Episode 4: acte 4
Publié : 10 avr. 2002 1:13
ACTE 4
SÉQUENCE XX – Q.G. DE MILLENNIUM – INT. JOUR
Le Doyen est assis derrière son bureau. Il parle à un groupe de trois ou
quatre hommes dont on ne distingue que les nuques.
Le Doyen a l’air grave. Il a un stylo dans la main qu’il ne cesse de faire
tourner entre ses doigts, nerveusement.
En fait, il y a un contraste étonnant entre le son déterminé de sa voix, et
la posture de contrariété et de résignation qu’il a prise derrière son
bureau.
DOYEN
Nous ne nous devons pas nous voiler la face. Nous
sommes confrontés à une conspiration extérieure. On
essaye de nous abreuver de mensonges, de nous voiler
certaines vérité. On nous prend pour des imbéciles,
en vérité.
Ses deux mains se rejoignent et tiennent maintenant toutes deux fermement
le stylo dont elle font jouer le système de fermeture à vis.
DOYEN
On nous a servi un squelette factice, une chimère
biochimique dont nos adversaires ont cru qu’elle
résisterait à l’expertise du Groupe.
C’est d’autant plus affligeant qu’ils aient pu croire
une telle chose que nous conaissons maintenant la
nature des complicités dont ils ont bénéficié.
Soudain, le plastique du stylo cède à la pression exercée par les mains du
Doyen. Celui-ci s’interrompt et contemple un instant, immobile et en
silence l’outil brisé, dont chacune de ses mains tient une partie, et qui
s’est répandu en quelques autres fragments sur son bureau.
Il jette le stylo dans une corbeille, et balaye le bureau du revers de sa
main.
DOYEN
Cette traîtresse infâme a cru pouvoir nous berner à
l’aide du génie génétique et de quelques substances
chimiques puissantes. Ce que je vous demande aujourd’hui,
c’est de lui faire mesurer l’ampleur de son erreur. Elle
a pu échapper une fois à la colère du Groupe provoquée par
sa trahison. Je compte sur vous pour réparer cette erreur
de manière définitive.
Le Doyen regarde les hommes un par un, comme pour les évaluer, puis il leur
fait comprendre du regard que la conversation est terminée. Alors que les
autres commencent à se lever, un reste assis et sa voix s’élève
timidement :
L’HOMME
Et... Et le Conseil ?
DOYEN
(menaçant)
Le Conseil n’en saura rien ! Et s’il l’apprenait, il se
rangera à ma décision !
SÉQUENCE XX – HÔTEL DE FRANK – INT./EXT. SOIR
Les stores sont baissés, et la pénombre règne dans la pièce. Jordan dort
dans le grand lit, sur le bord duquel Frank est assis. Son regard est
plongé dans la contemplation du visage de sa fille, son attention
entièrement focalisée sur elle. Doucement, il caresse son front, et jouer
du bout de ses doigts avec quelques mèches de cheveux bouclés qui viennent
chatouiller les sourcils de Jordan.
Tout à coup, quelques coups discrets se font entendre à la porte. Frank
tourne la tête vers celle-ci, semble hésiter un instant, puis se lève.
Plus que vraiment ouvrir la porte, il l’entrebâille, et découvre ainsi une
portion du visage de Roméo, dont le visage est brillamment éclairé par un
rayon de soleil très jaune.
Frank plisse les yeux pour tenter de s’accommoder à la lumière dérangeante.
Roméo s’adresse à lui en chuchotant.
ROMÉO
Ca va, Frank ?
Frank fait oui de la tête. Roméo incline le visage pour réussir à à peine
apercevoir la petit Jordan endormie sous les couvertures.
ROMÉO
Et Jordan, comment va-t-elle ?
FRANK
(il parle d’une manière un peu hachée)
Bien. Elle va bien. Elle a simplement été très effrayée. Elle
se repose. Elle dort depuis deux heures. Elle en a besoin.
ROMÉO
(inquiet)
Vous êtes sûr que ça va, Frank ?
Frank le regarde un instant droit dans les yeux avant de répondre.
FRANK
Oui, ne vous en faites pas, Roméo. C’est juste que... Tout
cela fait remonter à la surface des événements... des choses...
Vous n’étiez pas là. Vous ne pouvez pas comprendre.
Roméo hoche la tête. Il a envie de savoir, mais il abordera le sujet une
autre fois.
ROMÉO
Frank, est-ce que vous pouvez venir, s’il vous plaît ? Je dois
vous parler.
FRANK
Non, je... Jordan...
ROMÉO
J’ai fait poster trois policiers aux alentours de la
porte, et deux autres à l’entrée de l’hôtel. Vous n’avez
pas d’inquiétude à avoir, Frank.
Après un autre regard, et un autre instant d’hésitation, Frank ouvre la
porte un peu plus grand et passe la tête. Il voit de chaque coté des
policiers qui assurent la surveillance des lieux.
Il finit par sortir de la chambre et referme délicatement la porte derrière
lui.
FRANK
Ca m’embêterai de ne pas être là quand elle se réveillera.
ROMÉO
Écoutez Frank, je viens vous apporter les résultats des
expertises scientifiques opérés sur Adam.
(Il fait un grand sourire)
Évidemment, j’avais raison.
Frank lève un sourcil incrédule. Il attrape des mains de Roméo le dossier
dans lequel se trouvent les résultats.
ROMÉO
Un alcaloïde hallucinogène s’apparentant à la mescaline.
FRANK
Qu’est-ce que c’est que ça.
ROMÉO
La source des pouvoirs Divins. C’est la substance chimique
dont était recouverte le squelette. C’est ce qui a provoqué
ce qui a fait si peur à la petite.
(hilare)
Oui, je sais, le mythe du squelette de l’ange aux pouvoirs
fantastique en prend un sacré coup. Disons qu’on tape plus
dans la légende urbaine du savant fou qui veut se faire
mousser en créant un monstre grâce aux miracles de la
génétique.
FRANK
Tout a donc été créé de toute pièce...
ROMÉO
Et plutôt bien pour ce qui est du squelette. C’est une chimère
génétique d’excellente facture, mais une chimère tout de même.
D’ailleurs les datations établissent une ancienneté d’environ
un siècle. Un peu juste pour un ange.
FRANK
Une arnaque.
ROMÉO
Sur toute la ligne. Comme quoi il est bon d’avoir avec soi un
collègue avec les pieds bien sur terre, même dans les affaires
aux apparences les plus mystiques.
Je vous suggère de réserver un billet pour le premier vol pour
Seattle. Ca fera du bien à Jordan de se retrouver dans un
environnement familier.
En discutant, Roméo et Frank se sont rapprochés de l’entrée de l’hôtel.
Roméo jette un regard vers Frank, et remarque que son attention est
ailleurs. Il suit son regard et tombe sur Suzanne et Peter qui marchent à
leur rencontre.
ROMÉO
Ma parole ! C’est une vraie réunion de famille ! Il doit bien y
avoir une Dinde à manger quelque part dans cette ville.
PETER
L’instant n’est pas à la plaisanterie, Luther.
ROMÉO
Une fois de plus, nos avis divergent. Avoir réussi à prouver une
mystification grossière qui aurait berné le genre de fanatique
religieux que vous êtes m’amuse beaucoup, perso.
FRANK
Roméo...
ROMÉO
Mais tout cela ne répond pas à la seule vraie question sérieuse :
qu’est-ce que vous faites ici Peter ? On m’a dit que depuis votre
perte de Foi dans le Groupe, vous cherchiez à monter un boys band.
Peter lui jette un regard sombre.
PETER
Vous n’avez pas tord, Roméo. Pour moi, cette affaire s’arrête ici.
Après avoir fait un salut de la tête à Frank, Peter tourne les talons et
s’éloigne.
FRANK
Peter, attends !
SUZANNE
Laissez, Frank. Nous n’avons pas le temps de nous soucier des
états d’âme de Peter pour le moment. Ils vont nous filer sous
le nez.
FRANK
Quoi ? De quoi parlez-vous Suzanne ?
SUZANNE
Les ossements qu’on nous a présenté étaient des faux... Parce
qu’ils ont gardé les vrais. Et ils vont leur faire évacuer le
secteur ce soir, en passant par les montagnes.
SÉQUENCE XX – MASSIF ROCHEUX DE L’IDAHO – EXT. SOIR/NUIT
Le soleil est passé derrière l’horizon. Des son cotés, des éclats roses et
orangés colorent vivement le ciel, tandis qu’à l’opposé, les étoiles les
plus brillantes sont installées dans le ciel d’un bleu profond.
Le jour s’éloigne et les ombres englobent un camion citerne qui roule sur
cette route de montagne étroite qui serpente vers le col.
Des ombres qui servent aussi à dissimuler la voiture qui suit le camion à
une centaine de mètres. Elle est conduite par Suzanne. Frank est assis sur
le siège du passager, tandis que Roméo est assis au milieu de la banquette
arrière, le buste vers l’avant, ses bras reposent sur les banquettes des
sièges de Frank et Suzanne.
ROMÉO
C’est sympa cette balade en montagne. Par contre, Suzanne, vous
n’êtes pas super forte pour le planning. A cette heure, c’est
trop sombre pour profiter de la vue.
SUZANNE
Roméo ?
ROMÉO
Oui, ma chère Suzanne ?
SUZANNE
Vous n’avez jamais envisagé de mener vos enquêtes bâillonné ?
FRANK
Vous ne nous en avez toujours pas dit plus sur ce que nous
poursuivons.
Suzanne lui jette un regard en coin. Elle semble rétiencent à parler.
FRANK
(le plus sérieusement du monde)
Si vous parlez... il se taira.
Roméo lui balance un coup de coude.
ROMÉO
(entre ses dents)
Sale traître !
SUZANNE
(après un soupir)
Le squelette que vous avez vu était un faux grossier. Nos
adversaires espéraient qu’il divertirait notre attention
suffisamment longtemps pour qu’ils puissent nous soustraire
le véritable Adam, celui qui a été déterré sur le lieu du crime.
ROMÉO
Et qui sont les méchants qui veulent du mal au très noble, très
vertueux et gentil tout plein Groupe Millennium, cette semaine ?
Suzanne lève les yeux au ciel, excédée.
FRANK
C’est une question pertinente.
Suzanne lui décoche un regard noir
FRANK
(avec un sourire)
...En d’épis de sa formulation quelque peu sujette à caution.
SUZANNE
Les employeurs d’Hector Pérégrine. Il s’est introduit dans la
Communauté des adorateurs d’Adam pour faciliter ses plans.
FRANK
...Qui étaient donc de s’approprier les restes de ce supposé
Ange ? Vous ne nous avez toujours pas dit pour le compte
de qui.
SUZANNE
Qui peut être intéressé par une telle chose ? Qui peut à la
fois avoir Foi en cette chose pour vouloir s’approprier son
pouvoir, et en même temps craindre qu’il ne tombe en
d’autres mains, qu’il serve d’autres desseins ?...
FRANK
Est-ce que vous suggérez...?
SUZANNE
Bien sûr. C’est le Vatican qui a envoyé Hector Pérégrine,
le rescapé de la Famille, ici. C’est le Vatican qui croit
en ce pouvoir, et le veut pour lui, et qui a peur qu’en
d’autres mains il ne serve à l’établissement d’un autre
Dogme, une autre religion qui pourrait affaiblir son pouvoir.
C’est le Vatican qui ne fait pas suffisamment confiance au
Groupe pour le laisser mettre la main sur une relique
d’une telle importance.
FRANK
Pourquoi ?
SUZANNE
C’est un sujet que nous réserverons pour un moment où nous
aurons le temps et la possibilité de nous lancer dans des
discussions complexes et riche. Pour l’heure, je me contenterai
de dire que l’Histoire pèse de tout son poids sur le Présent,
à chaque instant.
FRANK
Hummm. Continuez...
SUZANNE
J’en étais où ? Ah oui... C’est le Vatican, enfin, qui a fait
libérer Cheryl Andrews de la cellule où nous avions réussi à
l’enfermer après qu'elle ait essayée de vous éliminer, vous
et Peter. C’est lui qui a chargé la traîtresse de mener
cette opération.
Frank hausse un sourcil, mais ne dit pas un mot. A l’arrière, Roméo écoute
goguenard, la bouche à demi ouverte.
ROMÉO
Putain, on m’a téléporté dans un soap opera et on m’a même
pas prévenu.
SUZANNE
Les données informatique de Pérégrine nous ont permis de
découvrir qu’un échange aura lieu au sommet de cette montagne.
Là-haut, ce sera probablement notre dernière chance de
récupérer cet héritage fantastique de l’humanité, susceptible
de fermer la bouche de l’imbécile assis à l’arrière pour
toute la durée du prochain millennium.
ROMÉO
(toujours pas sûr que tout ceci est sérieux)
Et à aucun moment ça vous choque qu’ils transportent un squelette
dans une citerne ?
SÉQUENCE XX – SOMMET – EXT. NUIT
Le camion s’écarte de la route et se gare sur une aire sablonneuse qui
forme un plateau. La caméra s’élève en s’éloignant pour nous donner un
aperçu de la géographie des lieux. Au bout de la falaise, il y a une petite
falaise d’une dizaine de mètre, en bas de laquelle se trouve un autre
plateau, beaucoup plus étroit.
Le chauffeur du camion coupe ses feux.
La voiture conduite par Suzanne débouche, en roulant au pas et les phares
éteints, du virage qui lui découvre le plateau. Suzanne gare la voiture
juste en bordure de la route, à environ cinquante mètres du camion.
Roméo observe à l’aide de jumelles à infrarouge. Le chauffeur du camion
descend du véhicule. Il s’en éloigne d’un pas pressé, et finit par
disparaître derrière des rochers, caché par la courbe que fait la route.
ROMÉO
Où est-ce qu’il va, comme ça ?
Frank, lui, a toujours yeux fixés sur le camion, qu’il essaie de distinguer
dans la pénombre. Peu à peu, un air d’incrédulité s’affiche sur son visage.
FRANK
Roméo...
ROMÉO
C’est pas normal que ce type parte comme ça... Pas s’il
donne de l’importance à ce truc qu’il transporte...
FRANK
Le camion...! Roméo, regardez le camion !
Roméo lève un instant le nez de ses jumelles pour interroger Frank du
regard.
FRANK
REGARDEZ LE CAMION !
Roméo s’exécute. Après un instant :
ROMÉO
Il bouge ! Bordel de merde, le camion bouge vers le ravin.
SUZANNE
(horrifiée)
Cet imbécile n’a pas serré son frein à main ?!
FRANK
Vous ne comprenez pas ? Ils ne sont pas venu s’approprier Adam.
Ils sont venu soustraire aux autres ! Le détruire !
ROMÉO
C’est pour ça qu’ils l’ont mis dans une citerne !
Roméo ouvre soudainement sa portière et se met à courir en direction du
camion, bientôt suivi par Frank puis par Suzanne.
Ils courent aussi vite qu’ils le peuvent pour tenter d’empêcher la chute du
camion citerne.
Frank, dans sa course, aperçoit la roue avant du camion qui est désormais
dans les airs. Ce n’est plus qu’une question de seconde. Il n’y a plus rien
à faire. Il arrête sa course.
FRANK
Roméo !! C’est trop tard !
Suzanne le rattrape et s’arrête à ses cotés...
FRANK
Roméo ! Demi-tour, ca va exploser !
Mais Roméo semble ne pas vouloir s’arrêter...
FRANK
ROMÉO !!!!!!
Roméo commence à ralentir sa course. Il observe le camion, dont près d’un
moitié est maintenant suspendu dans les airs. Il commence à basculer...
Roméo s’arrête.
Puis commence à courir en sens inverse aussi vite qu’il le peut.
Frank et Suzanne cherchent aussi à s’éloigner.
Un instant plus tard, le camion bascule, et s’écrase en contrebas de la
falaise.
Une énorme flamme rougeoyante s’élève dans les airs.
Tandis que Frank et Suzanne s’accroupissent, les mains sur les oreilles et
les cheveux agités par le vent violent de l’explosion, Roméo, bien plus
près de l’explosion, est quand à lui jeté à terre par le souffle.
L’explosion détache la partie motrice du camion de la remorque citerne.
Elle est projetée vers l’extérieure et est précipité dans le ravin qui fait
suite à se second plateau. Elle roule vers le bas en se fracassant contre
des arbres arc-boutés à la montagne qui se couchent sur son passage.
Les restes de la citerne finissent de se désintégrer dans une seconde
explosion qui provoque un éboulement d’une partie de la falaise du premier
plateau. Quelques gros blocs de pierre roulent juste qu’à ce qui reste du
métal tordu dans les flammes d’une chaleur inouïe.
Alors que le vent chaud se calme enfin, Frank peut se déplier quelque peu
et se retourner vers l’arrière. Il cherche Roméo du regard.
FRANK
Roméo !
Il se redresse autant qu’il le peu, et marche, baissé, en direction de
l’enfer de chaleur.
Il finit par trouver sur son chemin Roméo, allongé sur le sol de sable,
inconscient.
FRANK
Roméo...
Frank attrape Roméo sous les bras et le retourne, l’allongeant en partie
sur lui. Ses mains se déplacent jusqu’à son coup, et ses doigts se
positionnent pour prendre son pouls.
Rassuré, sa main se porte sur le visage de Roméo où il essuie du sang
coulant de sa pommette blessée. Il enlève au passage une couche de suie
noire, et laisse une marque blanche sur le visage du jeune homme.
FRANK
Roméo, qu’est-ce qui t’as pris ?
SÉQUENCE XX – HÔPITAL DE BOISE, IDAHO – INT. JOUR
Roméo a un bandage sur la tête et un pansement sur la pommette. Il est
assis au pied du lit, la télécommande à la main, passant d’une chaîne à
l’autre, nerveusement.
Visiblement, il ne tient pas en place.
Entrent Frank et Suzanne, le sourire aux lèvres.
FRANK
Roméo ! Le médecin nous a dit que vous alliez bien.
ROMÉO
Oui... Cette nuit à l’hôpital n’était même pas nécessaire,
j’ai juste été un peu sonné.
FRANK
Mieux vaut un excès de précautions...
ROMÉO
(coupant Frank)
Oui, oui, je comprends...
SUZANNE
Nous sommes retournés sur les lieux...
ROMÉO
Et ?
SUZANNE
Il ne reste plus rien. La citerne était à demi pleine de
carburant de fusée. Les flammes étaient si vives et si
puissantes qu’elles ont fait fondre le métal de la citerne.
Elles ont tout réduit en cendre.
Frank sort quelque chose de sa poche et le donne à Roméo.
C’est un morceau de verre brut.
FRANK
Voici à quoi ressemblait le sable à peine vingt mètres
plus loin que l’endroit où vous vous trouviez.
Roméo hausse un sourcil impressionné. Puis, après un instant :
ROMÉO
En conclusion, rien, aucune preuve ne permet de corroborer
la théorie de Suzanne et du Groupe.
SUZANNE
Et ce que nous avons vu hier soir, ce n’était pas une
preuve ? L’église Catholique avait tellement peur des
vérités contenues dans ces os. Elle avait tellement peur
d’être dépassée par d’autres mouvements religieux...
ROMÉO
Tout cela n’aurait pu être qu’une mise en scène destinée à
convaincre de l’existence d’Adam. En l’état actuel des choses,
toute cette affaire n’aura été que du vent...
Agacée, Suzanne se retourne vers la porte, et s’apprête à sortir de la
chambre. Juste avant de sortir, elle lance par dessus son épaule :
SUZANNE
Vous sembliez bien plus rongé par le doute à l’instant où
vous courriez éperdument vers ce camion. Cet instant où
vous sembliez désirer si ardemment voir une preuve.
Suzanne s’en va, laissant Roméo contempler pensivement l’embrasure vide de
la porte.
FRANK
(rompant le silence)
Vous pouvez vous changer, Roméo, je vous ramène à Seattle.
Pendant une seconde, Roméo semble ne pas avoir entendu, puis il tourne son
visage vers Frank.
ROMÉO
Bien sûr, bien sûr...
Roméo ramasse ses vêtements et se dirige vers un paravent en silence.
FRANK
Vous avez raison, Roméo, il n’y a aucune preuve dans cette affaire.
Aucune réponse. Frank fronce les sourcils, légèrement inquiet.
FRANK
Il est vrai que tout cela était peut-être une mise en
scène. Elle pourrait même avoir été orchestrée par nos
ennemis au sein du Groupe.
Toujours le silence. Puis, finalement, Roméo ressort de derrière le
paravent, l’air préoccupé.
ROMÉO
Suzanne a raison aussi. J’étais un autre quand je courrais
vers cette citerne.
Frank est à l’écoute, lui montre son attention.
ROMÉO
Et je ne sais pas... Je ne sais pas qui j’étais. je ne sais
pas ce qui me poussais.
FRANK
Roméo... En chacun de nous, il y a deux pôles. Complémentaires
et ennemis, associés et opposés. Il y a notre cerveau, le
siège de l’intelligence, de nos pensées, de notre raisonnement.
C’est la source de nos actions raisonnables et réfléchies.
Et il y a le cœur. Et cette vérité singulière : au sein du
cœur de tous les hommes, mêmes les plus cartésiens, il y a
l’envie de savoir, de découvrir, et de croire à l’incroyable.
Roméo reste une fois encore silencieux un instant.
ROMÉO
Peut-être que c’est vrai. Peut-être que quand mon cerveau
s’arrête, mon cœur prend le relais. Il est possible que batte
en moi un cœur prêt à être vitrifié pour découvrir des secrets
que ma pensée ne peut admettre.
Roméo attrape un sac avec quelques affaires posé prêt du lit, le referme,
et suit Frank vers la sortie.
ROMÉO
(s’arrêtant soudain)
Attendez !
Il fait demi-tour et se dirige vers son lit d’hôpital. Il y a attrape le
morceau de sable vitrifié posé sur le matelas.
Il le met dans sa poche.
ROMEO
(souriant)
Un souvenir pour mettre du plomb dans la tête à mon coeur
La caméra pivote pour suivre les deux hommes quittant la chambre et
s’éloignant.
ROMÉO
J’espère que notre avion part bientôt. Ce soir à Seattle,
il y a un super film avec Traci Lords sur le câble.
FRANK
Qui ça ?
SÉQUENCE XX – MINISTÈRE DE LA CULTURE, ROME, Italie – INT. JOUR
Cheryl Andrews est assise au bout d’une longue table de bois massif autour
de laquelle sont assis huit hommes en habits religieux, des cardinaux.
ANDREWS
Bref, pour résumer en une phrase, l’opération a été un
total succès. Nous avons pu récupérer Adam, le soustraire
à Millennium et aux autres, et à distraire l’attention du
Groupe suffisamment longtemps pour pouvoir le détruire.
Elle referme un dossier ouvert devant elle.
ANDREWS
Vos craintes ne deviendront pas vérité. Vous pouvez être
rassuré, Adam ne servira pas à l’établissement d’une
branche vénérant les anges et leur hiérarchie. La place
de Dieu ne sera pas usurpée.
Andrews se lève.
ANDREWS
Puisque je constate vous avoir donné entière satisfaction
dans la manière dont j’ai mené pour vous cette affaire,
j’attends de vous que vous respectiez vos engagements.
Vous avez mes coordonnées bancaires. J’attends le virement
dans les plus brefs délais. Je figurais déjà parmi les
ennemis de Millennium, je suis maintenant une de leurs
cibles prioritaires.
CARDINAL #1
Vous pouvez comptez sur nous. Nous vous remercions.
Le Cardinal #1 se lève, bientôt suivi des 7 autres.
CARDINAL #1
Messieurs, à la semaine prochaine.
SÉQUENCE XX – PARKING SOUTERRAIN DU MINISTÈRE – INT. JOUR
Cheryl Andrews débouche d’un ascenseur, et se dirige vers sa voiture en
fouillant sa poche à la recherche de ses clefs.
UN HOMME
Andrews !
Elle se retourne vivement, et scrute en vain la pénombre.
Enfin, une ombre en imperméable se révèle derrière un pilier. L’homme fait
un pas vers elle, et un néon blafard vient éclairer une moitié de son
visage.
Il s’agit de BLAYLOCK, le tueur habituel de Millennium
ANDREWS
Denis !...
BLAYLOCK
Cheryl, je suis heureux de vous revoir. Même si j’aurais
aimé que les circonstances... Enfin, vous voyez ce que
je veux dire, j’imagine.
Andrews fait un pas en arrière, la peur inscrite sur son visage.
BLAYLOCK
C’est inutile, et vous le savez... Ne mourrez pas en lâche.
Cheryl Andrews se retourne et se met à courir aussi vite qu’elle le peut
dans le parking, en quête d’une sortie, d’une échappatoire.
Un CRISSEMENT DE PNEU. Cheryl se retourne juste à temps pour apercevoir la
voiture qui lui fonce dessus à pleine vitesse. Elle cogne contre le capot.
Son corps désarticulé virevolte un instant dans les airs avant de rebondir
sur le toit du véhicule.
Elle s’écrase sur le sol, comme un pantin.
Blaylock s’approche d’elle en marchant lentement, calmement. Cheryl est
allongée au milieu d’une marre de sang. Ses yeux sont grands ouverts, figés
dans une expression de douleur.
Blaylock s’accroupit et attrape le poignet d’Andrews. Il positionne son
pouce pour chercher un pouls. Il n’y en a pas. Il lâche la main plus qu’il
ne la repose, et elle retombe vers le sol paume en l’air.
La caméra s’approche lentement du symbole mérovingien de la famille qui se
trouve sur le poignet d’Andrews...
Fondu sur...
SÉQUENCE XX – MAISON JAUNE, SALON – INT. JOUR
... l’ouroboros sur l’ordinateur de Frank Black.
‘‘Il reste 466 jours.’’
Frank accède au système de navigation du Groupe. Il entame une recherche
sur les membres, mu par une intuition.
L’écran affiche : ‘‘recherche membre’’.
Frank tape : ‘‘Peter Watts’’.
Un instant d’attente.
‘‘Désolé. Votre recherche n’a aboutit à aucun résultat.
Nouvelle recherche ?’’
Frank regarde l’écran en silence.
Jordan passe en courant derrière lui.
JORDAN
Papa, je vais jouer dans le jardin !
Frank se retourne et la suit du regard. Elle ouvre la porte, s'arrête, et
se retourner vers son père.
JORDAN
Papa... Qu'est-ce que tu as fait quand on était dans l'Idaho?
Je veux dire, quand je dormais et que tu es parti.
Frank reste silencieux.
JORDAN
(continuant)
Je me suis réveillé, et t'étais pas là. J'ai ouvert la porte
et un policier m'a dit que tu avais eu du travail, et que tu
allais bientôt revenir. Mais il faisait jour quand tu es revennu.
Frank ne dit toujours rien.
JORDAN
(continuant)
Il y avait un méchant à arrêter?
FRANK
Oui... Oui, il y avait un méchant à arrêter.
Jordan fait un sourire.
JORDAN
J'espère que tu l'a eu!
Et elle sort jouer, sous le regard de Frank.
Il se lève et observe un instant Jordan jouant dehors par la fenêtre. Il
retourne vers la table où son trouve son ordinateur portable. A coté, est
posé un dossier. Des papiers d’avocats.
On distingue quelques mots : ‘‘Jordan’’, ‘‘convocation au tribunal’’.
Il referme le dossier.
Il monte à l’étage...
SÉQUENCE XX – CHAMBRE DE JORDAN – INT. JOUR
Frank entre dans la chambre de sa fille. Il aperçoit un dessin sur le lit
et s’en approche...
C’est un ange, maladroitement tracé.
Frank, très ému, s’assoit sur le lit d’enfant. Il passe sa main sur son
visage.
SÉQUENCE XX – SALON – INT. JOUR
En bas, des perturbations s’affichent sur l’écran de Frank.
L’écran devient noir, puis une fenêtre de message s’affiche.
‘‘Système pénétré. Données personnelles téléchargées.’’
FONDU AU NOIR
FIN
SÉQUENCE XX – Q.G. DE MILLENNIUM – INT. JOUR
Le Doyen est assis derrière son bureau. Il parle à un groupe de trois ou
quatre hommes dont on ne distingue que les nuques.
Le Doyen a l’air grave. Il a un stylo dans la main qu’il ne cesse de faire
tourner entre ses doigts, nerveusement.
En fait, il y a un contraste étonnant entre le son déterminé de sa voix, et
la posture de contrariété et de résignation qu’il a prise derrière son
bureau.
DOYEN
Nous ne nous devons pas nous voiler la face. Nous
sommes confrontés à une conspiration extérieure. On
essaye de nous abreuver de mensonges, de nous voiler
certaines vérité. On nous prend pour des imbéciles,
en vérité.
Ses deux mains se rejoignent et tiennent maintenant toutes deux fermement
le stylo dont elle font jouer le système de fermeture à vis.
DOYEN
On nous a servi un squelette factice, une chimère
biochimique dont nos adversaires ont cru qu’elle
résisterait à l’expertise du Groupe.
C’est d’autant plus affligeant qu’ils aient pu croire
une telle chose que nous conaissons maintenant la
nature des complicités dont ils ont bénéficié.
Soudain, le plastique du stylo cède à la pression exercée par les mains du
Doyen. Celui-ci s’interrompt et contemple un instant, immobile et en
silence l’outil brisé, dont chacune de ses mains tient une partie, et qui
s’est répandu en quelques autres fragments sur son bureau.
Il jette le stylo dans une corbeille, et balaye le bureau du revers de sa
main.
DOYEN
Cette traîtresse infâme a cru pouvoir nous berner à
l’aide du génie génétique et de quelques substances
chimiques puissantes. Ce que je vous demande aujourd’hui,
c’est de lui faire mesurer l’ampleur de son erreur. Elle
a pu échapper une fois à la colère du Groupe provoquée par
sa trahison. Je compte sur vous pour réparer cette erreur
de manière définitive.
Le Doyen regarde les hommes un par un, comme pour les évaluer, puis il leur
fait comprendre du regard que la conversation est terminée. Alors que les
autres commencent à se lever, un reste assis et sa voix s’élève
timidement :
L’HOMME
Et... Et le Conseil ?
DOYEN
(menaçant)
Le Conseil n’en saura rien ! Et s’il l’apprenait, il se
rangera à ma décision !
SÉQUENCE XX – HÔTEL DE FRANK – INT./EXT. SOIR
Les stores sont baissés, et la pénombre règne dans la pièce. Jordan dort
dans le grand lit, sur le bord duquel Frank est assis. Son regard est
plongé dans la contemplation du visage de sa fille, son attention
entièrement focalisée sur elle. Doucement, il caresse son front, et jouer
du bout de ses doigts avec quelques mèches de cheveux bouclés qui viennent
chatouiller les sourcils de Jordan.
Tout à coup, quelques coups discrets se font entendre à la porte. Frank
tourne la tête vers celle-ci, semble hésiter un instant, puis se lève.
Plus que vraiment ouvrir la porte, il l’entrebâille, et découvre ainsi une
portion du visage de Roméo, dont le visage est brillamment éclairé par un
rayon de soleil très jaune.
Frank plisse les yeux pour tenter de s’accommoder à la lumière dérangeante.
Roméo s’adresse à lui en chuchotant.
ROMÉO
Ca va, Frank ?
Frank fait oui de la tête. Roméo incline le visage pour réussir à à peine
apercevoir la petit Jordan endormie sous les couvertures.
ROMÉO
Et Jordan, comment va-t-elle ?
FRANK
(il parle d’une manière un peu hachée)
Bien. Elle va bien. Elle a simplement été très effrayée. Elle
se repose. Elle dort depuis deux heures. Elle en a besoin.
ROMÉO
(inquiet)
Vous êtes sûr que ça va, Frank ?
Frank le regarde un instant droit dans les yeux avant de répondre.
FRANK
Oui, ne vous en faites pas, Roméo. C’est juste que... Tout
cela fait remonter à la surface des événements... des choses...
Vous n’étiez pas là. Vous ne pouvez pas comprendre.
Roméo hoche la tête. Il a envie de savoir, mais il abordera le sujet une
autre fois.
ROMÉO
Frank, est-ce que vous pouvez venir, s’il vous plaît ? Je dois
vous parler.
FRANK
Non, je... Jordan...
ROMÉO
J’ai fait poster trois policiers aux alentours de la
porte, et deux autres à l’entrée de l’hôtel. Vous n’avez
pas d’inquiétude à avoir, Frank.
Après un autre regard, et un autre instant d’hésitation, Frank ouvre la
porte un peu plus grand et passe la tête. Il voit de chaque coté des
policiers qui assurent la surveillance des lieux.
Il finit par sortir de la chambre et referme délicatement la porte derrière
lui.
FRANK
Ca m’embêterai de ne pas être là quand elle se réveillera.
ROMÉO
Écoutez Frank, je viens vous apporter les résultats des
expertises scientifiques opérés sur Adam.
(Il fait un grand sourire)
Évidemment, j’avais raison.
Frank lève un sourcil incrédule. Il attrape des mains de Roméo le dossier
dans lequel se trouvent les résultats.
ROMÉO
Un alcaloïde hallucinogène s’apparentant à la mescaline.
FRANK
Qu’est-ce que c’est que ça.
ROMÉO
La source des pouvoirs Divins. C’est la substance chimique
dont était recouverte le squelette. C’est ce qui a provoqué
ce qui a fait si peur à la petite.
(hilare)
Oui, je sais, le mythe du squelette de l’ange aux pouvoirs
fantastique en prend un sacré coup. Disons qu’on tape plus
dans la légende urbaine du savant fou qui veut se faire
mousser en créant un monstre grâce aux miracles de la
génétique.
FRANK
Tout a donc été créé de toute pièce...
ROMÉO
Et plutôt bien pour ce qui est du squelette. C’est une chimère
génétique d’excellente facture, mais une chimère tout de même.
D’ailleurs les datations établissent une ancienneté d’environ
un siècle. Un peu juste pour un ange.
FRANK
Une arnaque.
ROMÉO
Sur toute la ligne. Comme quoi il est bon d’avoir avec soi un
collègue avec les pieds bien sur terre, même dans les affaires
aux apparences les plus mystiques.
Je vous suggère de réserver un billet pour le premier vol pour
Seattle. Ca fera du bien à Jordan de se retrouver dans un
environnement familier.
En discutant, Roméo et Frank se sont rapprochés de l’entrée de l’hôtel.
Roméo jette un regard vers Frank, et remarque que son attention est
ailleurs. Il suit son regard et tombe sur Suzanne et Peter qui marchent à
leur rencontre.
ROMÉO
Ma parole ! C’est une vraie réunion de famille ! Il doit bien y
avoir une Dinde à manger quelque part dans cette ville.
PETER
L’instant n’est pas à la plaisanterie, Luther.
ROMÉO
Une fois de plus, nos avis divergent. Avoir réussi à prouver une
mystification grossière qui aurait berné le genre de fanatique
religieux que vous êtes m’amuse beaucoup, perso.
FRANK
Roméo...
ROMÉO
Mais tout cela ne répond pas à la seule vraie question sérieuse :
qu’est-ce que vous faites ici Peter ? On m’a dit que depuis votre
perte de Foi dans le Groupe, vous cherchiez à monter un boys band.
Peter lui jette un regard sombre.
PETER
Vous n’avez pas tord, Roméo. Pour moi, cette affaire s’arrête ici.
Après avoir fait un salut de la tête à Frank, Peter tourne les talons et
s’éloigne.
FRANK
Peter, attends !
SUZANNE
Laissez, Frank. Nous n’avons pas le temps de nous soucier des
états d’âme de Peter pour le moment. Ils vont nous filer sous
le nez.
FRANK
Quoi ? De quoi parlez-vous Suzanne ?
SUZANNE
Les ossements qu’on nous a présenté étaient des faux... Parce
qu’ils ont gardé les vrais. Et ils vont leur faire évacuer le
secteur ce soir, en passant par les montagnes.
SÉQUENCE XX – MASSIF ROCHEUX DE L’IDAHO – EXT. SOIR/NUIT
Le soleil est passé derrière l’horizon. Des son cotés, des éclats roses et
orangés colorent vivement le ciel, tandis qu’à l’opposé, les étoiles les
plus brillantes sont installées dans le ciel d’un bleu profond.
Le jour s’éloigne et les ombres englobent un camion citerne qui roule sur
cette route de montagne étroite qui serpente vers le col.
Des ombres qui servent aussi à dissimuler la voiture qui suit le camion à
une centaine de mètres. Elle est conduite par Suzanne. Frank est assis sur
le siège du passager, tandis que Roméo est assis au milieu de la banquette
arrière, le buste vers l’avant, ses bras reposent sur les banquettes des
sièges de Frank et Suzanne.
ROMÉO
C’est sympa cette balade en montagne. Par contre, Suzanne, vous
n’êtes pas super forte pour le planning. A cette heure, c’est
trop sombre pour profiter de la vue.
SUZANNE
Roméo ?
ROMÉO
Oui, ma chère Suzanne ?
SUZANNE
Vous n’avez jamais envisagé de mener vos enquêtes bâillonné ?
FRANK
Vous ne nous en avez toujours pas dit plus sur ce que nous
poursuivons.
Suzanne lui jette un regard en coin. Elle semble rétiencent à parler.
FRANK
(le plus sérieusement du monde)
Si vous parlez... il se taira.
Roméo lui balance un coup de coude.
ROMÉO
(entre ses dents)
Sale traître !
SUZANNE
(après un soupir)
Le squelette que vous avez vu était un faux grossier. Nos
adversaires espéraient qu’il divertirait notre attention
suffisamment longtemps pour qu’ils puissent nous soustraire
le véritable Adam, celui qui a été déterré sur le lieu du crime.
ROMÉO
Et qui sont les méchants qui veulent du mal au très noble, très
vertueux et gentil tout plein Groupe Millennium, cette semaine ?
Suzanne lève les yeux au ciel, excédée.
FRANK
C’est une question pertinente.
Suzanne lui décoche un regard noir
FRANK
(avec un sourire)
...En d’épis de sa formulation quelque peu sujette à caution.
SUZANNE
Les employeurs d’Hector Pérégrine. Il s’est introduit dans la
Communauté des adorateurs d’Adam pour faciliter ses plans.
FRANK
...Qui étaient donc de s’approprier les restes de ce supposé
Ange ? Vous ne nous avez toujours pas dit pour le compte
de qui.
SUZANNE
Qui peut être intéressé par une telle chose ? Qui peut à la
fois avoir Foi en cette chose pour vouloir s’approprier son
pouvoir, et en même temps craindre qu’il ne tombe en
d’autres mains, qu’il serve d’autres desseins ?...
FRANK
Est-ce que vous suggérez...?
SUZANNE
Bien sûr. C’est le Vatican qui a envoyé Hector Pérégrine,
le rescapé de la Famille, ici. C’est le Vatican qui croit
en ce pouvoir, et le veut pour lui, et qui a peur qu’en
d’autres mains il ne serve à l’établissement d’un autre
Dogme, une autre religion qui pourrait affaiblir son pouvoir.
C’est le Vatican qui ne fait pas suffisamment confiance au
Groupe pour le laisser mettre la main sur une relique
d’une telle importance.
FRANK
Pourquoi ?
SUZANNE
C’est un sujet que nous réserverons pour un moment où nous
aurons le temps et la possibilité de nous lancer dans des
discussions complexes et riche. Pour l’heure, je me contenterai
de dire que l’Histoire pèse de tout son poids sur le Présent,
à chaque instant.
FRANK
Hummm. Continuez...
SUZANNE
J’en étais où ? Ah oui... C’est le Vatican, enfin, qui a fait
libérer Cheryl Andrews de la cellule où nous avions réussi à
l’enfermer après qu'elle ait essayée de vous éliminer, vous
et Peter. C’est lui qui a chargé la traîtresse de mener
cette opération.
Frank hausse un sourcil, mais ne dit pas un mot. A l’arrière, Roméo écoute
goguenard, la bouche à demi ouverte.
ROMÉO
Putain, on m’a téléporté dans un soap opera et on m’a même
pas prévenu.
SUZANNE
Les données informatique de Pérégrine nous ont permis de
découvrir qu’un échange aura lieu au sommet de cette montagne.
Là-haut, ce sera probablement notre dernière chance de
récupérer cet héritage fantastique de l’humanité, susceptible
de fermer la bouche de l’imbécile assis à l’arrière pour
toute la durée du prochain millennium.
ROMÉO
(toujours pas sûr que tout ceci est sérieux)
Et à aucun moment ça vous choque qu’ils transportent un squelette
dans une citerne ?
SÉQUENCE XX – SOMMET – EXT. NUIT
Le camion s’écarte de la route et se gare sur une aire sablonneuse qui
forme un plateau. La caméra s’élève en s’éloignant pour nous donner un
aperçu de la géographie des lieux. Au bout de la falaise, il y a une petite
falaise d’une dizaine de mètre, en bas de laquelle se trouve un autre
plateau, beaucoup plus étroit.
Le chauffeur du camion coupe ses feux.
La voiture conduite par Suzanne débouche, en roulant au pas et les phares
éteints, du virage qui lui découvre le plateau. Suzanne gare la voiture
juste en bordure de la route, à environ cinquante mètres du camion.
Roméo observe à l’aide de jumelles à infrarouge. Le chauffeur du camion
descend du véhicule. Il s’en éloigne d’un pas pressé, et finit par
disparaître derrière des rochers, caché par la courbe que fait la route.
ROMÉO
Où est-ce qu’il va, comme ça ?
Frank, lui, a toujours yeux fixés sur le camion, qu’il essaie de distinguer
dans la pénombre. Peu à peu, un air d’incrédulité s’affiche sur son visage.
FRANK
Roméo...
ROMÉO
C’est pas normal que ce type parte comme ça... Pas s’il
donne de l’importance à ce truc qu’il transporte...
FRANK
Le camion...! Roméo, regardez le camion !
Roméo lève un instant le nez de ses jumelles pour interroger Frank du
regard.
FRANK
REGARDEZ LE CAMION !
Roméo s’exécute. Après un instant :
ROMÉO
Il bouge ! Bordel de merde, le camion bouge vers le ravin.
SUZANNE
(horrifiée)
Cet imbécile n’a pas serré son frein à main ?!
FRANK
Vous ne comprenez pas ? Ils ne sont pas venu s’approprier Adam.
Ils sont venu soustraire aux autres ! Le détruire !
ROMÉO
C’est pour ça qu’ils l’ont mis dans une citerne !
Roméo ouvre soudainement sa portière et se met à courir en direction du
camion, bientôt suivi par Frank puis par Suzanne.
Ils courent aussi vite qu’ils le peuvent pour tenter d’empêcher la chute du
camion citerne.
Frank, dans sa course, aperçoit la roue avant du camion qui est désormais
dans les airs. Ce n’est plus qu’une question de seconde. Il n’y a plus rien
à faire. Il arrête sa course.
FRANK
Roméo !! C’est trop tard !
Suzanne le rattrape et s’arrête à ses cotés...
FRANK
Roméo ! Demi-tour, ca va exploser !
Mais Roméo semble ne pas vouloir s’arrêter...
FRANK
ROMÉO !!!!!!
Roméo commence à ralentir sa course. Il observe le camion, dont près d’un
moitié est maintenant suspendu dans les airs. Il commence à basculer...
Roméo s’arrête.
Puis commence à courir en sens inverse aussi vite qu’il le peut.
Frank et Suzanne cherchent aussi à s’éloigner.
Un instant plus tard, le camion bascule, et s’écrase en contrebas de la
falaise.
Une énorme flamme rougeoyante s’élève dans les airs.
Tandis que Frank et Suzanne s’accroupissent, les mains sur les oreilles et
les cheveux agités par le vent violent de l’explosion, Roméo, bien plus
près de l’explosion, est quand à lui jeté à terre par le souffle.
L’explosion détache la partie motrice du camion de la remorque citerne.
Elle est projetée vers l’extérieure et est précipité dans le ravin qui fait
suite à se second plateau. Elle roule vers le bas en se fracassant contre
des arbres arc-boutés à la montagne qui se couchent sur son passage.
Les restes de la citerne finissent de se désintégrer dans une seconde
explosion qui provoque un éboulement d’une partie de la falaise du premier
plateau. Quelques gros blocs de pierre roulent juste qu’à ce qui reste du
métal tordu dans les flammes d’une chaleur inouïe.
Alors que le vent chaud se calme enfin, Frank peut se déplier quelque peu
et se retourner vers l’arrière. Il cherche Roméo du regard.
FRANK
Roméo !
Il se redresse autant qu’il le peu, et marche, baissé, en direction de
l’enfer de chaleur.
Il finit par trouver sur son chemin Roméo, allongé sur le sol de sable,
inconscient.
FRANK
Roméo...
Frank attrape Roméo sous les bras et le retourne, l’allongeant en partie
sur lui. Ses mains se déplacent jusqu’à son coup, et ses doigts se
positionnent pour prendre son pouls.
Rassuré, sa main se porte sur le visage de Roméo où il essuie du sang
coulant de sa pommette blessée. Il enlève au passage une couche de suie
noire, et laisse une marque blanche sur le visage du jeune homme.
FRANK
Roméo, qu’est-ce qui t’as pris ?
SÉQUENCE XX – HÔPITAL DE BOISE, IDAHO – INT. JOUR
Roméo a un bandage sur la tête et un pansement sur la pommette. Il est
assis au pied du lit, la télécommande à la main, passant d’une chaîne à
l’autre, nerveusement.
Visiblement, il ne tient pas en place.
Entrent Frank et Suzanne, le sourire aux lèvres.
FRANK
Roméo ! Le médecin nous a dit que vous alliez bien.
ROMÉO
Oui... Cette nuit à l’hôpital n’était même pas nécessaire,
j’ai juste été un peu sonné.
FRANK
Mieux vaut un excès de précautions...
ROMÉO
(coupant Frank)
Oui, oui, je comprends...
SUZANNE
Nous sommes retournés sur les lieux...
ROMÉO
Et ?
SUZANNE
Il ne reste plus rien. La citerne était à demi pleine de
carburant de fusée. Les flammes étaient si vives et si
puissantes qu’elles ont fait fondre le métal de la citerne.
Elles ont tout réduit en cendre.
Frank sort quelque chose de sa poche et le donne à Roméo.
C’est un morceau de verre brut.
FRANK
Voici à quoi ressemblait le sable à peine vingt mètres
plus loin que l’endroit où vous vous trouviez.
Roméo hausse un sourcil impressionné. Puis, après un instant :
ROMÉO
En conclusion, rien, aucune preuve ne permet de corroborer
la théorie de Suzanne et du Groupe.
SUZANNE
Et ce que nous avons vu hier soir, ce n’était pas une
preuve ? L’église Catholique avait tellement peur des
vérités contenues dans ces os. Elle avait tellement peur
d’être dépassée par d’autres mouvements religieux...
ROMÉO
Tout cela n’aurait pu être qu’une mise en scène destinée à
convaincre de l’existence d’Adam. En l’état actuel des choses,
toute cette affaire n’aura été que du vent...
Agacée, Suzanne se retourne vers la porte, et s’apprête à sortir de la
chambre. Juste avant de sortir, elle lance par dessus son épaule :
SUZANNE
Vous sembliez bien plus rongé par le doute à l’instant où
vous courriez éperdument vers ce camion. Cet instant où
vous sembliez désirer si ardemment voir une preuve.
Suzanne s’en va, laissant Roméo contempler pensivement l’embrasure vide de
la porte.
FRANK
(rompant le silence)
Vous pouvez vous changer, Roméo, je vous ramène à Seattle.
Pendant une seconde, Roméo semble ne pas avoir entendu, puis il tourne son
visage vers Frank.
ROMÉO
Bien sûr, bien sûr...
Roméo ramasse ses vêtements et se dirige vers un paravent en silence.
FRANK
Vous avez raison, Roméo, il n’y a aucune preuve dans cette affaire.
Aucune réponse. Frank fronce les sourcils, légèrement inquiet.
FRANK
Il est vrai que tout cela était peut-être une mise en
scène. Elle pourrait même avoir été orchestrée par nos
ennemis au sein du Groupe.
Toujours le silence. Puis, finalement, Roméo ressort de derrière le
paravent, l’air préoccupé.
ROMÉO
Suzanne a raison aussi. J’étais un autre quand je courrais
vers cette citerne.
Frank est à l’écoute, lui montre son attention.
ROMÉO
Et je ne sais pas... Je ne sais pas qui j’étais. je ne sais
pas ce qui me poussais.
FRANK
Roméo... En chacun de nous, il y a deux pôles. Complémentaires
et ennemis, associés et opposés. Il y a notre cerveau, le
siège de l’intelligence, de nos pensées, de notre raisonnement.
C’est la source de nos actions raisonnables et réfléchies.
Et il y a le cœur. Et cette vérité singulière : au sein du
cœur de tous les hommes, mêmes les plus cartésiens, il y a
l’envie de savoir, de découvrir, et de croire à l’incroyable.
Roméo reste une fois encore silencieux un instant.
ROMÉO
Peut-être que c’est vrai. Peut-être que quand mon cerveau
s’arrête, mon cœur prend le relais. Il est possible que batte
en moi un cœur prêt à être vitrifié pour découvrir des secrets
que ma pensée ne peut admettre.
Roméo attrape un sac avec quelques affaires posé prêt du lit, le referme,
et suit Frank vers la sortie.
ROMÉO
(s’arrêtant soudain)
Attendez !
Il fait demi-tour et se dirige vers son lit d’hôpital. Il y a attrape le
morceau de sable vitrifié posé sur le matelas.
Il le met dans sa poche.
ROMEO
(souriant)
Un souvenir pour mettre du plomb dans la tête à mon coeur
La caméra pivote pour suivre les deux hommes quittant la chambre et
s’éloignant.
ROMÉO
J’espère que notre avion part bientôt. Ce soir à Seattle,
il y a un super film avec Traci Lords sur le câble.
FRANK
Qui ça ?
SÉQUENCE XX – MINISTÈRE DE LA CULTURE, ROME, Italie – INT. JOUR
Cheryl Andrews est assise au bout d’une longue table de bois massif autour
de laquelle sont assis huit hommes en habits religieux, des cardinaux.
ANDREWS
Bref, pour résumer en une phrase, l’opération a été un
total succès. Nous avons pu récupérer Adam, le soustraire
à Millennium et aux autres, et à distraire l’attention du
Groupe suffisamment longtemps pour pouvoir le détruire.
Elle referme un dossier ouvert devant elle.
ANDREWS
Vos craintes ne deviendront pas vérité. Vous pouvez être
rassuré, Adam ne servira pas à l’établissement d’une
branche vénérant les anges et leur hiérarchie. La place
de Dieu ne sera pas usurpée.
Andrews se lève.
ANDREWS
Puisque je constate vous avoir donné entière satisfaction
dans la manière dont j’ai mené pour vous cette affaire,
j’attends de vous que vous respectiez vos engagements.
Vous avez mes coordonnées bancaires. J’attends le virement
dans les plus brefs délais. Je figurais déjà parmi les
ennemis de Millennium, je suis maintenant une de leurs
cibles prioritaires.
CARDINAL #1
Vous pouvez comptez sur nous. Nous vous remercions.
Le Cardinal #1 se lève, bientôt suivi des 7 autres.
CARDINAL #1
Messieurs, à la semaine prochaine.
SÉQUENCE XX – PARKING SOUTERRAIN DU MINISTÈRE – INT. JOUR
Cheryl Andrews débouche d’un ascenseur, et se dirige vers sa voiture en
fouillant sa poche à la recherche de ses clefs.
UN HOMME
Andrews !
Elle se retourne vivement, et scrute en vain la pénombre.
Enfin, une ombre en imperméable se révèle derrière un pilier. L’homme fait
un pas vers elle, et un néon blafard vient éclairer une moitié de son
visage.
Il s’agit de BLAYLOCK, le tueur habituel de Millennium
ANDREWS
Denis !...
BLAYLOCK
Cheryl, je suis heureux de vous revoir. Même si j’aurais
aimé que les circonstances... Enfin, vous voyez ce que
je veux dire, j’imagine.
Andrews fait un pas en arrière, la peur inscrite sur son visage.
BLAYLOCK
C’est inutile, et vous le savez... Ne mourrez pas en lâche.
Cheryl Andrews se retourne et se met à courir aussi vite qu’elle le peut
dans le parking, en quête d’une sortie, d’une échappatoire.
Un CRISSEMENT DE PNEU. Cheryl se retourne juste à temps pour apercevoir la
voiture qui lui fonce dessus à pleine vitesse. Elle cogne contre le capot.
Son corps désarticulé virevolte un instant dans les airs avant de rebondir
sur le toit du véhicule.
Elle s’écrase sur le sol, comme un pantin.
Blaylock s’approche d’elle en marchant lentement, calmement. Cheryl est
allongée au milieu d’une marre de sang. Ses yeux sont grands ouverts, figés
dans une expression de douleur.
Blaylock s’accroupit et attrape le poignet d’Andrews. Il positionne son
pouce pour chercher un pouls. Il n’y en a pas. Il lâche la main plus qu’il
ne la repose, et elle retombe vers le sol paume en l’air.
La caméra s’approche lentement du symbole mérovingien de la famille qui se
trouve sur le poignet d’Andrews...
Fondu sur...
SÉQUENCE XX – MAISON JAUNE, SALON – INT. JOUR
... l’ouroboros sur l’ordinateur de Frank Black.
‘‘Il reste 466 jours.’’
Frank accède au système de navigation du Groupe. Il entame une recherche
sur les membres, mu par une intuition.
L’écran affiche : ‘‘recherche membre’’.
Frank tape : ‘‘Peter Watts’’.
Un instant d’attente.
‘‘Désolé. Votre recherche n’a aboutit à aucun résultat.
Nouvelle recherche ?’’
Frank regarde l’écran en silence.
Jordan passe en courant derrière lui.
JORDAN
Papa, je vais jouer dans le jardin !
Frank se retourne et la suit du regard. Elle ouvre la porte, s'arrête, et
se retourner vers son père.
JORDAN
Papa... Qu'est-ce que tu as fait quand on était dans l'Idaho?
Je veux dire, quand je dormais et que tu es parti.
Frank reste silencieux.
JORDAN
(continuant)
Je me suis réveillé, et t'étais pas là. J'ai ouvert la porte
et un policier m'a dit que tu avais eu du travail, et que tu
allais bientôt revenir. Mais il faisait jour quand tu es revennu.
Frank ne dit toujours rien.
JORDAN
(continuant)
Il y avait un méchant à arrêter?
FRANK
Oui... Oui, il y avait un méchant à arrêter.
Jordan fait un sourire.
JORDAN
J'espère que tu l'a eu!
Et elle sort jouer, sous le regard de Frank.
Il se lève et observe un instant Jordan jouant dehors par la fenêtre. Il
retourne vers la table où son trouve son ordinateur portable. A coté, est
posé un dossier. Des papiers d’avocats.
On distingue quelques mots : ‘‘Jordan’’, ‘‘convocation au tribunal’’.
Il referme le dossier.
Il monte à l’étage...
SÉQUENCE XX – CHAMBRE DE JORDAN – INT. JOUR
Frank entre dans la chambre de sa fille. Il aperçoit un dessin sur le lit
et s’en approche...
C’est un ange, maladroitement tracé.
Frank, très ému, s’assoit sur le lit d’enfant. Il passe sa main sur son
visage.
SÉQUENCE XX – SALON – INT. JOUR
En bas, des perturbations s’affichent sur l’écran de Frank.
L’écran devient noir, puis une fenêtre de message s’affiche.
‘‘Système pénétré. Données personnelles téléchargées.’’
FONDU AU NOIR
FIN