Spooks [MI-5] - Saison 1 • (2002)
"James Bonds behind desks"
Par Dominique Montay • 28 février 2007
Saison 1 - 2002
Production : Kudos (Royaume-Uni)
Diffusion : BBC (Royaume-Uni)
Créateur : David Wolstencroft
Avec : Matthew MacFayden (Tom Quinn), Keeley Hawes (Zoe Reynolds), David Oyelowo (Danny Hunter) et Peter Firth (Harry Pearce)

La meilleure série d’agents secrets est britannique et passe sur la BBC. Prenante, captivante, violente et parfois drôle, la première saison de « Spooks » [1] est une réussite, une œuvre télévisuelle majeure.

James Bond Vs. le monde réél

Dans l’inconscient collectif, les services secrets britanniques sont personnalisés par un type en costume toujours tiré à quatre épingles qui séduit tout ce qui bouge, qui n’a cure de son identité secrète, machiste, faisant tout péter sur son passage, qui boit du martini secoué à la cuiller et qui change d’apparence selon des cycles erratiques. Il travaille pour les services secrets britanniques, au MI-6.

C’est l’image que nous relaie Hollywood, tant est si bien que lorsque espionnage et british sont dans la même phrase, le nom « James Bond » a tendance à suivre très rapidement. Depuis 2002, pour les privilégiés abonnés de Canal+ et curieux de la zapette existe une alternative enthousiasmante et sacrément bien écrite : « Spooks ».

Lancée par la BBC, créé par une sorte de réponse British à John Le Carré, un auteur de bouquins d’espionnages, David Wolstencroft, la série se veut réaliste et axée sur les relations entre les personnages et leur rapport à leur travail. Ici, point de MI-6 en première ligne. On défend le territoire national, et c’est donc le MI-5 que nous voyons évoluer. Le ton est donné très vite : des bureaux froids, la technologie à tous les coins de mobilier, de la paperasse, des gens qui travaillent. Pas d’espion qui m’aimait, ni de Dr No, et encore moins d’Opération Tonnerre.

Pas d’identité, un millier de noms

Le titre original, en cela, traduit mieux l’esprit de la série : un « Spook », c’est un fantôme, ou plus exactement, quelqu’un qui n’existe pas. Ici on nous montre des agents secrets qui mentent à leurs amis, à leur famille au sujet de leur métier, et surtout qui n’évoluent qu’avec des fausses identités. Voilà leur cœur de métier, toujours donner un faux nom, une fausse raison sociale, rester discret, profil bas, ne pas exister en tant que soi-même, et au contraire être un millier de personnes.

Cette situation et les difficultés qu’elle entraîne est au cœur de la saison une, bien plus encore que les menaces terroristes. On parle ici de double personnalité, de problèmes pour la gérer, à faire co-exister deux réalités.

La saison traite aussi de sujets aussi variés que les groupes anti-avortement, le néo-nazisme, les anciennes factions de l’IRA, une prise d’otage dans une ambassade, un ancien agent devenu belliqueux décidé à assassiner Bush, un politicien sortant de prison bien décidé à faire tomber tout le monde avec lui. Pas de terrorisme du Moyen-Orient. En somme, pas de racolage. Du réaliste, du malin, du bien écrit. Tout s’articule autour d’un schéma simple et efficace : chaque épisode a sa résolution, mais les personnages évoluent au fil des épisodes et donnent un aspect feuilletonnant à la série.

Des acteurs à la hauteur

Le casting se compose de Matthew MacFayden (Tom Quinn), Keeley Hawes (Zoe Reynolds), David Oyelowo (Danny Hunter) et Peter Firth (Harry Pearce).

Ce dernier, justement, est l’âme de la série, ou plus exactement, son Dennis Franz (Andy Sipowicz dans « NYPD Blue »). Jamais tête d’affiche, plutôt antipathique au premier abord, il est le ciment de la série et de son casting, son leader, son capitaine. Ses scènes de confrontations avec Tom Quinn sont des moments forts de la série. L’acteur, qui a surtout évolué dans des rôles de capitaines, de médecin, impose une vraie autorité.

David Oyelowo joue un agent efficace dont la faiblesse majeure est d’être extrêmement dépensier. Dès les premiers épisodes, on le voit profiter de son statut pour remettre son compte en banque à niveau. Lorsque sa colocataire de collègue meurt dans une opération, sa première réaction est de proposer à une autre collègue de prendre sa place, afin de payer la moitié de son loyer. Vite remis dans le droit chemin, Danny devient de plus en plus à nos yeux un être sensible et passionné par son travail, sans pour autant oublier de questionner ses propres actes.

Keeley Hawes est l’atout charme de la série. Naturelle de la tête aux pieds, elle sort des canons de beauté habituels dans les séries américaines mais se pose affichant une vrai beauté froide, quasi hitchcockienne. Et c’est vrai que dans cette saison, c’est sur cet atout majeur que jouent les auteurs plus que le développement de son personnage, qui interviendra plus en saison 2. Par contre, l’admiration qu’elle voue à sa supérieure Tessa Philips (Jenny Agutter), qui s’avérera être une traîtresse, est finement traité. Plutôt que de la livrer aux autorités en un clin d’œil lorsqu’elle apprend qu’elle joue double-jeu, Zoe va tergiverser, pensant que Tessa le fait de bonne fois. Elle a une réaction humaine avant de revenir sur sa décision et en informer Harry.

Le casting est remarquable, mais si l’un d’entre eux crève vraiment l’écran, le bouffant littéralement de sa présence, c’est bien Matthew McFayden. Il est un agent secret froid et bouillant à la fois. Calculateur et instinctif. Respectueux des codes et irrévérencieux. Rarement personnage d’agent n’a été aussi bien brossé dans tous ses aspects. Il donne une assise, une crédibilité à son personnage qui lui permet de sortir des sentiers battus si besoin. Il représente à la perfection le thème majeur de la série. Tom Quinn est un agent secret travaillant pour le MI-5. Lors d’une mission, sous le nom de Matthew (clin d’œil) Archer, il tombe amoureux d’Ellie, jeune mère célibataire. Alors que la journée il empêche l’Angleterre de sombrer dans le chaos, sa plus grande mission est chaque soir de mentir à la femme qu’il aime ainsi qu’à sa fille. Aux yeux d’Ellie, Matthew est un petit ami parfait, qui s’est mis ses amis dans sa poche, charmeur, présent, aimant... et mystérieux. Un peu trop à son goût. Elle va finir par le confronter, lui imposer de lui dire la vérité. Jusqu’ici, Tom s’y refusait, afin de ne pas la mettre en danger. Mais voyant que sa relation s’apprête à se terminer, il s’y résout. Et change complètement d’attitude à son égard. S’il ne peut plus la protéger par le mensonge, il utilisera la surprotection, l’enfermant dans une tour d’ivoire avec un système de sécurité hi-tech. Mais lorsque des anciens de l’IRA placent une bombe dans sa maison, le système se retourne contre eux et enferme Ellie et sa fille, les laissant (à la toute fin de saison, damn you, cliffhanger !) face à une mort certaine.

Les seconds rôles sont bien choisis. Les apparitions de Hugh Laurie (« House ») dans le rôle d’un haut gradé du MI-6 Jools Siviter sont absolument jouissives et ses confrontations avec Harry Pearce sont des grands moments de la série. En ancien mentor de Tom Quinn, Anthony Head (« Buffy »), est parfait en ancien agent ayant viré terroriste par amour.

Une saison dense et enthousiasmante

Dans sa construction narrative, cette première saison semble avoir été conçue en intégralité, tant elle est dense et ne semble pas improviser ses ressorts dramatiques. Le rythme de 6 épisodes y est sûrement pour beaucoup. Dans sa réalisation, « Spooks » embrasse un style très américain, tout en gardant sa sensibilité britannique. Pas d’effets de camera superflus, pas de montage épileptique. Mais un split-screen qui rappelle beaucoup l’excellent travail de Stephen Hopkins sur « 24 », la caméra épaule en moins.

Les moments forts de la saison sont légions et n’incluent pas forcément débauche de pyrotechnie. Cité plus haut, le final de la saison 1, avec d’un côté de la baie vitrée de sa maison de ville, Ellie, sa fille et une mallette prête à exploser, et de l’autre, Tom Quinn et les secours, incapables de lui venir en aide est tout bonnement poignant, le flash blanc final suggérant une fin apocalyptique. Le face à face entre Tom Quinn et un ancien de l’IRA, qui, afin de se prouver l’un l’autre qu’ils ne sont ni armés, ni reliés téléphoniquement à quiconque se mettent à poil en plein milieu de la campagne anglaise, en est une autre. Jools expliquant son adoration de la musique de Richard Wagner. Le MI-5 interrogeant un ancien politicien en utilisant des méthodes presque nonsensiques pour le déstabiliser. Mais la scène fondatrice, celle qui vous aide à remarquer que la série que vous regardez est différente, plus inattendue qu’une fiction classique, c’est un évènement de la fin de l’épisode 2.
Tom Quinn est assigné à la surveillance d’un néo-nazi à tendances terroristes. Il est aidé en cela par Helen Flynn (Lisa Faulkner). Cette dernière a été présentée comme étant un personnage récurrent de la saison 1 et rien dans la mise en place de l’épisode ne peut vous préparer à ce qui va se passer. Oui, elle va mourir. Oui, c’est une mort qui touche. Mais elle est surtout d’une sauvagerie sans précédent. Cette image marque complètement le téléspectateur. Les anglais réagissent au quart de tour et le sentiment de surprise et de bouleversement est réel. Mais le public va sûrement se densifier à ce moment précis.

Post Scriptum

Cette saison est quasi-parfaite, maîtrisée de bout en bout et menée par un casting où résident peu de défaillance. Avec un budget qui semble peu élevé, le parti prix de la saison de s’articuler autour des personnages plutôt que des intrigues servent totalement la série et permet de s’identifier très vite, sans user d’un personnage-télespectateur (un nouveau dans l’équipe qui ferait office de relais, comme pouvait l’être John Carter dans « Urgences »). La série va connaître un succès d’audience qui va permettre la mise en place d’une seconde saison, avec l’équipe en place. Pour ceux qui connaissent bien les saisons suivantes, dans « Spooks », la continuité dans le cast, c’est une chose assez rare pour être soulignée.

Dernière mise à jour
le 4 mars 2007 à 10h36

Notes

[1Crédits :

Scénario :
David Wolstencroft (1x01 Thou Shalt Not Kill ; 1x02 Looking After Our Own)
Simon Mirren (1x03 One Last Dance)
Howard Brenton (1x04 Traitor’s Gate ; 1x05 The Rose Bed Memoirs ; 1x06 The Lesser of Two Evils)
Réalisation :
Bharat Nalluri (1x01 Thou Shalt Not Kill ; 1x02 Looking After Our Own)
Rob Bailey (1x03 One Last Dance ; 1x04 Traitor’s Gate)
Andy Wilson (1x05 The Rose Bed Memoirs ; 1x06 The Lesser of Two Evils)