PREVIEW — Trois amis face à la guerre dans « Saïgon, l’été de nos 20 ans »
Une fresque romanesque sur fond de guerre d’Indochine
Par Sullivan Le Postec • 15 décembre 2011
La guerre d’Indochine a donné quelques films de cinéma, mais rien, ou presque, à la télévision. Une mini-série se plonge dans cette histoire largement oubliée au moyen d’une fresque romanesque qui suit trois amis en quête d’avenir.

Samedi 17 décembre, France 3 plongera ses téléspectateurs dans une saga romanesque dont la toile de fond, la guerre d’Indochine, est un sujet rarement traité à la télévision. « Saïgon, l’été de nos 20 ans » est né à la suite de « Trois Jours en juin », un téléfilm unitaire diffusé en 2005 et lui aussi réalisé par Philippe Venault sur un scénario de Jacques Forgeas, et produit par Cinétévé. « Trois jours en juin », adapté du roman de Frédéric H. Fajardie « Un pont sur la Loire », était situé pendant la seconde guerre mondiale. Les deux hommes décident de se lancer dans un autre film de guerre, et de traiter cette fois de ce conflit colonial, largement passé à la trappe de l’histoire.

‘‘La guerre est une scène de fiction exemplaire : tout peut arriver. Les destins peuvent prendre des tours totalement inattendus,’’ confie le réalisateur Philippe Venault. Cette guerre-là est particulière. Ceux de son entourage qui l’ont faite ‘‘n’ont jamais voulu en parler, particulièrement des combats. Il y a quelque chose d’indicible’’. Le résultat, une mini-série de deux fois 90 minutes, arrive donc aujourd’hui à l’antenne, après cinq ans de développement.

Trois amis

C’est l’histoire de trois amis d’enfance, aux origines sociales différentes mais que leur adolescence pendant la seconde guerre mondiale a lié : Philippe, Gérard et Pedro. Nous sommes en 1950, ils ont 20 ans.
Philippe est le fils d’un Général, c’est ce qui l’a conduit naturellement à l’engagement. Ça et la volonté de ce père, qui a consciencieusement fermé les yeux sur la santé fragile de son fils pour ne pas contrarier son destin. Il épouse Fabienne, infirmière, mais aime Phuong, fille de militaire français d’Indochine. Gérard est le fils du charcutier du village, mais l’argent est bien plus facile à gagner en Indochine qu’en Charente-Maritime. Et puis il peut aussi plus facilement y garder secrète son homosexualité. Là-bas, il s’adonne au trafic de Piastre, la monnaie locale, quitte à devoir être peu regardant sur ses fréquentations. Pedro est fils d’un vigneron, et son avenir est tout tracé. Mais, un soir, les trois amis provoquent un accident de voiture et causent la mort d’un homme. C’est le secret que portent les trois amis. La culpabilité ronge Pedro, et le pousse dans une fuite en avant périlleuse. Il s’engage et accepte les missions les plus périlleuses...

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Les trois héros sont jeunes, c’était l’angle choisi par les auteurs : il s’agissait selon Philippe Venault de ‘‘raconter l’histoire de très jeunes gens, à cet âge où la vie est encore complètement ouverte’’. Mais leur village natal leur laisse peu d’horizon : ‘‘la guerre leur donne l’occasion de tourner le dos à leur famille et de se révéler vraiment’’. Aucun d’entre eux n’a de mère. Philippe Venault et Jacques Forgeas ont d’ailleurs supprimé celle de Pedro du scénario peu avant le tournage, réalisant que cette piste méritait d’être renforcée. ‘‘La problématique du film est que ces trois jeunes gens ne veulent pas se séparer. Contrairement aux films américains, qui racontent souvent des amitiés qui se forgent au combat, nos héros sont amis avant la guerre. La question est de savoir ce que va devenir leur relation secouée par le conflit’’.
Le romanesque est la notion sur laquelle les producteurs ont insisté. Aucun personnage historique n’est nommé, les nœuds dramatiques historiques sont portés par les personnages de fiction et les sentiments personnels et intimes ne sont jamais loin. ‘‘Il s’agissait de travailler la famille comme un lieu où l’on ressent l’écho d’événements plus large qui secouent le monde’’. Nos trois personnages vivent chacun leur guerre d’Indochine. ‘‘La difficulté du scénario,’’ confie Forgeas ‘‘était d’ailleurs de gérer l’évolution parallèle de ces cinq personnages, Philippe, Gérard, Pedro, Fabienne et Phuong, qui n’avançait pas forcément au même rythme’’.

L’Indochine

Néanmoins, les circonstances particulières de la Guerre d’Indochine ont imprégné le récit. Des éléments comme le trafic de Piastre, totalement oublié aujourd’hui, sont remis en avant. Et puis l’Indochine, ‘‘c’était une guerre lointaine, une guerre d’engagés et pas d’appelés,’’ raconte le scénariste. ‘‘Une guerre difficile, sale, avec beaucoup de morts. Elle n’était pas très stratégique : on a considéré que la perdre n’avait pas beaucoup d’importance’’. C’est aussi la première confrontation des troupes françaises à des tactiques de guérilla. Le parallèle avec la guerre d’Afghanistan actuelle n’est pas très difficile à établir. Pour Jacques Forgeas, la France a aussi dû faire face ‘‘à une alliance stratégique contre elle pour lui faire perdre son empire colonial : cela arrangeait bien les américains. C’est ce qui a fait passer la France de grande puissance à puissance moyenne’’.

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Le tournage de la mini-série s’est réparti sur trois mois et demi, du 10 février au 4 mai 2011 : un mois en France, et deux et demi passés au Cambodge. Le sujet est encore sensible au Viet-Nam, il était difficile de tourner là-bas. Par ailleurs, ‘‘il commence à y avoir des infrastructures de tournage au Cambodge, des techniciens locaux sont formés par les nombreux tournages qui ont lieu sur place’’, explique Philippe Venault. Seuls les cades de l’équipe technique étaient français, l’équipe était largement locale.

Ces conditions ont forcément créé un tournage mémorable pour les acteurs. ‘‘Nous étions une enclave française à l’étranger,’’ raconte Theo Frilet. ‘‘C’était un peu effrayant, mais cela permet aussi de créer une sorte d’esprit de troupe’’. Ce sera la troisième fois que le jeune comédien sera à l’écran depuis la rentrée : on l’a vu dans « Une Vie Française », réalisé par Jean-Pierre Sinapi et diffusé en septembre sur France 2, puis dans « Isabelle Disparue » réalisé par Bernard Stora et programmé en octobre sur France 3. ‘‘C’est peut-être ce que j’ai préféré tourner dans ma carrière de comédien,’’ confie-t-il à propos du film de Stora dans lequel il interprétait un personnage très économe de ses mots, quelque chose de rare à la télévision. Mais le comédien a vécu ces diffusions rapprochées de très loin : il était en plein tournage de « Rouge Brésil », autre fresque historique, adaptée du roman de Jean-Christophe Rufin, Prix Goncourt 2001. Il n’est rentré que mi-novembre d’Amérique du Sud.
Si Théo Frilet met en garde contre ‘‘le mythe du comédien qui choisit ses films’’ — ‘‘j’ai surtout eu la chance d’être en quelque sorte adoubé par France Télévisions’’, dit-il — il explique tout de même avoir été attiré par l’aventure de ce tournage : ‘‘ce genre de film, c’est une chance inouïe, surtout pour moi. J’ai le goût du lointain, de l’histoire et du costume. Ils permettent aussi de reprendre contact avec la mémoire de notre époque, et avec les personnalités historiques’’. On le relance sur cet attrait pour les films en costume : ‘‘ce que j’aime, c’est de retrouver la modernité dans le personnage historique. Je tente de ne pas tomber dans certains travers en terme de diction et de ton’’.

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La distribution, et notamment le trio masculin principal, est une des principale force de cette mini-série. Le casting a d’ailleurs évolué pendant la préparation : ‘‘j’ai passé les essais pour le rôle de Pedro’’, raconte Clovis Fouin. Mais le réalisateur lui a finalement proposé celui de Gérard après qu’Adrien Saint-Jore se soit imposé dans ce rôle. On n’y perd pas : Saint-Jore est parfait dans le rôle de Pedro, tout comme Fouin dans celui de Gérard, avec son air un peu filou.
Clovis Fouin dresse d’ailleurs le parallèle entre les interprètes et les personnages : ‘‘pour un jeune acteur comme pour eux, le monde est très ouvert. On peut passer très vite de la starification à rien. Les choses changent, très vite’’...


La bande-annonce :

Le Groupe 25 Images a réalisé un entretien avec le réalisateur Philippe Venault. Cette interview en trois parties est disponible ici.

Post Scriptum

« Saïgon, l’été de nos 20 ans »
2x90’ – 2011 – Une production Cinétévé pour France 3.
Ecrit par Jacques Forgeas et Philippe Venault.
Réalisé par Philippe Venault.
Produit par Fabienne Servan Schreiber et Jean-Pierre Fayer.
Avec Theo Frilet, Clovis Fouin, Adrien Saint-Jore, Audrey Giacomini et Barbara Probst.

Diffusion des deux parties le samedi 17 décembre 2011 à partir de 20h35 sur France 3.