DOCTOR WHO - 4.01 : Partners in Crime
Au hasard d’une rencontre
Par Sullivan Le Postec • 14 avril 2008
L’incarnation moderne de « Doctor Who » revient pour une quatrième saison, et avec elle le personnage de Donna Noble, la Runaway Bride du special de Noël de 2006...

Il est pour le moins rare que Le Village critique une série épisode par épisode, et il y a plusieurs raisons à cela. Nous aimons assez aborder une saison dans son intégralité. Nous apprécions aussi de revenir à froid sur une œuvre, plutôt que d’être systématiquement dans la course à l’actualité qui efface toujours l’autre. Et nous nous retrouvons aussi confrontés aux habitudes françaises de diffusion par groupe de deux ou trois épisodes, qui peuvent pousser n’importe quel auteur de reviews au surmenage.
Si nous avons toujours tenu « Doctor Who », et particulièrement son incarnation moderne sous la houlette de Russel T Davies, en haute estime, l’excellence particulière des deux premiers épisodes de cette quatrième saison nous a cependant convaincu que c’était probablement le moment ou jamais.

Partners in crime

Scénario : Russel T Davies ; réalisation : James Strong.

A l’issue de l’épisode spécial de Noël de 2006, Donna Noble, anglaise aux pieds fermement ancrés sur Terre, qui venait de vivre une extraordinaire aventure, avait décliné la proposition du Docteur de la rejoindre dans ses voyages à travers le temps et l’espace. Il s’avère que, depuis, elle regrette cette décision, et s’est mise à traquer les histoires étranges dans l’espoir de le retrouver. Mais mettre la main sur quelqu’un qui peut se trouver n’importe où dans le temps et l’espace n’est pas si facile et, plus d’un an plus tard, Donna est partagée entre détermination et découragement.
De son coté, le Docteur est tout aussi seul depuis que Martha a préféré retourner à sa vie et grandir loin du Docteur et de l’amour sans retour qu’elle a éprouvé pour lui.
Aujourd’hui, à Londres, Donna et le Docteur enquêtent tout les deux sur Adipose Industries, qui vient de mettre sur le marché une nouvelle pilule de régime révolutionnaire. Pour autant, se rencontrer ne sera pas si simple, et ensuite il faudra encore affronter Miss Foster, une Super Nanny galactique venue veiller sur les milliers de créatures aliens créées à partir de la graisse des usagers de son extraordinaire pilule...

Noble return

Au cours des vingt premières minutes de l’épisode, on suit les investigations de Donna et du Docteur en parallèle, tandis qu’ils passent plusieurs fois à deux doigts de se croiser. Dans un premier temps, l’effet comique est immédiat, appuyé par quelques séquences dont le timing comique a du être un petit casse-tête et une musique aussi enjouée que réjouissante. Et s’il passe bien quelques secondes à parler tout seul dans le Tardis, cet épisode est sans doute celui, « Love & Monsters » et « Blink » mis à part, où David Tennant a eu le moins de répliques à apprendre. Au final, ces croisements débouchent sur une scène de retrouvailles visuelle à mourir de rire, dans laquelle Catherine Tate se voit obligée de mimer une demi-page de dialogues, ce dans quoi elle excelle. Le « Doctor Who Confidential » de la semaine, making of hebdomadaire diffusé immédiatement après l’épisode sur une chaîne du réseau BBC, vaut le coup ne serait-ce que pour voir la lecture initiale et le tournage de cette scène, et ce qu’elle doit à Catherine Tate elle-même.
Dans la lignée de son premier épisode, Donna apporte à la série l’avantage d’une dynamique dans laquelle le compagnon du Docteur est beaucoup moins dans une situation d’admiration passive vis-à-vis du Seigneur du Temps. C’est une femme de ressource, qui a collecté ses propres éléments au fil de son enquête sur Adipose, ce qui amène la moitié de la résolution de l’épisode (dans ce qui constitue sans doute une petite facilité, mais reste symboliquement très riche). C’est aussi quelqu’un qui a du répondant, et ne se laisse pas marcher sur les pieds, par qui que ce soit, quitte à partir au quart de tour (‘‘You want to mate ?!’’). Surtout, c’est quelqu’un qui n’est pas amoureuse du Docteur et ne semble pas prête à développer ce type de sentiment envers lui. Ce qui, évidemment, encourage tout un chacun à croire à tord qu’ils sont ensemble. Donna est une femme qui, regardant en arrière vers la première moitié de sa vie, a des raisons d’être déçue et d’avoir le sentiment d’être coincée dans une impasse. Quelques aventures à bord du Tardis représentent l’opportunité de rebondir.
On retrouve à cette occasion la mère de Donna, déjà vue dans « The Runaway Bride ». Une mère chez qui Donna a du revenir emménager, ce qui serait dur pour tout le monde mais relève de l’horreur compte-tenu de la mère en question. L’acteur qui jouait le père de Donna étant décédé pendant le tournage de cette saison des suites d’une maladie (il a tourné plusieurs scènes avant que chacun réalise que sa santé devenait trop préoccupante) la fonction que son personnage devait jouer est transférée au grand-père de Donna.

Arc

Car un certain nombre d’éléments nous incitent vite à penser que derrière les multiples rencontres ratées d’un cheveu de cet épisode se cache plus qu’un très bon gag. En effet, on apprend parallèlement que le vieux vendeur de journaux vu à Noël dernier, où il avait rencontré le Docteur et Kylie dans un Londres déserté, n’est autre que le grand-père de Donna, qui vit avec elle et sa mère. Un personnage un peu fantasque mais charmant, qui passe son temps à regarder les étoiles dans l’espoir d’y croiser un OVNI, mais qui a la fâcheuse tendance de braquer son télescope du mauvais coté (encore !). Enfin, il y a la surprise finale de l’épisode, c’est-à-dire la scène dans laquelle Donna rencontre Rose, sans bien sûr qu’aucune d’elles ne se doute de qui est l’autre. Tout comme Donna, Rose cherche le Docteur, et tout comme elle, elle l’a manqué de peu. Rose s’éloigne et disparaît littéralement, ce qui suggère que son point d’ancrage est toujours le monde parallèle dans lequel nous l’avons laissée. Le retour du thème de « Doomsday » fait d’ailleurs merveille ici.
Tout cela cache sans aucun doute quelque chose, et il y a fort à parier que cette thématique sera de retour plus tard cette saison : la comédie franche de « Partners in Crime » dissimulait donc probablement l’épisode d’introduction d’une saison le plus mythologique depuis le début de la série. Lorsqu’elle découvre sa voiture garée à quelques mètres du Tardis, Donna s’exclame : ‘‘c’est le Destin !’’. L’Univers de Who étant ce qu’il est, il reste à découvrir quel est le dessein du destin, ou peut-être qui se cache derrière lui...

Guilty and not so guilty pleasures

La pop-culture comme motif constant de l’écriture de Russel T Davies revient dans cet épisode par le biais du personnage de Miss Foster, dérivé de l’effrayante nounou de « Super Nany », un format de coaching TV décliné en France sur M6. Cette référence aurait d’ailleurs sans doute gagnée à ne pas être exprimée dans les dialogues, puisqu’elle était suffisamment transparente et que cela la rend un petit peu over the top.
L’originalité et l’intérêt de cet épisode résident aussi dans le fait que la menace est bien moins dramatique qu’à l’accoutumée, puisque tout ce que ces aliens veulent nous voler, ce sont quelques kilos de graisse que les personnes concernées sont plutôt heureux de leur laisser. Les Adiposes, petits monstres enfantins de la semaine sont eux-mêmes de petites mignonnes créatures dont le design est particulièrement réussi (alors qu’à quelques reprises, leur intégration dans l’environnement laisse pour le moins à désirer).

Tout cela contribue à faire de « Partners in Crime » une reprise joyeuse et entraînante qui constitue un point de départ réjouissant à une saison qui promet de lever encore plus haut la barre qualitative de la série.