SPOOKS [MI-5] - Saison 8
Par Dominique Montay • 22 juin 2010
« Spooks » revient pour une huitième saison. La série d’espions devenue la plus stylisée de la télévision britannique est de retour après une septième pleine de bouleversements et d’espoirs d’un avenir radieux, surtout au vu de son final. « Spooks » saison 8 répondit-il vraiment à ces attentes ?

Si on se base juste sur le premier épisode, pas du tout ! L’un des plus mauvais de la série, tout simplement. Historiquement, « Spooks » n’est pas connue pour réussir ses entrées en matière, mais là, elle cède à la facilité, aux rebondissements gratuits, et elle est en plus vaguement frappée d’amnésie. Donc Harry Pearce est aux mains des russes. Pas de chance pour lui. Des russes qui décident de diffuser une vidéo qui montre son assassinat, dont on sait qu’elle est fausse dès les secondes suivantes, tant les membres du MI-5 appuient fort dans le sens du doute.

Un démarrage peu engageant

L’épisode permet (et c’est bien là son seul intérêt), de faire revenir un des personnage les plus appréciés de la série, la bienveillante Ruth. Mais là encore, le traitement confine au ridicule. Il faut savoir qu’au tiers de l’épisode, Ruth est utilisée comme moyen de pression pour faire flancher Harry. Ce dernier a le choix de sauver la nouvelle famille de Ruth (petit ami et beau-fils), ou de garder ses secrets. Il décide de garder ses secrets. Et Ruth, rangée des affaires depuis 3 ans, se retrouve seule par la main (qu’on le veuille ou non) d’Harry. Ruth aurait pu disparaître définitivement de la vie d’Harry avec une énorme rancœur envers ce dernier, mais non… grâce à Jo, Ruth est convaincue de revenir travailler au MI-5. Jo. Sans rire. Et donc, le fait qu’elle était présumée morte et qu’il valait mieux pour elle le rester, ça pose pas de problème ? Ben non. Dramatique. Heureusement, « Spooks » n’étant pas écrit par des manchots, ça s’arrange, mais il faut avouer que cet épisode met en lumière tous les défauts de la série.

Sur-stylisée, un peu “bruyante” parfois aussi. Elle a du mal à ne pas construire ses épisodes charnières sur des morceaux de bravoures noyés dans des explications d’agents secrets (des dialogues hyper obscurs, extrêmement rythmés dont il faut un certain temps avant de saisir tous les tenants et aboutissants). Prendre les téléspectateurs pour des gens intelligents, capables de saisir les répercussions politiques d’un évènement que doivent empêcher les agents du MI-5 est un remarquable sacerdoce. Ne pas prendre le temps d’être clair l’est un peu moins.

Au service complet de sa Majesté

Le second épisode redresse la barre, avec un épisode très intéressant sur la crise du gaz en Grande-Bretagne. Afin de ne pas plonger le pays dans l’âge de pierre, le gouvernement britannique doit faire affaire avec Le Tazbekstan et son représentant, un criminel notoire, Rustam Urazov. Le MI-5 doit protéger la pourriture pour ne pas faire capoter l’accord. Ce qui est passionnant dans cet épisode, c’est de voir les agents essayer de concilier leur devoir (en répondre au gouvernement et suivre ses ordres) avec leur désir de justice. Ils vont donc tout tenter pour réussir le deal, mais aussi se débarrasser d’Urazov.

Le troisième épisode, encore très bon, tourne autour d’une réunion des 8 plus grandes fortunes du monde qui tourne mal, étant pris en otage par des terroristes révolutionnaires. Le but de ces derniers : confronter les huit hommes face aux crimes qu’ils ont commis alors qu’ils s’enrichissaient, les filmer sur internet, les juger, puis les tuer. Globalement, si ses méthodes sont révoltantes et condamnables, on a du mal à ne pas se mettre du côté du terroriste en chef, Finn Lambert (un français révolutionnaire… les clichés ont la vie dure). Ces hommes, même s’ils ont su garder les mains propres, sont devenus puissants au détriment de la vie d’autres personnes. Ils sont passés entre les mailles du filet de la justice, mais bien sûr, ils mériteraient d’être jugés. Et qui est là, non pas pour protéger le faible, mais au contraire le puissant, les agents du MI-5. On passera sous silence le final de cet épisode qui met en pratique une attitude très anglaise dans la gestion du casting et son éternel renouvellement, et on se tourne vers l’épisode suivant. Un pur bijou.

Quand le vaudeville s’invite à Downing Street

Il y avait longtemps qu’un épisode de « Spooks » ne m’avait pas autant remué et dérangé. Même si celui de la saison précédente qui montrait Ros, littéralement, se prostituer pour la patrie, était très fort, il était moins maîtrisé et bien construit que celui-ci. Le personnage de Lucas (dont l’arrivée correspond au regain de qualité de la série, il n’y a pas de hasard) est complexe, torturé et assez hermétique au final. Il est loin de la machine qu’est Ros ou du monument d’honnêteté qu’est Harry. Lucas est ambivalent, difficile à cerner, et surtout, traumatisé par ces huit années passées en tant que prisonnier du FSB. Et dans cet épisode, il retrouve son tortionnaire, Oleg Darshavin. Lucas va-t-il se venger ? Et bien non, car grâce au bon vieux syndrome de Stockholm, il en est quasiment tombé amoureux, sans qu’aucun indice ne montre que Lucas penche de ce côté. Il est tombé amoureux de l’homme, tout bêtement, et fait tout pour lui venir en aide, alors qu’il est poursuivi et possède des informations capitales. « Spooks » qui nous joue même une scène assez fabuleuse, quand Lucas tait le passage éclair d’Oleg dans son appartement à sa fiancé du moment, la très américaine et très blonde agente de la CIA Sarah Caulfield. Le double langage vaudevillesque est ici évident et donne une saveur particulière à un épisode assez vénéneux, dans une série qui n’avait jamais abordé le sujet avec autant d’implication et de force. Une pure merveille qui, approchant de la fin, nous offre un plan d’une qualité impressionnante. Un agent de la CIA se fait assassiner par un personnage. L’agent passe par-dessus une balustrade et tombe de plusieurs étages. Le meurtrier, dans la foulée suit le chemin du mort en empruntant un ascenseur de verre qui recrée la chute et arrive au cadavre, sans que le meurtrier n’ait un regard pour sa victime. Beauté picturale pure, révélation maligne et pas maladroite, mise en scène de la descente aux enfers du meurtrier… un plan d’une infinie richesse qui finit de consacrer cet épisode comme un des meilleurs de la série entière.

Une baisse de niveau dans la dernière ligne

Du coup, après un tel épisode, le suivant passe un peu inaperçu. L’ancien mentor de Ros revient à la surface pour régler ses comptes et se sert de cette dernière à son insu pour arriver à ses fins. Pas un mauvais épisode, mais loin d’être mémorable. Le suivant traite de la possible banqueroute du Royaume Uni. Une bonne histoire, et surtout un sujet intéressant, même si on ne comprend rien à la finance. On saisit surtout que l’économie des grand pays marche sur un fil, et que le moindre grain de sable peut entraîner des conséquences gravissimes. Une façon intelligente d’aborder un sujet réaliste, enveloppé dans une histoire simple et agrémentée de péripéties en périphéries, c’est ce qu’on demande à « Spooks ». Ici, on est servi. Le rythme baisse assez cruellement sur l’épisode suivant, pour ouvrir sur le final de la saison.

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Difficile de parler du dernier épisode sans gâcher complètement le visionnage de la saison. Toujours est-il qu’il va dans le sens de la thématique de l’année (consciente ou inconsciente), c’est-à-dire que le MI-5 est là pour défendre des intérêts, pas la justice, et que dans d’autres circonstances, ils auraient peut-être fait partie des “méchants” de la saison. Ros le déclare même assez froidement, cette organisation secrète qui veut changer l’ordre mondial lors d’une réunion à Bâle, si elle en avait été au courant plutôt, elle en aurait peut-être fait partie, alors que là elle la combat… Une vision pas du tout manichéenne du monde, et surtout une expression de la qualité de l’écriture des auteurs. Nous suivons les personnages, nous mettons naturellement de leur côté, parce que nous les percevons comme des êtres humains. Même si nous ne sommes pas d’accord avec eux ou ce qu’ils représentent.

Quelque part, Spooks révèle une des face de la nature humaine, qui est que dans l’absence d’un avis contraire exprimé clairement, nous nous mettons naturellement du côté de la personne dont on se sent le plus proche affectivement.

Au final…

Une très bonne saison, dans la foulée de la précédente, même si tous les éléments de l’intrigue fil rouge (dont nous taisons volontairement une grande partie des tenants et aboutissants pour ne pas gâcher) ne sont pas tous exempt de reproches (comme la réutilisation d’une dynamique entrevue à l’époque Tom Quinn quand ce dernier couchait avec l’agent de liaison de la CIA, avec ici Lucas North à la place). Un bon lot d’épisodes forts, dans la tradition des premières saisons, qui ne met pas plus en lumière un des membres du casting principal qu’un autre.

Par contre, messieurs les scénaristes, faites un effort sur les premiers épisodes. S’il vous plaît…

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