IMPRESSIONS – Un Village Français, épisodes 3x01 & 3x02
Un début de saison très prometteur !
Par Sullivan Le Postec • 28 novembre 2010
En attendant un probable bilan de fin de saison, impressions à chaud au fil de la diffusion. Début de la troisième saison d’« Un Village Français », qui achève de la faire entrer dans le cercle des grandes séries françaises.

Bien écrite, bien produite, joliment mise en scène, « Un Village Français » nous avait pourtant jusque-là laissé un peu sur la réserve, même si la deuxième saison avait bien commencé de nous convaincre. La troisième saison commence sous les meilleurs auspices : tandis que l’ampleur de la Grande Histoire commence à se faire sérieusement sentir, les ‘‘petites’’ histoires des personnages gagnent aussi en profondeur...

Voir les épisodes sur Pluzz : Episode 1 & Episode 2.

3x01 : Le temps des secrets

28 septembre 2941.
Trois mois après l’invasion de l’URSS par les allemands (fin du Pacte germano-soviétique). Suzanne, brièvement arrêtée par la police puis relâchée, attire du coup la suspicion au sein de la cellule Communiste de Villeneuve et provoque le débat sur la nécessaire discipline des militants.
Raymond Schwartz se trouve en difficulté quand le nouveau Kreiskommandant annule les contrats de l’armée allemande avec sa scierie. A l’initiative de Jeannine, il demande conseil au Maire Daniel Larcher, qui organise un dîner avec Heinrich et le sous-préfet Servier. Ceux-ci recommande à Raymond de tourner ses affaires vers le béton, en arianisant l’entreprise d’un certain Crémieux.
Le petit Gustave, puis monsieur Berriot lui-même, apprenne la relation de Lucienne avec Kurt. Mise au courant, celle-ci décide de mettre fin à cette histoire.

On aime

  • Un pré-générique qui donne le ton :

La saison 3 s’ouvre en pleine action, tandis que la petite cellule communiste de Villeneuve est en pleine opération pour voler des tickets de rationnement. Après six premiers épisodes un peu statiques, et six suivants qui avaient vu monter les enjeux dramatiques, la saison 3 poursuit cette montée en puissance.
Le focus que l’intrigue de cette saison place sur Marcel Larcher est d’autant plus intéressant que c’est un des personnages les plus réussi de la série.

  • Le triangle amoureux de l’école :

Cette ligne d’intrigue était déjà celle qui, dans la deuxième saison, avait largement contribué à nous rapprocher des personnages de la série – un peu distants et froids à son commencement. En terme de tension dramatique, la bulle dans laquelle s’enferme Lucienne est d’autant plus intéressant qu’on soupçonne avec quelle violence elle va exploser dans un avenir plus ou moins proche.
Mais il y a aussi une vraie justesse dans les rapports humains qui se tissent entre Kurt, Lucienne et le trop bon et diablement attachant monsieur Berriot.

  • Les engrenages :

Autant, au tout début de la série, son parti-pris du refus total du manichéisme pouvait se révéler quelque fois un peu contre-productif en terme de puissance des conflits et des enjeux narratifs, autant maintenant qu’elle a atteint son rythme de croisière, celui-ci peut se révéler très efficace.
C’est particulièrement le cas dans la description de ces destins de personnages pris, sans presque s’en rendre compte, mettent la main dans l’engrenage de la collaboration. C’est ainsi qu’aujourd’hui on suit avec une vraie empathie Daniel Larcher et les Raymond Schwartz, pris constamment dans la problématique des choix entre deux mauvaises solutions. C’était l’ambition du départ de la série, mais c’était une tâche loin d’être aisée. Saluons donc sa réussite.

On aime moins

  • La ‘‘résolution’’ confuse du cliffhanger de la saison précédente :

Visiblement, on avait peur, dans les coulisses du « Village Français », que le téléspectateur ne se souvienne plus très bien du cliffhanger de la saison précédente (sans doute en partie à raison). Et on n’avait pas non plus envie d’un rappel conséquent sur un axe clairement périphérique en ce début de saison. Du coup, il vaut sans doute mieux ne pas s’en souvenir, cela ne fait que rendre plus confus quelque chose qui l’est déjà assez. L’enchaînement direct des saisons 2 & 3 n’est sans doute pas particulièrement conseillé.
Le problème est aussi riche d’enseignement sur la nature et la fonction d’un cliffhanger de fin de saison, dont il vaut clairement mieux qu’il soit lié aux enjeux de la saison qu’il annonce qu’à ceux de celle qu’il conclut. Sans quoi, le risque de le voir résolu très décevante en deux minutes chrono, ou bien balayé hâtivement sous le tapis, comme ici, est assez grand.

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3x02 : Notre père

17 octobre 1941.
Le père de Daniel et Marcel est mourant. Les deux frères voyagent ensemble jusqu’à son chevet, ce qui réveille les conflits familiaux. La Ligne du Parti Communiste évolue : ordre est donné d’abattre des officiers allemands. La cellule de Villeneuve s’interroge quant à savoir si elle doit vraiment l’appliquer. Le fait que Raymond n’a pas fait appel à l’argent de son beau-père pour racheter l’entreprise de Crémieux est découvert. Pris en étau, Raymond se sent acculé à une solution extrême... Tandis que la relation de Lucienne et Kurt devient un secret de plus en plus partagé chez les écoliers de Villeneuve, Lucienne apprend une nouvelle qui indique qu’elle va avoir du mal à tourner la page de cette relation.

On aime

  • L’escapade :

Pour la première fois, la série nous emmène hors de Villeneuve, en compagnie des frères Larcher, dans une escapade qui rappelle immanquablement celles de la série « Urgences », ce qui semble avoir été une influence consciente (voir notre entretien avec Philippe Triboit). Même si contrairement à ces épisodes, ce fil d’intrigue n’est ici qu’un parmi plusieurs dans l’épisode, le dépaysement est donc moins grand. (Pas sûr que la série française soit encore assez mûre pour proposer un véritable épisode spécial, comme les séries anglo-saxonnes en produisent quasi-systématiquement si elles durent assez longtemps.)
Les escapades d’« Urgences » ont mené à des succès divers (on doit y compter à la fois les tous meilleurs et les pires épisodes de la série). Celle du « Village Français » vient se ranger du côté des réussites. Les deux personnages concernés y gagnent réellement en profondeur. Et, pour tout dire, je crois que c’est la première fois que j’ai réellement ‘‘connecté’’ avec le Daniel de Robin Renucci, notamment dans la scène où il sort de sa voiture pour serrer son frère dans ses bras. Une démonstration d’émotion exceptionnelle dont on cerne désormais l’origine (et qu’on accepte en conséquence mieux comme une caractéristique du personnage plutôt que comme une limite de l’acteur et/ou de la mise en scène, ce qui était mon cas jusqu’ici.)

  • La surprise :

Jusqu’à cet épisode, « Un Village Français » n’avait pas forcément fourni à ses téléspectateurs énormément de surprises. La série joue plutôt sur l’ironie face à l’inéluctabilité des destins. Reste qu’au sein d’une fiction, la surprise est bien efficace aussi, de temps en temps.
Lorsque Raymond sort son arme et qu’il abat celui qui menace de faire éclater au grand jour son double pacte, ce personnage essentiellement sympathique, malgré des choix déjà immensément contestables (merci à l’interprétation impériale de Thierry Godard), se colore soudain différemment. L’engrenage dont je parlais plus haut a entraîné Raymond bien plus vite et bien plus loin que ce que l’on pouvait imaginer. Il sera très intéressant de suivre ce qui en découlera.

On aime moins

  • Pas grand-chose.

A part peut-être que pas grand-monde ne devrait voir ces épisodes, en comparaison de ceux des deux saisons précédentes. Mais ça, on en a déjà parlé...

Zoom sur...

  • Un putain d’acteur !

A écouter les créatifs de la série, le personnage de Heinrich Müller fait partie de ceux qui ont largement dépassé le périmètre qu’il devait au départ occuper. Pas étonnant quand on voit quel acteur remarquable est Richard Sammel, qui parvient à être à l’occasion complètement charmant, sans qu’on oublie tout-à-fait la terrible menace que représente en vérité son personnage – c’est un politique, un véritable Nazi, pas un simple allemand comme Kurt.
Une de ces vrais bonne surprise que peuvent offrir les séries quand elles s’installent dans la longueur et qu’elles apprennent à tirer parti de ce qu’elles ont de meilleur.

Post Scriptum

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Dernière mise à jour
le 29 novembre 2010 à 10h27