FRÈRES
Les vies brisées des Cités
Par Sullivan Le Postec • 12 avril 2011
On retrouvera Mhamed Arezki, qui était le jeune Tony des « Beaux Mecs », aux côtés de Tewfik Jallab dans l’unitaire « Frères », une tragédie familiale autour du thème du fils préféré et du prix de l’ambition.

« Frères », écrit par Marine Francou & Omar Ladgham, d’après une histoire de Marine Francou & Florence Rey, et réalisé par Virginie Sauveur, a été triplement récompensé lors du dernier Festival de la Fiction TV de La Rochelle : Meilleur téléfilm Unitaire, meilleures réalisation et Prix de l’interprétation masculine pour Tewfik Jallab.

Mehdi et Radouane sont deux frères aux parcours de vie opposés. Le premier est le fils préféré de la famille, et celui qui a réussi. Devenu avocat, il a été repéré par un grand cabinet et mène une brillante carrière du côté des beaux quartiers parisiens. Radouane a fait de la prison pour avoir été impliqué dans des histoires de drogues et essaie de se sortir de sa toxicomanie. Les deux frères ne se parlent quasiment plus. La mort de leur jeune sœur de 17 ans va forcer une réunion, même si elle sera longtemps délayée et n’interviendra que grâce à l’insistance de leur mère. La découverte d’un secret que cachait Nora avant sa mort va mener à lever le voile sur les circonstances de sa disparition. Il apparaît alors que cette tragédie n’était que la première d’un engrenage dont les rouages sont les secrets, la culpabilité et les non-dits d’une famille qui n’en finit plus de se briser...

On commence à bien connaître Mhamed Arezki, qui a fait la preuve de son talent, qu’il a très grand, des « Bleus » aux tous récents « Beaux Mecs ». Ici il est Radouane, le fils ouvertement faillible et mal-aimé. Face à lui, Tewfik Jallab est également parfait et porte le film dans le rôle complexe de Mehdi, dont la solidité est une illusion bien plus qu’une réalité, et qui cache une violence et une dureté enfouie derrière son apparence de gendre idéal et propre sur lui.
Les deux frères sont dans deux trajectoires d’éloignement opposées : celle de l’autodestruction et du manque d’estime de soi pour Radouane, celle de l’ambition et des signes extérieurs de réussite pour Mehdi, qui vend son âme morceau par morceau pour se construire un nouveau lui-même, quitte à tourner le dos à ce qu’il est vraiment, et aux siens.

Difficile de trop parler du scénario, puisque le récit rebondit à son premier tiers dans une direction inattendue via un évènement très fort et franchement bien amené — parce qu’il nous prend par surprise mais qu’il apparaît tout de même cohérent vis-à-vis de la personnalité, bien caractérisée, des deux personnages principaux. « Frères » assume le caractère sombre de son propos jusqu’à sa scène final, faux happy-end désespéré qui arrive néanmoins après une ellipse un peu brutale.

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La qualité des deux interprètes principaux, et la force de l’émotion qu’ils dégagent, font beaucoup pour nous embarquer dans ce qui apparait comme une descente aux enfers que rien ne peut interrompre. Radouane comme Mehdi sont des personnages contrastés, aux limites multiples – on s’en rend tout de suite compte pour Radouane, et cela ne tarde pas pour Mehdi. Mais la nuance apportée par Tewfik Jallab et Mhamed Arezki permet malgré cela une véritable empathie. C’est aussi le cas pour Sabrina Ouazani dans le rôle de Farida, la meilleure amie de la sœur disparue qui a toujours été (plus ou moins) secrètement amoureuse de Mehdi.
La direction d’acteur a donc été à la hauteur et vient compenser quelque peu une réalisation assez impersonnelle, et à la photographie assez terne, malgré une poignée de scènes plus réussies.

Sans se départir d’un aspect ‘‘téléfilm du Service Public’’ un poil trop marqué, essentiellement au niveau de sa mise en images, « Frères » s’élève loin au-dessus de la mêlée parce que ses aspects réussis le sont réellement. Situé dans un univers social qui compte dans la France d’aujourd’hui, mais que celle-ci a le plus grand mal à regarder en face, « Frères » a le mérite de poser un regard qui sonne juste, sans pour autant aller dans le cliché.

Post Scriptum

« Frères »
Une production Boxeur de Lune (groupe Telfrance) pour France 2.
Ecrit par Marine Francou & Omar Ladgham, d’après une histoire de Marine Francou & Florence Rey.
Réalisé par Virginie Sauveur.
Avec : Tewfik Jallab (Mehdi), Mhamed Arezki (Radouane), Sabrina Ouazani (Farida), Céline Salette (Juliette), Samira Lachhab (Nadia).

Diffusion mercredi 13 avril à 20h35 sur France 2.