Aïssatou Diop est une jeune comédienne Belge vue à l’écran l’année dernière dans « Odette Toulemonde ». Après de nombreuses expériences au théâtre où elle a parfois participé à des spectacles alliant ses deux passions, la comédie et la musique, « Reporters » est l’un de ses premiers grand rôle à l’écran. Ce qui n’est pas sans évoquer le parcours de son son personnage... Entretien.

Le Village : Selon-vous, qui est Elsa Cayatte ?

Aïssatou Diop : Une fille un peu paumée entre l’adolescence et l’âge adulte, qui manque de repère. Elle fait la dure. Mais elle n’est pas très sûre d’elle. Elle va quitter ses sentiments entiers d’ado et apprendre les compromis d’adultes dans un milieu professionnel et la complexité des relations humaines. Tout n’est pas noir ou blanc...

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce rôle et dans cette série ?

La série : La qualité de l’écriture. Les personnages existent. Ils ont plusieurs dimensions. L’intelligence du scénario et son engagement. L’ambition du projet. L’envie de se dépasser à tout niveau : technique, écriture, interprétation... Le fait que tous les participants y croient.
Elsa : Ce qui m’a touchée chez elle, c’est sa sensibilité mal gérée, mêlée à une volonté d’avancer. Elle est très émotive, maladroite, bête parfois parce qu’encore très jeune. Mais elle se débat avec tout cela, parce qu’elle doit s’assumer elle, mais aussi sa mère. C’est très agité, conflictuel en elle. J’ai trouvé son évolution très juste et très intéressante aussi. Elle va apprendre à gérer son émotionnel, à jongler avec ce qui l’entoure. Elle va comprendre ses parents, les voir comme des êtres humains. Cela va s’apaiser à l’intérieur.

Pour la préparation, vous avez assisté à un journal de France 3. Qu’en avez-vous retiré ?

Cela m’a beaucoup nourrie. J’ai découvert le monde qu’il y avait derrière ces quelques minutes de diffusion télé.
La tension, l’urgence, le stress, le challenge quotidien et donc le danger. L’engagement personnel. Et puis cela m’a donné encore plus envie de bosser pour arriver à une crédibilité satisfaisante.

On dit parfois que c’est difficile pour un comédien habitué à oublier la caméra de jouer un présentateur de télévision qui doit lui, la fixer et jouer avec. Est-ce que cela a été une difficulté pour vous ?

Par rapport à la caméra, non. Par contre, j’ai vraiment dû me former. Je ne me rendais pas compte qu’il y avait une véritable technique derrière tout cela. Le ton, faire passer son point de vue très subtilement, le regard, le maintien, le débit de parole avec le prompteur.
J’ai senti l’exigence de Capa (la boîte de prod et agence de presse) par rapport à la crédibilité. C’était vraiment un challenge.

La relation entre Elsa et son père, le fait-diversier qui hait la télé, Michel Cayatte, est très riche...

Oui. On pourrait croire qu’elle le déteste. En fait, je pense qu’elle l’adore. Il lui a beaucoup manqué, c’est tout. Je crois aussi qu’elle lui ressemble beaucoup, et qu’au niveau sensibilité, elle se sent plus proche de lui que de sa mère. Mais la situation familiale n’a pas été simple. Il faut qu’elle grandisse un peu pour comprendre.

Comment s’est passée la collaboration avec Patrick Bouchitey, qui joue ce père compliqué ?

Très bien. Patrick Bouchitey m’a énormément portée. Il m’a beaucoup ému dans ce personnage. C’était un plaisir de l’avoir comme partenaire.

Aïssatou Diop

Au début de la série, Elsa est une débutante qui a certes de la personnalité, ses premiers rapports avec Schneider en témoignent, mais qui connaît peu les ficelles du métier. Au fil des huit épisodes de la saison, elle s’affirme sans cesse. Comment avez-vous abordé cette évolution, sachant que les séquences sont rarement tournées dans l’ordre ?

Avant chaque séquence, je me remémorais toute la ligne du temps, l’évolution du perso. Et puis je m’imaginais son « état intérieur ». Où en était- elle par rapport à ses propres conflits. En fonction de cela, je la rendais plus agitée, moins sûre d’elle ou plus posée... C’est une difficulté que j’ai apprise à gérer sur ce projet. Ce n’est pas facile.
Mais je dois avouer que je me sentais assez proche d’Elsa sur ce coup là. C’était ma première expérience en France. (Je suis belge) J’ai moi- même pris de l’assurance au fur et à mesure du tournage. Au début, j’ai vraiment débarqué comme Elsa !

« Reporters » aborde des sujets d’actualité polémiques. Par exemple, votre personnage est confrontée à une promotion qu’elle pense devoir à la « discrimination positive ». Auriez-vous eu la même réaction qu’Elsa ?

Je pense que ce n’est pas très agréable de savoir qu’on est engagé pour ce genre de raison alors qu’on a bossé dur pour y arriver. Je trouve que c’est dommage d’en arriver là pour qu’il y ait un minimum d’égalité.
C’est difficile de savoir si j’aurais accepté. Soit je me serais dit, par fierté : « Non, j’y arriverai autrement ». Soit, je me serais dit : « Tant pis, j’accepte. Je profite quelque part de ce système au lieu de le subir. A moi maintenant de montrer que je mérite cette place pour mes compétences. »
Je pense que je choisirais la deuxième option !

Le parcours d’Elsa est aussi l’occasion de tenir un propos sur l’ambition et de ce que chacun est prêt à lui sacrifier...

Eh oui ! C’est très personnel en effet. Et je crois qu’on peut souvent être très étonné par certaine personne qu’on pense bien connaître. Je crois aussi qu’il faut beaucoup de chance pour ne jamais devoir faire de compromis désagréable.
Ce qui est classe, c’est de parvenir à se respecter et à ne pas faire de coup de p... quoi qu’il arrive !

On vous retrouvera sur la seconde saison de « Reporters » ? Qu’est-ce qui attends Elsa ?

J’en serai. Mais c’est la surprise pour moi aussi !

Sur quels autres projets travaillez-vous actuellement ?

Je prépare un album. Je suis chanteuse aussi.

Merci d’avoir répondu aux questions du Village.

Propos recueillis le 10 juin 2007.