DOCTOR WHO – 5.06 : The Vampires of Venice (Les Vampires de Venise)
« It’s funny how you can say something in your head, and it sounds fine... » - Le Docteur
Par Sullivan Le Postec • 9 mai 2010
Après un épisode en deux parties porté sur l’action et l’effroi, Toby Whithouse nous propose un épisode comique très drôle, donc particulièrement réussi.

Russell T Davies explique que cela avait pris longtemps avant qu’il ne s’autorise à faire un épisode de pure comédie – cela avait été « The Unicorn and the wasp » écrit par Gareth Roberts pour la saison 4. Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que Steven Moffat vienne reproduire ce parti-pris.

The Vampires of Venice

Scénario : Toby Whithouse ; réalisation : Jonny Campbell
Le Docteur amène Amy et Rory à Venise en 1580. La ville est fermée à l’extérieur, sur ordre de Rosanna de la Maison de Calvierri, qui prétexte un possible retour de la peste dont la dernière vague ayant frappé la ville remonte à cinq ans plus tôt. Le trio découvre rapidement que la ville semble sous le coup de vampires qui s’en prennent aux jeunes filles. Qui sont-ils et que veulent-ils ? Et un cadre romantique et quelques frissons suffiront-ils à rapprocher Amy et Rory ?

Séjour romantique

Dans l’épisode précédent, le Docteur avait appris que les fissures qui aspirent des pans de l’Univers dans le silence trouvaient leur origine le 26 juin 2010, jour prévu du mariage d’Amy et de Rory, à la veille duquel le Docteur a embarqué Amy à bord du Tardis. Quand Amy se jette sur lui et l’embrasse, le Docteur s’interroge : et s’il avait perturbé l’avenir en rendant impossible le mariage d’Amy et de Rory ?
Du coup, le Docteur va embarquer le fiancé et amène Amy et Rory en thérapie de couple dans l’endroit le plus romantique du monde : Venise. Ce cadre, et les frissons d’une aventure usuelle avec le Docteur ont pour mission de remettre ces deux-là sur un pied d’égalité. Difficile, en effet, d’imaginer Amy revenant de ses aventures avec le Docteur et reprenant une vie avec son infirmier qui aurait tout ignoré de ce qu’elle avait vécu.

Tout cela est traité sur un ton de comédie pure, ce qu’illustre parfaitement la séquence pré-générique qui révèle de manière claire la tonalité burlesque de l’épisode, et ce que sont ses priorités narratives. L’intrigue de ces poissons vampires extraterrestres décidés à noyer Venise est un arrière-plan. Cela ne l’empêche pas d’être parfois intéressant, notamment quand la thématique du Docteur dernier survivant des Time Lords revient pour mieux évoquer le fait que le Docteur a fait son deuil et tourné la page. Mais la priorité est clairement ailleurs.

La Venise de Croatie

Toby Whithouse est à l’écriture de cet épisode. On lui doit « School Reunion », au début de la deuxième saison, mais il est aussi le créateur et producteur exécutif de la série « Being Human » – dans laquelle est un des personnages est d’ailleurs un Vampire.
Après qu’il ait travaillé initialement à un épisode dans lequel le Docteur aurait été perdu dans un labyrinthe, Steven Moffat revint vers lui en suggérant de partir dans une direction différente, celle-là étant trop proche de certains autres épisodes de la saison. L’idée devint alors ce concept de gros épisode romantique. C’est Whithouse qui répondit à la commande de romantisme en situant son histoire à Venise, pendant initialement que l’équipe de production parviendrait à tourner cela à Cardiff. Mais Steven Moffat et Piers Wenger y virent plutôt l’occasion de proposer quelque chose de similaire à « The Fires of Pompeï » dans la quatrième saison : un épisode exotique tourné en partie à l’étranger et qui introduirait un changement d’atmosphère.
Problème, comme l’explique Whithouse : “la Venise de 2010 ne ressemble en rien à celle de 1580. Maintenant, la ville n’est que Starbucks et boutiques de masques”. La production se tourne donc vers Trogir, petite ville insulaire de Croatie, qui fut dominée par Venise de 1420 à 1797, et dont l’architecture du centre historique doit donc beaucoup à cette influence.

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Whithouse excelle dans l’écriture de la comédie (ses dialogues égalent quasiment ceux de Moffat les deux dernières semaines) et dans celle des personnages et de leurs relations, mais un tout petit peu moins dans l’écriture de l’intrigue. Celle-ci devient franchement brouillonne à partir du moment où Rosanna met son plan en action. La Maison de Calvierri, quasi-inaccessible au début de l’épisode, devient ainsi un moulin et le Docteur passe son temps à entrer puis ressortir de la salle du trône sans véritable direction.

Une souris, ça suffit

Le personnage de Rory invite forcément à la comparaison avec celui de Mickey. D’ailleurs, le précédent script de Whithouse mettait déjà en avant un ménage à trois avec le plus ou moins petit ami de Rose. Néanmoins, au-delà des évidences, il me semble que les deux sont très différents, aussi bien intrinsèquement que par leur place dans la série.

D’abord, quand on rencontre Rose, elle a 19 ans. Mickey aussi à quelque chose près. C’est une relation post-adolescente caractérisée avant-tout par le fait que ces deux-là ne s’aiment pas. C’est clair pour ce qui concerne Rose. Et le tout premier épisode de « Doctor Who » suggère très subtilement que Mickey trompe Rose (lorsqu’il lui interdit d’aller regarder ses e-mails, Davies explique dans « The Writer’s Tale » 2 que c’est là son intention). De toute évidence, la relation entre Amy et Rory est plus ancienne et plus profonde. Elle n’est pas sans ambiguïté – Rory l’infirmier est un mini-Docteur de substitution – mais elle est aussi sincère. Après tout, Amy n’est pas seulement en couple avec lui : elle a décidé de l’épouser.
Cela nous amène à une autre caractéristique qui différencie franchement Mickey de Rory : le moins que l’on puisse dire de Mickey, c’est qu’il n’était pas futé. D’ailleurs, la seule évolution positive que Davies a pu donner au personnage, c’est de faire de lui un gros bras, un homme d’action. De toute évidence, même si elle est associée à une maladresse encore plus importante que celle du Docteur de Matt Smith, la cérébralité de Rory est importante : sur ce plan-là aussi, il est un mini-Docteur, et s’avère ainsi capable de lui-même de déduire que l’intérieur du Tardis se trouve localisé dans une autre dimension, s’étant abreuvé de lectures sur les dernières théories scientifiques après l’expérience du Prisonnier Zéro (qui, pour lui, remonte à deux ans plus tôt).
Et si Mickey était un boulet passif et geignard que trainaient souvent le Docteur et Rose – il ne montait d’ailleurs à bord du Tardis à la fin de « School Reunion » qu’en imposant sa présence, avant de le quitter pour le premier monde parallèle venu, réalisant qu’il n’y avait pas vraiment sa place – Rory, lui, est très vite invité à bord du Tardis, tant par Amy que par le Docteur.

Mickey n’avait pas vraiment de place et nulle part où aller, Rory, lui, est intrinsèquement lié à l’arc de cette saison, puisque la journée de son mariage semble avoir des conséquences décisives sur le sort de l’Univers. De quoi lui permettre de s’insérer plus naturellement dans la dynamique de la série...
Il semblerait que l’on s’engage vers une dynamique à trois personnages pour les prochains épisodes, ce qui n’est pas pour me déplaire...


Comédie romantique aux grosses qualités de production – les décors et les costumes sont superbes – « The Vampires of Venice » introduit une rupture bienvenue dans la saison, aussi bien en terme de tonalité que de visuels. En revenant vers la vie personnelle d’Amy, la série humanise ses personnages, ce qui passe notamment par le développement de Rory, jolie variation sur le thème de l’humain ordinaire projeté dans un monde qui le dépasse et où il a du mal à trouver ses aises.

L’anecdote rigolote qui ne sert à rien
On le disait plus haut, la ville Croate de Trogir fournissait le cadre architectural idéal pour reproduire Venise... à ceci près qu’il n’y a pas d’eau ! A part les séquences du plongeoir, tournées dans un petit lac de la ville (ou la productrice exécutive Beth Willis et deux actrices ont donc du se jeter en plein mois de décembre !), les canaux ainsi que quelques plans larges montrant des façades colorées vénitiennes doivent donc tout à quelques plans récoltés par une petite équipe envoyée dans la vraie Venise, et surtout aux images de synthèse.
Sans oublier, comme le montre le Confidential, les gondoles en carton et les acteurs déplacés sur des planches à roulettes et devant mimer le mouvement des vagues !...

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C’est la preuve, aussi, qu’il n’y a pas besoin de moyens exceptionnels pour faire de la télévision qui a de la gueule. Les bons vieux trucs marchent toujours très bien !

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 30 mars 2012 à 11h45