MAFIOSA - Saison 3
Cette fois, c’est la bonne !
Par Emilie Flament • 14 décembre 2010
Après le grand virage de la seconde saison, le duo Rochant / Leccia a-t-il réussi à donner à « Mafiosa », créée par Pagan, une véritable identité et une réelle cohérence ?

Jusqu’ici, la série avait provoqué chez moi plus de réactions épidermiques que de doux frissons. L’irrégularité de la saison 1, les multiples changements de la saison 2 et le principe même de changement radical de l’équipe créative d’une saison à l’autre me laissaient sur l’idée que « Mafiosa » était davantage une succession d’idées, bonnes ou mauvaises, qu’une vraie série. Si on réussit à aborder la saison 3 en acceptant que le visage « Mafiosa » prend réellement forme maintenant, alors cette nouvelle saison est une très bonne surprise... et les doux frissons sont là.
 

Des protagonistes bien ancrés

Dès le départ, la série partait avec un gros problème : Sandra, son personnage principal, est improbable. Les premières saisons ont constamment tenté de lui créer une crédibilité sans y parvenir : une jeune femme débarquant à la tête de groupe d’hommes au caractère bien latin et les commandant, c’est tout simplement illogique. La saison 3 ‘‘résoud’’ le problème en l’acceptant : sa crédibilité est remise en cause, elle doit la démontrer.
Déjà en saison 2, Rochant / Leccia avaient senti qu’il était nécessaire de recentrer la série sur le cadre plus large de la famille, en mettant également en avant Jean-Michel. Cependant, leur conflit ouvert ne pouvait aboutir à rien. En ‘‘calmant’’ le tempérament impulsif de Jean-Michel et en le poussant vers une stratégie plus fine, la série gagne en valeur : Sandra, dont les sentiments sont manipulés par son frère en sort plus humaine, plus fragile, et Jean-Michel plus fort, moins limité. Et en prime, l’intrigue frère/sœur sort de l’impasse.

Mais cette saison ne se cantonne pas à ce duo. Les secondaires sont bien exploités et offrent de véritables opportunités à des personnages comme Manu, Tony ou encore Mickaël, le nouveau venu. En les confrontant à leurs doutes, à leur loyauté ou à leur ambition, l’ensemble gagne en profondeur et on voit naître une réelle série chorale.

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Quant à Nader... c’est l’improbable surprise ! A première vue, je n’accrochais pas à ce personnage. Il me semblait être plus un reliquat de la saison précédente et de son coté « petites magouilles devant la baraque à pizza sur le port de Marseille ». Je m’attendais aussi à ce que sa relation avec Sandra soit aussi bizarre que la relation Sandra / Andréani de la saison 2. Et puis, le personnage s’est intensifié, épaissit... et je dois avouer que leur dernière scène ensemble m’a même arraché une petite larme ! Chapeau donc pour le personnage de Nader et pour son interprète Reda Kater !

La finesse de l’implicite

Ça fait du bien de ne pas être pris pour un enfant de 5 ans à qui on explique tout, 2 fois, en images et en dialogues ! La série s’axe plus sur les silences et les non-dits que sur les monologues psychanalytiques. En traduisant l’état d’esprit des personnages dans des situations du quotidien ou dans de petits gestes, Rochant / Leccia donnent plus de vraisemblance à l’ensemble. La réalisation est parfaitement cohérente avec ce parti pris... même là, il y a des « silences »... on ne nous montre pas tout, tout de suite.

L’autre grand point positif de leur écriture réside dans leur façon de créer la tension. Afin de mettre en avant le danger quotidien dans lequel vivent les Paolis et ceux qui gravitent autour d’eux, les intentions de chacun sont laissées en suspend : les conversations se terminent hors-caméra, les coups de téléphone restent évasifs...

Toute l’intelligence de la saison repose sur ces silences, aussi bien dans les caractérisations que dans les émotions. Ils permettent à l’intrigue de couler naturellement à travers la saison. Tellement naturellement qu’elle en devient presque mineure. Si il s’agit d’une volonté des scénaristes, il n’empêche que cela peut rester perturbant, d’autant que les huit épisodes n’ont pas d’intrigues propres réellement définies.

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Les 2 premières saisons m’avaient laissée perplexe, la troisième m’a rassurée. « Mafiosa » a trouvé sa direction, son style dans l’écriture comme dans la réalisation et le traitement de ses personnages est riche. Je reviendrai pour la saison 4... avec des attentes encore plus grandes !


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Post Scriptum

« Mafiosa »
Saison 3, 8 x 52 min. Images et Compagnie pour Canal+
Créée par Hugues Pagan
Avec Hélène Fillières et Thierry Neuvic
Écrite par Pierre Leccia et Eric Rochant
Réalisée par Eric Rochant
Diffusion Canal Plus en novembre-décembre 2010, disponible en DVD le 14 décembre 2010