Vous l’avez tous remarqué, c’est le printemps. Les oiseaux gazouillent, les
étudiants protestent, et tous les regards se portent sur plusieurs
évènements télévisuels majeurs. Non, il ne s’agit pas d’une pétition qui
n’aura pas porté ses fruits, et il ne s’agit pas non plus de nouvelles
émissions insipides qui sortent des cartons.
Le thème de cet éditorial du FLT, auquel j’ai l’honneur de participer, c’est
l’AVENIR.
L’avenir télévisuel, il se profile devant nous. Pas besoin de jouer les
Nostradamus, l’avenir, on nous le vend d’abord par une (r)évolution : la
télévision Haute Définition (HD, ça fait plus "style"). Mais la télé HD,
c’est un peu l’arbre qui cache le désert. Tout le monde se pâme d’admiration
pour ce nouvel objet post-moderne qui fait plus de lignes que l’écolier
puni. Tout le monde ne parle plus que plasma, LCD, tubes plats, son haute
définition, et supports "next-generation" comme le Blu-ray ou l’HD-DVD. Et
si on parlait contenu, pour une fois ? Que va-t-on nous proposer dans ces
formats ? Quel est l’intérêt de voir du football ou une énième émission
best-of de Dechavanne en haute définition ? Malheureusement la révolution
du contenu, on l’attend toujours. Et pire, le contenu de qualité aura bien
du mal à venir en France. Avec l’arrivée des nouveaux supports, fini la
possibilité de pouvoir regarder une série non-européenne. C’est ce que
j’appelle le zonage culturel, un zonage imposé et surprotégé où l’Europe est
dans la même zone culturelle que l’Afrique, selon le nouveau découpage.
Voilà qui veut tout dire. Adieu les jdoramas, les novelas, les dramas
américains. Bonjour les séries "achetées" selon les critères de quelques
décideurs qui diffuseront le "produit" dans un version française la plus
calamiteuse possible. S’il vous plait, ruinez vous, achetez une télévision
HD et un lecteur HD pour profiter de ce contenu révolutionnaire..
L’avenir, il passe peut-être par de nouveaux moyens de diffusion, comme
l’initiative d’ABC qui propose en téléchargement gratuit sur internet les
épisodes de ses séries. Avec publicité intégrée, évidemment. Qui ne
concernera jamais les européens, évidemment. Et qui ne donne aucune idée aux
diffuseurs européens, apparemment. Le succès de l’entreprise devrait
pourtant montrer que les gens ne veulent pas forcément une belle image
haute-définition, mais plutôt suivre des séries qui leur tiennent à coeur.
L’avenir de la télé, il est en train de se dessiner, sans vous. A ce titre,
il appartient plus que jamais aux télespectateurs, consommateurs, citoyens
de montrer la voie aux "décideurs". La liberté d’expression et la créativité
télévisuelle - et plus particulièrement française - sont en péril.
Souvenez-vous-en la prochaine fois que vous baverez devant cet objet au
design si attrayant. Souvenez-vous que ce qui importe, c’est le fond, pas la
forme, n’en déplaisent aux consortiums, majors et responsables de chaînes de
télé.