IMPRESSIONS — Borgia, Episodes 1 & 2
La série de Tom Fontana sur Canal+
Par Dominique Montay • 10 octobre 2011
Évènement Canal+ de la rentrée, une coproduction européenne showrunnée par un américain couronné de prix à la carrière exemplaire. Ou quand Tom Fontana vient en France pour nous parler du Vatican.

Rodrigo Borgia, qui vient d’apprendre la mort de son fils ainé, décide de ramener ses enfants illégitimes près de lui. Alors que Rome se trouve sous la menace d’attaques venant de tous les coins d’Europe, le Pape est proche de la fin de sa vie, fragilisant le Vatican.

On aime

  • L’entrée en matière et le générique

Simple et efficace, elle pose bien l’univers de la série, annonçant une somme de conflits à venir dune richesse incroyable. Esthétiquement réussi, à l’égal du générique.

  • La dernière scène du premier épisode

Tom Fontana n’a pas été élevé aux Etats-Unis pour rien. Les cliffhangers, il connaît. Même s’il ne cède pas au sensationnel, la clôture "maintenant c’est la guerre" a le mérite de lancer la série.

  • Les 5 morts

Cesare, perdu, se rend chez une voyante pour connaître l’avenir. Alors que la ville est frappée par la maladie, la voyante lui annonce 5 morts à venir. Cette prophétie rythme intelligemment le second épisode (alors que le premier était d’une lenteur assommante), et lui donne une dimension mystique bienvenue.

  • La mort du Pape

Même si cette portion n’est pas exempte de faiblesse, la lente agonie et la mort du Pape donne lieu à des scènes assez jouissives. Lorsque l’annonce de son testament est faite, on retrouve Rodrigo Borgia se battant avec un Cardinal opposé, au pied du lit du saint-père. Les tentatives de Borgia pour maintenir le Pape en vie à fin de faire annuler ce testament montre qu’il est prêt à tout pour arriver à ses ins (le trône de Saint-Pierre). Enfin, les derniers mots du Pape sont absolument glaçants, et riches de sens.

On aime moins

  • La réalisation

Molle et sans inventivité, on la pense bloquée par un budget serré, par moments. La photographie est peu avenante, trop lumineuse, elle ne dissimule aucun défaut issus du tournage en vidéo.
La réalisation ne nous permet aucune relation émotionnelle avec les personnages, car si elle filme de très près les corps, elle ne fait pas de même avec les visages, n’utilisant que très rarement les gros plan.

  • L’interprétation

Il y a, dans « Borgia », de gros problèmes d’accents. Comme nous le disions dans le papier d’avant première, c’est criant sur les membres de la famille Borgia. John Doman joue Rodrgio comme un corporate guy New Yorkais, et les frères et soeur Borgia n’ont que très peu d’impact. Ici, il es compliqué de savoir si le problème vient des comédiens, d’un casting à côté de la plaque (fait très rare chez Canal+), ou d’une direction déficiente. A revoir sur la durée.

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Quand on arrive en ville...
  • Le personnage de Cesare

Si les personnages souffrent de plusieurs maux, Cesare est le plus mal lotti. Le caractère du personnage semble changer d’une scène à l’autre, sauf quand il se plaint de son statut ou de ses démons. Si dans le premier épisode, on comprend que Cesare est un jeune arriviste au tempérament violent, le second nous introduits avec maladresse que c’est un homme plein de compassion, en le faisant donner une pièce et toucher un malade.

  • La dimension politique

Assez mal mise en valeur dans ces premiers épisodes, la politique est très au second plan, expédiée par des scènes très "typées". Si celle mettant en avant Borgia et son opposant principal Della Rovere au milieu du conseil des cardinaux est assez bonne (même si plombée par une mise en scène trop respectueuse des codes), celle qui met en avant le conflit entre les familles Orsini et Colonna autour d’une tricherie aux cartes semble tout droit sortie d’un mauvais western.

  • La référence au Parrain

Est-on obligés, en 2011, que lorsque un personnage baise la main d’un autre suite à une promotion, un servant ferme la porte devant la caméra ? « Le Parrain » a eu sa scène finale multi parodiée, et le fait de la revoir, encore une fois, cette fois-ci pour appuyer le côté mafieux de la famille Borgia n’a strictement aucun intérêt, que celui de faire "sortir" le spectateur du récit.

  • Le manque d’humanité des personnages

Tous sont détestables. Personne n’est à sauver. Pas évident d’imaginer les télespectateur revenir chaque semaine quand la seule envie qu’on a, à les voir, c’est qu’un volcan soit disponible à proximité, et ensevelisse tout le monde.

  • La violence et le sexe gratuits

Pour certaines scènes utiles, au niveau du fond et de la forme, nous avons par exemple celle de l’épisode 2, où une voyante, pour justifier le fait de recouvrir de déjection de cochons trois personnes malades, déclare que sa peau est parfaite parce qu’elle prend des bains de merde 3 fois par semaine. Et pour appuyer son affirmation, elle exhibe ses seins.
Parfois, on se demande si Canal ne force pas le trait afin d’affirmer "nous, on peut".

Post Scriptum

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