LE COEUR A SES RAISONS • ACTUALITE
‘‘La logique et le bon sens n’ont pas de place dans cette maison !’’
Par Sullivan Le Postec • 22 août 2008
Parodie loufoque des soap-operas américains, « Le cœur a ses raisons » est une série Québécoise comptant trois saisons. Après un passage accéléré sur NRJ 12, elle sort en DVD le 10 septembre.

Les soap-operas diffusés dans la journée aux Etats-Unis reposent sur des codes si marqués et contestables qu’ils ont donné lieu à de multiples parodies à travers le monde. La série Québécoise « Le cœur a ses raisons » est une des meilleures réussites du genre.

« Le cœur a ses raisons » [1] est née en tant que série en février 2005 sur la chaîne Québécoise TVA. Mais les personnages qu’elle met en scène préexistaient dans des modules courts (17 au total) intégrés dès 2001 à l’émission « Le grand blond avec un show sournois ».
La série est centrée sur la famille des Montgomery, à la tête d’une entreprise de cosmétiques, et qui font la pluie et le beau temps dans la ville de Saint Andrews. Au cours du premier épisode, le patriarche, Doug Montgomery, décède subitement. Cet événement est le déclenchement d’une guerre intestine pour prendre le contrôle de la Montgomery internationale. L’acrobate Brett (Marc Labrèche), qui avait renoncé à la direction de l’entreprise pour exercer la médecine, où il pratique les spécialités de gynécologue, chirurgien ou encore pédiatre, est opposé à son frère jumeau, le vil Brad (Marc Labrèche). Brett est fiancé à Criquette Rockwell (Anne Dorval), semi-célébrité, ex-reporter, directrice de la programmation de la station de télévision de St-Andrews, mère en devenir, future femme de médecin, businesswoman, ex-chanteuse de piano-bar pour les malentendants et artiste de vaudeville hors pair. Criquette a elle-même une sœur jumelle, Ashley (Anne Dorval), infirmière diplômée. Dès la deuxième saison, les deux frères découvriront qu’ils ont une sœur jumelle, Brenda, mannequin international à la beauté époustouflante (elle aussi jouée par Marc Labrèche). Brenda tentera elle-même de prendre le contrôle de la société, ce qu’elle réussira à la fin de la seconde saison.
A ce stade — après que moult tremblements de terre, tentatives d’assassinats, retours d’anciens amants, grossesses secrètes, crash d’avion, et même une terrible pénurie de pichet aient perturbé la vie des Montgomery — Criquette Rockwell, fiancée de Bret, décide de réunir cette famille déchirée par la magie de l’esprit de Noël. Elle enregistre alors, en avril, une émission pour la chaîne de télévision de Saint Andrews qui célèbre Noël. Mais le Manoir des Montgomery est détruit dans un terrible incendie, qui coûte sa vie à Brenda (à moins que propulsée hors du manoir par l’explosion, elle n’ère dehors, amnésique, persuadée d’être une immigrée en recherche d’emploi), cependant que Criquette, qui venait de se découvrir enceinte, accouche du petit Doug Doug, bientôt victime d’un mystérieux enlèvement...
Tant de malheurs s’expliqueraient-ils par une mystérieuse malédiction qui frapperait la famille Montgomery ?...

Un des défauts du « Cœur a ses raisons » est de ne pas vraiment dépasser le statut de série à sketches, les intrigues abordées tenant plus de prétexte pour lier les scènes – sketches entre eux, sans refléter la complexité assez délirante dans laquelle les histoires des soap US sombrent très régulièrement. Ce défaut a néanmoins assuré une large partie de son succès puisqu’avant même que sa diffusion ne commence en France, elle y est déjà très célèbre : certaines scènes ont fait le bonheur de YouTube et autres Dailymotion, voire sont passées de boite mail en boite mail. L’une des plus célèbre et des plus drôle étant celle-ci, montrant Brenda, la mannequin internationale à la beauté spectaculaire et la classe chantante sans limite, tenter de passer un coup de fil à Becky :

Mais, quoi que de manière abrégée et décousue, elle passe à la moulinette les archétypes des intrigues les plus spectaculaires des soaps US, celles auxquelles ils ont recourt quand il s’agit de faire parler d’eux ou de remonter les audiences. Plus largement, c’est tous les codes des soaps qui sont parodiés avec beaucoup d’humour : les décors en carton-pâte tous plus cheap les uns que les autres, l’absence d’extérieurs, le fait que des personnages richissimes vivent l’intégralité de leur vie dans quatre ou cinq décors différents, les longs dialogues d’expositions au cours desquels les personnages racontent les épisodes précédents, les monologues des personnages seuls dans une pièce, les révélations fracassantes précédent une coupure publicitaire qui donnent l’occasion d’échanges de regards intenses avant un long fondu au noir... Les acteurs excellent dans ces moments où ils se moquent sans vergogne des tics de leurs collègues du daytime américain.

Au-delà de ses cinq personnages principaux que se partagent Marc Labrèche et Anne Dorval, « Le coeur a ses raisons » fait intervenir une galerie de personnages secondaires généralement très réussis, et qui sont parfois l’occasion de donner un rôle à quelques vedettes de l’humour québécois (Anthony Kavanagh et Stéphane Rousseau jouent dans plusieurs épisodes).
Ridge est présentateur alcoolique du journal de la chaîne télé de Saint Andrews : “Infos Actions Vingt-quatre Barre Oblique Sept”. Ex de Criquette, il voudrait la réconquérir et est généralement prêt à tout pour arriver à ses fins. Crystale Bouvier-Montgomery, mère des trois jumeaux Mongtomery est entièrement privée d’expressions faciales suite à une décharge de botox. Ses multiples interventions n’ont pas été sans conséquences sur son cerveau, et elle oublie la plupart du temps qui sont les membres de sa famille. Peter Malboro est un policier rebelle aux méthodes peu orthodoxes, fiancé d’Ashley. Après avoir enquêteur sur le tireur qui avait manqué de tuer Criquette, il périra dans le tremblement de terre qui touche Saint Andrews à la fin de la première saison. Il reviendra par la suite en tant que spectre d’amour d’Ashley, prétexte à quelques séquences à effets spéciaux époustouflantes, avant que l’on ne découvre qu’il avait un frère jumeau portant le même prénom. Madge, bonne des Montgomery, est aussi leur souffre-douleur et leur éternelle victime expiatoire, avant que sa vraie place ne soit révélée dans l’ultime épisode.

Ces personnages dans lesquels s’amusent très visiblement des acteurs libres de cabotiner à qui mieux mieux dans le plus total des excès portent « Le coeur a ses raisons » au fil de ses trois saisons. Aidés en cela par quelques très bons dialogues, l’imagination des auteurs se révélant sans limites dès lors qu’il s’agit d’évoquer l’acte sexuel sans contrevenir aux règles de pudeur qui s’appliquent aux programmes de journée américains. Notons d’ailleurs que ses auteurs ont su mettre fin à la série avant qu’elle ne sombre victime de ses redondances. Il était logique quelle arrive finalement en France alors que celle-ci découvre depuis l’année dernière que le Québec produit nombre de fictions télé de qualité. Elle a aussi l’avantage de ne pas avoir l’obstacle du parler local. En effet, les doublages en français sont généralement assurés en France pour toute la francophonie. C’est donc doublée par des français que les soaps US sont diffusés au Québec, et l’équipe du « Coeur a ses raisons » s’applique à reproduire ce détail tout autant que les autres...