CA TOURNE ! — « Tiger Lily » : le tigre est-il encore en elles ?
Sur le tournage de la prochaine série de France 2.
Par Sullivan Le Postec • 5 avril 2012
A quarante-cinq ans, tout est encore possible. Les quatre filles de « Tiger Lily », d’anciennes rockeuses qui ont depuis longtemps rangé leurs guitares, veulent en tout cas y croire dans cette série de France 2 en tournage depuis fin janvier.

Rachel, Muriel, Stéphane et Rita sont quatre filles qui ont d’abord été des copines de Lycée. Ensemble elles ont formé un groupe de rock, les Tiger Lily, dont l’album remporta un gros succès dans les années 80. Mais l’aventure s’est terminée après la mort de leur manager dans un accident d’avion. Quand on a fait partie à vingt ans d’un groupe et que tout était possible, que faire du reste de sa vie ? A 45 ans, les quatre héroïnes vont décider de reprendre leur destin en main.

Rachel, Muriel, Stéphane et Rita ont eu, depuis le groupe, des parcours de vie très différents. 25 ans plus tard, elles se sont parfois beaucoup éloigné de leurs rêves de jeunesse.
Rachel (Camille Japy) s’est embourgeoisée et enfermée dans un mariage coincé et ennuyeux ; elle a deux enfants. Muriel (Lio) est aujourd’hui animatrice à la télévision ; elle vit en couple lesbien et a adopté un fils qui cherche (et se trouve) un père. Rita (Florence Thomassin) est la Pénélope de la série : elle avait une liaison avec leur manager mort et, en dépit de l’évidence, cela fait 23 ans qu’elle attend le retour de son amour aux côtés de son fils Ziggy. ‘‘Rita ne veut tellement pas de chair qu’elle est végétarienne !’’ s’amuse l’actrice. Enfin, Stéphane (Arianne Séguillon, qui a pris 17 kilos pour le rôle) est aujourd’hui gardienne de parking ; elle vit dans un petit appartement avec une mère vieillissante qui perd la tête...

La série s’ouvre sur la fête d’anniversaire commune des quatre filles, une tradition qui perdure depuis des années. Elles fêtent ensemble leurs 45 ans, le milieu de la vie. Mais c’est la parution d’un numéro des Inrockuptibles qui va tout changer : celui-ci classe l’unique disque des Tiger Lily à la cinquième place des meilleurs albums rock...

« Tiger Lily » a une particularité : c’est la première série lauréate de l’aide à l’écriture du Fonds d’aide à l’innovation à se concrétiser. L’aide a été accordée en octobre 2007 aux deux cocréatrices et coscénaristes Negar Djavadi et Charlotte Paillieux, ce qui témoigne du long développement avant ce tournage en cours sous la houlette du réalisateur Benoît Cohen (« Nos enfants chéris », le film et la série de Canal+). L’idée de la reprise de son destin en main, présente dans les films de Cohen, a représenté le point de jonction entre les univers des scénaristes et du réalisateur. Son ambition est de donner de l’élégance et du glamour à l’image, en s’appuyant sur des cadres précis. Une façon, aussi de contrebalancer la crudité des personnages : ces quatre héroïnes-là ne sont pas exactement politiquement correctes.

Chez Stéphane

En ce jour de mars, l’équipe tourne à Neuilly sur Marne. Pas très loin de là, dans une autre partie du site de Maison Blanche, se trouve l’école du « Village Français ». Les décorateurs ont créé ici l’appartement de Stéphane et de sa mère Abigaëlle, incarnée par Nicole Shirer (vue récemment dans « BXL/USA »). L’endroit semble issu d’un autre temps, comme si on se téléportait dans les années 70 en franchissant le perron. Çà et là, quelques restes de la période rock de Stéphane ornent encore les murs...
C’est Stéphane qui a la vie la plus modeste. C’est elle qui a le plus de raisons de regretter l’époque de Tiger Lily. Le classement des Inrocks réveille ses regrets... de même que le souvenir d’une maquette d’un deuxième album, resté lettre morte après la mort du manager, mais qu’il serait peut-être possible de ressusciter.

Dans les scènes que tourne Benoît Cohen aujourd’hui, réconciliations, hasards et peines de la vie réunissent les quatre copines dans l’appartement. L’occasion de jauger immédiatement la réussite du casting : de toute évidence, les quatre comédiennes se sont trouvées. Le groupe qu’elles forment est crédible et dynamique, alors même qu’elles sont très différentes les unes des autres. ‘‘Benoit croyait à notre alchimie,’’ explique Camille Japy. Ses partenaires acquiescent et ajoutent : ‘‘une nature imprime une caméra’’. Indéniablement, des natures, il y en a quatre.

Une écriture saluée

Les comédiennes Arianne Séguillon, Florence Thomassin, Camille Japy et Lio, de même que Vincent Mouliquet, qui produit avec Pascale Breugnot (Ego Production) et le Conseiller de programmes de France 2 François Hitter nous vantent la qualité des textes. ‘‘Je ne décollais pas de la lecture,’’ raconte Lio. ‘‘J’adorais suivre ça. L’écriture est pleine de niaque, courageuse. Il y a des ellipses. Ce n’est pas le genre de fiction où l’on répète le nom des héroïnes à chaque début de scène’’.
La série n’est pas un high concept, elle ambitionne réellement de creuser les caractères et les situations. On est plutôt rassuré d’apprendre que le groupe ne sera pas reformé au terme des six épisodes, ce qui aurait été le signe d’une intrigue allant trop vite, trop droit vers un but. Si cela doit arriver, cela sera dans des saisons ultérieures.

Trois titres originaux ont été tout de même été composés pour la série, issu du travail de Tiger Lily dans les années 80, ce qui a supposé de définir ce que pouvait être le rock en prime-time sur France 2.

Chaque épisode est plus particulièrement centré sur une thématique, et comporte aussi deux flashbacks vers l’époque de Tiger Lily. Il a donc fallu caster des doubles 25 ans plus jeunes des quatre actrices — auxquelles elles sont directement confrontées dans certaines séquences. En effet, nous explique Arianne Séguillon, ‘‘leur doubles de 20 ans leur apparaissent et dialoguent avec elles quand elles font trop de conneries’’.

Alors que les séries sur les bandes de potes se sont multipliées ces dernières années (« Les Invincibles », « Fortunes », « Des Soucis et des Hommes »), les vraies séries de femmes sont une rareté à la télévision française. On connaît plusieurs scénaristes féminines qui se sont cassé les dents à essayer d’en proposer. Au-delà de quelques héroïnes féminines placées dans des univers masculins pour mieux tenter de réunir tous les publics (les « Julie Lescaut » et autres « Femme d’Honneur »), les exemples sont rares : Il y a « Maison Close », sur Canal+ (mais ce sont des prostituées) et « Working Girls », une comédie aux épisodes d’une douzaine de minutes, arrive bientôt sur la même chaîne. Sur le tournage, chacun peine à expliquer les raisons de cette rareté.
Malicieusement, Arianne Séguillon confie de son côté : ‘‘J’aime bien l’idée que cette série fasse un peu peur aux hommes. Que le lendemain, après l’avoir regardée, ils prennent soin de leur femme...’’

« Tiger Lily », dont le tournage se termine le 25 avril, sera à retrouver au cours de la saison 2012/2013 sur France 2.

Post Scriptum

« Tiger Lily »
6x52’ – 2012 – Ego production pour France 2.
Créé et écrit par par Negar Djavadi et Charlotte Paillieux.
Réalisé par Benoït Cohen.
Produit par Pascale Breugnot et Vincent Mouluquet.
Avec : Lio (Muriel), Camille Japy (Rachel), Florence Thomassin (Rita), Arianne Séguillon (Stéphane) et Eléonore Pourriat, Philippe Hérisson, François Civil, Nicole Shirer, Yakou Jensen...