CARRIERES — Being the Doctor
Il y a tout plein d’anciens Docteurs. Que sont-ils devenus ?
Par Dominique Montay • 15 avril 2011
A la suite d’une rumeur non fondée selon laquelle Matt Smith serait en passe de quitter le Docteur, on se demande s’il aurait raison ou tort de le faire si tôt. Petit retour sur les anciens docteurs.

Une rumeur malvenue circulait il y a peu, vraisemblablement sans réel fondement, selon laquelle Matt Smith avait des envies d’ailleurs, à peine le costume enfilé. Une spéculation sur les envies de Matt de venir réussir à Hollywood. La BBC se fendit d’un communiqué très vague, donnant un peu corps à la rumeur, selon lequel, en substance, le futur reste incertain. Et après la pluie le beau temps… voilà, voilà… toujours est-il que Matt Smith est là, fidèle au poste, et qu’au Village, jusqu’à preuve du contraire et en absence de preuve, on se réjouit juste de le revoir une deuxième année de suite, et on espère le voir enchaîner une troisième (ce qui serait à priori déjà signé).

Mais Matt aurait-il raison de quitter le docteur si vite après l’avoir rencontré ? (se poser la question ne sous-entend pas qu’on va y apporter une réponse) Petit retour sur les anciennes incarnations du personnage phare de la SF télévisée britannique.

Dans l’ordre, le docteur fut interprété par William Hartnell (1963-1966), Patrick Troughton (1966-1969), Jon Pertwee (1970-1974), Tom Baker (1974-1981), Peter Davison (1981-1984), Colin Baker (1984-1986), Sylvester McCoy (1987-1989, 1996), Paul McGann (1996), Christopher Eccleston (2005), David Tennant (2005-2010) et Matt Smith (2010-2011, série en cours).

Il est déjà amusant de constater que l’âge moyen du comédien qui interprète le docteur n’a de cesse de baisser. Il commence soixantenaire et est aujourd’hui entre 20 et 30 ans. Il ne faut pourtant pas déceler une forme de jeunisme dans la façon de produire la série, mais juste le comprendre par son virage éditorial. Au début, cette série avait un but éducatif, donc personnifier le docteur par une bienveillante personne âgée, lui donnant un aspect de doyen vénéré était une démarche intelligente. Aujourd’hui devenu un personnage de pure SF (l’éducatif est relégué en arrière plan mais n’a pas, pour autant, disparu), et la série ayant accéléré son rythme de narration, la jeunesse et, encore plus, le dynamisme de l’acteur est un aspect primordial de la production. Avec Matt Smith on trouve le dynamisme dans sa fougue et sa jeunesse, mais on aurait pu la trouver dans l’humour de Bill Nighy, qui fut pressenti pour le rôle et dont l’âge est beaucoup plus élevé.

11

Revenons sur les destins individuels. Le cas de William Hartnell n’est pas en soit un bon exemple. Comme cité plus haut, le premier docteur était âgé. Donc en fin de carrière. Compliqué pour lui de démarrer autre chose. Il décèdera suite à de nombreuses attaques cérébrales, mais fit malgré tout une apparition posthume dans l’épisode « The Five Doctors », qui regroupait les cinq première incarnations, via une utilisation d’archive vidéo.

Le destin de Patrick Troughton, de la même manière, nous apprend peu sur la facultés des comédiens à rebondir après un tel rôle. Après le docteur, Troughton a beaucoup travaillé (sur d’autres projets) mais s’est toujours senti habité par le rôle. Il continuera jusqu’à la fin de sa vie à partiper aux conventions de science-fiction. Mais son histoire est assez incroyable. A la suite du docteur, Troughton souffrira de graves problèmes cardiaques. Il ne s’arrêta jamais de travailler, et, ironie absolue, n’écouta jamais les avis des docteurs qui le suivaient. Il décèdera dans une chambre d’hotel où il résidait pendant une convention à laquelle il participait. Clin d’œil absolu à une vie dédiée à un rôle.

Jon Pertwee travailla énormément après le docteur, aussi bien en tant que comédien qu’en tant qu’hôte d’émissions de télévision. Il capitalisa sa célébrité assez intelligemment, sans pour autant connaître un autre rôle aussi marquant. Il joua le docteur sur scène, ce qui fut le cas de beaucoup de ses collègues. Tom Baker se spécialisa dans les voix. Peter Davison travailla à la télévision et au théâtre, où Colin Baker termina aussi sa carrière. Autant d’exemples de comédiens dont la carrière a été majoritairement marquée par le docteur, mais ne débouchant sur rien de hautement significatif.

Ç’aurait pu être le cas pour Sylvester McCoy. L’acteur (talentueux) des occasions manquées. Dans un premier temps, il était attaché au projet « Pirate des Caraïbes » quand il était développé par Steven Spielberg lui-même (qui, on spécule mais sûrement pas à tort, doit aimer « Doctor Who »). Hélàs le projet tomba à l’eau, et il ne fut pas de l’aventure avec la deuxième équipe. Le rôle qui lui est passé sous le nez et qui aurait pu lui offrir un nouveau personnage iconique à interprêter n’est autre que celui de Bilbo le Hobbit dans la trilogie de Peter Jackson « Lord of the Rings ». Rien que ça. Dommage pour lui, il était le second choix après Ian Holm. Petite compensation, il jouera le rôle de Radagast The Brown dans « The Hobbit », un rôle de sorcier.

Le pauvre Paul McGann. Il réussit le tour de force d’être dans le film honni par les fans, coproduit entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, un four total qui failli tuer la franchise (en fait, la mettre dans le coma pendant 9 ans) après un premier arrêt de 7 années, et malgré ça, les fans s’accordent à dire qu’il faisait un bon docteur. Pas de chance. McGann est un comédien très talentueux dont la carrière ne se borna pas à sa brève existence en tant que docteur, et qui est réapparu sur le devant de la scène (et de quelle manière !) il y a peu grâce à la série télévisée « Luther », dans laquelle il joue un personnage régulier, à mille lieux de son docteur.

Les temps modernes

Christophe Eccleston est un comédien assez incroyable. D’accord, on l’imagine mal en personnage romantique. Son image est celle d’un torturé, d’un tortionnaire, d’un troublé. Il n’y avait que Russel T. Davies pour penser qu’il ferait un bon docteur. Et à raison, vu qu’il voulait que son premier docteur ait cette dualité en lui, qu’il soit désabusé, sombre, en reconstruction. Mais voilà, à force de dire que c’était un contre-emploi, Eccleston a fini par donner raison à tout le monde en quittant la série après un petit round, avouant lors du départ de Russel et de la prod de l’époque que ce n’était « pas son truc ». Le docteur ne l’a pas changé, il fait dans l’underground britannique, va sûrement, un jour ou l’autre, rejouer dans un film de Danny Boyle, et comme beaucoup d’acteurs d’outre-Manche, il cachetonne dans des blockbusters US (ciné ou TV) pour se payer une petite résidence secondaire ou payer ses impôts.

Il est très difficile d’analyser la carrière après docteur de David Tennant, tout simplement parce qu’on a aucun recul. Comme pour Sylvester McCoy, son nom a circulé dans beaucoup de projets cinés, parfois à l’insistance des fans (les Bat-Fans voulaient le voir interpréter le Riddler), il fut considéré pour jouer Bilbo (décidément), mais c’est finalement Martin Freeman qui jouera le nain aux pieds poilus. Ce manque de recul est dommageable, tant Tennant serait le point de comparaison parfait. Talentueux, jeune, contemporain de Matt Smith… tout fait de lui un exemple à suivre, si l’exemple était analysable.

My name is Doctor. The Doctor

Au-delà de toute comparaison avec ses glorieux anciens, cette évocation de changement met en lumière la versatilité des comédiens britanniques. Rares sont ceux qui s’ancrent dans un rôle. Les changements de castings, dans les séries britanniques sont légions, et donnent parfois le tournis. Il est rare de voir une continuité sur 5 ou 6 saisons, à part quelques cas. La lassitude les gagne souvent, et contrairement à leurs amis américains, ils ne peuvent pas, une fois lassés, négocier un contrat pour toucher le PIB du Kazakstan par minute de travail. En plus de cela, le rôle du Docteur souffre du syndrome James Bond, rôle plus grand que son comédien, qui le vampirise et le laisse marqué au fer rouge.

A moins de s’appeler Sean Connery. Voilà mon erreur, ne pas avoir contacté Sean Connery pour lui demander : « dis-moi, Sean, comment peut faire un acteur pour marquer un rôle, être marqué par ce rôle, l’interpréter pendant une longue période, mais réussir malgré tout une longue carrière, riche et variée, et être reconnu dans le monde entier comme un des plus grands comédiens de l’histoire… dis-moi, Sean, c’est quoi le secret ? »

Dernière mise à jour
le 17 mai 2012 à 06h47