ORGUEIL ET PRÉJUGÉS (Pride & Prejudice)
La référence de 1995.
Par Emilie Flament • 21 juin 2012
Pourquoi cette version est considérée comme quasi révolutionnaire dans son genre ? Petite analyse 15 ans après...

Sixième adaptation du roman de Jane Austen par la BBC, cette version de 1995 a fait oublier les précédentes et sert toujours de référence, même par rapport aux adaptations cinématographiques. Acclamée par les critiques comme par le public, elle a révélé Colin Firth, fait d’Andrew Davies le scénariste plébiscité des adaptations littéraires et offert à Jennifer Ehle son BAFTA. Retour sur cette mini-série qui a ouvert le chemin aux adaptations actuelles...

Cette mini-révolution du genre est surtout liée à ce qui deviendra la marque de fabrique d’Andrew Davies : il n’hésite pas à “compléter” les œuvres pour appuyer sa vision.

En effet, s’il s’est montré fidèle en reprennant la quasi intégralité du roman dans sa partie dialoguée et dans sa partie épistolaire, Davies y a toutefois ajouté plusieurs scènes, notamment des scènes entre hommes, complètement absentes de l’univers de Jane Austen : la scène du bain de Darcy, celle à la salle d’armes etc...
Au lieu de rester concentré sur le point de vue d’Elizabeth, Darcy devient ainsi lui aussi un protagoniste à part entière. Alors que le roman laisse Elizabeth, et le lecteur, incertains des sentiments de Darcy, ces petits éléments ajoutés nous ouvrent son cœur, et renforcent nettement l’humanité du personnage. La caractère hautain de Darcy est révélé comme une facade, et Andrew Davies dévoile ce qui est en vérité une touchante pudeur. L’histoire d’amour perd son unilatéralité, au profit d’une version dans laquelle « Pride & Prejudice » devient la passion entre deux êtres à première vue très différents.

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Ces ajouts permettent aussi de sortir occasionnellement les personnages des convenances, en proposant des moments d’intimité — comme la scène du bain dans le premier épisode ou la fameuse scène du lac dans l’épisode 4. Ils permettent aussi d’introduire une ébauche de tension sexuelle entre les personnages, complètement absente du livre.

Si, par rapport aux productions actuelles, cette adaptation semble très chaste et la passion qui anime Elizabeth et Darcy presque froide, elle est pourtant plus explicite que le roman et que toutes les anciennes versions. N’oublions pas qu’il s’agit d’une production BBC grand public d’il y a 15 ans, l’adaptation d’un des plus célèbres classiques de la littérature britannique. C’est un monument.

Autre nouveauté, Davies donne une vraie importance au choix des acteurs.
Précédemment, leur jeu se limitait souvent à coller au texte original. Dans cette version, il est laissé plus de place à l’interprétation, et c’est remarquable. Jennifer Ehle nous offre une Lizzy intelligente et posée, entière, qui ne peut se résoudre à envisager un mariage sans respect et amour. Le seul reproche qu’on peut faire sur le choix de cette actrice est l’aspect un peu trop mature et pesant qu’elle apporte au personnage.

Néanmoins, Davies n’oublie pas l’humour pour autant. En plus de l’ironie présente dans les dialogues, l’adaptation joue sur le comique. Mrs Bennett (Alison Steadman) est quasiment hystérique la moitié du temps (d’ailleurs parfois un peu trop !). Mr Bennett (Benjamin Whitrow) est quant à lui excellent : il incarne à merveille ce père aimant, conscient des qualités et des défauts de ses filles, qui, malgré les questions financières, privilégie leur bonheur... et surtout il supporte calmement sa chère épouse hystérique !
Enfin, nous arrivons à Darcy ! Colin Firth laisse vraiment sa marque sur ce rôle beaucoup plus développé qu’avant. Malgré sa froideur et sa dureté apparente dans la première partie, ses regards expriment toute sa passion pour Elizabeth. Il n’y a pas à dire il est très bon, même si je préfère la performance de Matthew Macfadyen dans la version cinéma (je sais, je ne suis pas très objective sur ce coup-là !).

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Pour conclure, petit retour sur une scène d’anthologie, toutjours commentée plus de quinze ans après : la scène du lac.
On associe automatiquement cette version a cette scène et en effet elle est très représentative de la vision d’Andrew Davies. D’abord, elle fait partie de ces scènes ajoutées pour mieux développer le personnage de Darcy. Mais surtout, elle résume toute la relation Lizzy / Darcy : même dans une situation aussi intime (Darcy est en chemise, trempé ; Lizzy est chez lui) les convenances et les règles de bienséance l’emportent dans la conversation. Seuls leurs yeux, brûlants, trahissent leurs sentiments...

Post Scriptum

« Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) »
6x60’ - BBC - 1995.
D’après le roman de Jane Austen
Adaptation : Andrew Davies ; Réalisation : Simon Langton
Avec Jennifer Ehle et Colin Firth

Disponible en DVD chez l’excellent Koba Films.