait-on, ne nous décevraient jamais. Après quatre albums à la qualité constante dont « The Infamous » est le meilleur élément, Mobb Deep sombre finalement dans la mouise R’n’B et le rap brouillon pour racailles dégénérées et avides de bounce. Evidemment et comme d’habitude, c’est au moment précis où le groupe devenait merdique que la France l’a consacré, et depuis plein de gaullois croient que c’est in d’aimer Mobb Deep.
The Notorious BIG
Ready To Die
The Notorious BIG, ex-dealer de shit devenu star mondiale dès 1994 grâce à son premier album « Ready To Die », porte bien son nom. Sa forte corpulence lui confère un timbre de voix bien particulier, et aujourd’hui sinistrement légendaire. Très intégré au sein du show-bizz avec ses amis Jay-Z et Puff Daddy, il est aussi l’un des principaux promoteurs du rap facile d’accès. Très apprécié par la communauté noire et par le grand-public, son second album « Life After Death » n’a toujours pas fini de se vendre. Et pour cause. En mars 1997, The Notorious BIG est abattu de plusieurs balles à la sortie d’une soirée. A l’instar de 2Pac, cette mort donnera lieu à de nombreux albums posthume ainsi qu’à un film biographique.
Grandmaster Flash & The Furious Five
Adventures On The Wheels Of Steel
The Message est le premier morceau de rap social à paraître en 1982, deux ans après le premier disque de Grandmaster Flash & The Furious Five. Grandmaster Flash, unique figure à retenir à tout prix de la old school avec Afrika Bambaata, n’est ni plus ni moins que l’un des inventeurs du mix, cette manœuvre aux platines qui aujourd’hui rythme à la fois le monde du hip-hop et celui de la techno. Il est aussi le premier à avoir détourné le rap de son aspect strictement ludique. Pour la première fois, le rap se trouvait un but, une vocation : décrire les turpitudes et malheurs d’une communauté dans un environnement social hostile. Fort d’une discographie épatante qu’il est inutile d’énumérer ici, Grandmaster Flash a récemment édité « Adventures On The Wheels Of Steel », un mix de ses grands morceaux conçu à l’ancienne, simulation des soirées dansantes improvisées par ses soins dans les rues du Bronx à la fin des années 70. L’emblême de Sugarhill n’est pas mort, ce faux best-of de 1999 le prouve.
The Fugees
The Score
Inutile de présenter l’album de rap américain le plus vendu de l’histoire, ni même le groupe qui en est l’auteur. Après un premier album peu remarqué et avant toute une gallerie d’horribles solos, The Fugees ont bien su remplir leur porte-monnaie avec « The Score ». Sur ce disque tout juste sympathique de 1996 qui ne doit son succès qu’à d’évidentes reprises de Bob Marley et The Delphonics, les haïtiens Wyclef Jean et Pras rappent comme ils le peuvent et Lauryn Hill pousse la chansonnette soul, certes avec brio. Mais le caractère social des textes du disque peine à réhausser son intérêt.
Arsonists
As The World Burns
Les Arsonists avaient nourri beaucoup d’espoirs dans l’underground depuis leurs premiers maxis parus en 1996 sur le bon label Fonde’em. En 1999 paraît « As The World Burns » et autant dire qu’il confirme tout à fait le talent précédemment entrevu chez ces fans de Mobb Deep. Un son clairement made in New-York, des morceaux plus conceptuels que la moyenne ne camouflent cependant pas un certain manque d’unité et des flows tout à fait corrects mais un peu banal. Mais il s’agit de chipotage car le tout est farouchement efficace et tient résolument bien la mesure face à l’impitoyable concurrence d’un Los Angeles en ébullition.
Anticon
Music For The Advancement Of Hip-Hop
Les bons disques d’Anticon sont tellement nombreux que seule une compilation représentative peut prétendre au rang d’ouvrage majeur du hip-hop. Anticon, groupe et label expérimental fondé en 1998 comporte huit membres principaux : Dose One, Alias, Sole, Odd Nosdam, Passage, Pedestrian, Jel et Why ?. Tous blancs, intellos, nerds, masturbateurs et responsables d’une centaine de disques super underground de la morkitu mega space à travers des dizaines de side-projects tous plus barjos les uns que les autres. Malgré son titre pompeux, « Music For The Advancement Of Hip-Hop » sort en 1999 et c’est une bonne compilation de présentation de ces nouveaux héros du hip-hop, le début d’une épopée sans pareille où l’on jeta le rap au milieu du carrefour de tous les genres musicaux. Cela dit, certaines expérimentations poussives risquent de mener le groupe vers un cul-de-sac inévitable d’ici quelques temps, enfin je pense.
Busta Rhymes
The Coming
Inutile de trop présenter Busta Rhymes, de toutes façons j’en ai pas envie. Ce résident de Brooklyn et ses longues dreadlocks rappent depuis 1990 au sein de The Leaders Of The New School, qui produira deux albums. En 1996, il sort un premier solo, « The Coming », très marqué d’influences jamaïcaines. Au fil des sorties, les ventes suivront une courbe ascendante, Busta Rhymes devenant rapidement l’un des grands représentants du rap grand-public avec d’autres minables du genre de Puff Daddy, Jay-Z ou Coolio. Maître des featuring commerciaux et des albums en demi-mesure jusqu’à son « Genesis » en 2001, Busta Rhymes a pour lui un débit très original et rapide.
Ice-T
O.G. : Original Gangsta
Originaire du New-Jersey, le jeune Ice-T perd vite ses parents dans un accident de voiture et se réfugie dans le rap pour oublier. Fasciné dès le milieu des années 80 par les malfrats, mafieux et autres proxénètes, il se créé vite une personnalité de gangster : sur ses pochettes d’albums se multiplient filles en string, gros flingues et villas luxueuses. Sans le savoir il a créé le gangsta rap, mais à ses textes de bandit il rajoute une dimension sociale que n’auront pas vraiment ses successeurs. Agressif, décadent, misogyne et n’ayant de cesse d’encourager à flinguer tous les flics, Ice-T sort l’album « Rhyme Pays » en 1987, premier d’une série de près de dix brûlots. Il obtient un succès faramineux avec « O.G. : Original Gangsta » en 1991, son disque le plus réussi et le plus polémique. Ice-T réussira même à toucher la jeunesse du public blanc au travers de sa carrière parallèle au sein de Body Count, son excellent groupe de metal furieux.
Wu-Tang Clan
Enter The Wu-Tang (36 Chambers)
Une présentation express s’impose. Le Wu-Tang Clan est un collectif géant originaire de New-York et composé au départ de neufs membres principaux : RZA, Method Man, GZA, Ol’Dirty Bastard, Raekwon, Ghostface Killah, Inspectah Deck, Masta Killah et U-God. « Enter The Wu-Tang (36 Chambers) » est le premier album du crew, paru en 1994 et considéré à l’unanimité comme un classique essentiel du hip-hop. Le succès de cet album, qui doit beaucoup au génie musical de la tête pensante RZA, est tel qu’il a refocalisé l’attention sur la East-Coast quand la mode était au gangsta rap de la Côte Ouest. S’ensuivra une longue série de carrières solos, de compilations, de bootlegs et de nouvelles recrues, inégales mais toutes couronnées de succès. L’Empire Shaolin du Wu-Tang Clan grandira encore en 1997 avec le très bon second album « Wu-Tang Forever » avant une période de stagnation dûe à la qualité très peu soutenue des deux derniers opus, selon toutes vraisemblances bâclés. Pour certains fans, le Wu-Tang Clan n’est ni plus ni moins que le plus grand groupe de rap de tous les temps.
EPMD
Business As Usual
Choisir un classique parmi la discographie d’un groupe comme EPMD n’est pas chose aisée puisque Erick Sermon aka E Double E et Parish Smith aka PMD collectionnent les classiques depuis 1988. Les cinq premiers albums du duo de Long Island sont en effet des incontournables, avec une légère préférence des spécialistes pour « Business As Usual », premier ouvrage à sortir sur le label Def Jam. Sur ce disque tout aussi fonky mais davantage street que les deux précédents, EPMD révèle également aux USA un futur leader hip-hop en la personne de Redman. Le mythe EPMD, marqué par des tubes intemporels, s’arrêtera en 1999 lorsqu’affaibli par leurs escapades en solitaire les deux amis livreront un album décevant au titre évocateur, « Out Of Business ». Difficile de croire à un redressement possible.
Black Moon
Enta Da Stage
Trois membres pour un groupe qui laissera sa marque longtemps sur les mentalités d’Outre-Atlantique. Originaires de Brooklyn, les Black Moon font du hip-hop authentique un principe, avec derrière les platines une sommité de l’underground, Dj Evil Dee. Les mc’s 5 Excellerator et Buckshot sont très loin de l’esprit paillettes et grosse bagnoles, leur style reste 100% ghetto. « Enta Da Stage » en 1993 marquera l’arrivée du crew de Black Moon sur le marché, le Boot Camp Click. Et les producteurs réunis sur ce premier long format sont en fait les futurs grands artisans réunis sous le nom de Beatminerz. La suite de la discographie Black Moon ne sera pas à la hauteur des espérances, mais reste qu’aujourd’hui encore des dizaines de rappeurs pompent allègrement les idées mises à jour dans ce premier essai.
Public Enemy
Fear Of A Black Planet
Certains me dépeceront quant au choix de cet album et non pas du précédent. Public Enemy est plus qu’un simple groupe de rap. Il s’agit du groupe de rap, le plus grand. Celui dont François Miterrand voulut interdire le concert au Zénith en 1991. Celui pour lequel chaque Etat américain prévoit une armée de policiers lors de ses tournées. Celui qui prône la prise de pouvoir des Noirs sur la Terre entière et dont chaque morceau est un nouveau pamphlet dirigé contre la Maison Blanche, contre les médias, contre l’ordre capitaliste mondial. Celui qui grâce à un esprit résolument rock où basses et guitares tiennent un rôle central, ont su conquérir un public diversifié, du noir des bas-fonds au blanc des quartiers chics. Celui dont le leader Chuck D s’adresse depuis 1987 et le premier album « Yo Bum Rush The Show » à la population noire du Bronx : arrêtez de vous entretuer, arrêtez l’héroïne, concentrez vos forces contre le Pouvoir ! Le titre Fight The Power est suffisamment explicite pour provoquer la censure des grands médias, mais Chuck D sait comment leur répondre, comment les dénoncer. Un grand nombre de morceaux seront consacrés à la manipulation télévisuelle, le rappeur instruit et instructeur décrivant leur méthode de propagation du conservatisme. Lors du passage à tabac de Rodney King par des policiers, Public Enemy est aux premières loges des manifestations. Lorsqu’il s’agit d’alerter l’opinion sur la situation des prisonniers politiques américains, de dénoncer la politique guerrière du Président Bush ou de vilipender Israël et ses colonies palestiniennes, Public Enemy est là. Chuck D et son acolyte Flavor Flav, soutenus par le génie sonore du Bomb Squad sont pris pour des prophètes dans les ghettos, tandis que le public blanc augmente en flèche grâce aux duos entre Public Enemy et des groupes de metal tels que Anthrax ou les gothiques de Sisters Of Mercy. En 1989 paraît « Fear Of A Black Planet », troisième album, le plus engagé du groupe et le plus abouti. La légère baisse de qualité suivant cet opus n’empêchera pas le groupe de poursuivre sa quête du Black Power durant six albums supplémentaires et un certain nombre de side-projects de qualité soutenue. Les sombres affaires de drogue et les accusations d’antisémitisme gravitant autour du groupe n’auront pas eu raison des Prophètes de la Rage.
Dilated Peoples
The Platform
Un premier album avorté pour causes de magouilles de la major Epic a conduit les futurs Dilated Peoples à ne se révéler que tardivement au public, c’est-à-dire en 1998 lors de ce glorieux « The Platform ». Dilated Peoples, groupe pluri-ethnique réunissant un blanc, un noir et un asiatique prouve alors à un pays incrédule que le hip-hop de la Côte Ouest ne se limite plus au gangsta rap de Death Row. Evidence, Iriscience et Dj Babu, proches du son Rawkus, constituent donc actuellement le groupe le plus new-yorkais de Los Angeles. Oui c’est con mais c’est comme ça, et en plus leur second album fut aussi à la hauteur de toutes les attentes. So now work the angles.
MF Doom
Operation Doomsday
« Operation Doomsday » est à peu près trouvable grâce à sa réédition que l’on doit au flair de Bigg Jus. MF Doom, pour Metal Finger et pour Doom le héros de comics, y livre un indispensable de 1999, gorgé de vieux samples soul et d’atmosphéres improbables. Cet album, premier essai solo d’un MF Doom lié entre autres aux Cenobites ou aux Arsonists, n’est qu’un exemple de choix parmi une discographie de bon goût. Rien de très étonnant à ce qu’un tel rappeur et producteur se fasse remarquer sur tous les projets les plus alternatifs, de Prefuse 73 en passant par The Herbaliser. Reste qu’il devient difficile de comprendre l’intégralité de la carrière labyrinthique de ce mc aux multiples alias : MF Doom, The Supervilain, King Geedorah ou Victor Vaughn, tant de noms différents pour un seul être de grand talent.
Quannum
Spectrum
En provenance directe de la Bay Area de Los Angeles, le crew Quannum regroupe divers groupes tels que Latyrx ou Blackalicious, en bref le dynamique renouveau de la Côte Ouest polluée par un trop plein de banditisme mythomane. Anciennement nommée Solesides, la bande formée vers 1992 fut aussi la première formation hip-hop à intégrer le label Mo’Wax. « Spectrum » en 1999 fut la compilation de présentation officielle de Quannum. Parcouru de tout le génie de Dj Shadow et enrichie de la participation de gens comme Divine Styler ou Jurassic Five, le disque est au top. Les anciens travaux de Solesides ont eux été édités chez Ninja Tune.
Nas
Illmatic
Grand admirateur de Michael Jackson dès son adolescence, Nas rêve lui aussi de devenir une idole populaire et comprend vite que c’est par le rap qu’il pourra y arriver. Déboulant de nulle part en 1994, il largue un premier album extrêmement abouti, un « Illmatic » mémorable grâce auquel il se fera immédiatement un nom chez les puristes. Ce disque qui réunit ni plus ni moins que Dj Premier et Pete Rock à la production restera dès lors comme l’unique réussite d’un Nas empêtré dans ses propres contradictions. Lorgnant dès son second opus « It Was Written » vers un style de plus en plus mythomane et gangsteriste, l’homme voit tous les connaisseurs se détourner de son travail pour laisser place à un engouement mainstream baveux. Mais loin d’en être mécontent, Nas continuera avec plaisir de sortir de la daube en série, jusqu’à un « God’s Son » en 2003 qui peine à se hisser jusqu’au correct.
Beastie Boys
Ill Communication
Les Beastie Boys sont le premier groupe de rap blanc de l’histoire de cette musique. Après des débuts strictly punk, c’est en 1983 que les quatre potes dont le leader Mike D s’essaient au hip-hop et y trouvent leur compte. Trois ans plus tard ils sont signés sur Def Jam et sortent « Licensed To Ill », un premier album dévastateur : le premier disque de rap à atteindre la première place au billboard américain, plus de quatre millions d’exemplaires vendus ! Le succès commercial des Beastie Boys subira des haut et des bas, mais globalement la recette fonctionne. Le public blanc rafolle des textes sexistes, débiles et surréalistes du groupe, ainsi que de son mélange rap et rock, sampler et instruments live. En 1994 l’exceptionnel « Ill Communication » réitère le succès du premier album, alors que les sorties s’accumulent sur le label Grand Royal qu’ont fondé les quatre lascars. Peu après, Mike D et ses collègues créent l’organisation Milarepa destinée à récolter des fonds pour aider la résistance à l’occupation du Tibêt. « Hello Nasty », paru en 1998, semble être la fin de l’aventure pour ces joyeux fouteurs de merde.
Gangstarr
Step In The Arena
Le plus célèbre duo de l’histoire du hip-hop. D’un côté Guru, rappeur posé et charismatique ayant plus d’un lyrics egotrip dans son sac, de l’autre Dj Premier, producteur de génie qui n’est plus à présenter et dont l’œuvre entière a marqué les annales du hip-hop international. Gangstarr entre en scène en 1989 mais leur premier album ne convainc pas les foules. En revanche deux ans après, « Step In The Arena » fait l’effet d’une bombe et renouvelle un hip-hop qui tourne en rond grâce à un savant mélange rap et jazz inédit pour l’époque. Le buzz s’accentue autour du groupe alors qu’il devient ami de Spike Lee et qu’il lance la Gangstarr Foundation pour promouvoir de nouveaux artistes. Guru en solo se lance dans des compilations de hip-hop jazzy telles que les « Jazzmatazz », et Dj Premier œuvre pour de nombreux autres groupes, devenant très vite une légende de la production rap. « The Ownerz », sixième album très attendu du groupe est paru en 2003 et s’avère juste convenable.
Eric B. & Rakim
Paid In Full
« Paid In Full » sort en 1987, à une période où les classiques s’accumulent chez les disquaires. Roi incontesté de l’egotrip à l’époque, Eric B y décrit des conditions de vie lamentable dans le ghetto tout en mettant au défi tous les autres mc’s de venir se confronter à lui. Un certain grain, une certaine street attitude propre à la East-Coast voit le jour. Rakim quant à lui, nettement plus spirituel et converti à la cause d’Allah, n’a de cesse de prouver qu’il est l’un des meilleurs rappeurs de tous les temps. Il mènera une discrète carrière solo par la suite, ne sortant que très rarement de son terrier secret. Mais le mythique duo Eric B & Rakim, responsable de trois albums, martèle encore pas mal de souvenirs au sein de la communauté afro-américaine.
The Roots
Things Fall Apart
Black Thought, Malik B et Questlove forment l’ossature principale du groupe The Roots de Philadelphie. Ces passionnés de jazz et de rap vont proposer la fusion la plus aboutie du genre, en étant le premier groupe hip-hop à instruments strictement live. Avec leur premier album « Organix » en 1993, qui passe totalement inaperçu au sein du milieu rap mais séduit les amateurs de musique alternative, ils imposent un style différent où les revendications se font sur un ton plus métaphorique et moins pompeux. Leur marque de fabrique devient donc très vite le boycott du sample, et même du djing. En 1999, ils sortent leur quatrième et meilleur album. « Things Fall Apart » est comme d’accoutumée inondé de jazz et de soul, mais plus varié et moins fermé au rap puriste, puisque quelques scratches y apparaissent enfin. Ce très bon disque marqué de l’esprit de Martin Luther King cartonnera dans le monde entier et fera connaître The Roots au public rap. L’album suivant, plus rock et plus agité, n’est pas inintéressant non plus. Les membres de The Roots sont évidemment impliqués dans des sorties solo dont celles de Black Thought, strictly rap, sont les plus notables.
A Tribe Called Quest
Low End Theory
A Tribe Called Quest, dit ATCQ, fut un des ciments de la régénérescence new-yorkaise orchestrée par les Native Tongues. Q-Tip, Phife Dawg et Ali Shaheed ont débarassé le rap de ses stéréotypes sexistes, racistes et de ses manières de gangsters. Le deuxième essai, le jazzy « Low End Theory », est généralement admis comme le meilleur album du groupe, et je rejoins cet avis éclairé. A Tribe Called Quest conclue son aventure sur un bon album épitaphe intitulé « The Love Movement » et sorti en 1999. Un départ en beauté pour ce groupe qui a samplé des gens aussi divers que Ron Carter et Lou Reed. Les carrières solos initiées après la fin du groupe seront en revanche assez insignifiantes.
Roots Manuva
Brand New Second Hand
Roots Manuva est issu de l’immigration noire la plus présente dans l’Angleterre du bas, à savoir la population jamaïcaine. Ce qui explique en partie son timbre de voix grave, proche des reggaemen, et sa scansion bien particulière, qui plaît à certains et déplaît à d’autres. Leader du très sélectif label Big Dada pour lequel il est un best-seller, Roots Manuva a à son palmarès l’un des tout meilleurs albums de hip-hop britannique jamais paru à ce jour. « Brand New Second Hand » a enfin tourné les regards vers le rap européen en l’année 1999. Le second essai de Roots Manuva en 2001 « Run Come Save Me » ne déclenchera pas les mêmes critiques dithyrambiques.
Mos Def
Black On The Both Side
Mos Def fait partie de la trop rare scène du rap intelligent. Dès 1994 et son premier essai « My Kung Fu », le rappeur de Brooklyn distille tous les messages positifs autour de lui. Inspiré par la soul et le jazz, ses métissages incluent son rap dans l’éventail des grandes musiques noires. Sa critique sociale non-violente apparaît plutôt comme humaniste. En 1998 il livre sur Rawkus un album en duo avec Talib Kweli, et l’année suivante un solo de toute beauté, « Black On The Both Side ». Personnage très ouvert et fan de musique électronique, il se dit admirateur de Massive Attack avec lesquels il a d’ailleurs collaboré sur un excellent titre.
De La Soul
3 Feet High And Rising
Membres des Native Tongues avec d’autres piliers du rap ludique et réfléchi comme A Tribe Called Quest ou les Jungle Brothers, mentors du conscious rap actuel et mythe vénéré autant par la old school que par la nouvelle génération du hip-hop, autant de qualificatifs pour décrire De La Soul. Toujours fidèles au label pionnier du rap et de la techno Tommy Boy depuis la fin des années 80, et malgré le départ du producteur Prince Paul, le trio tient encore la route, leur sac toujours rempli de tubes en fournées. Sorti en 1989, « 3 Feet High And Rising » reste leur indépassable chef-d’œuvre. Pour l’anecdote, c’est aussi le premier disque de rap condamné en justice pour sample non-déclaré, en l’occurrence le groupe folk-rock The Turtles ayant remporté le procès. De La Soul fut aussi l’instigateur du Daisy Age, notion fictive vantant les louanges d’un rap dansant et décomplexé.
Dr. Dre
The Chronic
Le milieu des années 90 a vu la suprématie du G-Fonk, le son affilié à la Côte Ouest, dominer le rap américain de toute son ampleur gangsteriste et sexiste. Malheureusement, le G-Fonk devient vite la nouvelle soupe à la mode et se nourrit du cliché des bitches, des bling-bling et des grosses bagnoles fluos. Alors on en revient forcément aux rares disques de ce courant qui soient bons. Alors on en revient forcément à « The Chronic » de Dr. Dre, détonateur du G-Fonk en 1992. Une perle, par un producteur branleur et suffisant, par un pauvre raté qui prend aujourd’hui ses bains dans du champagne. Du rap commercial, mais du commercial qui s’assume, qui n’en a rien à foutre de la crédibilité. Du rap de bandits avides de cul et de fric en somme. Fidèle à sa source, la suite du parcours de Dr. Dre sera essentiellement faite de collaborations avec les rappeurs les plus MTVesques de la décennie, et le « Chronic 2001 » ne dérogera pas à la règle. Yo motherfucker.
Antipop Consortium
Tragic Epilogue
Le nom du groupe Antipop Consortium est limpide : pas de place pour le rap variétoche ici. En 2000, « Tragic Epilogue » est le premier et meilleur album du crew révolutionnaire fondé par High Priest, Sayyid et Beans. Les synthétiseurs et la techno tiennent une place prépondérante au sein d’Antipop Consortium, propagateur d’un rap futuriste et ouvert au monde de l’electro. Difficile et expérimental, le son du groupe tient parfaitement la route mais le flow bancal ne suit pas toujours. Quoiqu’il en soit, on a ici à faire à un groupe culte du renouveau hip-hop, auteur de deux autres albums réussis dont un « Arrythmia » sorti sur Warp. En revanche, la carrière solo des trois rappeurs suite à la dissolution du combo laissera totalement sceptique.
New Flesh For Old
Equilibrium
Signés sur Big Dada, les deux rappeurs anglais de New Flesh For Old ont pondu un album très remarqué en 1999, le lanceur en fait du gros buzz autour de leur label. New Flesh For Old, futurs New Flesh, est composé du producteur Part 2, fan d’Aphex Twin, et des rappeurs presque ragga Toastie Taylor et Juice Aleem. Si ce dernier récolte tous les suffrages, force est de constater que « Equilibrium », avec ses touches industrielles voire même gothiques, préfigurera toute une mode. Résultat ? New Flesh For Old faisait du Antipop Consortium avant l’heure. Mais la suite de leur discographie, plutôt tournée dancehall, peine toujours à convaincre qui que ce soit.
Ultramagnetic Mc’s
Critical Beatdown
Urgent, frais, funky et typiquement old school, voilà comment l’on pourrait décrire le « Critical Beatdown » de 1987. Ultramagnetic Mc’s, qui fournira par la suite un second disque tout aussi appréciable, n’est pas un groupe classique seulement du fait qu’il représente le premier projet discographique de Kool Keith, mais également car il avait déjà une bonne longueur d’avance au niveau des productions de Ced Gee. L’album sonne effectivement nettement plus moderne que la concurrence et marque l’installation définitive de la suprêmatie du sample dans la musique rap, pour un total de quinze titres parfaits au bpm inhabituel. Watch me now !
Pete Rock & CL Smooth
The Main Ingredient
Si Pete Rock est considéré à l’heure actuelle comme l’un des meilleurs producteurs des USA, collaborant avec les plus grands, ça n’est pas un pur hasard de circonstances. Par exemple l’adulation dont bénéficient Puff Daddy ou Dr. Dre a largement été conditionnée par une campagne marketing, chose dont Pete Rock lui n’a jamais eu besoin. C’est en 1994 sur « The Main Ingredient », après quelques timides ébauches, qu’il dévoile enfin sa science du sampler sur un album maîtrisé de bout en bout. Cerise sur le gâteau, il s’y associe au rappeur CL Smooth, un mc depuis trop longtemps sous-estimé.
Kurtis Blow
The Breaks
Kurtis Blow a commencé à faire du hip-hop à Harlem en 1977 et n’a donc de leçons à recevoir de personne. En 1979 il se fait remarquer par Mercury et devient donc le premier rappeur signé sur major. Il sort son premier album « Christmas Rappin’ » en 1980 qui obtient un bon accueil. En 1982, il sort son disque majeur, « The Breaks », dont le titre éponyme fera le tour de toutes les radios de New-York. Old school au vrai sens du terme, Kurtis Blow est à la croisée du rap et du funk. Le sampler ne s’est pas encore complètement démocratisé et tout est donc réellement joué façon Funkadelic. Kurtis Blow a maintenant huit albums au compteur mais la plupart sont sans intérêt. Il continue de produire des compilations rétrospectives afin de faire connaître au plus grand nombre les âges préhistoriques de la musique rap.
The Jungle Brothers
Straight Out The Jungle
The Jungle Brothers, groupe de Long Island composé des rappeurs Mike G et Afrika ainsi que de Dj Sammy B sortent leur « Straight Out The Jungle » en 1988, classique du genre inventé par les Native Tongues. Les albums qui suivirent ne furent malheureusement pas du même accabit, le groupe s’étant attaché à la house et à la musique dance : il tenta logiquement une hybridation peu mémorable entre le rap et ces courants. Néanmoins, fonky et ouverts à toutes les expériences, The Jungle Brothers séduisent les personnalités de la musique électroniques et se font remixer par des pointures comme Wiseguys, Terranova ou Stereo Mc’s. Il faudra attendre 1999 pour que The Jungle Brothers ponde un second bon album, un « VIP » très influencé par la jungle, leur nouvel focus musical.
Snoop Doggy Dog
Doggystyle
Tout le monde connaît Snoop Doggy Dog, et c’est bien dommage serait-on tenté de dire. Et si aujourd’hui le chien au flow nonchalant pollue les ondes d’une marmelade indigeste, et vend à des millions d’exemplaires ses défécations à un public d’adolescentes rebelles et de futurs braqueurs de taxi, il serait pourtant hypocrite d’ignorer son « Doggystyle » de 1993, le plus célèbre disque du label West-Coast Death Row. Historiquement voilà le premier album de rap à s’être classé premier dans les charts dès sa sortie : il faut dire que les accusations de meurtre tournant autour de son auteur ont facilité la publicité gratuite. Macho et gangster comme le réclame n’importe quel classique du G-Fonk, Snoop Doggy Dog, rappeur médiocre, ne devra le succès de cet opus et sa pérennité dans les mémoires qu’à la production impeccable d’un Dr. Dre en forme. Un succès largement provoqué par le single Gin And Juice au propos bien lourdaud comme l’impose le genre. A noter aussi que cet angélique rappeur produit des films pornos en série et que ces derniers lui mettent du caviar dans l’assiette.
Divine Styler
Directrix
Divine Styler est un peu comme une légende vivante, c’est un incompréhensible mystère. Ex-membre du Rhyme Syndicate de Ice-Cube, ce rappeur est à mille lieux de tous les autres, à mille lieux des clichés inhérents au hip-hop. Fort d’un premier album solo paru en 1989 et avec dix ans d’avance sur son temps au niveau du traitement des samples, le mc a continué sur la voie de l’expérimentation : son second album ressemble à du free jazz industriel et destabilise tout ceux qui s’attendaient à du rap West-Coast. Divine Styler devient un temps malfrat et deale de la drogue en bas de chez lui, ce qui lui vaudra quatre ans de placard. C’est en prison qu’il se convertit à l’Islam et devient un androïde métaphysique. En l’an 2000 il sort sur Mo’Wax son troisième opus « Directrix », sorte de jeu vidéo infernal où critique politique côtoie ésotérisme pur, un chef-d’œuvre total et avant-gardiste qui malheureusement passa tout à fait inaperçu. Physical primitive !
Puff Daddy
No Way Out
Ca me fait très mal au cul de devoir évoquer Puff Daddy alors faisons vite. Celui que l’on surnomme aussi P. Diddy est à l’origine producteur pour d’autres artistes aussi sirupeux et nuisibles à l’humanité que 112, Mase ou Faith Evans. Sa structure Bad Boys Records se charge dès 1993 de vendre aux adolescents tout ce que le rap produit de plus mauvais ainsi que de nombreuses déjections fécales à base de R’n’B. Il faudra attendre 1997 et l’album « No Way Out » pour que Puff Daddy se décide à nous empoisonner en personne avec de la compote de pomme en bonne et dûe forme et des reprises de standards pop-rock. Les deux albums solos qui suivront celui-ci et des dizaines de sorties parallèles feront de Puff Daddy l’un des rappeurs les plus riches de toute l’Amérique, sinon le plus riche. Et pendant que cet imposteur parade avec l’amibe Mariah Carey et des pédophiles du genre R. Kelly, se sortant à tous les coups de ses hebdomadaires procès pour meurtres, Bad Boys Records enfle encore et pourrit toute une culture.
Lewis Parker
Masquerades And Silhouettes
Si chacun connaît le trip-hop bristolien de Massive Attack, en revanche tout le monde ne sait pas qu’un rappeur, et un bon de surcroît, a été signé sur leur label Melankolik. Ce rappeur c’est Lewis Parker, un anglais bien sûr et qui donnera de la substance à ceux qui aiment le rap teinté de violon et de nappes électroniques. Poétique et bien loin des préoccupations de crapules de ses semblables, Lewis Parker propose avec « Masquerades And Silhouettes » son premier et meilleur album. Huit titres seulement, mais animés par une beauté propre au trip-hop anglais, conduisent ce disque à rejoindre les tout meilleurs éléments de 1998.
Gil Scott Heron
Pieces Of A Man
Grand poète noir, musicien talentueux et écrivain, Gil Scott Heron est certainement l’un des précurseurs du rap admis comme tel. L’écriture, son premier amour, le détournera de ses brillantes études mais la musique prendra finalement le pas sur sa première passion. Initiateur du spoken word, courant poétique et littéraire du rap, à l’image des Last Poets, Gil Scott Heron préfigurera le rap dès 1970 au travers d’une musique moitié afro moitié funk et surtout d’une mise en avant du texte dans ses chansons. « Pieces Of Man » en 1971 est considéré par ses fans comme son tout meilleur disque.
Swollen Members
Balance
Les Swollen Members ont beau être résidents du Canada et plus précisément de Vancouver, ils sont dès le départ affiliés à toute la West-Coast alternative de la fin des années 90 et au puissant label Battle Axe. Les deux rappeurs Prevail et Madchild, épaulés sur « Balance » de Zodak et Dj Vadim, sortie Jazz Fudge oblige, sont en effet les plus proches amis des Dilated Peoples et n’en sont pas très éloignés artistiquement parlant. Cependant, ce petit chef-d’œuvre de 1999 est de loin le meilleur disque sorti par les deux formations. Près de ving titres absolument géniaux le composent, parsemés de collaborations prestigieuses avec la crème de l’underground de la Bay Area. Les albums suivants des Swollen Members, dont le très honorable « Bad Dreams », ne parviendront toutefois jamais à égaliser la première référence.
Sound Bombing
Volume One
« Sound Bombing » est peut-être la compilation la plus importante du hip-hop américain. Parue en 1997, elle draînait derrière elle toute la scène indépendante de l’époque, et particulièrement celle du mythique label Rawkus sur lequel elle est sortie. Des gens aussi incontournables que Company Flow, Mos Def, Talib Kweli, RA The Rugged Man, Hi-Tek et Sir Menelik ont été révélés à travers cette compilation, qui cerise sur le gâteau est mixée par Dj Evil Dee, le légendaire platiniste de Black Moon. Le mix est impeccable, le contenu carrément un best-of underground, et le tout capital.
Dj Shadow
Endtroducing
Qui se doute en 1996 que Dj Shadow, un blanc bec né à Los Angeles et jusque là connu de quelques rares initiés, va révolutionner le monde du hip-hop sur un label trip-hop nommé Mo’Wax ? « Endtroducing » est le plus grand disque d’abstract hip-hop de tous les temps, et l’un des dix disques cruciaux des années 90 tout genres musicaux confondus. La dextérité, l’imagination et la force intrinsèque de cet album laissent pantois. Entre beauté confondante et scratches puristes, Dj Shadow varie les ambiances et culmine sur un Midnight In A Perfect World d’anthologie. Cet ex-fan de Metallica signe là l’ouvrage ultime et ouvre une porte à sa carrière internationale, devenant une vedette dans toute l’Europe et au Japon. Sa participation au projet hip-pop UNKLE deux ans plus tard et son second album « The Private Press » lâché en 2002 ne démériteront pas de ses anciens travaux. Dj Shadow est culte pour l’éternité.
2Pac
All Eyez On Me
Fils d’une membre du parti révolutionnaire Black Panthers, Tupac Shakur dit 2Pac tente de survivre dans Harlem en pratiquant le théâtre. Devant à chaque fois abandonner tout ce qu’il entreprend à cause de multiples déménagements forcés, l’adolescent finit par faire comme tout le monde, c’est-à-dire dealer de la drogue à droite à gauche. Il sort de son gouffre financier en 1991 suite au succès faramineux de son premier album « 2Pacalypse Now », mais ça n’est que le début d’un nouveau merdier. Fustigé par le vice-président des Etats-Unis lui-même, boycotté par plusieurs radios, poursuivi par des gangs, calomnié par sa mère dans les médias, mêlé à des fusillades meurtrières, accusé de viol, puis d’avoir ouvert le feu sur un policier, puis d’avoir violenté Janet Jackson sur le plateau de leur film commun, le rappeur accumule encore et encore tous les suffrages commerciaux mais sa vie privée est un inextricable foutoir. Le quatrième album solo de 2Pac, « All Eyez On Me » paraît en 1996 et deviendra culte pour de très inattendues raisons : en septembre de la même année, 2Pac est assassiné à Las Vegas par des hommes non-identifiés armés de uzis. Sa mort sera récupérée commercialement au travers de disques posthumes, de vidéos et de t-shirts qu’arboreront toute une jeunesse particulièrement en France, persuadée que 2Pac était un type bien, comme tous les gens assassinés c’est bien connu. La culture Skyrock se charge de perpétuer la démagogie 2Pac.
Boogie Down Productions
Criminal Minded
Boogie Down Productions, souvent contracté BDP, est un collectif made in New-York dont il serait trop épuisant d’énumérer tous les membres. Un collectif qui fait partie de la longue liste de pionniers que comporte déjà le hip-hop américain. Gravitant essentiellement autour de KRS-One, Boogie Down Productions fait référence au Bronx, appelé Boogie dans le jargon du ghetto et s’attache d’ailleurs à défendre son quartier envers et contre tout. Le crew lance la polémique et réfute les dires du camp adverse : le rap est né dans le South Bronx, et non pas au Queen’s Bridge. « Criminal Minded » en 1987 est le premier album du collectif, et comporte d’importants classiques comme South Bronx, hommage au ghetto éponyme. Après cinqs albums au son rustique, la famille se disloque et chacun part rapper de son côté. Pour KRS-One, c’est le début d’une carrière solo couronnée de succès.
Tommy Boy
Greatest Beats
Tommy Boy n’est pas un rappeur mais le premier grand label rap américain, créé par Tom Silvermann en 1981. En plus d’être une pionnière du rap, la structure, ouverte, peut également se targuer d’avoir démocratisée la techno et quelques titres sur le « Greatest Beats » de 1999 le font savoir. Cette quadruple compilation, existant aussi en format plus court, retrace quinze années d’un label qui aura permis à plusieurs grands noms de s’exprimer, à l’image de De La Soul, House Of Pain ou Afrika Bambaata et son célèbre Planet Rock samplé sur Kraftwerk et titanesque trou financier du label du fait des incommensurables royalties exigés par les monstres de la musique électronique. Décrite par ses artisans comme de l’electro hip-hop façon New-York, la musique de Tommy Boy se situe à la frontière du funk, du rap et du disco. Mais dès 1994, la maison part en vrille en accueillant en son sein tout un tas de rappeurs de pacotille comme l’infâme Coolio.
Redman
Whut’s Thee Album
Membre du Hit Squad, la famille créée par EMPD, Redman diffère de ses mentors par un timbre de voix rugueux, une attirance revendiquée pour le cannabis et toutes ses variantes et un bonnet rouge qui a toujours fait la spécificité de sa tronche d’allumé. Féroce et totalement fou, Redman passe pour l’un des premiers rappeurs décalés à ne pas choisir la voie du gigolo de service, mais au contraire tire de sa folie une colère et un cynisme régénérateur. Son premier long format « Whut’s Thee Album » en 1992, l’un de ses meilleurs, a fait de lui l’une des valeurs sûres de New-York. Ami de Method Man du Wu-Tang Clan avec lequel il collabore souvent à des disques parallèles, Redman est l’un des rares rappeurs à toujours être apprécié du public dur malgré quatre albums au grand succès populaire et médiatique.
Cannibal Ox
The Cold Vein
Cannibal Ox est Vast Aire et Vordul. Cannibal Ox fut membre de la Atoms Family. En 2000, Cannibal Ox est signé sur Def Jux. L’intégralité de leur album « The Cold Vein », sorti un an plus tard, a été produite par El-P, ex-producteur de génie et membre fondateur du groupe culte Company Flow. Le disque obtient une critique unanime de la part de la presse et du public backpacker. Le rap intellectuel et futuriste de Cannibal Ox ne laisse pas indifférent. Pour preuve, l’ouvrage du groupe a été sacré meilleur disque de l’année 2001 par de nombreux spécialistes très spécialisés en spécialité.
Blackalicious
Nia
Réunion de Chief Xcel et Gift Of Gab, deux rappeurs de Los Angeles aux aspirations soul, qui se démarqueront de la mode bitches and guns en vigueur dans leur zone géographique. Leur rap est intelligent et positif, en conformité avec la sagesse des anciens, mais toujours habité d’egotrip certes. En 1994, ils sortent un premier mini-album remarquable, co-produit par Dj Shadow, le puissant « Melodica ». En 1999, ils récidivent avec « Nia », un superbe disque qui respire la musique noire de toutes parts et fait honneur à Mo’Wax. La suite de leur parcours, notamment l’album un peu plus electro « Blazing Arrow », s’avèrera nettement moins intéressant, mais on attend la suite pour confirmer la baisse de niveau.
Dj Jazzy Jeff & The Fresh Prince
And In This Corner...
De gré ou de force, on est contraint d’évoquer le « And In This Corner… » de Dj Jazzy Jeff & The Fresh Prince en 1989. The Fresh Prince est plus connu actuellement sous le nom de Will Smith, ce grand acteur qui ne joue que dans des films métaphysiques, veut intégrer la Maison Blanche et lâche de temps en temps un album de pop, pardon de rap, à NRJ. Avant de devenir l’idole des Modern Talking, The Fresh Prince avait pourtant fait quelques trucs sympas en duo avec son pote Dj Jazzy Jeff, un excellent platiniste qui lui mérite tous les hommages. Malheureusement ce grand homme a toujours eu le chic pour finir avec les plus gros ratés et seule sa carrière solo l’en libèrera un peu. On en revient donc à son duo avec Will Smith, honnête groupe de divertissement que l’on croirait échappé de Tommy Boy, et qui a fait danser petits et grands sur leur rap festif et enjoué durant trois albums.
Jurassic Five
LP
Jurassic Five, inspirateur des Pharcyde et autres Dilated Peoples, demeure l’un des rares groupes encore fonky aux USA. Quatre albums après leurs débuts, on ne se lasse toujours pas des deux premiers, et surtout de « LP » paru en 1998 et triomphant du tube Jayou. Les quatre rappeurs de la clique West-Coast fan de East-Coast se font appeler Chali 2na, Akil, Marc 7 et Zaakir. Les deux platinistes du groupe, Nu-Mark et l’extraordinaire Cut Chemist, s’occupent des beat et bien sûr du djing. Sans jamais perdre de sa fraîcheur, Jurassic Five s’est pourtant mis à traiter sans lourdeur de sujets plus graves à partir de « Power In Numbers », évoquant la dette du Tiers-Monde et les conditions de vie dans les prisons américaines. Ces textes plus réfléchis n’ont cependant pas comblé une petite régression au niveau de la production du groupe.
Dj Q-Bert
Wave Twisters
« Wave Twisters », référence au son si bizarroïde du scratch, sied à merveille comme titre de l’album solo de Dj Q-Bert. Maître incontesté du turntablism, discipline un chouilla plus technique que le djing, Dj Q-Bert a fait ses armes durant plusieurs années en featuring et en festivals au sein du défunt crew des Invisible Skratch Piklz. Paru en 1999, son disque réservé à un public initié remet le dj au centre des préoccupations, au travers de nombreux titres plus spatiaux les uns que les autres. Dj Q-Bert est l’une des nombreuses sommités des platines à apparaître dans le film SCRATCH.
Lyricist Lounge
Volume One
Il fallait le faire et seul le label Rawkus a osé : enregistrer les sessions du Lyricist Lounge, ces soirées live du club The Muse où parfaits inconnus et rappeurs confirmés se confondent et prennent tour à tour le micro pour des freestyles endiablés et énergiques. Ici, une belle tripotée de mc’s jamais entendus donc, mais également des apparitions de Mos Def, KRS-One, De La Soul, Talib Kweli, Kool Keith et même Zach De La Rocha ! « Lyricist Lounge » double cd au packaging superbe et qui confirme encore qu’avant sa couillade dans le monde de l’entertainment, Rawkus représentait le vrai hip-hop.
Eminem
The Marshall Mathers LP
Un petit blanc, suite à toute une série de plaies familiales dignes de la pire des dramaturgies classiques, grandit à Detroit au milieu d’enfants noirs qui passent leurs journées à le passer à tabac. Entre ses comas et blessures à répétition, la dépendance à la drogue de sa mère et l’assassinat de ses proches, le jeune Eminem cherche à fuir sa vie lamentable dans le rap. Il sort quelques années plus tard un premier album minable qui croupit encore sous la poussière de l’indifférence. Puis il trouve le concept de Slim Shady, son alter-ego maléfique au langage cru, son prétexte idéal à cracher sur tout et tout le monde, à hurler ses textes misogynes et haineux à tout va. En 1999, après s’être associé à Dr. Dre, il explose dans les charts et obtient prématurément la gloire avec son second long format « The Slim Shady LP ». L’année suivante, il sort son meilleur disque, le plus introspectif et le plus méchant, « The Marshall Mathers LP », qui finalise une ascension fulgurante. Le handicap de peau d’Eminem devient son principal atout, puisqu’il devient du coup Le Blanc Produit Par Dr. Dre. Mais Eminem dérange les puristes, devenu une icône pop et la Britney Spears du rap, récupéré de gré par des gamines en chaleur et par MTV. Et pendant qu’Eminem continue d’accumuler des centaines de millions de dollars grâce à son opus de 2002 et son film pseudo-biographique, les vrais Bboys le boudent tous en chœur. Alors que retenir de ce demi-artiste ? Un bon troisième disque et l’histoire incroyable d’un gamin pauvre et dépressif devenu popstar riche et adulée.
Run DMC
Run DMC
Run DMC est le groupe grand-public qui popularisa le rap aux USA, en encastrant pour la première fois cette musique dans les grilles de MTV jusque là occupées par du rock. Run DMC c’est commercial, fun, mais plein de bons sentiments. C’est encore gorgé de rock et de funk, et c’est éminemment positif. « Run DMC », premier opus éponyme incluant le classique des Bboys It’s Like That, sera le premier volet en 1984 d’une série de sept albums à succès. Run, DMC et Dj Jam Master Jay comprennent que c’est en s’associant au monde du cinéma qu’ils toucheront le plus de monde. Le groupe produit alors des films et s’engage sur beaucoup de BOs. Mais malgré le message festif de la bande, leurs concerts partent souvent en baston générale et même en fusillade, ce qui contribue à donner une mauvaise image du rap aux médias. En octobre 2002, alors que le groupe désirait enregistrer un dernier album pour conclure sa carrière de vingt ans, Jam Master Jay est lâchement assassiné de plusieurs balles dans le buste. Il rejoint alors la longue liste des macchabés du hip-hop tués par des gangs rivaux, et devient un symbole. Les deux membres restants, dégoûtés, décident de ne pas continuer Run DMC sans leur dj. Le duo du groupe avec Aerosmith aura popularisé le mélange des styles si banal dix ans plus tard. A noter que Run est également le co-créateur de Def Jam, le plus grand label de l’histoire du rap, qui avant sa dégringolade artistique a cumulé dans ses rangs Run DMC, Public Enemy, Beastie Boys ou encore EPMD.
Edan
Primitive Plus
Edan en bonne machine à tout faire rappe, produit, scratche, graffe et pratique le beatboxing. Ce jeune blanc de Boston fan de KRS-One et de Kool G Rap a réussi en 2002 un exploit presque impossible. Sortir via « Primitive Plus » un album combinant expérimentations avant-gardistes et esprit old school, le tout auto-produit sur un petit label indépendant. Une suite logique pour ce passionné qui vendait son premier album aujourd’hui introuvable dans la rue, copié sur de misérables CD-R. Le revival du hip-hop en somme, et une fort belle pièce d’inventivité, loin du rap soit-disant alternatif dont M6 diffuse les clips en boucle avec l’amitié financière d’Universal.
Cypress Hill
Black Sunday
On ne peut pas passer à côté de l’un des deux groupes latinos américains à avoir marqué le hip-hop. Le rappeur nasillard B-Real a beau vivre dans les quartiers chauds de Los Angeles, le son qu’il prodigue à travers Cypress Hill n’a rien de West-Coast. Une carrière débutée en 1991. A l’heure actuelle près de vingt millions d’albums vendus. Et comme pierre angulaire de l’œuvre de ces partisans farouches de la légalisation du cannabis, le terrible « Black Sunday » de 1993, comportant entre autres tubes légendaires Insane In The Brain, un titre de tarés. Dj Muggs variera par la suite ses compositions, lorsque Cypress Hill s’apercevra de la large audience rock qui les apprécie. Résultat, des guitares électriques et des morceaux neo-metal apparaissent en pagaille dès le cinquième album, « Skull And Bones ».
The Last Poets
The Last Poets
A la fin des années 60, une nouvelle jeunesse noire voit le jour dans les ghettos. Plutôt que de se refermer sur soi-même, de sombrer dans le crime et la drogue ou de terminer balayeurs, cette jeunesse prône l’instruction et la connaissance du passé comme salut. Pionniers du spoken word, cette poésie scandée prémice du hip-hop, The Last Poets est un peu la face artistique d’un discours de Malcolm X. Engagés, culturels, les textes de la bande ont ouvert la voie au rap actuel et marqués l’avènement du spoken word et du slam, de Gil Scott Heron dans les années 70 à Saul Williams en l’an 2000. « The Last Poets », éponyme et premier album du genre paru en 1970 est bien trop peu connu alors qu’il présente déjà des rythmes tribaux presque rap.
Dj Vadim
USSR : Life From The Other Side
D’origine russe mais naturalisé anglais, Dj Vadim est le prodige abstract hip-hop de Ninja Tune. Erudit intégral du hip-hop underground, le monsieur est également le patron du très bon label indépendant Jazz Fudge, qui se présente comme un support au rap anglais expérimental. « USSR : Life From The Other Side » est son second album, le plus remarqué et celui qui a compté dans l’histoire de Ninja Tune. Parcouru de featuring prestigieux, le disque date de 1999 mais n’est pas prêt de vieillir. En 2002, Dj Vadim récidive et largue un « USSR : The Art Of Listening » encore plus abouti que son prédécesseur, mais curieusement moins considéré.
Wild Style
The Soundtrack
Let’s take it back to the old school. En 1981, Charlie Ahearn met en chantier un film à petit budget nommé WILD STYLE et consacré à la culture hip-hop naissante dans le Bronx. Ce film, considéré à l’époque comme un navet de première, fit un bide monumental et disparut longtemps des mémoires, avant d’éclater au grand jour lorsque la nouvelle génération hip-hop voulut revenir en arrière pour s’imprégner des bases. Depuis, c’est le film culte de tous les Bboys. La BO « Wild Style » quant à elle traduit fidèlement l’ambiance du film : freestyles improvisés dans la rue, beatbox, djing. On y croise même des légendes comme GrandMaster Flash ou le Rock Steady Crew.
Necro
I Need Drugs
A des années-lumières d’Eminem et de sa petite provocation pour minettes, la East-Coast a accouché du Mal en personne. Sorte de Marilyn Manson du rap mais en nettement plus gore et pornographique, Necro est le rappeur extrême de la décennie, cultivant tout un amas de clichés gothiques et décadents. Patron du label indépendant Psycho+Logical, il est également un producteur hors-pair, créant des ambiances morbides avec de simples boucles finement trouvées, ayant fait le succès de sommités de l’underground comme Cage ou les Non-Phixion. Si le bonhomme sort des maxis dès 1998, son premier et meilleur album « I Need Drugs » paraît lui en 2000 et explose les normes textuelles du rap en vigueur. Entre récits de fellation dans un cimetière et de massacres à la tronçonneuse, Necro a su s’attirer un public backpacker et pas mal de dérangés misogynes.
Buck 65
Square
Buck 65 n’est pas seulement le meilleur mc canadien, c’est aussi l’un des plus grands mc’s modernes. Plus inspiré par le rock progressif et Tom Waits que par Gangstarr, Buck 65 a déjà cinq albums à son actif alors qu’il n’officie que depuis 1998. Ses disques, sortis dans une confidentialité propre à l’underground et largement promotionnés par Anticon, ont depuis été réédités en major. L’occasion idéale de constater la progression opérée entre les très différents « Vertex » et « Square ». On retiendra essentiellement ce dernier pour sa qualité musicale effarante et sa découpe très particulière, en quatre titres de quinze minutes chacun. Des titres évolutifs, complexes, parfois froids, souvent beaux et tout le temps novateurs.
Common Sense
Resurrection
Le conscious rap, sorte de rap posé et raisonnable, pour ne pas dire intelligent a trouvé en Common son meilleur représentant actuel avec Mos Def et Black Thought. Très marqué par les années 60 et leur soul émouvante, Common puise dans les racines de la musique noire pour fournir un rap humaniste et finalement assez beau. La morale presque puritaine qu’il nous offre dans ses morceaux contraste beaucoup avec le mentalité dominante dans le hip-hop : respectez les femmes, la Nature, aimez vos enfants, Dieu, et cultivez-vous. De ses cinq albums on retiendra surtout ce « Resurrection » paru en 1994 ainsi que le très beau et très black « Like Water For Chocolate » de 2000. On oubliera en revanche son dernier disque en date, « Electric Circus », qui accuse une sévère baisse de qualité.
Deltron 3030
Deltron 3030
Incroyable coalition que celle proposée par « Deltron 3030 », meilleur album-concept sorti jusque là dans le monde du rap et inspiré par Kool Keith. Brodé sur une histoire de science-fiction se déroulant logiquement en l’an 3030, l’album réunit Del Tha Funky Homosapien, l’un des tout meilleurs mc de la décennie, Dan The Automator, producteur nippo-américain exceptionnel très prisé du monde du trip-hop, et le dj farfelu Kid Koala du clan Ninja Tune. Ces trois professionnels livrent en 2000 un disque complet aux ambiances variées, tellement abouti qu’il en ressortira plus tard une version instrumentale. Bien entendu, encore un disque que personne ne connaît.
Marley Marl
In Control 1
Même si les jeunes drogués à MTV et à Puff Daddy n’ont rien à foutre de Marley Marl le dinosaure, certains n’ont pas encore oublié ce producteur et son apport à l’histoire du hip-hop. Ce gaillard du Queen’s Bridge, émérite de la old school et fondateur du Juice Crew, a produit des titres pour Roxanne Shante, Eric B & Rakim, Heavy D et a entre autres lancé Big Daddy Kane et Biz Markie. Des beat fonky et entraînants comme l’impose l’époque. Soutenu par le label Cold Chillin’, Marley Marl sort en 1988 « In Control 1 », historiquement le premier album de producteur rap, et bien évidemment une réussite complète. La suite du parcours solo de Marley Marl ne sera pas aussi glorieuse et il quittera le devant de la scène pour revenir à l’underground en animant des émissions radios hip-hop locales. Il reste cependant un exemple et le mentor spirituel de gens comme Dj Premier et Pete Rock.
Gunshot
Patriot Games
A vrai dire, je ne sais pas grand-chose sur Gunshot. Sinon qu’ils viennent de Londres et qu’ils y ont été des piliers de la old school. Il semblerait que « Patriot Games » en 1993 soit leur premier véritable album. Un album qui tape à l’ancienne et assez agressif, appartenant à la mouvance hardcore et revendicative. En tout cas de véritables pionniers en Angleterre si l’on en croit les gens qui étaient sur place, en contact permanent avec d’autres pionniers, ceux du London Posse. Gunshot est revenu livrer un dernier bon album en 2000 mais la mode n’étant plus au rap engagé il a peu vendu.
Company Flow
Funcrusher Plus
En 1997, un disque va changer à tout jamais l’histoire du hip-hop et symboliser l’étendard d’une nouvelle exigence. Ce disque, c’est « Funcrusher Plus » de Company Flow. Aucun Anticon, aucun Antipop Consortium, aucun label tel que Big Dada ou Mush Records n’existeraient sans l’intervention de ce disque culte, produit par un groupe culte sur un label culte. Company Flow mélange le rap de New-York à des ambiances de films noirs, à des sons mécaniques destructurés, aux scratches hardcore de Mr. Len. Les rappeurs El-P et Bigg Jus, dont le premier est également producteur génial de ce recueil, rentrent de force le hip-hop dans une nouvelle dimension, se servant de la science-fiction pour propager des textes politiques et effrayants. Suivra en 1999 « Little Johnny From The Hospital », un album instrumental sidérant de noirceur, toujours signé sur Rawkus. Par la suite, Company Flow se disloque, El-P et Bigg Jus partent chacun de leur côté créer leur label : le célèbre Def Jux pour le premier et le moins connu Subverse pour le second. Le groupe laisse derrière lui l’un des disques les plus importants du rap international.
Killa Kela
The Permanent Marker
Tout le monde n’entre pas comme ça au sein du Rock Steady Crew, cette communauté active depuis les origines du hip-hop, pluri-disciplinaire et continuellement renouvelable, défendant une image saine et positive du mouvement. Killa Kela lui, y est entré. Beatboxer d’exception, c’est-à-dire qu’il fait sa musique rap à la bouche, il est de plus en plus sollicité en soirées ou en featuring sur les disques d’autrui. Cador de son domaine, il a trouvé en Jazz Fudge la seule structure apte à l’accueillir pour un disque de ses performances vocales hip-hop et drum’n’bass. « The Permanent Marker » a marqué l’année 2002 d’un nouveau pas en avant pour le beatboxing.
Missy Elliott
Supa Dupa Fly
Seule rappeuse grand-public dotée d’un minimum d’intérêt, Missy Elliott possède aujourd’hui la gloire et l’argent, acquis via quatre albums au succès populaire largement aidé par MTV. Trop enrobée pour jouer les lolitas et tortiller du cul façon Foxi Brown, c’est son sens de l’humour que Missy Elliott a dû mettre en avant pour convaincre les acheteurs mâles. Quant à devoir choisir un album de la dame, autant mentionner le « Supa Dupa Fly » de 1997, que l’on peut légitimement considérer comme le premier album de rap américain correct fourni par un individu de chromosomes XX.
KRS-One
Return Of The Boom Bap
KRS-One a vécu dans la rue, au sens propre du terme. Il quitte le domicile de sa mère dès l’âge de quatorze ans, devenant une sorte de SDF juvénile. C’est Scott LaRock qui le ramasse près des poubelles et l’encourage à faire du rap, au sein du groupe Boogie Down Productions dès 1986. Après le meurtre de Scott LaRock et quatre autres albums du crew, KRS-One pour Knowledge Reigns Supreme Over Nearly One, engage une carrière solo dont « Return Of The Boom Bap » est le premier épisode. Un classique bien sûr, dans lequel chacun connaît peut-être sans le savoir le titre de légende Sound Of Da Police. KRS-One, surnommé le Teacher et très influencé par les mythes du reggae, fait du rap social et engagé un principe fondamental et se refuse à parler pour ne rien dire. Il est l’un des fondateurs du Temple Of Hip-Hop, association de rappeurs régis par la clause de faire du hip-hop non-futile, et le promoteur de l’Edutainment dans le rap, c’est-à-dire un rap à la fois distrayant et éducatif. Cette éducation, il la prodigue aussi dans les conférences qu’il tient dans de nombreuses Universités noires et dans son dernier album en date « Spiritual Minded », où il se refuse à se réjouir du drame du World Trade Center, contrairement à nombre de ses collègues. Il fut l’un des créateurs du mouvement Stop The Violence, destiné à faire jeter leurs armes aux jeunes noirs engrainés dans les guerres de gangs. Aujourd’hui encore et malgré quelques écarts commerciaux douteux, KRS-One demeure un très grand du rap américain.
Dr. Octagon
Ecologyst
Kool Keith n’est pas n’importe quel rappeur noir de ghetto qui jouerait au thugz avec des flingues en plastique. Leader des Ultramagnetic Mc’s, changeant de nom à volonté pour se muer en Black Elvis ou en Dr. Octagon selon son humeur, quand il ne tue pas lui-même ses propres personnages. Pionnier du rap science-fictionnel et surréaliste. « Ecologyst » est splendide. Il a lancé dès 1998 la mode insistante des albums-concept dans le hip-hop. Il comprend également une apparition bienvenue de Dj Shadow et d’autres guest à pleurer. Il restera comme un prodige du rap indépendant, et motivera la sortie de pas mal d’autres disques du même genre.
NWA
Straight Outta Compton
A l’heure où Public Enemy appelait à stopper la violence dans les ghettos, NWA au contraire lançait un tout autre message de l’autre côté de l’Amérique : levez vos flingues en l’air et canardez, baisez tout ce qui bouge, foutez le merdier dès que vous le pourrez. Cette doctrine nocive qui généra le succès du gangsta rap fut prise très au sérieux par le FBI qui menaça le groupe de représailles au cas où ce dernier ne se calmerait pas ! Pourtant NWA ne s’est jamais vraiment adouci. Sur le second et seul album culte des cinq Niggaz With Attitude, « Straight Outta Compton » de 1988, le balèse Fuck Tha Police cartonne au nez de l’Etat. Eazy-E, leader immoral jusqu’au plus profond de son être, se complaira dans un hip-hop sulfureux jusqu’au départ crucial d’Ice-Cube en 1989. Après cet évènement, NWA devient involontairement parodique, ridicule et n’inquiète plus personne. Et c’en est fini de lui lorsque même Dr. Dre le quitte pour fonder son label.
Biz Markie
The Biz Never Sleeps
Biz Markie commence à rapper dans les clubs dès 1980 et sort sa première demo en 1985 grâce à Marley Marl. Signé sur Cold Chillin’, il sort en 1988 « Goin’Off », son premier album. Son deuxième opus, le très comique « The Biz Never Sleeps » est un total succès, pérennisant le style humoristique propre au rappeur. Biz Markie cependant ne tiendra pas la route du succès longtemps : son troisième album est retiré des disquaires à cause de problèmes de samples, et le public l’oublie. Ressuscité par un label allemand généreux, Biz Markie est toujours actif à l’heure actuelle mais ne vend plus, et son style de rap rigolo a largement disparu aux USA.
X-Ecutioners
X-Pressions
Les X-Ecutioners sont le plus légendaire crew de djs du hip-hop new-yorkais, composé dans sa forme actuelle de quatre membres : Rob Swift, Roc Raida, Mista Sinista et Eclipse. Ces quatre champions des platines, de nombreuses fois récompensés au DMC, le festival officiel de djing mondial, ont une réputation qui n’en finit pas de grandir partout aux USA. En 1997 ils sortent « X-Pressions », c’est-à-dire le premier album de djing. Carrément. Et sur major en plus, c’est à n’y rien comprendre. Cette pièce de qualité sera suivie d’un « Built From Scratch » en 2002, inférieur mais tout de même très bon. Les X-Ecutioners sortent également des compilations des meilleurs morceaux scratchés du rap américain et poursuivent des carrières solos réussies.
Mobb Deep
The Infamous
Duo à succès de la Côte Est et plus précisément du Queen’s Bridge, Mobb Deep est un cas un peu particulier puisqu’il prodigue depuis quelques années une attitude et des textes gangsta sur un son lugubre hors-propos. Longtemps, Havoc et Prodigy ont été des valeurs sûres qui, pensait-on, ne nous décevraient jamais. Après quatre albums à la qualité constante dont « The Infamous » est le meilleur élément, Mobb Deep sombre finalement dans la mouise R’n’B et le rap brouillon pour racailles dégénérées et avides de bounce. Evidemment et comme d’habitude, c’est au moment précis où le groupe devenait merdique que la France l’a consacré, et depuis plein de gaullois croient que c’est in d’aimer Mobb Deep.
The Notorious BIG
Ready To Die
The Notorious BIG, ex-dealer de shit devenu star mondiale dès 1994 grâce à son premier album « Ready To Die », porte bien son nom. Sa forte corpulence lui confère un timbre de voix bien particulier, et aujourd’hui sinistrement légendaire. Très intégré au sein du show-bizz avec ses amis Jay-Z et Puff Daddy, il est aussi l’un des principaux promoteurs du rap facile d’accès. Très apprécié par la communauté noire et par le grand-public, son second album « Life After Death » n’a toujours pas fini de se vendre. Et pour cause. En mars 1997, The Notorious BIG est abattu de plusieurs balles à la sortie d’une soirée. A l’instar de 2Pac, cette mort donnera lieu à de nombreux albums posthume ainsi qu’à un film biographique.
Grandmaster Flash & The Furious Five
Adventures On The Wheels Of Steel
The Message est le premier morceau de rap social à paraître en 1982, deux ans après le premier disque de Grandmaster Flash & The Furious Five. Grandmaster Flash, unique figure à retenir à tout prix de la old school avec Afrika Bambaata, n’est ni plus ni moins que l’un des inventeurs du mix, cette manœuvre aux platines qui aujourd’hui rythme à la fois le monde du hip-hop et celui de la techno. Il est aussi le premier à avoir détourné le rap de son aspect strictement ludique. Pour la première fois, le rap se trouvait un but, une vocation : décrire les turpitudes et malheurs d’une communauté dans un environnement social hostile. Fort d’une discographie épatante qu’il est inutile d’énumérer ici, Grandmaster Flash a récemment édité « Adventures On The Wheels Of Steel », un mix de ses grands morceaux conçu à l’ancienne, simulation des soirées dansantes improvisées par ses soins dans les rues du Bronx à la fin des années 70. L’emblême de Sugarhill n’est pas mort, ce faux best-of de 1999 le prouve.
The Fugees
The Score
Inutile de présenter l’album de rap américain le plus vendu de l’histoire, ni même le groupe qui en est l’auteur. Après un premier album peu remarqué et avant toute une gallerie d’horribles solos, The Fugees ont bien su remplir leur porte-monnaie avec « The Score ». Sur ce disque tout juste sympathique de 1996 qui ne doit son succès qu’à d’évidentes reprises de Bob Marley et The Delphonics, les haïtiens Wyclef Jean et Pras rappent comme ils le peuvent et Lauryn Hill pousse la chansonnette soul, certes avec brio. Mais le caractère social des textes du disque peine à réhausser son intérêt.
Arsonists
As The World Burns
Les Arsonists avaient nourri beaucoup d’espoirs dans l’underground depuis leurs premiers maxis parus en 1996 sur le bon label Fonde’em. En 1999 paraît « As The World Burns » et autant dire qu’il confirme tout à fait le talent précédemment entrevu chez ces fans de Mobb Deep. Un son clairement made in New-York, des morceaux plus conceptuels que la moyenne ne camouflent cependant pas un certain manque d’unité et des flows tout à fait corrects mais un peu banal. Mais il s’agit de chipotage car le tout est farouchement efficace et tient résolument bien la mesure face à l’impitoyable concurrence d’un Los Angeles en ébullition.
Anticon
Music For The Advancement Of Hip-Hop
Les bons disques d’Anticon sont tellement nombreux que seule une compilation représentative peut prétendre au rang d’ouvrage majeur du hip-hop. Anticon, groupe et label expérimental fondé en 1998 comporte huit membres principaux : Dose One, Alias, Sole, Odd Nosdam, Passage, Pedestrian, Jel et Why ?. Tous blancs, intellos, nerds, masturbateurs et responsables d’une centaine de disques super underground de la morkitu mega space à travers des dizaines de side-projects tous plus barjos les uns que les autres. Malgré son titre pompeux, « Music For The Advancement Of Hip-Hop » sort en 1999 et c’est une bonne compilation de présentation de ces nouveaux héros du hip-hop, le début d’une épopée sans pareille où l’on jeta le rap au milieu du carrefour de tous les genres musicaux. Cela dit, certaines expérimentations poussives risquent de mener le groupe vers un cul-de-sac inévitable d’ici quelques temps, enfin je pense.
Busta Rhymes
The Coming
Inutile de trop présenter Busta Rhymes, de toutes façons j’en ai pas envie. Ce résident de Brooklyn et ses longues dreadlocks rappent depuis 1990 au sein de The Leaders Of The New School, qui produira deux albums. En 1996, il sort un premier solo, « The Coming », très marqué d’influences jamaïcaines. Au fil des sorties, les ventes suivront une courbe ascendante, Busta Rhymes devenant rapidement l’un des grands représentants du rap grand-public avec d’autres minables du genre de Puff Daddy, Jay-Z ou Coolio. Maître des featuring commerciaux et des albums en demi-mesure jusqu’à son « Genesis » en 2001, Busta Rhymes a pour lui un débit très original et rapide.
Ice-T
O.G. : Original Gangsta
Originaire du New-Jersey, le jeune Ice-T perd vite ses parents dans un accident de voiture et se réfugie dans le rap pour oublier. Fasciné dès le milieu des années 80 par les malfrats, mafieux et autres proxénètes, il se créé vite une personnalité de gangster : sur ses pochettes d’albums se multiplient filles en string, gros flingues et villas luxueuses. Sans le savoir il a créé le gangsta rap, mais à ses textes de bandit il rajoute une dimension sociale que n’auront pas vraiment ses successeurs. Agressif, décadent, misogyne et n’ayant de cesse d’encourager à flinguer tous les flics, Ice-T sort l’album « Rhyme Pays » en 1987, premier d’une série de près de dix brûlots. Il obtient un succès faramineux avec « O.G. : Original Gangsta » en 1991, son disque le plus réussi et le plus polémique. Ice-T réussira même à toucher la jeunesse du public blanc au travers de sa carrière parallèle au sein de Body Count, son excellent groupe de metal furieux.