GOLDMAN
Canal+ fait sa rentrée avec un nouvel unitaire politique
Par Sullivan Le Postec • 29 août 2011
La Création Originale de Canal + fait sa rentrée lundi 29 aout avec « Goldman », unitaire politique qui, au travers du parcours d’un homme, cherche à retranscrire une époque, les années 70.

Le « Goldman » au centre du dernier unitaire politique de Canal+ n’est probablement celui auquel pourraient penser les enfants des années 80. Il s’agit en fait de son demi-frère ainé, Pierre Goldman. Un écorché vif, militant d’extrême gauche, partisan de la révolution armé, devenu un peu malgré lui une icône.

Décembre 1969, Pierre Goldman, fils de Juifs Polonais engagés dans la Résistance pendant la guerre, est de retour dans la France d’après-68 après une année passée engagé comme guérillero au Venezuela. A ses yeux, les mouvements d’extrême gauche français ne sont pas à la hauteur de cette expérience, se perdant en débats et comités quand lui considère qu’il faut passer à l’action.
Il se lance dans des braquages, sur le modèle Vénézuélien, où les guérilleros financent ainsi la guérilla.

Le 19 décembre 1969, un braquage commis sur une pharmacie près de la Bastille tourne mal : deux pharmaciennes sont tuées par le braqueur. Pierre Goldman clame son innocence devant ses amis mais leur annonce qu’il pense que la Police va tenter de lui mettre ce braquage sur le dos. De fait il est arrêté quelques mois plus tard, sur la base des informations d’un indic’ ; il reconnaît trois autres braquage, mais pas celui de la pharmacie. Un premier procès conclut à sa culpabilité dans la mort des pharmaciennes.
Les milieux de gauche se mobilisent pour le forcément innocent Pierre Goldman, qui écrit un livre remportant un large succès (‘‘Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France’’) qui renforce encore cette mobilisation. Elle permet à Goldman d’obtenir un second procès. Ses nouveaux avocats, des pointures, sont persuadés de pouvoir le faire acquitter.

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« Goldman » est une production de Capa Drama, réalisée par Christophe Blanc d’après un scénario de Dan Franck – qui a entre-temps écrit « Les Hommes de L’Ombre », la série politique de Tetra Media que France 2 diffusera dans quelques mois.
Au travers du portrait de cet homme, cet unitaire vise en fait à décrire une époque, les années 70, toute proche et pourtant si éloignée. La Seconde Guerre Mondiale a à peine plus de trente ans, la guerre d’Algérie est encore plus récente, les événements de mai 68 appartiennent au passé immédiat. La France est alors un pays encore parcouru par la violence, tant dans les milieux militants que du côté des forces de l’État.

Étiqueté « scénariste de gauche » (c’est un proche de DSK), Dan Franck s’aligne sur la vérité judiciaire issue du second procès qui l’a déclaré non-coupable des meurtres, restant fidèle à l’engagement de la gauche de l’époque derrière Pierre Goldman. Et ce quand bien même le recul et les témoignages recueillis depuis laissent au moins place au doute. ‘‘Cette ligne correspond pour moi à un impératif catégorique,’ écrit Dan Franck dans le dossier de presse. ‘‘Pierre Goldman a été acquitté par la Cour d’assises d’Amiens pour le meurtre des deux pharmaciennes du boulevard Richard-Lenoir. Il n’est, il n’était pas question de revenir sur cette décision de justice’’.
Dan Franck n’est donc pas prêt à risquer d’abattre le mythe Pierre Goldman. Il n’en reste pas moins qu’il ausculte l’homme avec acuité, résistant à l’hagiographie. Pierre Goldman, violent mais fragile, fragile mais violent, vit à l’ombre de l’héroïsme de ses parents, des Juifs résistants qui transportaient des armes dans son berceau, à Lyon pendant la Guerre. Il est un combattant sans guerre, pour qui la tentation est d’en créer une de toute pièce. Mais la médiocrité de cette tentation ne lui échappe pas, et sa haine de lui-même est palpable. Lors de sa condamnation initiale à perpétuité, après le premier procès, ses mots pour rassurer son père sont ‘‘c’est pas grave. Tu sais que j’aime pas la vie’’...

« Goldman » n’échappe pas à tous les écueils de L’Histoire Inspirée De Faits Réels, notamment l’enchaînement de séquences directement tirées des documents et témoignages, au milieu desquels la fiction, c’est-à-dire l’émotion et les personnages, a parfois un peu de mal à décoller.
Mais l’équilibre est trouvé dans la deuxième partie du film, en même temps que Pierre Goldman trouve une forme de paix paradoxale en prison, tout en faisant tout pour en sortir. Dans le rôle principal, Samuel Benchetrit livre une prestation engagée, agitée et émouvante, même si certains petits excès dans le maniérisme auraient pu être atténués.

Tout occupé à sonder l’âme obscure de son personnage principal, « Goldman » n’interroge pas du tout les circonstances de sa mort, en septembre 1979. Mais Canal+ s’en chargera au fil d’une sorte de soirée continue, rediffusant à la suite du téléfilm le « Lundi Investigation » consacré à l’affaire.

Avec « Goldman », la Création Originale de Canal+ fait sa rentrée sur un Unitaire solide, même s’il trouve ses limites, comme pas mal d’autres Unitaires politiques de la chaîne, de n’explorer ce type de question que par le prisme du fait réel. L’ombre des figures existantes ou ayant existé, sans parler des questions juridiques, obscurcit bien souvent la fiction, et lui fait perdre en force.

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Post Scriptum

« Goldman »
90’ – Capa Drama pour Canal+
Diffusion le lundi 29 aout à 20h45.
Scénario : Dan Franck. Librement inspiré du livre de Michaël Prazan, "Pierre Goldman, le frère de l’ombre" (éditions du Seuil, mars 2005).
Réalisation : Christophe Petit.
Produit par Claude Chelli.
Avec : Samuel Benchetrit, Pierre-Felix Gravière, Arié Elmaleh, Johan Leysen...