FOCUS — I Spy Apocalypse, de Spooks
La rédaction du Village concentre son attention sur un épisode particulièrement remarquable.
Par le Village • 23 octobre 2011
Pour célébrer la fin de « Spooks », dont le dernier épisode est diffusé ce soir, la rédaction du Village fait un focus sur son épisode le plus remarquable : « I Spy Apocalypse ».

Ce dimanche 23 octobre 2011, la Grande-Bretagne enterre « Spooks / MI-5 », production de Kudos pour la BBC. La série aura connu dix saisons et 86 épisodes, dont la qualité n’aura certes pas été égale. Mais cela ne l’empêche pas d’être une grande série. La rédaction du Village souhaitait marquer le coup de cet événement de la fiction européenne. Elle commence à le faire en inaugurant pour l’occasion la rubrique Focus, qu’elle consacre à ausculter « I Spy Apocalypse », le cinquième épisode de la saison 2.

I Spy Apocalypse

Scénario : Howard Brenton ; réalisation : Justin Chadwick. Avec : Matthew Macfadyen (Tom Quinn), Keeley Hawes (Zoe Reynolds), David Oyelowo (Danny Hunter), Nicola Walker (Ruth Evershed), Peter Firth (Harry Pearce).
La section fait face à un exercice concernant l’explosion d’une bombe salle dans le centre de Londres. Mais il apparaît peu à peu qu’un réel attentat aura pu avoir lieu, impliquant un gaz très létal, le VX. Bientôt, l’energie est coupée et les agents sont coupés du monde extérieur, totalement isolés pour tenter d’empêcher le VX d’infiltrer les lieux. Ils doivent tenter de coordonner la réponse, d’autant que le groupe à l’origine de l’attentat en prévoyait d’autres dans les grandes villes du Pays... Harry révèle à Tom qu’il a été contaminé, et est mis en quarantaine dans son bureau. La tension monte au sein de l’équipe alors que la situation devient de plus en plus désespérée. Tom parviendra-t-il à garder le contrôle sur ses hommes ? A quel prix ?

Le Focus

Sullivan n’a vu que la première saison de « Spooks » (c’était son devoir de vacances en 2010), il va donc découvrir « I Spy Apocalypse » à cette occasion, dont Dominique et Émilie sont d’ores et déjà de grands fans.

Sullivan

Je vais regarder l’épisode cette après-midi, mais déjà : pourquoi avoir voulu revenir sur cet épisode en particulier pour célébrer la fin de « Spooks » ?

Dominique

C’est l’épisode qui résume le mieux l’esprit de la série. On est à 100% dans l’étude psychologique. « I Spy Apocalypse » est centré sur le mensonge, les faux semblants, tout en étant loin d’être un épisode d’action. Pas d’artifice, pas d’effets de styles, juste une équipe coincée dans des bureaux qui doit trouver une solution à un problème. Un ‘‘bottle episode’’ — mais un des meilleurs que j’ai vu dans ma vie.

Si vous n’avez pas déjà vu l’épisode, faites-le maintenant. Aucune connaissance préalable n’est requise, et cela serait dommage de se gâcher cette expérience télévisuelle en en lisant ici les rebondissements et le dénouement...

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Sullivan

La réputation de l’épisode n’était pas usurpée... Pourtant, vous me l’avez beaucoup vendu, il aurait été possible que je sois déçu au final. Quelle belle mise en place de la tension !

Dans quelles conditions avez-vous vu cet épisode la première fois ? Parce que là, évidemment, j’ai presque regretté que la distribution de la série n’ait pas été entièrement changée depuis : la présence d’Harry me donnait l’assurance qu’il s’agissait bien d’un test (mais la qualité d’écriture est telle qu’en fait, cela n’atténue pas vraiment la tension...)

Dominique

Pour moi c’était dans la foulée de la saison 1. J’ai englouti les deux premières saisons très rapidement, et j’ai découvert cet épisode sans avoir été ‘‘prévenu’’. Ça a été une surprise, un choc, et après une première saison que j’avais aimé, trouvée très maîtrisée, c’est l’épisode qui m’a rendu totalement accroc.
Maintenant, c’est certain, le fait de connaître la continuité des castings aide à ne pas être totalement dupé (mais en même temps, la présence de cet épisode en milieu de saison aide à saisir que tout la distribution ne va pas être renouvelé à ce moment-là).

La force de cet épisode, c’est que même si on se dit ‘‘ils vont s’en sortir’’, avec la réalisation et la gestion de la tension et du rythme, on se pose quand même la question.

Émilie

Tout commence par le quotidien, l’ordinaire de ces personnages qui est pourtant tellement extraordinaire pour le spectateur : la classification des différentes menaces terroristes de la semaine sur le territoire britannique. Le « Good Morning World » prononcé par Ruth prend alors tout son sens. Le fond de l’épisode est là : comment peut-on vivre dans l’ordinaire quand on doit gérer l’extraordinaire ?

Cet exercice d’urgence, d’abord traité comme tel, prend une tournure bien plus dramatique au fur et à mesure que le doute sur la réalité des faits prend le dessus, lorsque l’exercice ‘‘sort’’ des limites du personnel accrédité, lorsque même la télévision relate les même faits, que l’isolement devient extrêmement pesant et que la menace devient de plus en plus concrète et identifiée...
L’humain est l’élément essentiel. C’est lui qui rend crédible l’explosion et le VX, par le personnage de Stéphanie notamment, et la décision de Tom Quinn de l’exposer au gaz pour obtenir des informations. Nécessaire, certes, mais mortel. L’instinct prend le dessus lorsque les proches sont en péril. Comme Stéphanie et Paul, tous les contacts extérieurs à l’équipe sont hyper réalistes. Même Harry est terrifiant de vérité dans sa réaction à sa contamination.

Le reste revient au huit-clos. Toutes ces personnalités, confrontées à leur pire cauchemar, qui tentent de freiner leurs instincts et de garder l’esprit clair, certains y réussissant mieux que d’autres. Le personnage de Tom Quinn est prodigieux dans cet épisode, à la fois tellement efficace face à la pression et tellement humain et faillible comme il le confie à Ruth.

L’épisode atteint son climax après des heures d’isolement complet, une fois la certitude de la véracité des événements acquise et l’état d’Harry révélé. Alors que le groupe est sur le point d’imploser, que toutes les tentatives semblent échouer, la confrontation éclate... et la vérité est enfin révélée. Et elle a un prix : ils ont certes brillamment réussi l’exercice mais la peur et la tension ont laissé des marques et la cruauté de l’exercice est soulignée par Tom, lorsqu’il demande si le fait d’avoir tiré sans savoir qu’il s’agissait de balles à blanc lui ramène des points. La conversation finale entre Tom et Vicky reboucle avec la fond de l’épisode : la confrontation de l’ordinaire et de l’extraordinaire, et la vision du monde que cela implique...

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Sullivan

Même si l’épisode dure 60 minutes, comme toutes les séries de prime-time de la BBC — ce qui est une durée plutôt longue pour les téléspectateurs que nous sommes, malgré tout de plus en plus formatés aux quarante minutes des épisodes américains — j’ai complètement perdu la notion du temps pendant le visionnage. Et cela a aussi fait la force du dénouement, lorsque Tom tire : je n’avais pas du tout réalisé que nous étions proches de la fin. J’étais scotché et en même temps, je me disais : ’’mais comment les scénaristes vont s’en sortir de celle-là ?’’. Il va bien se rendre compte que ce sont des balles à blanc ? On lui a forcément mis des balles à blanc ? On va nous dire que pour l’instant il a juste visé à côté, pour leur faire peur ? Le temps dilaté dans le choc qui suit le tir est extrêmement bien rendu et ces questions se bousculaient dans ma tête pendant ces quelques secondes, sans que j’en vienne à la solution pourtant évidente : c’était la fin.

L’épilogue est d’une cruauté atroce. On est en empathie totale avec Tom (et avec Zoe), l’estomac retourné. Et autour d’eux Harry sort le champagne, et plein de bonhommes en costumes sont arrivés avec un sourire satisfait sur le visage. C’est un moment d’une violence extraordinaire.

Je ne connais pas les deux personnages qui se rebellent. Ils apparaissaient avant dans la saison ? Leur mutinerie parait crédible aussi si on les connaît mieux ?

Émilie

Non, ce sont des personnages spécifiques à l’épisode. Ils sont là pour évaluer l’équipe pendant l’exercice. Enfin, c’est leur mission tel qu’on le comprend au final... Au départ, aux yeux des autres, ils sont juste des agents de passage pris au piège au moment de l’alerte.

Sullivan

Avec le recul... Ça valait la peine de continuer sans Tom Quinn ?

Émilie

Je ne suis pas sûre d’être impartiale sur la question.
Tom Quinn est de loin le meilleur personnage de la série, et il est excellemment bien interprété. Après son départ (qui est, ma foi, assez cohérent avec l’évolution de son personnage) et globalement après le départ de l’équipe initiale (Zoé et Danny), la série a muté, assez négativement. Mais elle a conservé un intérêt, diminué certes, mais présent.

Dominique

Je dois être un peu plus impartial, alors je me lance.
Mon argumentaire ne tient que sur le fait que j’ai du recul sur la série. Et avec ce recul, je pense qu’il aurait fallu terminer la série avec le personnage de Tom Quinn.

Avant son départ, la série thématisait ses saisons. La double-personnalité, le mensonge... avec le départ de ce personnage, la série a un peu laissé tomber cette donnée. Les saisons 4 et 5, menées par le personnage d’Adam Carter sont clairement moins intéressantes, et à partir de la saison 6, les auteurs se sont forcés à intégrer des éléments fil rouges dans chaque saison, avec plus ou moins de réussite.
Le plus incroyable avec le personnage de Tom Quinn, si grand, si imposant, si charismatique, c’est qu’avec lui, les autres personnages ont leur place. Ce qui ne sera plus jamais le cas dans la série. Le nombre de personnages dont la mise en avant tient de la figuration est immense, post-Tom Quinn.
Oui, certaines histoires restes intéressantes après son départ, mais en effet, il aurait peut-être fallu arrêter, surtout parce que les auteurs n’ont pas su gérer correctement son départ.

Maintenant, vous me posiez cette question en fin de saison 3, je vous disais que non, qu’il faut continuer...

Sullivan

Un dernier mot sur « I Spy Apocalypse » ?

Dominique

Cet épisode montre à la perfection à quel point les agents secrets sont avant tout des menteurs. Ils mentent à leurs proches, ils mentent à leurs ennemis, mais avant tout, même si ça peut être surprenant, ils se mentent entre eux. Ils vivent dans un constant état de paranoïa.

Ce constat m’aide un peu à mieux comprendre la saison 9 de la série, avec cette volonté des auteurs de mettre en scène un personnage qui ment depuis tellement longtemps qu’il est persuadé que ses mensonges sont la vérité. Dommage que ça soit fait aussi maladroitement et sans cohérence, car thématiquement, c’est une évolution logique de la série.

Mon dernier mot sur « I Spy Apocalypse » ? Scotchant.

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Post Scriptum

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