DOCTOR WHO - 4.02 : The Fires of Pompeii • DOCTOR WHO
En sauver au moins un...
Par Sullivan Le Postec • 19 avril 2008
Au premier voyage, le Docteur aime en mettre plein les yeux. Pour Donna, il s’est dit que la Rome antique ferait l’affaire. Problème : le Tardis atterrit en fait à Pompéi, la veille de l’éruption du Vésuve...

Le premier voyage de Donna est un feu d’artifice qui donne l’occasion d’un des épisodes les plus spectaculaire et émotionnellement puissant de la nouvelle série. Décidemment, cette quatrième saison part sur les chapeaux de roue...

The Fires of Pompeii

Scénario : James Morran ; réalisation : Colin Teague.

Le Docteur espérait faire découvrir la Rome antique à Donna. Mais, comme régulièrement, le Tardis fait des sienne et atterrit en fait à Pompéi, à la veille de l’éruption du Vésuve qui allait totalement détruire la ville et générer la création du mot volcan en Latin. La situation génère immédiatement de la tension entre eux, car Donna voudrait avertir les habitants de l’imminente catastrophe, ce à quoi le Docteur objecte qu’ils ne peuvent changer l’Histoire. Il veut quitter les lieux aussi vite que possible, mais les événements l’en empêchent : une famille a acheté le Tardis à un marchand de rue comme une pièce d’art contemporain. Le Docteur et Donna se rendent chez cette famille, dont la fille est un oracle, promise à une congrégation de Sœurs. Mais ni elle, ni un autre inquiétant oracle, Lucius Petrus Dextrus, ne voient l’éruption qui doit avoir lieu le lendemain, alors même que leur don ne fait pas question compte-tenu de ce qu’ils sont capables de deviner de l’identité de Donna et du Docteur. Ce dernier réalise qu’une force extraterrestre est à l’œuvre à Pompéï. Les Pyroviles, dont la planète a disparu, entendent détourner l’énergie du Vésuve pour transformer la Terre et en faire une planète de feu capable de d’accueillir leur espèce régénérée. La destruction de Pompéi n’est donc plus seulement un événement historique à respecter, mais une nécessité pour sauver la Terre. Donna pourra-t-elle accepter que la ville et ses habitants soient condamnés à la destruction ?

L’écriture de la série

« The Fires of Pompeii » apporte quelques enseignements sur la manière dont est écrite la série, notamment au travers les multiples bonus, compléments et podcasts mis à disposition par la BBC — de quoi ridiculiser le plus complet des sites internet officiel consacré à une série française.
En effet, les britanniques se trouvent dans des conditions assez similaires à celle des français quand il s’agit de concevoir des séries : les budgets ne sont généralement pas suffisants pour s’attacher une demi-douzaine de scénaristes à plein temps et créer de véritables ateliers d’écriture. « Doctor Who » est dans ce cas, et à part Russel T Davies, le créateur, tous les scénaristes sont simplement engagés à l’épisode. Pourtant, la construction des saisons de la série est exemplaire en termes de continuité, de progression dramatique et de cohérence thématique. James Moran explique qu’il n’est pas à l’origine du pitch de l’épisode : la proposition d’écrire pour la série allait avec. Au-delà de l’idée de départ, celle de situer un épisode à Pompéi à la veille de l’éruption du Vésuve, Russel T Davies lui transmis d’ailleurs un nombre conséquent d’autres éléments, d’ordre logistiques ou narratifs. James Moran devait ainsi écrire son histoire autour des contraintes suivantes : le tournage des extérieurs dans les rues de l’Italie antique, dans les studios de Cinecitta à Rome, durerait deux jours ; le dilemme moral sur la possibilité de sauver les habitants de Pompéi serait le cœur de l’épisode ; les habitants de Pompéi seraient découverts par le truchement d’une famille à la Astérix comportant les deux parents, leur fils et leur fille, des personnages qui proviennent d’un livre scolaire de cours de Latin et dont la villa serait construite dans les studios de la série à Cardiff ; il y a des monstres de feu habitant les entrailles du volcan ; enfin, Russel T Davies voulait que le Docteur se trouve au cœur du volcan au moment de l’explosion, dans une capsule qui serait expulsée du cratère. Sans compter des éléments qui rentrent dans le cadre de l’arc narratif de la saison, tel que les prophéties énoncées, qui furent soit également confiés avant l’écriture, soit rajoutés lors d’une réécriture finale (quasi-tous les scripts de la série passant dans son ordinateur pour une révision finale).
Cela ne retire rien au talent de James Moran, parce que l’on peut écrire aussi bien un excellent épisode qu’un abominable épisode avec ces éléments, et toute la gamme entre les deux. Mais cela met parfaitement en évidence ce que la série doit à son scénariste-showrunner, et à quel point elle est sa construction et sa vision. On remarque aussi que pour autant, Davies ne se sent pas obligé de prendre un crédit de scénariste sur tous les épisodes : sa position est matérialisée par son crédit de producteur exécutif, et l’homme qui a transformé tous ces idées et contraintes disparates en un formidable épisode, c’est James Moran. Ce dernier, comme l’essentiel des scénaristes de la série, est par ailleurs un fan qui a grandit avec les anciens « Doctor Who ». Ecrire « The Fires of Pompeii » fut la transformation d’un rêve en réalité.
De la passion, du talent, et un scénariste showrunner qui construit la narration de la série et y imprime sa vision. Peut-être pas la recette du succès, mais au moins quelques ingrédients-clefs...

Humour et drame

« The Fires of Pompeii » est un épisode d’une densité assez extraordinaire qui atteint au final des sommets de tension émotionnelle sans avoir jamais négligé d’inclure de fortes doses d’humour — plus ou moins référentiel — pendant le parcours. On citera le passage à la moulinette de l’ère antique avec un esprit « Astérix », dont Davies est fan (‘‘two amphoras for the price of one’’, ‘‘dad, it’s what all the girls in Rome are wearing’’, le nom de certains personnages tel Petrus Dextrus), le gag récurrent sur la traduction automatique du Tardis qui transforme les expressions latines des personnages en du Celtique, ou encore le fait que la principale arme de cet épisode soit le pistolet à eau que le Docteur sort de sa poche.
Cet humour ne désamorce jamais la tension dramatique de cet épisode, articulée autour du dilemme moral posé par l’imminence de la catastrophe, connue des deux personnages principaux mais ignorée de tous les autres. Faut-il tenter de sauver tout ou partie des habitants de Pompéi ? Cette interrogation autour de la notion d’humanité, qui fascine le Docteur et autour de laquelle se forme une sorte de quête personnelle diffuse est un axe fort de la série, et une fondation de la relation entre le Docteur et Donna. Dès l’épisode de son introduction, elle avait en effet, tout en déclinant l’offre d’être cette personne, diagnostiqué que le Docteur avait besoin de quelqu’un à ses cotés pour faire appel à l’humanité qu’il a trop tendance à enfouir. Ce qui fait aussi bien fonctionner cet aspect de l’épisode, c’est aussi que le dilemme moral présenté ne ressemble par à un dilemme un peu artificiel de « fiction à message », et qu’il repose sur la caractérisation de base des personnages. En effet, la position de Docteur est plus que défendable, et découle logiquement des problématiques que créerait le voyage dans le temps. Et la détresse de Donna face à ce qui lui apparaît comme un acte de cruauté est facile à partager — d’autant qu’elle est sublimement jouée par Catherine Tate. La raison et l’émotion s’opposent donc, à l’écran et dans l’esprit du spectateur et la résolution appelle à faire usage de l’un et de l’autre dans d’égales proportions. La place des deux personnages, et la balance nécessaire entre eux deux, est ainsi posée. Cet élément n’est pas nouveau, car tant Rose que Martha apportaient le même élément à la série. S’il y a une différence, elle tient dans le fait que l’apport de cette humanité par ces deux précédents personnages reposait sur une certaine forme de candeur, liée à leur jeunesse et leur peu d’expérience du monde et de la vie. La maturité de Donna, et le fait qu’elle n’ait pas été gagnée par le cynisme en dépit des difficultés qu’elle a traversées, modifie l’angle donné aux choses. Elle contribue à cette caractéristique formidable : Donna est le cœur de la série, mais pourtant, elle ne donne pas dans le pathos et le sentimentalisme à outrance. Le recul sur elle-même de Donna, et l’humour toujours à fleur de peau chez Tate ainsi que la qualité phénoménale de son interprétation permettent ce petit miracle.

Disparues

Au deuxième épisode, l’arc de la saison commence à se construire subrepticement. Tout comme les Adipose de la semaine dernière, on découvre ici que les Pyroviles sont venus sur Terre suite au fait que leur planète a été ‘‘perdue’’, a disparu. Deux épisodes de suite on peut largement douter du fait que ce soit une coïncidence. Faut-il y voir l’action d’un ennemi très destructeur ? A moins que le retour de Rose soit à mettre en relation avec ces faits : ces mondes auraient-ils glissés dans une dimension parallèle ?
Par ailleurs, les prophéties énoncées livrent quelques pistes. ‘‘She is returning’’, fait-on remarquer au Docteur, ce qui évoque immédiatement Rose. Plus difficile de se faire une idée sur ce qui concerne Donna : ‘‘you have something on your back’’. A Suivre.
Je suis en premier lieu revenu par le biais de ce papier sur les dix dernières minutes de l’épisode qui, il faut l’avouer, marquent de manière assez forte. Pour autant, il est évident qu’elles ne fonctionnent que parce qu’elles ont été très intelligemment mises en place au fil de l’épisode. Ainsi, si quelques séquences aux allures de sitcom familiale antique auront pu un peu surprendre, elles participent largement à notre attachement envers ces personnages qui rend poignant la séquence finale. James Morran jongle par ailleurs à merveille avec la masse d’information et de subplots qui se déroulent en parallèle, de sorte qu’on ne se trouve jamais perdu. La réalisation est de qualité, et réussit à merveille à insuffler le souffle et l’emphase nécessaire à un épisode tel que celui-ci. Le résultat figure parmi les plus spectaculaires de la série, les différentes équipes d’effets spéciaux physiques et digitaux ayant de toute évidence livré le meilleur d’eux-mêmes.

Les personnages sont bien installés, les enjeux commencent à se dessiner, et tout cela au sein d’épisodes qui tiennent plus que bien la route par eux-mêmes. Cette saison de « Doctor Who » parvient avec panache à toujours donner envie d’en voir plus...


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