AVOCATS & ASSOCIES - Intégrale
Une famille judicaire
Par Sullivan Le Postec • 26 avril 2008
Pilier de la soirée de polars, « Avocats & Associés » a fait les beaux jours de France 2 pendant dix ans. Un succès qu’elle devait à une écriture souvent savoureuse.

Diffusée dès 1998, « Avocats & Associés », avec sa série sœur « P.J. » a re-familiarisé le public français à la série de 52 minutes et peut-être considérée comme un précurseur du renouveau actuel.

Fraîchement diplômée, Caroline rejoint le cabinet Zelder et Carvani où elle devra faire ses preuves. Elle débute en assistant Robert Carvani, la quarantaine rayonnante, séducteur et macho. On ne donne pas nécessairement cher de la peau de Caroline : la précédente recrue à ce poste a tenu deux semaines. Mais son talent, sa ténacité et son refus de se laisser marcher sur les pieds lui permettront de se faire sa place.
L’autre associé est Antoine Zelder, patriarche un peu vieille France qui assimile le cabinet a sa famille. D’ailleurs, son fils Laurent y travaille, même s’il rumine la plupart du temps sa rancœur contre ce choix de carrière imposé, et passe ses nuits à animer en secret une émission de radio. La dernière employée est Michelle Berg, célibataire sans enfants qui dévoue sa vie au cabinet, et n’accepte pas qu’en retour, on refuse de l’associer.

Les différentes spécialités et niveaux d’expérience des personnages permettent à la série de traiter toute sorte d’affaires d’une façon qui paraît correspondre au système judiciaire français – Antoine Zelder fustigeant souvent les jeunes recrues qui se mettent à enquêter comme s’ils étaient des avocats de séries télé américaines. Les cas sont parfois durs, et plusieurs épisodes se terminent sur des notes assez sombres. Toutefois, l’humour est toujours présent, et l’atmosphère produite est assez balancée.

Au fil du temps, le parallèle entre le cabinet et une famille dysfonctionelle sera de plus en plus affirmé. Robert et Caroline entretiennent un jeu de séduction troublant qui participe au divorce compliqué de Robert et ne sera pas sans conséquences sur leur vie professionnelle quand le juge Védrine, éconduit par Caroline et jaloux, se mettra en tête de lui compliquer la vie.
L’affection d’Antoine pour Michèle est tout aussi ambiguë : déprimé après qu’elle ait quitté le cabinet, il finira par accepter de l’associer pour la faire revenir, sans faire part à Robert à sa décision. Plus tard, elle se découvrira enceinte de lui...

Antoine n’en est pas à son coup d’essai : avant de se suicider pour éviter les conséquences de sa maladie d’Alzheimer, sa femme révélera lors d’une crise qu’il a eu une liaison 15 ans plus tôt avec Vanessa – qui est toujours son assistante de direction depuis ! Ironiquement, en faisant descendre Antoine de son piédestal d’homme parfait, cette surprise le rapprochera de son fils.
La relation complexe entre les Zelder est l’un des points forts de la série, tandis qu’ils sont tout deux tiraillés entre leur amour et leur incapacité à accepter l’autre pour ce qu’il est. L’homosexualité de Laurent, subtilement dévoilée dans la première saison, puis approfondie au fil du temps, malgré une parenthèse le temps d’une relation fougueuse avec Gladys, jusqu’à la célébration du Pacs de Laurent et Paul, est une cause majeure de tensions entre eux. Le décès de Victor Garrivier, et celui de son personnage, laisseront un vide conséquent.

Au 11ème épisode, Avocats & Associés introduit le personnage de Gladys, ambitieuse intrigante que les scrupules n’étouffent pas. Son arrivée secouera avec force ce cabinet où tout le monde s’aime un peu trop et où l’émotion empiète sans cesse sur le travail. Cela fera d’elle un personnage emblématique, d’autant que les départs de Caroline et Michèle la placeront au premier plan. Au fil des saisons, et à mesure que les changements de distribution se sont sans doute fait trop fréquents, la série s’est usée peu à peu, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’elle a atteint la décennie et dépassé la centaine d’épisodes.

Au delà de la qualité de son écriture des personnages, elle peut compter sur ses dialogues souvent brillants qui font merveille dans la bouche de ces personnages avocats. Dans n’importe quelle autre série, ce style trop écrit très français aurait desservi la fiction. Là, hilarants, vifs, relevés, ils participent à rendre assez jouissifs ces disputes, quiproquos et tensions amoureuses qu’on peut voir comme des héritiers classieux d’une certaine tradition de théâtre de Boulevard français.

En compagnie de « P.J. », « Avocats & Associés » a largement contribué au succès de la soirée de polars du vendredi soir de France 2, précurseur du basculement de la fiction française vers le 52mn. Les deux séries se sont d’ailleurs finalement croisées lors d’un double épisode diffusé en 2007. Un an avant le baisser de rideau définitif.

Post Scriptum

« Avocats & Associés »
France 2, 1998 – 2009. 11 saisons, 109 épisodes.
Créée par Valérie Guignabodet, Alain Krief, Alain Clert.
Avec : François-Eric Gendron, Victor Garrivier, Julie Debazac, Micky Sebastian, Frédéric Gorny, Muriel Combeau.
Scénaristes : Valérie Guignabodet, Alain Krief, Laurent Burtin...
Réalisateurs : Philippe Triboit, Alexandre Pidoux...