TOM FONTANA — Le Showrunner tatoué
Un grand nom de la télé pour la Création Originale Canal+
Par Dominique Montay • 6 octobre 2011
Pour son « Borgia », Canal+ a su attirer à elle un grand nom de la télévision américaine. Retour sur la carrière d’un Auteur d’aujourd’hui.

Tom Fontana a une carrière qui force le respect. Dans mon panthéon, il a sa place à côté de David Milch. Des auteurs auxquels on se rattache naturellement quand ils sortent un nouveau projet. Des grands auteurs qui maîtrisent l’art de raconter des histoires, et surtout, de créer des personnages.

Tom Fontana fait ses premières armes de scénariste/producteur sur la série médicale « St-Elsewhere », qui, si vous passez outre son générique d’ouverture au bontempi, est, une très grande série médicale. Une sorte de cousine de « Hill Street Blues », mais sous les néon et munis de scalpel. Sans elle, peut-être pas d’Urgences (ni de « Chicago Hope », à qui elle ressemble plus), et donc un gros pan de la série moderne telle qu’on la connaît. Une série exigeante dans son écriture, crée par John Flasey et Joshua Brand (aussi créateurs de la fantastique « Northern Exposure »).

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Franck Pembleton (André Braugher) et Kyle Secor (Tim Bayliss) dans Homicide

Mais c’est après cette série que, pour moi, Tom Fontana a atteint le nirvana. Il faut attendre 5 ans de travaux sur d’autres projet pour que son nom soit associé à ce qui reste à mes yeux la plus grande série policière de tous les temps : « Homicide » (j’entend déjà les néo-puristes du câble tout puissant me balancer « The Wire » à la figure, mais si « Homicide » est purement une série policière, « The Wire » est un série sur une ville, pas sur un métier).

La série créée par Paul Attanasio sur la base du livre de David Simon « Homicide, Life on the killing street », est un modèle absolu. Visuellement, la série est crue (d’abord filmée en 16mm, elle passera en 35 sous les pressions de la chaîne, mais sans perdre son aspect brut), filmée en jump-cut (hommage de Levinson à la Nouvelle Vague), il se dégage de la série une nervosité, une force incroyable. Mais surtout, la série dénotait par ses situations, ses dialogues. Les affaires n’étaient toujours pas closes (ah, ces plans sur le tableau des affaires, avec des noms rouges pour celles en cours, noirs pour celles élucidées…), les policiers ne gagnaient pas toujours. Des flics écrits à la perfection, qui passaient leur temps à discuter de vie, de religion, d’art, de sport, dans leurs voitures, dans les bureaux. Des conversations qui transcendait leur simple statut de flic, les transformant en observateurs de la société.

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Le fameux tableau des affaires en cours

Après ce coup de maître qui dura, malgré les audiences moyennes, pendant 7 ans avec 4 saisons fabuleuses et 3 « juste » bonnes, Tom Fontana va écrire son œuvre Totem. A ses yeux, son chef-d’œuvre. « Oz ». Il y croyait tellement que, dans le générique, le type qui se fait tatouer « Oz » sur le biceps, c’est lui. Pas exempte de défauts, la série va, pendant les 3 premières saisons, tutoyer le divin. Avec « Oz », Fontana revisite le théâtre classique, en mettant au goût du jour des personnages croisés chez Shaekspeare. La série lui permet de faire un suivi thématique d’« Homicide ». Après nous avoir montré comment les policiers mettaient les meurtriers sous les verrous (ou pas), il nous montre comment ils sont passés au rouleau compresseur de la prison, et, très simplement, nous démontre que cette dernière ne remplit pas sa fonction de réhabilitation, mais au contraire accentue les vices des uns et des autres.

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Dean Winters (Ryan O’Reilly) et Lee Tergesen (Tobias Beecher), dans Oz

Depuis « Oz », aucun travaux de Fontana n’a eu le même impact. Ses séries n’ont pas dépassé la première saison. Le talent du monsieur n’est pas à remettre en cause. Son adéquation avec l’industrie, peut-être.

Aujourd’hui, Tom Fontana écrit pour la télévision française. « Borgia », un projet qui, vu ses thématique de violence, de société, de religion, doit lui tenir à cœur. Un projet hélàs éventé par la sortie, 6 mois plus tôt de « The Borgias », la série de Showtime, qui empêche quasiment toute vente de la version Canal+ aux Etats-Unis (certainement un but de la venue de Fontana au départ). Une mésaventure qui met en lumière les lenteurs du système de production français, l’annonce de la mise en chantier de la série ayant été faite il y à 3 ans au MIP à Cannes.

Alors, Canal+ et Fontana, c’est la rencontre d’une chaîne qui cherche à vendre à l’international et d’un auteur en perte de vitesse ? Peut-être tout simplement celle d’une chaîne en mal de reconnaissance et d’un homme qui souhaite connaître de nouveaux horizons. Difficile à savoir, au-delà des discours polis de façade.

Tom Fontana inspire, quoi qu’il arrive, un incroyable respect, par son talent, son savoir-faire et son expérience télévisuelle impressionnante.

Une expérience qui, aujourd’hui, l’emmène dans nos contrées.