DOCTOR WHO – 5.04 : The Time of Angels 1/2 (Le Labyrinthe des Anges 1)
« Are you all Mr. Grumpyface today ? » - Amy
Par Sullivan Le Postec • 25 avril 2010
L’ère Russell T Davies avait une tradition malheureuse : le premier double épisode de la saison était rarement une très grande réussite. Il y a des traditions qu’il est bon de renier.

Cet épisode est le tout premier à avoir été tourné. La production de la saison 5 a en effet commencé par les plans sur la plage rocheuse. Nous en parlions en juillet dernier. Depuis cette date, mon impatience est immense : revoir River Song, et enfin en apprendre plus sur ce personnage hors du commun. Ce genre d’impatience peut parfois amener à des désillusions. Pas cette fois.

The Time of Angels

Scénario : Steven Moffat ; réalisation : Adam Smith.
River Song s’est infiltrée à bord d’un vaisseau pour découvrir ce qu’il cache dans sa soute. Repérée, elle risque d’être éliminée. Mais elle a un plan. Au même moment, mais 12000 ans plus tard, le Docteur retrouve en effet un message de River écrit en gallifréen parmi les pièces d’un musée. Il amène le Tardis aux coordonnées indiquées et la sauve. Song demande au Docteur de suivre le vaisseau dont elle bien de s’échapper. Il s’écrase sur une planète (le crash du Byzantium auquel il était fait allusion lors de la première apparition de River Song) et laisse échapper la créature qui était enfermée dans sa soute : un Ange Pleureur. Mais ce crash était-il vraiment un accident ou bien plutôt un plan délibéré ? Et qui est vraiment River Song ?

Sweetie, I need you !

Cet épisode nous ramène complètement le Steven Moffat qu’on est (presque) tous venu à adorer au fil de ses épisodes précédents pour la série – pour ceux qui ne l’adoraient pas déjà avant. On retrouve d’ailleurs des motifs habituels, comme la réalisation que les statues devraient avoir deux têtes, ou encore le moyen de communiquer du monstre, réminiscent de celui des Vashta Nerada. Et les dialogues sont brillants.
La séquence pré-générique de cet épisode est une des plus enthousiasmantes que j’ai vu depuis très longtemps. Quasi court-métrage, c’est un condensé de ce qui fait le génie de l’écriture de Steven Moffat. Il nous balade en quatre minutes d’une hallucination à la réalité, celle-ci étant en interaction directe avec une scène située 12000 ans plus tard. A ce moment, on est aussi très content que River Song soit incarnée par Alex Kingston, capable d’être crédible dans des situations très différentes, et qui participe à rendre ce personnage iconique. C’est aussi ce qui fait le succès de Song : c’est seulement son troisième épisode, mais on sait déjà qu’elle fera partie de l’histoire de « Doctor Who » et qu’on parlera encore de ce personnage dans vingt ans. La voir faire ses premiers pas dans la série, c’est un peu comme de vivre l’Histoire en train de s’écrire.

Ce pré-générique nous amène directement à une autre scène très réussie, à bord du Tardis, qui nous montre River Song donner des cours de pilotage au Docteur. Ironiquement, cette scène a été écrite en urgence au moment du tournage : le deuxième jour de tournage, toujours situé sur la plage du crash, la pluie était tellement forte que Steven Moffat coupa largement dans la séquence et réintégra certains éléments d’exposition dans cette séquence à l’intérieur du Tardis, mais qui fonctionne également comme un rappel excitant de tout ce que sait River Song.

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Spoilers !

Si jusqu’ici la saison était assez largement un nouveau départ, cet épisode est sans doute celui qui déroutera le plus les nouveaux arrivants dans le monde de « Doctor Who ». L’attitude ’’ronchon’’ du Docteur face à River Song sera sans doute relativement peu compréhensible à ceux qui ignorent que lorsqu’il l’a vu précédemment, il a assisté à sa mort. Lui sait déjà comment River Song va finir, du coup il n’a pas du tout envie de la revoir, et cette connaissance va forcément teinter leur relation — surtout maintenant, à son commencement.

Il faut aussi noter qu’on oublie très vite que le Docteur avait les traits de David Tennant quand nous l’avons vu la première fois avec River Song. Kingston et Matt Smith ont une excellente alchimie à l’écran, et prolongent la dynamique de vieux couple passant son temps à se chercher des noises introduite précédemment. Les échanges avec Amy, qui n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat, sont également très intéressants.

Moffat introduit également d’autres éléments qui viennent perturber notre perception de River Song. La situation vue dans « Silence in the Library/Forest of the Dead » laissait peu de doutes sur la réalité de l’attachement du River pour le Docteur – après tout, elle se sacrifiait pour éviter qu’il ne meure et que leur relation ne disparaisse. Mais la River Song de cet épisode, beaucoup plus jeune, connaît déjà le Docteur mais a encore pour lui des secrets. Notamment le fait que cette mission est ce qui lui a permis d’être libérée de prison. Et elle-même est d’avis que, pour l’heure, le Docteur n’apprécierait vraiment pas de savoir ce qui l’a menée là.

I didn’t escape : the Angels killed me too.

River Song n’est pas la seule à être de retour : c’est aussi évidemment le cas du monstre de cet épisode, les Weeping Angels, que Steven Moffat avait créé dans l’épisode « Blink », élu à peu près partout, y compris par nous, comme le meilleur épisode de la série depuis son retour en 2005.
Évidemment, cette fois les Weeping Angels n’ont plus l’avantage de la surprise. Couplé à une réalisation pas vraiment réussie, c’est certainement ce qui explique que les attaques de l’Ange des trois soldats dans les grottes ne soient pas très mémorables, à ceci près qu’elles marquent la première fois que Steven Moffat a tué des gens à l’écran dans l’un de ses scénarios pour la série.

Néanmoins, Moffat réussit dans cet épisode à offrir un nouveau moment formidable à sa créature dans la séquence où Amy est confronté à l’enregistrement. Une scène au croisement de « Blink » et de « The Ring/Le Cercle », réellement angoissante, et dont Amy a la bonne idée de se sortir par elle-même. Il est agréable de voir que Moffat n’a décidément pas l’intention de se plier au schéma de la demoiselle en détresse.

La fin de l’épisode amène à un cliffhanger très réussi, porté par un monologue énervé du Docteur. Un cliffhanger qui a, à mon goût, l’intelligence de ne pas reposer sur une question dont on a déjà la réponse – vont-ils s’en sortir ? – et qui ne pourrait amener à rien d’autre qu’à une résolution décevante au début de la prochaine partie, comme la série en est familière. La fin de l’épisode pose plutôt la question de savoir ce qu’a fait le Docteur et comment ils s’en sortent, ce qui est drôlement plus intelligent.


Un épisode réjouissant dans lequel tant les Weeping Angels que River Song reviennent au meilleur de leur forme. Après une paire d’épisodes plus contenus, la série retrouve une échelle et une ampleur visuelle impressionnantes – le tournage en décors naturel dans de vrais souterrains est très payant. Vivement la semaine prochaine !

L’anecdote rigolote qui ne sert à rien.
La semaine dernière, deux millions de téléspectateurs britanniques ont zappé dès la fin de « Doctor Who » et n’ont pas regardé le programme suivant. Du coup, la BBC a sorti l’artillerie lourde en matière de promo. Très lourde. Et n’a réussi qu’a lever un vent de protestation qui a retourné twitter et les forums de la série. Sans parler du mail dédié aux plaintes des téléspectateurs de la BBC, qui risque fort d’exploser avant lundi matin.
En effet, la BBC a superposé sur la dernière scène de l’épisode un bandeau animé annonçant le programme « Over the Rainbow ». Pas très service public, ni dans l’esprit, ni dans la forme. Il y a peu de chances que la même chose se produise la semaine prochaine ! (C’est aussi une différence entre la passivité des téléspectateurs français et l’activisme des téléspectateurs anglo-saxons. Ce n’est pas pour rien que je répète régulièrement ces dernier temps que le téléspectateur français est très largement responsable de la qualité de sa télé et des séries d’ici...)

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Coming next...

There’s one thing you never put in a trap if you’re smart, if you value your continued existence, if you have any plans of seeing tomorrow there’s one thing you never ever put in a trap.... Me.

Post Scriptum

On discute de l’épisode sur le forum.

Dernière mise à jour
le 22 octobre 2011 à 01h59