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BBC connaît la crise, écrivions-nous le 18 février, pour évoquer le fait que le groupe traversait actuellement des difficultés sur deux fronts : économique, mais aussi politique. Mark Thompson, Directeur Général du groupe, a annoncé des mesures qui entendent répondre à ces deux problèmes.
C’est assurément la fin d’une ère, celle de l’expansion du groupe. Si les plans de Thompson sont mis en action, ce sera même le début de la contraction pour la BBC. Celui-ci annonce la suppression de deux radios numériques, 6 Music et Asian Network. Il veut également militer pour l’arrêt de BBC Switch, marque qui regroupe les contenus visant le public ado, et BBC Blast, dans le but déclaré de laisser le marché juteux des 16-35 aux concurrents privés ITV et Channel 4.
Thompson indique vouloir limiter le montant des sommes investies dans l’achat de droits sportif à 8,5% du montant de la redevance, soit 8.5 millions de Livres.
Il souhaite également augmenter de £25 Millions le budget de BBC 2 en coupant d’autant le budget d’import de programmes américains (soit une réduction de 25% de ce budget).
BBC Worldwide devra cesser ses activités commerciales sur le territoire britannique et revendre ses magazines comme l’institutionnel Radio Times.
Enfin, Mark Thompson a aussi annoncé la fermeture de la moitié des pages du site internet de la BBC, la réduction de 25% de son budget et la diminution de 25% de ses salariés. Il annonce aussi la multiplication des liens vers des sites d’information privés afin de leur apporter du trafic !
Au-delà de la volonté d’économies qui répond à la crise financière que traverse le groupe — et qui a peu de chances de s’arranger alors que les Conservateurs devraient prochainement revenir au pouvoir (le rapport de Thompson tient déjà pour acquis que la redevance sera figée en 2013), c’est aussi la mise en application d’une politique idéologique, qui vise à volontairement viser une diminution de l’audience du groupe BBC (en diminuant l’achat de séries US ou, dans le domaine de l’information, en supprimant une large partie du site web) afin d’aider le développement de la concurrence privée. Comme si la BBC leur avait volé des parts de marché, alors qu’elle ne s’est imposée par rien d’autre que par l’intelligence de sa gestion et la qualité de sa politique éditoriale. La même démarche est à l’œuvre avec la décision, stratégiquement aberrante, d’abandonner les activités visant les jeunes, immense concession aux lobbies du privé qui n’aiment la concurrence que quand ils peuvent s’entendre entre eux pour qu’elle impacte le public et pas leurs résultats financiers.
La situation actuelle est que les concurrents privés de la BBC ayant échoué par manque d’ambition et de qualité, on va s’appliquer à rabaisser la BBC pour les remettre automatiquement à niveau !
L’espoir de Thompson est visiblement que ces mesures soient suffisantes pour que les Tories laissent le groupe tranquille et ne décident pas d’autres mesures de réduction de l’amplitude du groupe, craintes par beaucoup en Grande-Bretagne.
Russell T Davies déclarait en janvier : “Cela va être terrible. Jeremy Hunt (responsable des questions culturelles chez les Conservateurs britanniques) a absolument attaqué la redevance. Et puis d’un seul coup il y a quelques semaines il a fait machine arrière et à dit ’Oh non, nous n’interfèrerons pas avec la Charte’.
Ils veulent les voix, mais une fois qu’ils seront en poste, ce sera vicieux. Je pense que la BBC a cinq ou six ans devant elle, au plus. Ils la démantèleront lentement. Le groupe deviendra de plus en plus petit jusqu’à être réduit à Radio 4 et aux actualités.
Pour eux, la redevance n’est qu’un impôt et ils veulent s’en débarrasser. Ils gèleront son montant et persuaderont les lecteurs de tabloïds que c’est la bonne chose à faire en expliquant qu’ils se débarrassent de ces chaînes digitales que les gens ne regardent pas, c’est le langage qu’ils utiliseront.”
Comme lui et bon nombre de créatifs en vue l’avait donc prévu, les prochaines années seront un combat pour la sauvegarde du groupe BBC.
Le groupe 38 Degrees vient de mettre en ligne une pétition visant à protester contre ces mesures attaquant le groupe. Le rapport de Thompson date d’à peine une semaine, mais la pétition rassemble déjà près de 30000 signataires à l’instant où j’écris ces lignes.