MARIE HUMBERT, l’amour d’une mère • Festival des 4 écrans
« Maman, est-ce que tu m’aimes assez...? »
Par Sullivan Le Postec • 1er novembre 2007
L’histoire de Marie Humbert, fortement médiatisée et donc plus ou moins connue de tous, a de quoi faire s’effondrer en larmes une statue de pierre. L’enjeu d’une fiction adaptant cette histoire est donc de ne pas la trahir tout en contournant l’écueil du pathos.

C’est finalement lundi 3 décembre à 20h50 que TF1 proposera sur son antenne cet unitaire de 90 minutes, tourné il y a un an. La chaîne s’est refusée à diffuser le téléfilm en période électorale, consciente du débat qu’il ne manquerait pas de soulever (sans, d’ailleurs, qu’il ne soit pour autant véritablement militant), et à ensuite laissé passer et l’été et la rentrée, périodes jugées peu propice à diffuser une fiction pas forcément des plus joyeuses...

Un Centre de soin pour victimes d’accidents gravement handicapés, une mère en sort en courant, hurlant sa joie : son fils a bougé, il est réveillé, tout va s’arranger. Cette femme s’appelle Marie Humbert et, déjà, nous savons que son bonheur sera probablement de courte durée.
Un an plus tôt, Vincent Humbert, 20 ans et pompier volontaire, quitte sa caserne pour aller rejoindre sa petite amie. Sur la route, il percute un camion. C’est le début d’un parcours du combattant de trois ans, faits de petites victoires et de moments de bonheur fugaces, mais aussi de grandes déceptions et d’immenses douleurs. Jusqu’à ce que finalement, quelques individus bravant la loi décident que Vincent a le droit de choisir de mourir.

Avant d’en arriver là, il aura fallu tout l’acharnement de Marie Humbert, la mère de Vincent, qu’une détermination hors du commun a conduit à ne jamais baisser les bras. Tenant à passer chaque jour aux cotés de son fils, elle quitte la ville qu’elle habitait pour le suivre en Bretagne alors que, toujours dans le coma, il est transféré des soins intensifs à un Centre spécialisé. Chaque jour, elle l’embrasse, lui parle, déterminée à croire qu’il peut l’entendre. Jusqu’à se demander s’il elle devient folle quand elle croit voir un sourire se dessiner sur les lèvres de Vincent.
La famille de Marie l’accompagne autant qu’elle le peut malgré l’éloignement, et vient leur rendre visite lors des occasions. La petite amie de Vincent, elle, n’a rapidement plus pu faire face à la situation et s’est éloignée. Marie est seule le plus souvent, ne pouvant compter que sur le soutien des autres femmes qui vivent au Centre pour veiller sur leurs enfants ou leurs maris (des relations que le film aurait peut-être gagné à developper un peu) et de la population locale, qui les aide a trouver un emploi leur permettant de survivre.
Jusqu’à ce jour où Vincent bouge son pouce. Plusieurs fois, en réponse à ce que lui dit sa mère. Il est sorti du coma, réveillé, conscient. Nous sommes un an après l’accident, et le combat de Marie Humbert ne fait que commencer...
Vincent est tétraplégique, muet, n’a plus d’odorat, n’est pas en capacité de se nourrir, quasiment aveugle. Ce pouce mobile est tout ce qui le relie à l’extérieur. Immédiatement, Marie se saisit de cette opportunité pour communiquer : un mouvement pour oui, deux pour non. Contre l’avis du personnel médical, qui s’irrite de plus en plus de cette mère qui refuse d’entendre qu’il n’y a plus d’espoir, Marie va réapprendre à son fils l’alphabet avant de monter un système de communication qui lui permettra de faire des phrases, de vraiment s’exprimer. Les médecins, abasourdis, découvrent que Vincent est en pleine possession de ses capacités intellectuelles, eux qui, sans Marie, n’auraient probablement jamais réalisé qu’il était sorti du coma et l’auraient donc laissé à sa une solitude absolue — qui aurait forcément achevé de le détruire.

Un jour, pourtant, le long travail de Marie pour communiquer avec Vincent prend un tour cruel. Les mots qu’il a écrit sont une blessure nouvelle. « Je veux mourir ». Marie refuse un temps d’entendre, de comprendre. Mais il apparaît bien vite que son fils est tout aussi déterminé qu’elle...

Empathie contre pathos

Les 20 premières minutes du téléfilm sont assez peu représentatives de ce qui va suivre. On y retrouve un enchaînement de scènes dont autant l’écriture que la mise en image et l’interprétation sont plutôt artificiels, très typiques d’un téléfilm français. Surtout, la première phase juste après l’accident de Vincent souffre de ce que le film parviendra ensuite parfaitement à éviter : un trop plein de dramatisation. Sans compter que le frère pompier de Vincent souffre d’être interprété dans un sur-jeu faux constant qui achève de rendre quasi-impossible une adhésion à cette introduction. Heureusement, le téléfilm se recentre très vite sur son sujet : Marie et sa relation avec Vincent, un huis-clos de chambre d’hôpital qui réussit le tour de force de ne pas être étouffant.
Au cours de son récit, « Marie Humbert, l’amour d’une mère » a toutes les chances de vous tirer des larmes, mais il ne le fera pas en convoquant les violons et les artifices usuels de la fiction lacrymale. Ces larmes résulteront plutôt de ce que, placé en empathie complète avec Marie Humbert, vous vivrez avec elle, presque comme elle, cette situation d’une cruauté inouïe. Avoir un fils qui vous supplie : si vous l’aimez assez, alors vous devez l’aider à mourir.

De manière intéressante, ce sont probablement les principes habituels de TF1 envers sa fiction, ceux-là même qui rendent 90% de la production de la chaîne inintéressante, qui ont permis à ce téléfilm de réussir ce pari. La chaîne était en effet dans une volonté conforme au souhait du réalisateur : tourner une fiction qui ne soit pas trop sombre, trop dure, trop désespérante. L’histoire de Marie et de Vincent Humbert est suffisamment percutante, impliquante, pour qu’il ne soit pas besoin d’en rajouter. Et la vie contient toujours ses moments de rire. Du coup, le pathos est habilement contourné, s’effaçant derrière l’identification aux personnages.
C’est en cela aussi, que le film n’est pas militant. Il suit de trop prêt Marie elle-même, déchirée entre son instinct de mère, qui lui interdit d’envisager la mort de son enfant, et la détermination de celui-ci, qui lui demande avec insistance, des mois durant, le droit de mourir. A l’époque, Marie Humbert elle-même n’a probablement jamais très bien su si elle approuvait ce choix, juste qu’elle devait se conformer aux souhaits conscients et raisonnés de Vincent. Le téléfilm se place exactement sur la même ligne.
Le combat de la véritable Marie Humbert, qui se saisira sans aucun doute de ce film dont elle a accpmpagné le développement pour difuser à nouveau son plaidoyer, est d’ailleurs de faire en sorte qu’aucune mère n’ait plus à faire elle-même ce choix terrible, et encore moins à passer elle-même à l’action. C’est pour empêcher cela qu’elle souhaite qu’on légifère et offre aux médecins la possibilité d’accepter de saisir l’option de la fin de vie choisie par le patient.

Réel et fiction

Oubliez tous vos préjugés contre Florence Pernel, oubliez jusqu’à toute image que vous auriez pu voir du « Juge est une femme », comme l’a fait Marc Angelo, le réalisateur de « Marie Humbert ». Visiblement ultra-motivée par le rôle, elle offre une interprétation saisissante, parfois crue dans sa volonté évidente de sincérité. Elle compose avec Édouard Collin dans le rôle de Vincent un duo étrange et fascinant. De façon très différente dans les moyens, mais probablement proches dans l’implication et la concentration nécessaires, il s’agit de deux vraies performances d’acteur.

C’est une tâche difficile que de se confronter par le biais de la fiction à des faits réels aussi proche de nous, temporellement et du fait du battage médiatique, mais pour autant assez hors du commun, aussi.
Lors de la discussion qui a suivi la projection, le réalisateur Marc Angelo a évoqué ces scènes-clefs qui faisaient monter le stress, ces scènes qu’il ne fallait pas rater, en dépit des contraintes du tournage. La réussite du film tient à ce qu’aucune d’entre elles n’a effectivement été ratée — en fait, plusieurs sont bouleversantes, notamment parce que souvent dirigées avec élégance. A l’image de la formidable scène ou la vieille dame qui emploie Marie lui confie en la prenant dans ses bras, et donc sans affronter son regard, qu’elle a un jour, il y a longtemps, aidé sa propre fille à mourir. Un moment clef pour la perception de Marie et sa progressive acceptation de la volonté de Vincent.

La réalité a été traduite en utilisant « le langage de la fiction », comme le dit le carton au début du film. Mais les informations communiquées sont justes et, surtout, la vérité émotionnelle est là. Nul doute qu’elle vous touchera.

Post Scriptum

« Marie Humbert, l’amour d’une mère »
TF1 – Alma – Clebs
Première diffusion France : à venir au dernier trimestre 2007.
Scénario : Isabel Sebastian ; Réalisation : Marc Angelo Avec : Florence Pernel (Marie Humbert), Edouard Collin (Vincent Humbert), Matyas Simon (Christophe Humbert), Michael Alcaras (Olivier Humbert), Eric Franquelin (Jacques Humbert), Elodie Fontan (Estelle), Héléna Soubeyrand (Julie Humbert)...