AVANT-PREMIÈRE — INQUISITIO (épisodes à 1 à 3)
Schisme, inquisition et pulsions en 1370.
Par Sullivan Le Postec • 4 juillet 2012
C’est le mercredi 4 juillet que France 2 lancera sa dernière série, « Inquisitio », co-créée et réalisée par Nicolas Cuche. Ses huit épisodes opposent un médecin Juif et un Grand Inquisiteur à la fin du XIVe Siècle, tandis que deux Papes s’affrontent, l’un à Avignon, l’autre à Rome.

Produite par Septembre Productions, « Inquisitio » est la nouvelle série du réalisateur et scénariste Nicolas Cuche (« David Nolande », la première saison de « Flics », « Le Chasseur », et au cinéma « La Chance de ma vie ») qui l’a co-créée avec Lionel Pasquier. France 2 la diffuse à partir du mercredi 4 juillet à 20h35, ce qui a suffi à certains pour la qualifier très abusivement de saga de l’été — nous sommes en vérité assez loin de ce genre. « Inquisitio » a une carte à jouer face au lancement de « Smash » sur TF1 (une série dont seul le premier épisode est de qualité et qui appartient au genre peu apprécié en France de la comédie musicale). Malheureusement, à dix jours de la diffusion des premiers épisodes, la première chaîne publique ne semble guère faire preuve d’une grande conviction.

Samuel de Naples est le fils d’un médecin Juif de Carpentras, David, qui lui a transmis son savoir, rare à cette époque. Quand ils décident de venir en aide à une femme enceinte qui va mourir parce que son enfant se présente par le siège, en procédant à une césarienne, ils prennent un risque. En effet, tant les Juifs que les Chrétiens considèrent cette technique comme hérétique. Le danger est d’autant plus grand que, suite à plusieurs meurtres d’hommes d’église qualifiés de sataniques, le Pape Clément VII a envoyé à Carpentras son Grand Inquisiteur, Barnal. Impitoyable, celui-ci est prêt à punir le monde entier pour les crimes qu’il se reproche en secret. Mais à Carpentras, une ville dont le recteur se plait à laisser prospérer la contestation contre Clément VII, son Oncle qu’il déteste, l’enquête de Barnal, qui voit bien vite en Samuel et David des suspects, va réveiller ses propres démons...

Deux ans après « La Commanderie » sur France 3, le Moyen-Âge est de retour dans une série de France Télévisions, dans une version un peu moins réaliste, un peu plus fantasmée : ‘‘ ‘Mon’ Moyen-Âge s’inspire parfois aussi bien des historiens que de la science-fiction et des jeux vidéo,’’ explique Nicolas Cuche. ‘‘Je l’assume’’. La toile de fond est cette fois un combat de puissants : les deux Papes en guerre qui tentent chacun d’éliminer l’autre, par la force, par le discrédit, ou par des méthodes plus terribles encore... Un territoire de fiction particulièrement romanesque et excitant.
La série traite de thématiques classiques dans ce type de contexte : l’aveuglement du fanatisme, l’émergence violente et désordonnée des pulsions chez ceux qui tentent à tout prix de les réprimer, les relations compliquées entre la Foi et la connaissance scientifique — “Accroître le savoir des hommes, c’est réduire le territoire de Dieu” affirme l’Inquisiteur Barnal. Pour Nicolas Cuche, ‘‘comme souvent dans les films en costume, il s’agissait de tendre un miroir déformant à notre époque, à travers des problématiques qui sont encore les nôtres : la tentation de l’obscurantisme, l’imbrication du religieux et du politique, etc.’’.


Le générique de la série

Ce Moyen-Âge là, s’il requiert un peu de moyens, est particulièrement cinégénique. Nicolas Cuche, dont les compétences techniques ne sont plus à démontrer, en tire particulièrement bien parti. Malgré un usage de la couleur parfois un peu excessif dans son uniformité, « Inquisitio » est très jolie à regarder. L’élégance des images est particulièrement bien soutenue par la musique de Christophe La Pinta, ample et efficace. L’interprétation est de qualité. Aurélien Wiik, qui génère l’empathie avec facilité, et Vladislav Galard, aussi intrigant qu’inquiétant, sont particulièrement remarquables. La distribution des personnages secondaires, parmi laquelle on compte Olivier Rabourdin et Philippe Duclos, ne déçoit pas.

Sur les autres plans, « Inquisitio » a besoin d’un peu plus de temps pour dévoiler son potentiel.
Le premier épisode, c’est tristement commun chez les séries françaises, est raté. Il trébuche à la fois sur une grande maladresse scénaristique (ce n’est qu’après 27 minutes qu’apparait enfin le personnage principal, le héros positif, qui se met alors d’un coup à porter l’intrigue), et sur pas mal de lourdeurs (le prologue, ampoulé et trop long, ou encore quelques dialogues ou situations d’exposition particulièrement démonstratives).

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Il faut attendre le milieu de ce premier épisode pour qu’une séquence brillante — la confrontation entre le Pape d’Avignon Clément VII et la fanatique Catherine de Sienne, émissaire d’Urbain VI — persuade qu’« Inquisitio » a en elle la capacité d’exploiter son potentiel.
Une fois le personnage d’Aurélien Wiik apparu, les enjeux s’éclaircissent, l’histoire que l’on souhaite nous raconter apparaît plus clairement, et la série s’améliore en prenant de la consistance. C’est le cas au fil de l’épisode 2, même si son cliffhanger, et donc celui de la première soirée de diffusion, est particulièrement faible.

Mais la série décolle avec l’épisode 3, à mesure qu’elle s’enfonce dans son univers, assez dur et masculin. On a bon espoir qu’elle continue dans cette lancée, alors qu’elle termine à ce moment de poser ses enjeux via une révélation finale [1] qui achève de clarifier le propos.

Bande-annonce


Les citations de Nicolas Cuche sont issues de l’interview du dossier de presse de France 2.
Remerciements à Véronique Hallu et Quentin Mérabet.

Post Scriptum

« Inquisitio »
8x52 – 2012 – Septembre Productions pour France 2
Scénario : Nicolas Cuche, Lionel Pasquier, Véronique Lecharpy, Nicolas Tackian, Sandro Agenor, Lorraine David-Pidoux
Réalisateur : Nicolas Cuche
Avec : Aurélien Wiik, Vladislav Galard, Annelise Hesme, Lula Cotton Frapier, Quentin Merabet, Olivier Rabourdin, Anne Brochet

A partir du mercredi 4 juillet, 20h35, sur France 2.