1ères conclusions du rapport Kessler à l’heure de l’annonce d’une mutation profonde du Service Public.
le
Vendredi 11 Janvier 2008
Reglementation
La ministre de la Culture et de la Communication Christine Albanel a confié à David Kessler, directeur de France Culture, et Dominique Richard, ancien député du Maine-et-Loire et spécialiste des médias, une mission sur la production et la diffusion audiovisuelles, dont le rapport étape a été rendu public hier. Il s’agissait de réfléchir à l’évolution de la réglementation régissant les rapports entre producteurs et diffuseurs, fixés dans les décrets de 2001, dits décrets Tasca.
Autant d’heures, plus de plages de programmation
Les rapporteurs préconisent de développer la fiction en avant première partie de soirée, en adaptant l’obligation des 120 heures prônée par nombre d’acteurs de l’audiovisuel. Sans remettre en cause cette obligation, « essentielle à la vitalité de la fiction française » selon le rapport, la question se pose de l’adaptation de la plage horaire, en la faisant débuter plus tôt. La diffusion en avant première partie de soirée est en effet l’une des conditions du développement de séries longues susceptibles d’être exportées.
Le rapport propose également d’inciter le développement de l’innovation en matière d’oeuvres audiovisuelles, et en particulier de fictions. « Un système de bonification pourrait être envisagé afin d’encourager les processus d’innovation : les pilotes, les tournages en haute définition, la formation des auteurs, etc.
La fiction française, largement financée par les diffuseurs (à hauteur de 75% en général), s’exporte difficilement », note le document.
Il convient de faire remarquer qu’un mouvement vers le développement de la fiction d’avant-soirée est déjà très largement avancé : dans les semaines qui viennent, France 2 (dès fin janvier), TF1 et M6 vont mettre à l’antenne entre 17 et 20h30 des séries quotidiennes. Elles ont donc visibelement été en mesure de réaliser ce développement, tout en maintenant au même niveau leur production de prime-time, que le rapport préconiserait de diminuer au profit de ces séries quotidiennes.
Les chaînes du câble et du satellite pourraient voir leur régime assoupli, conformément à leurs demandes réitérées. Cette modification permettrait ainsi, selon le rapport d’étape remis hier au ministère de la Communication par David Kessler et Dominique Richard, « de prendre en compte la situation spécifique des chaînes du câble et du satellite, notamment lorsqu’elles n’appartiennent pas à des groupes audiovisuels ayant une chaîne premium ». Cela permettrait au Conseil supérieur de l’audiovisuel de faire varier de manière plus efficace les niveaux d’obligations en fonction de la situation concurrentielle de leur secteur. même, le rapport note une faible circulation des oeuvres audiovisuelles sur les chaînes du câble, du satellite et de la télévision numérique terrestre.
La question du financement
Si le gouvernement n’était pas favorable à l’augmentation de la redevance audiovisuelle, le rapport rendu à Christine Albanel par David Kessler et Dominique Richard lance un pavé dans la mare. Il souligne que la redevance française est l’une des moins chères d’Europe. « Un meilleur financement de la télévision publique ne peut être garanti dans les années à venir avec une redevance qui n’augmente pas et il est essentiel, du fait du surenchérissement du coût des programmes, qu’elle soit en mesure de voir ses ressources progresser de la même façon que le secteur privé », estiment les rapporteurs.
Pris de court
Evidemment, le rapport est pris de court par l’annonce faite mardi par le Président de la République de la probable prochaine suppression, totale ou quasi-totale (la question des parainages d’émission n’est pas arbitrée) de la publicité sur les antennes du Service Public. Et pour cause : la Ministre de la Culture et le Président de France Télévision eux-mêmes ont découvert cette annonce en écoutant l’intervention du Président sarkozy !...
Depuis, Christine Albanel a laissé entendre que la loi pourrait être votée avant l’été pour une application dès janvier 2009. La suppression totale de la publicité sur le Service Public risque pourtant de ne rendre que plus flagrant encore son sous-financement chronique. La redevance en France figure parmi les plus basses d’Europe, mais, très impopulaire, elle semble difficile à augmenter à l’heure ou le pouvoir d’achat serait la principale préoccupation des Français. Rappelons que le gouvernement s’est catégoriquement opposé cet automne aux avis de commissions parlementaires qui préconsaient un simple ajustement de 116 à 120€.
Les pistes de financement suggérées incluent une taxation des recettes publicitaires des chaînes privées, qui vont connaître une forte augmentation saluée dès l’annonce par une spectaculaire hausse de leur cotation boursière, ainsi qu’une taxe nouvelle sur les fournisseurs d’accès et diffuseurs de contenus sur internet.
Patrick de Carolis, président de France Télévision, a obtenu l’assurance d’un mantien au même niveau des financements de la télévision publique (il réclamait une nécessaire augmentation avec la plus grande vigueur il y a encore quelques semaines) ainsi que de son « périmètre ». Mais déjà Patrick Devedjian, secrétaire général de l’UMP, s’est prononcé en faveur de « regroupements ou de quelques privatisations ».
En tout état de cause, les personnels du groupe public et l’opposition se sont tous les deux fait l’écho des plus vives inquiétudes vis à vis de l’avenir de France Télévisions, et de l’intégrité du groupe.
Auteur :
Sullivan Le Postec