DOCTOR WHO – 5.05 : Flesh and Stone 2/2 (Le Labyrinthe des anges 2)
« If I always told you the truth, I wouldn’t need you to trust me » - Le Docteur
Par Sullivan Le Postec • 4 mai 2010
Steven Moffat délivre un épisode superbe, tout en rassurant vis à vis du seul point véritablement décevant de ce début de saison...

« Flesh and Stone » déjoue énormément les attentes que l’on pouvait avoir sur la résolution de l’intrigue proposée dans la première partie, mais la surprise est finalement positive.

Flesh and Stone

Scénario : Steven Moffat ; réalisation : Adam Smith.
Le Docteur permet au groupe de rejoindre le Byzantium. Mais les Anges de pierre ne sont pas loin derrière eux. Surtout, il semble de plus en plus clair que la confrontation d’Amy avec l’Ange Pleureur dans l’épisode précédant l’a directement affectée. Le Docteur doit comprendre comment et pourquoi alors même qu’une fissure similaire à celle du mur de la chambre d’Amy quand elle était petite fait son apparition et menace de tous les engloutir : avec une conséquence pire que la mort : voir leur existence purement et simplement effacée...

They’ve forgotten the gravity of the situation

A priori, je ne vais pas taper un roman cette semaine. C’est le genre d’épisode qui peut transformer facilement une review en une succession de paraphrases de scènes, ponctuées de ’’c’était génial !’’. « Flesh and Stone » aligne en effet pas mal de moments d’anthologie.

Il le fait en déjouant largement les attentes mises en place par la première partie : s’ils sont encore à l’origine de deux ou trois scènes très fortes (le Docteur essayant de s’échapper mais attrapé par la veste, Amy aveugle au milieu des statues...) les Weeping Angels sont quelque peu ramenés au second plan. C’est encore plus flagrant avec le personnage de River Song. Après avoir été absolument centrale dans l’épisode précédent, elle est beaucoup moins utilisée cette semaine (mais sa dernière scène est particulièrement réussie). Cela n’empêche pas Moffat de donner une réponse au teasing de l’épisode précédent. Que cache Song ? Cette mission est pour elle le moyen de gagner une grâce et d’être libérée de la prison dans laquelle elle a été placée parce qu’elle a tué un homme. Évidemment, la résolution amène à une autre dose de teasing, puisque la question devient maintenant de savoir qui elle a tué. ’’Le meilleur homme que j’ai jamais connu,’’ dit-elle. Cela pourrait donc bien être le Docteur lui-même. Une mort du Docteur serait-elle dès lors à venir ? Il reste une échappatoire évidente, mentionnée explicitement : ’’le temps peut être ré-écrit’’...

Bien plus que ré-écrit, le temps peut aussi être effacé. Une réalité démontrée avec brio dans la séquence ou les soldats qui protègent Amy disparaissent l’un après l’autre, oubliant à chaque fois que le précédent ait jamais existé. On commence ainsi à comprendre comment il est possible qu’Amy ne connaisse pas les Daleks, en dépit du fait que ceux-ci soient apparus aux humains dans « The Stolen Earth ». Le capital rejoint le trivial quand le Docteur relie tout cela à la fameuse marre aux canards sans canards du tout premier épisode de la saison. On-t-ils aussi été happés dans le néant ? A moins que tout cela cache encore autre chose.
Autre lien, et révélation d’importance : dans « The Next Doctor », l’épisode spécial de Noël 2008, le Docteur avait combattu un robot géant dans la Londres Victorienne. ’’Un événement dont on se souviendra pendant des siècles,’’ avait fait remarquer Jackson Lake, soulevant sans le savoir une énigme puisque, précisément, nous et le Docteur savions que personne ne s’en souviendrait. ’’C’est étrange, ça...’’ répondait-il pensivement. Le mystère, bien qu’explicitement posé, était cependant restée en suspens, pour ne trouver de réponse qu’aujourd’hui. De quoi penser que Russell T Davies et Steven Moffat se sont effectivement coordonnés de façon précise pendant les mois de transition. A bien des niveaux, cette nouvelle saison a été une rupture avec les précédentes. Je suis particulièrement content de voir de des liens de continuité forts ainsi établis.

That’s extremely very not good !

Tous ces éléments sont introduits grâce au retour surprenant de la fissure spatio-temporelle du mur d’Amy qui joue un rôle de premier plan dans l’épisode. Chacun s’attendait, habitué au canevas habituel des saisons de la série, à ce que la fissure soit un indice qui revienne au fil des épisodes, mais ne trouve son sens que dans le double-épisode final. Mais voilà que dès le cinquième épisode de la saison, cet élément d’arc devient à la fois explicite et central. Rassurant : la conclusion des épisodes 2 et 3, montrant deux fois de suite une fissure sur les lieux que venaient de visiter le Docteur et Amy, avait de quoi inquiéter : cela serait vite devenu pénible s’il avait fallu revoir continuellement ce type de scène jusque l’épisode 11. La fissure fournit aussi une résolution que j’ai trouvé très satisfaisante à la menace représentée par les Anges. Bien plus que n’importe quelle solution qu’aurait pu bricoler le Docteur en cinq minutes à la fin de l’épisode, si on se fie aux habitudes de la série. L’élément de la gravité du vaisseau, et du fait que les Anges aspirent continuellement l’énergie du Vaisseau au point qu’ils vont finir par le désactiver, est d’ailleurs intelligemment amené dans l’épisode.

L’arc de cette année est aussi amené de façon encore plus stimulante – parce que terriblement subtile. A la première vision de l’épisode, la scène dans laquelle le Docteur se sépare d’Amy deux fois en l’espace de trente secondes a quelque chose d’étrange. Juste ce qu’il faut pour qu’on la remarque, surtout à la deuxième vision ou en sachant ce qu’il y a à y voir. Mais pas suffisamment pour que la bizarrerie de ce moment et sa signification soit évidente.
Le Docteur, qui s’est fait arracher sa veste par les Anges peu avant, s’éloigne d’Amy en lui disant ’’à plus tard’’. Un instant après, et alors que les moines-soldats fixent les Anges pour s’assurer, le Docteur est à nouveau près d’Amy, vérifie qu’elle se souvient de leur rencontre quand elle était enfant et lui demande de lui faire confiance. Un Docteur dont les manches sont retroussées, qui porte sa veste, et dont la montre n’est pas celle qu’il porte actuellement. Un autre Docteur. Qui parie pour une bonne dose de timey-wobley stuff dans le final ?

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River Song, I could kiss you.
— Maybe when you’re older !

Comme « The Time of Angels », cet épisode bénéficie de qualités de production exceptionnelles. Dans ma critique précédente, je n’ai évoqué la réalisation d’Adam Smith que pour évoquer les attaques par très réussies des Anges dans la grotte. Il faut quand même signaler à quel point ces épisodes sont visuellement sublimes. La photographie est superbe. Les scènes de forêt, tournées dans une réelle et très vieille forêt (celle de Puzzlewood, dans le Gloucestershire – la forêt qui inspira à Tolkien celles de la Terre du Milieu) mais éclairées de manière volontairement artificielle pour rendre crédible le fait qu’elle est censée être en partie artificielle et se trouver dans un vaisseau, sont épatantes. De manière générale, la photographie est vraiment superbe et ces deux épisodes ont très clairement l’air beaucoup, beaucoup plus chers que ce qu’ils ont réellement coûté à la BBC. Ces images sont au service d’un scénario rythmé, riche, bourré d’idées, et qui propose encore une fois des dialogues géniaux. Ma réplique préférée ? Le plus simple serait de copier-coller un transcript de l’épisode entier.

« The Time of Angels » et « Flesh and Blood » ont aussi eu un apport non négligeable sur la définition du personnage du Docteur. Il montre clairement à quel point Matt Smith s’est facilement glissé dans le rôle, quand on sait que ce furent les premiers tournés. Le Docteur de Smith est plus volontiers direct, cassant et colérique, des caractéristiques intéressantes, surtout qu’elles sont rarement attribuées à un personnage et l’on veut fédérateur que le Docteur dans une série qui s’adresse notamment à un public jeune. C’est dans ces petites choses, aussi, que « Doctor Who » est une série drôlement courageuse.
Et puis il y a cette séquence finale dans laquelle Amy, ’’factrice embrasseuse’’ [1] qu’on avait vu ne rien rater du Docteur se déshabillant, se jette littéralement sur lui alors qu’elle vient enfin de lui avouer qu’elle est censée se marier dès le lendemain. Pas pour du long-terme – non, il n’est pas question d’une histoire d’amour entre ces deux-là. Juste d’assouvir une pulsion sexuelle une bonne fois pour toute. On parle de sexe dans une série jeune public ; on montre une jeune femme à la veille de ce mariage avoir envie de coucher avec un autre homme, et cette femme est notre sympathique héroïne et le référent d’identification du téléspectateur ! J’ai déjà évoqué sur ce site la manière dont l’introduction de la sexualité dans la série depuis 2005 a sérieusement perturbé quelques anciens fans frigides. Si vous n’y êtes pas allé, vous n’imaginez pas ce qui s’écrit actuellement sur Amy dans les forums anglais sur la série...
Finalement, le seul point noir qui reste pour moi dans cet épisode qui se bonifie au deuxième visionnage, c’est la manière dont Matt Smith joue la scène où il explique qu’Amy est au centre de tout. Ce qui devrait être une scène à l’intention d’Amy, à la fois pour lui expliquer les choses et pour la maintenir à distance, est joué sur le ton de la réalisation soudaine. Alors qu’on a suggéré dès « The Eleventh Hour » que le Docteur se doutait que quelque chose n’allait pas avec Amy, et que la scène à propos des souvenirs des Daleks à la fin de « Victory of the Daleks » a définitivement validé ce fait. Probablement une conséquence du fait que cet épisode a été tourné en premier et que Smith n’avait donc pas encore joué ces scènes précédentes.

L’Univers a donc commencé à dérailler le 26 juin 2010, lendemain du jour où le Docteur a embarqué Amy avec lui à l’autre bout de l’espace et du temps, jour du mariage d’Amy et de Rory. Et jour de diffusion du final de la saison. Voilà un “demain” qui risque de mettre du temps à arriver...


Un épisode particulièrement réussi, même s’il déjoue les attentes. Les trouvailles géniales et les scènes d’anthologie sont nombreuses. Mais surtout Steven Moffat abat bien plus tôt qu’on ne le croyait certaines cartes concertant l’arc de cette saison. Comme si cela n’était pas assez excitant, Moffat ajoute juste assez d’indices pour nous faire saliver sur les paradoxes temporels qu’il affectionne tant vont intervenir en fin de saison. Brillant.

L’anecdote rigolote qui ne sert à rien.
Donc, le ’Nortongate’. Graham Norton c’est le comique-présentateur de télé anglais qui anime l’émission « Over The Rainbow » dont la BBC a fait la promo de manière très intrusive la semaine dernière. Norton anime aussi un Late Show le lundi soir sur BBC1. Dans l’émission d’hier soir, il est revenu avec humour sur l’incident. A voir ci-dessous, en VOST :

Je n’avais pas dit que je ne tapais pas de roman cette semaine, moi ?

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 19 février 2011 à 20h49

Notes

[1Dans The Eleventh Hour, Amy se décrit comme une kissogram, contraction de Kissing telegram : un message accompagné d’un baiser.