IMPRESSIONS — Borgia, Episodes 7 & 8
La série de Tom Fontana sur Canal+
Par Dominique Montay • 31 octobre 2011
Évènement Canal+ de la rentrée, une coproduction européenne showrunnée par un américain couronné de prix à la carrière exemplaire. Ou quand Tom Fontana vient en France pour nous parler du Vatican.

Rodrigo Borgia doit décider qui doit devenir le nouveau souverain de Naples et a le choix entre le fils du défunt roi, et Charles XIII, roi de France, de dernier ayant les faveurs du Cardinal Della Rovere. Cesare est jaloux de Juan, et Lucrécia veut consommer son union.

On aime

  • La nouvelle personnalité de Cesare

Plus calme, plus serein, moins violent. Cesare, du moins dans ses actes, semble devenir un homme. Encore que... quand la situation lui impose, il retrouve sa part d’ombre, générée par sa frustration. Le changement est hélàs massif et manque de subtilité. En réalité, on aurait tout aussi bien pu mettre ce paragraphe dans la catégorie "on aime pas".
Maintenant, moins d’hystérie pour Cesare, c’est toujours ça de prit.

  • Juan l’idiot et la "messagerie" de l’époque

Demeuré, imbécile, incompétent. Cherchez un qualificatif dépréciant et il conviendra à merveille au "guerrier" de la famille Borgia. Etrange tant Rodrigo et Vanozza sont intelligents. Comme quoi, les gênes ne font pas tout. Donc Juan se plante intégralement lors d’un combat, perdant la majorité de ses troupes et le peu de crédibilité qu’il avait.
De plus, dans une scène assez drôle, on apprend quel était l’ancêtre du mail : l’anus d’âne. Oui. Ou quand une séquence plutôt bien filmée se veut éducatrice.

  • Rodrigo qui se prend un vent avec sa fille

J’ai ri. Mais j’ai ri. Il faut dire que trois fois ça aurait été de trop. La solution de Rodrigo pour tous les problèmes avec les femmes est simple. "J’ai dit une connerie ? Ah ? Oh, regarde dans ma main ! Oui, c’est un bijou ! Et ouais, il est comme ça Rodrigo !" (Tom Fontana écrit mieux, et Rodrigo Borgia n’est pas interprété par Roger Hanin, donc j’exagère). Mais là, il retente et se prend un bon vieux vent. Et ça fait bien plaisir.

  • La tentative d’assassinat du mari de Lucrézia

Beaucoup moins drôle mais très intéressante, Lucrézia, avec l’aide de sa gouvernante, s’apprête à tuer son mari parce que ce dernier ne bande pas (comme quoi, si, c’est grave, et non, ça n’arrive pas à tout le monde). Mais quand ce dernier, en larmes (pathétique), lui déclare son amour le plus total, lui avoue être capable de mourir pour elle, Lucrézia change d’avis.
Une preuve d’humanité de sa part ? Bien sûr que non, mais ça passe presque comme tel. Pour autant, sa volonté est claire : s’il doit mourir, autant que ça lui serve stratégiquement.

  • Le Pape qui ex-communique à tour de bras

C’est un peu la solution de facilité, mais Rodrigo Borgia en est là : si tu n’es pas content, je te fous dehors, et adieu le paradis. Les scènes sont assez drôles (surtout quand quelqu’un lui fait remarquer qu’il ne peut pas le faire à chaque fois qu’il est contrarié), et en plus, montre un Rodrigo Borgia à court d’idées. [1]

  • L’homme masqué

Juan s’est donc associé avec un mercenaire qui élimine les gens qui le gêne (ou l’humilient... ça fait un paquet). Le type est discret, efficace, intelligent. Bien plus que son patron. Le duo me plaît bien, surtout dans son rapport totalement silencieux. Juan n’a plus, au terme de l’épisode 8, à demander au mercenaire de tuer pour lui, un simple regard suffit. [2]

  • Fontana is back in Oz

C’est un peu inattendu, et encore... Donc un personnage de « Borgia » se trouve enfermé "au trou", et quand il en sort, se fait sodomiser à l’heure du dîner. Une intrigue digne de « Oz » qui a dû rappeler de bons souvenirs à Tom.

On aime moins

  • La temporalité du récit

Si on regarde un peu le ventre de Giulia Farnese, elle est tombée enceinte en fin d’épisode 6, et semble au terme du 8e en être au 5e ou 6e mois. Donc un épisode de « Borgia » représente 3 mois de vie, en gros. C’est très compliqué de s’attacher humainement à quelqu’un quand on passe au final si peu de temps avec lui. Tout est ultra-condensé, ce qui permet d’éviter l’aspect chronique, mais on n’évite pas un autre écueil, celui du "catalogue".
Ces soucis de rythme constatés précédemment trouvent ici leur explication : la série semble être un Best-of de « Borgia », par un auteur brillant qui connaît très bien son sujet, mais expurgée de toute tentative de créer un lien avec les personnages (qui aurait été rendu possible par une narration moins étirée). Un procédé qui accentue aussi les problèmes de compréhension de certaines situations, si vous n’êtes pas un expert dans le sujet. Ce qui est mon cas aussi.

  • Lucrézia

Bon, elle meurt quand ? Je regarde Wikipedia... mince... ok... ce personnage est proprement insupportable. Elle possède tous les défauts de l’adolescente moderne (elle aussi, du coup, est un best-of). "Je veux me marier" "Je veux plus" "En fait je veux" "Pas avec lui" "Si, avec lui" "Non, je veux divorcer"... Pour ne rien arranger, dès qu’elle se met à chouiner elle reprend son accent allemand et on attend presque à ce qu’elle sorte deux-trois mots dans sa langue maternelle.
Ces sautes d’humeurs constantes auraient pu être juste amusantes, mais ici, les problèmes de caractérisation, de direction et de jeu sont trop pesants. Du coup, une seule expression vient en tête quand elle débarque. [3]

  • La rapidité avec laquelle sa gouvernante lui propose de tuer son mari

Voilà, l’illustration du problème situé pus haut. En terme de temporalité pure, elle met peut-être deux mois à lui proposer ça. Mais du coup on a l’impression que ça tombe hyper-rapidement. Je veux bien qu’elle ait envie de faire plaisir à Lucrézia, mais quand même. Ca donne l’impression d’aller trop vite.

  • Le début très ennuyeux de l’épisode 8

Pour un épisode qui, au final, s’avère être plutôt dans la moyenne haute de la série, son démarrage est pénible. Cette arythmie constatée d’un épisode sur l’autre touche maintenant les épisodes en eux-même. C’est certainement dû à cette narration condensée dont on parlait plus tôt. L’Ellipse est certes souvent utilisé comme un artifice d’écriture. Dans le cas de « Borgia », il aurait peut-être été justifié de l’utiliser.

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 1er novembre 2011 à 07h58

Notes

[1Et en plus, ça m’a fait penser à Homer Simpson, dans l’épisode 7 de la saison 9 "Fou de foot", où il devient le coach d’une équipe de football américain d’enfants, et où il passe son temps à éliminer des joueurs. Mais ça n’a rien à voir... encore que...

[2Et en plus, ça m’a fait penser à Homer Simpson, dans l’épisode 2 de la saison 2 "Simpson et Delila", où Homer devient cadre sup et se trouve un assistant brillant qui fait tout à sa place et qui travaille pour Homer avec une dévotion qui force le respect. Mais ça n’a rien à voir... encore que... pardon ? Oui, à l’heure où j’écris ces lignes, l’avenir de la série « Les Simpsons » est compromis. Et ça m’en fiche un coup au moral. Comment vous avez deviné ?

[3Je le met en Note pour ne pas choquer : "Ta gueule, Lucrézia !"