DOCTOR WHO — City of Death (1979)
Le Docteur de Tom Baker à Paris
Par Sullivan Le Postec • 20 mai 2012
Spécial « Nuit Doctor Who » sur France 4. Le Docteur de Tom Baker, le tout premier tournage hors de Grande-Bretagne, et c’est à Paris qu’il a lieu, et surtout une histoire originale et ingénieuse. Le programme est alléchant !

Facile de comprendre pourquoi les quatre épisodes du serial « City of Death » sont proposés aux spectateurs de France 4 pour cette Nuit Doctor Who. Cette aventure du Docteur le plus populaire chez les britanniques, Tom Baker, a été tournée à Paris — du moins pour ce qui concerne les extérieurs, les scènes de studios étant bien sûr filmées en Grande-Bretagne. Comme en plus c’est un des meilleurs scénarios de la série classique, il aurait été doublement dommage de se priver !...

City of Death

Écrit par David Agnew ; réalisé par Michael Hayes.
Alors qu’il profite d’un séjour dans le Paris de 1979 avec Romana, le quatrième Docteur se trouve face à un homme mystérieux qui cherche à dérober la Joconde pour financer ses recherches sur le voyage dans le temps. L’homme est un extraterrestre qui semble exister à différents points de l’histoire et dont le secret remonte aux débuts de la Planète Terre...

Escapade parisienne

C’était la première fois que la série tournait à l’étranger, et la chose fut largement improvisée, en partie à cause des circonstances — le tournage à Paris eu lieu autour du 1er mai 1979, et l’équipe fut confrontée à des lieux de tournages fermés pour cause de jour férié. Le Tardis devait ainsi apparaître dans une galerie d’art de Saint Germain que l’équipe trouva porte close. De nombreux extérieurs dans Paris ont donc été tournés à la hussarde, sans la moindre autorisation. Pour l’équipe, le plus spectaculaire n’était pas là : alors que la moindre scène extérieure en Grande-Bretagne attirait en masse les badauds, comme c’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui, Tom Baker et Lalla Ward pouvaient au contraire évoluer à Paris dans l’anonymat le plus total, puisque la série était alors totalement inconnue en France.

A cette époque de la série, le quatrième Docteur voyageait avec une compagne de voyage particulière en la personne de Romana : Susan mise à part (la petite-fille du Docteur aux débuts de la série) c’est la seule fois que le Docteur a voyagé régulièrement avec une Time Lady plutôt qu’avec une humaine. Cette absence de compagnon humain oblige d’ailleurs à l’introduction d’un personnage secondaire humain juste pour cette histoire, avec que les dialogues d’explication sur le voyage dans le temps soient justifiés. Le Docteur et Romana prennent du bon temps à Paris en 1979. Mais, évidemment, les ennuis ne tardent pas à se présenter sur le chemin.
Alors qu’ils visitent le Louvre, et particulièrement la Joconde, le Docteur réalise que quelqu’un est en train de préparer son vol. Il remonte jusqu’à un certain Conte Scarlioni, qui a besoin de beaucoup d’argent pour financer des recherches en avance sur leur temps et qui concernent le voyage dans le Temps. Se rendant en Italie à l’époque de Leonard de Vinci, le Docteur s’aperçoit qu’une autre version du Comte, le Capitaine Tancredi, y vit. Il s’agit en fait d’un extraterrestre arrivé sur Terre 400 millions d’années plus tôt, Scaroth. Lors de l’explosion de son vaisseau, il a été divisé en plusieurs parties éparpillées à différentes époques de l’histoire de la Terre. Il cherche à empêcher la version originale de lui-même de faire exploser son vaisseau.

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Modernité

L’histoire de « City of Death » apparaît bien plus moderne que nombre d’histoires de la série classique. C’est d’abord le cas de par son utilisation du thème du voyage dans le temps, extrêmement rare à l’époque. L’histoire, principalement située dans le Paris de 1979, fait un détour par l’Italie du 16e siècle et la Terre d’il y a 400 millions d’années, sans compter quelques allusions à d’autres époques quand différentes versions de Scaroth apparaissent. Et ces différentes époques sont en interaction les unes avec les autres, avec quelques idées qui seraient tout à fait à leur place dans la nouvelle série, comme les tableaux avec l’inscription ‘‘This is a fake’’ inscrit sur la toile.

Une partie assez importante de l’histoire se déroule en extérieur, là où bien des épisodes de l’époque étaient confinés intégralement dans des décors de studio, ce qui participe aussi de cette impression de modernité. Le méchant est un extraterrestre dernier survivant de sa race, un motif qui est devenu familier maintenant que le Docteur est lui-même le dernier des Seigneurs du Temps. Par ailleurs, le scénario fait également la part belle à la comédie dans les dialogues, et particulièrement les échanges entre le Docteur et Romana. Des échanges qui doivent largement à l’auteur principal du script, Douglas Adams, auteur de « The Hitchhiker’s Guide to the Galaxy » qu’il écrivait à cette même époque, alors qu’il était le Script Editor de « Doctor Who ». Douglas Adams a repris, simplifié, et conféré sa patte à une histoire de David Fisher, impossible à filmer avec le budget d’alors de la série. David Agnew, le scénariste officiel de cet épisode tel qu’il apparaît à l’écran est en fait un pseudonyme derrière lequel sont cachés David Fisher, Douglas Adams ainsi que Graham Williams.

Thématiquement, l’histoire aborde le sujet de l’art, croisant les regards de différents personnages sur celui-ci — la Comtesse qui ne voit que sa valeur financière, Romana qui ne l’évalue que dans sa fidélité à la réalité, et enfin le Docteur qui pointe que sa valeur se trouve dans l’accomplissement qu’il représente.

Le rythme reste tout de même marqué par l’époque de production — clairement, l’essentiel de la première partie de 25 minutes se déroulerait probablement aujourd’hui en cinq, avant le générique. Néanmoins, « City of Death » permet de découvrir le « Doctor Who » de l’époque dans sa meilleure forme et de faire connaissance avec le Docteur de Tom Baker, le Docteur classique qui reste le préféré des britanniques. Cerise sur la gâteau, la quatrième partie — l’épisode le plus regardé de l’histoire de la série, parce que la chaîne ITV était en grève et ne diffusait aucun programme — se termine même avec un caméo du grand acteur John Cleese.

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John Cleese

Une aventure réussie et qui réussit à peu près à franchir le temps, malgré des longueurs et des longues promenades dans Paris façon carte-postale animée qui n’avancent en rien l’intrigue (surtout que tous les quartiers de la ville sont mélangés dans la plus grande anarchie). On comprend pourquoi Tom Baker a tant marqué les britanniques, vu son charme et son entrain communicatif, au point qu’il est devenu la figure de référence qui semble hanter le Docteur moderne.

Point météo
Le tournage à Paris a eu lieu entre le 30 avril et le 3 mai 1979. D’après Lalla Ward qui interprétait Romana, le printemps 1979 semble avoir beaucoup ressemblé au printemps 2012 : “Nous avons du filmer beaucoup de scènes sous la pluie et dans le froid... Ce n’était pas glamour du tout. Mais c’était aussi différent des histoires ordinaires et j’aime bien le résultat”. (Interview pour le Doctor Who Magazine de Mai 1984 par Richard Marson.)

Dernière mise à jour
le 19 mai 2012 à 06h03