THE SARAH JANE ADVENTURES – 4 .05/06 : Death of the Doctor
Rigolo, sensible et provocateur, Russell T Davies est de retour...
Par Sullivan Le Postec • 31 octobre 2010
Pour la première fois depuis le pilote, Russell T Davies signe un scénario de « The Sarah Jane Adventures ». L’occasion d’une réunion funèbre à l’occasion de la mort annoncé du Docteur.

Je savais que l’écriture de Russell T Davies m’avait manqué, je n’ai tout à fait réalisé à quel point qu’en regardant cette aventure où l’on retrouve tout ce qui fait la qualité de son écriture. En premier lieu, le traitement des personnages, caractérisés avec une grande précision.

Death of the Doctor

Scénario : Russell T Davies ; réalisation : Ashley Way.
UNIT débarque à Bannerman Road, et le Colonel Karim annonce à Sarah Jane, Clyde et Rani une terrible nouvelle : le Docteur est mort. Sa dépouille mortelle a été ramenée sur Terre par une race de croque-morts galactiques, les Shansheeth. Incrédule, Sarah Jane se rend tout de même à la cérémonie en hommage au Docteur, dans une base de Unit. Là, elle fait la connaissance de Jo Jones, anciennement Jo Grant, qui l’avait précédée à bord du Tardis il y a près de quarante ans. Sarah Jane, Clyde, Rani, Jo et son petit-fils Santiago ne tardent pas à découvrir qu’effectivement, le Docteur est bien vivant, et que tout cela est un piège orchestré par les Shansheeth.

Echoes of the Doctor

Evacuons d’emblée ce qui constitue très certainement la principale critique que l’on peut adresser à cette histoire répartie sur deux épisodes, comme c’est la tradition de « The Sarah Jane Adventures ». Oui, on est en plein dans ce qui est maintenant appelé généralement péjorativement du fan service. De part ses conditions de production (série jeunesse diffusée à 16h30, elle bénéficie d’un budget très réduit) « The Sarah Jane Adventures » est, au sein du Whoniverse contemporain, ce qui se rapproche le plus de la série « Doctor Who » classique. Du coup, la série a multiplié les clins d’œil : depuis le personnage principal lui-même, compagne de voyage emblématique dans les années 70, en passant par K9, ou encore le retour du Brigadier la saison dernière.
Cette tendance culmine dans cet épisode, en ramenant une nouvelle ancienne compagne, Jo Grant, et en en évoquant plusieurs autres. Mais à la différence de certaines entreprises de fan service un peu cyniques vu ailleurs (rien de tel pour fidéliser et enthousiasmer son noyau dur de téléspectateurs, et certain scénaristes le savent bien, quitte à en abuser), ce double épisode procède d’une telle sincérité et constitue visiblement un tel plaisir pour son scénariste qu’il est vraiment communicatif.

L’entrée en scène de Jo Grant Jones est aussi l’occasion de constater à nouveau la précision et la qualité du travail de caractérisation de Russell T Davies. Même quand on n’a jamais vu Jo auparavant, c’était mon cas, il ne faut pas plus d’une minute pour comprendre qui elle est, et ce qu’elle est devenue.
Sur ce point particulier, Russell T Davies a décidé de tirer un trait sur de nombreuses histoires des produits dérivés (livres et aventures audio) qui ne sont faits une spécialité de faire revenir les anciens Compagnons du Docteur pour les décrire comme malheureux, voire les transformer en méchants. Pas question ici d’un divorce ou d’une vie solitaire, Russell T Davies était bien décidé à respecter l’esprit de sa dernière apparition, jeune marié et heureuse, en partance pour l’Amazonie. M. Grant existe donc toujours, Jo et lui ont eu une ribambelle d’enfants et de petits-enfants. L’un d’eux, Santiago, se joint d’ailleurs à l’aventure pour jouer les Luke de substitution. (C’est le moment de noter que la série fait un bon travail pour ce qui est de garder le personnage de Luke présent dans son univers)

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Who came back ?

Le coté fan service est aussi justifié par le fait qu’il est au fondement même de l’épisode puisque le plan des Shansheeth, vautours aliens en plastique, consiste à se servir des souvenirs d’anciens Compagnons du Docteur comme d’une arme.
Un sentiment de nostalgie positive imprègne ainsi tout l’épisode, dans lequel on retrouve un Russell T Davies au discours politique aussi engagé qu’au moment où on l’avait quitté, avec « The End of Time ». Ainsi, il développe le thème de l’influence positive du Docteur sur ceux qui l’ont accompagné, et fait d’eux une armée d’activistes politiques, militants de l’écologie, de la démocratie, et de la lutte contre la pauvreté. Rien que ça.

La sensibilité particulière de Russell T Davies transparait à nouveau de manière brillante dans ces petits riens qui surviennent dans les interactions entre les personnages. Le moment le plus mémorable de ces deux épisodes est ainsi celui où Jo Jones, qui n’a pas revu le Docteur depuis quarante ans, réalise que Sarah Jane a, elle, eu la chance de le revoir. Plusieurs fois. Poignant.
De la même manière, Davies décrit de manière très intéressante cette façon qu’on peut avoir, adolescent, de croire toujours l’herbe plus verte ailleurs, Clyde et Rani, d’une part, et Santiago d’autre part, étant mutuellement jaloux de la vie de l’autre, la voyant comme extraordinaire et précieuse.
Dommage que Davies franchisse un peu la limite quand il fait annoncer au Docteur qu’il a rendu visite à tous ses anciens compagnons, et pas seulement les plus récents, au moment de sa dernière régénération. Voilà de la rétro-continuité éhonté qui, loin d’apporter quelque chose, a plutôt tendance à amoindrir le final de David Tennant (ça a dû être une vraiment très, très longue agonie). Comme pour un autre élément, on supposera que c’est un petit mensonge du Docteur.

I’m making an awful lot of noise, aren’t I ?

Dans la deuxième partie, inférieure à la première parce que Russell T Davies peine quelque peu à développer une véritable intrigue en parallèle des très réussis moments de personnages, Davies a l’occasion de se frotter à l’écriture du Docteur version Matt Smith. Confronté aux rappels multiples de David Tennant qui parsèment cette histoire, on réalise d’autant plus que ce nouveau Docteur a effectivement acquis sa propre personnalité, et l’on retrouve ici ce côté taré et gauche qu’on aime chez lui. Et sa tendance à être direct au point de friser l’impolitesse (‘‘You look like you’ve been baked !’’)

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Davies lui-même a toujours autant de personnalité, et toujours aussi peu de scrupules à l’imposer. Il se permet ainsi de réjouissantes petites et grosses provocations. La motivation principale des Shansheeth se révèle ainsi de mettre fin à la mort dans l’Univers... uniquement pour ne plus avoir à supporter de voir les gens en deuil geindre ! Le Colonel Karim, elle, ne voit pas ses motivations expliquées. Comme j’en ai autant marre que Davies de voir les méchants se mettre à débiter soudainement à de parfaits inconnus pourquoi leur mère castratrice pendant leur petite enfance les a conduit inexorablement vers le Mal, je suis bien content de cette ambiguïté et de ce mystère intentionnel (qui, éventuellement, peut permettre un retour du personnage).

Mais, bien sûr, la principale provocation est ce dont tout le monde a parlé. Y compris Le Village, par la voix de Dominique dans le dernier Quinzo. Ainsi donc, le Docteur serait devenu immortel ? Il semblerait que l’information ait été quelque peu exagérée. (Et je soupçonne Davies lui-même d’avoir répandu la version déformée de la réalité pour faire le buzz. Et pour faire enrager les gardiens du temple.)
Plutôt que d’immortalité, il s’avère en fait que, lorsque Clyde lui demande combien de fois il peut se régénérer (dans un moment peu propice à la conversation), le Docteur répond ‘‘507’’ comme il aurait pu répondre 1022... ou 3. Depuis la diffusion, Russell T Davies a adressé le sujet en interview pour SFX Mafazine :
‘‘Je n’ai pas pu résister ! J’en riais aux larmes. Ca ne restera pas, cela dit. Cette histoire de 13 vies est gravée dans la tête des gens. C’est vrai, n’est-ce pas ? Pourtant, ils ne l’ont jamais dit qu’une ou deux fois.
Quand [l’équipe actuelle de « Doctor Who » est] venue ici pour le lancement de « The Eleventh Hour », je suis allé à une projection à Los Angeles. Les journalistes ont levé la main et une des premières questions fut ‘que se passera-t-il quand arrivera la treizième régénération ?’
Il y aurait une étude universitaire passionnante à faire sur la manière dont certains faits restent tandis que d’autres non. Comment se fait-il que le Docteur de Jon Pertwee a pu dire qu’il était vieux de plusieurs milliers d’années, et personne n’a écouté cela, tandis que quand quelqu’un a dit une fois qu’il avait 13 vies, ça devient une vérité établie. C’est vraiment intéressant, je trouve. C’est pour cela que je suis sérieux quand je dis que l’histoire des 507 vies ne restera pas, parce que les 13 sont beaucoup trop profondément intégrées dans la conscience collective du public. Mais comment ? Comment est-ce arrivé là ? C’est fascinant, et vraiment étrange. J’en ferai un livre quand je serais à la retraite.
’’

With friends like us, he will never die

Malgré quelques petites faiblesses, « Death of the Doctor » s’avère une réjouissante et émouvante réunion / célébration de quelques dizaines d’années de « Doctor Who », et des communautés que la série a créé. Il s’inscrit dans une saison de « The Sarah Jane Adventures » particulièrement solide jusqu’ici, qui pourrait certainement s’imposer comme la meilleure depuis son commencement si elle continue sur cette lancée. La série a d’ailleurs largement progressé du coté des valeurs de productions, même si les effets numériques sont toujours limités (et l’espèce de mate-painting numérique aux perspectives foireuses de la base de UNIT est une catastrophe !)


Réagissez sur le foum.

Post Scriptum

“There’s a woman called Tegan in Australia, fighting for Aboriginal rights ; there’s Ben and Polly in India, running an orphanage there. There was Harry, oh I loved Harry. He’s a doctor, he did such good work with vaccines, he saved thousands of lives. Oh and there’s a Dorothy something, she runs that company - a Charitable Earth, she’s raised billions. Oh and this couple in Cambridge, both professors, Ian and Barbara Chesterton. Rumour has it they’ve never aged, not since the Sixties...”

Une autre interview intéressante de Russell T Davies dans laquelle il annonce qu’il est prévu qu’il signe à nouveau une histoire lors de la prochaine saison.