IMPRESSIONS — Borgia, Episodes 11 & 12
La série de Tom Fontana sur Canal+
Par Dominique Montay • 14 novembre 2011
Évènement Canal+ de la rentrée, une coproduction européenne showrunnée par un américain couronné de prix à la carrière exemplaire. Ou quand Tom Fontana vient en France pour nous parler du Vatican.

Rodrigo Borgia aimerait mettre Juan sur le trône de Naples, les espagnols aimeraient se débarrasser des juifs, Cesare aimerait fratricider Juan, Lucrézia aimerait qu’on l’aime, Tom Fontana aimerait savoir qui est ce Sarkozy dont tout le monde lui parle.

On aime

  • Les enjeux qui se densifient

Il a fallu le temps, mais les conflits larvés commencent à devenir plus ouverts, et du coup, plus intéressants. Le cas le plus parlant est bien sûr celui des deux frères, Juan et Cesare. La tension continue de monter, dans l’enchaînement de la semaine dernière, et leurs confrontations, autrefois insupportables, prennent vie, ont du corps. On ressent la passion, la violence.

  • La scène de confession

Toujours dans le même esprit, la scène de pseudo-confession de Juan à Cesare (qui se fait passer pour un autre ecclésiastique) vaut son pesant d’or. Elle donne à Juan une dimension supplémentaire, lui qui était juste l’idiot de service montre une nouvelle facette de son personnage. On comprend alors qu’il est juste un garçon très limité qui use de procédés révoltants pour monter en grade, sachant qu’il n’y arrivera jamais par son seul talent.
Une scène maline, bien mise en scène, de tradition très théâtrale, shakespearienne, même. Une scène qui transpire le style de Tom Fontana.

  • La conversion forcée des Juifs

Les Juifs posent problème, les espagnols veulent les voir quitter Rome. Mais le Pape veut les garder parce qu’ils rapportent de l’argent. Comment faire ? Convertissons-les ! Une idée absolument remarquable car moralement puante et mise en scène comme s’il s’agissait d’un pur acte de bon sens. Un acte de bonté, même.

  • La variation sur l’égo

Jamais encore la série n’avait autant appuyé sur cette thématique en la verbalisant. En effet, la base d’une vie dédiée à Dieu est l’abandon de tout égo. Une dévotion totale, loin des considérations personnelles. Or, pour la majorité des protagonistes de la série, tout n’est que calcul personnel. De Rodrigo Borgia rongé par l’ambition à Lucrézia, jeune femme qui désespère de se sentir spéciale, aimée, et qui pleurniche à longueur de journée parce que personne ne la fait sentir spéciale (mais on reviendra).

[LA SUITE SPOILE LE DERNIER ÉPISODE, ATTENTION]

  • Cesare qui cherche le meurtrier de son frère

Le point le plus intéressant dans cette histoire, c’est de comprendre les raisons qui poussent Cesare à chercher aussi activement l’assassin d’un frère qu’il haïssait. C’est en fait surtout pour être sûr que ce n’est pas lui. Cet acte souligne le manque d’humanité du personnage, son immense égoïsme et sa mégalomanie incroyable.

  • Le réalisateur qui a trouvé la solution pour John Doman

Vous avez un acteur limité et vous devez lui faire jouer cent sentiments différents : cachez le. Dans ses mains. Dans une pièce à part où on ne va jamais. L’autre solution aurait été aussi de couper le son, car les cris de Rodrigo Borgia à travers la porte (il vient d’apprendre la mort de son fils) sont tout autant ridicules.

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On aime moins

  • Le final de l’épisode 11

De mon point de vue, ça fait bien longtemps que la storyline traitant du fils de Cesare abandonné sur une montagne était morte et enterrée. Ce n’est pas ici un problème de construction (rien n’empêche de revenir sur un ancien élément, au contraire), mais d’intérêt. Cette histoire ne m’avait pas intéressée à son premier round, elle ne m’avait pas émue à son second (quand Farnese confie avoir sauvé l’enfant), elle ne m’intéresse encore pas au troisième.
Elle a le don de faire ressortir le côté “bête féroce” de Cesare, qui m’ennuie considérablement. Je préfère le Cesare qui fait le maximum pour être juste, alors que brûle en lui l’envie d’être un stratège des armées. La révélation finale de l’épisode tombe, de mon point de vue, à plat, et la confrontation finale ne provoque pas en moi le déchirement qu’elle est censée provoquer.

  • Les Caprices Lucrézia, épisode 150

Bon, j’y ai cru la semaine dernière, plus maintenant. Lucrézia m’agace toujours autant. Sa constance dans l’inconstance, cet éternel revirement émotionnel qui la voit un jour prier Dieu, l’autre se faire sauter au même endroit ne provoque en moi qu’une violente envie de l’expédier dans sa chambre (et seule, de préférence, elle est trop jeune, mince !).
Lucrézia, c’est l’adolescente puissance 1000, celle qui hurle en claquant des portes qu’on ne la comprend pas, celle qui veut faire de la guitare un jour, puis de la harpe le surlendemain, puis du saut à élastique...
Fa-ti-gante…

  • Le retour de l’arythmie en épisode 12

De nouveau, on ne sait sur quel pied danser. Les différentes lignes narratives ne fonctionnent pas sur le même rythme, et du coup, l’ensemble est bancal. Mais en cela, il met en avant toutes les qualités et les défauts de la série. L’épisode n’est du coup pas très bon, mais il est très représentatif.

  • Avoir à répondre à la question : reviendrais-je en saison 2 ?

Tom Fontana. Canal+. Borgia. La question ne devrait pas se poser mais elle se pose. La saison 1 de la série a été un véritable grand 8, avec des moments hauts très hauts, brillants, et d’autres vraiment très bas, ennuyeux à souhaits.
Derrière la volonté très noble de Tom Fontana de raconter "la vraie histoire des Borgia" se cache un réel problème de dramaturgie : les moments forts de la série sont connus, ne surprennent ni ne prennent à contre-pied. C’est peut-être plus la limite du genre bio-pic que de la série elle-même, mais peut-être que ce problème ne se serait pas posé non plus si l’exécution avait été parfaite, ce qui est loin d’être le cas.

La déception est pondérée, même si elle est présente. Ce n’est cependant pas un rejet à la « Braquo » ou à la « Maison Close » (ou bien encore « Platane »). Le fait est que, depuis quelques mois, Canal+ a du mal à trouver, à nos yeux, un second souffle. Il est juste positif de voir que les audiences sont là, que la débauche de promotion a fait son travail. Cela souligne, s’il en était besoin, qu’une bonne promo, c’est déjà la moitié du travail de la chaîne qui est fait pour faire de l’audience.

Et oui, je vais y répondre : si j’étais un spectateur lambda, non, je ne reviendrais pas en saison 2. Reposez-moi la question quand elle sortira. Peut-être que d’ici là j’aurais une curiosité pour le Vatican que je n’ai plus aujourd’hui.

Post Scriptum

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