FLICS - Saison 1 • UNE REVOLUTION POUR TF1 ?
"The Shield à la française" ou "Oui-oui au 36 quai des Orfèvres" ?
Par Dominique Montay • 3 octobre 2008
La nouvelle série de flics de TF1 s’apelle « Flics » . Et elle porte sur ses épaules la lourde responsabilité d’entamer la révolution de la première chaîne de France en terme de qualité dans les programmes. D’abord reniée par Olivier Marchal, son créateur, puis adoubée au final, la série traîne une longue série de casseroles, avant même sa diffusion, le 9 octobre prochain.

Déjà, contrairement à ce qui se dit sur pas mal de sites, « Flics » n’est ni un 8x52’, ni un 6x52’ mais un faux 4x52’. Pourquoi faux ? Parce que TF1 n’a toujours rien compris à la réalité des formats, et que 4x52 diffusés en deux soirées, c’est un 2x90 avec une coupure pub. 3 ans de travail chez GMT pour accoucher d’une mini-série qui bataille avec une chaîne qui travaille toujours de la même manière depuis 20 ans, avec un créateur qui semble changer d’avis comme de chemise (la réalité est toute autre, au final, mais passe de cette manière dans les médias), et avec la paternité d’un film ultra-réussi qui a cartonné au box-office.

L’histoire

Yach (Frédéric Diefenthal) et Constantine (Yann Sundberg) travaillent au 36 quai des orfèvres. Le premier à la BRB (Brigade de répression du banditisme), le second à la criminelle. Tous deux partagent une longue amitié aujourd’hui brisée. Il y’a quelques années, alors qu’ils poursuivaient un malfrat, Oriaud (Marc Barbé, une de nos gueules de salauds habituelle), Yach a été grièvement blessé, Léa Legrand (Catherine Marchal, dans un très bon rôle de "princesse des glaces"), aujourd’hui directrice du 36, touchée à la colonne vertébrale, et tout ça parce qu’au lieu de couvrir ses collègues, Constantine a baissé son arme vers le sol. Aujourd’hui, les deux hommes, chefs respectifs de leurs groupes, se retrouvent face à face autour d’une histoire de meurtre de flic, du retour d’Oriaud et de proxénétisme. Et pour ne rien arranger, on leur a mis des stagiaires dans les pattes.

Les personnages

Yach est un flic aux méthodes relativement expéditives. Look à la Sébastien Chabal (mais en accusant un retard de 15cm et une sacrée paire de kilos en moins), phrasé fleuri et plutôt bourrin. Il vit séparé de sa femme et ne voit sa fille qu’à distance ou par téléphone interposé. Il a aussi un sens de l’honneur assez personnel, qui le pousse à se mettre en marge de la loi pour aider un de ses indics (l’excellent Nicolas Koretzky), mais aussi à mettre ce même indic dans une position impossible et potentiellement dangereuse.

Constantine, costume cravate, suicidaire, taciturne. Et tatoué. On sent bien le personnage usé, à bout, mais on a du mal à le cerner dans les deux premiers épisodes. La faute au mystère l’entourant, aux raisons qui l’ont poussées à ne pas agir il y a 5 ans pour aider ses équipiers. Si on sent bien Yach entouré de son équipe, si on le voit vivre autour de ses collègues, Constantine est presque seul. Il est plutôt traité comme un paria, un type qui porte la poisse.

Léa Legrand est la directrice, celle qui tire les ficelles en hauts lieux, et qui couvre ses deux inspecteurs. Enfin, surtout Constantine. Les deux premiers épisodes n’apportant aucune justification à ses actes, on se demande pourquoi elle a promu, puis couvre, puis propose une autre promotion a un homme qui l’a plus ou moins directement poussée à marcher avec une canne. Belle et froide, elle semble garder une certaine distance avec le chaos et la furie qui anime les rapports Yach/Constantine.

Un duel qui foctionne plutôt bien. On notera l’influence énorme qu’a eu le cinéma de Hong-Kong sur Nicolas Cuche, le réalisateur, qui assume d’ailleurs la filiation. John Woo nous ressert à foison ses histoires d’amitiés fraternelles brisées qui débouchent sur une confrontation, et la jeune génération n’est pas en reste. Même si les moyens ne sont pas les mêmes en terme de budget et de narration, « Flics » s’inscrit assez habilement dans cette tradition du film noir. Même s’il n’évite pas certains poncifs et autres maladresses.

Une fiction imparfaite

Des maladresses qui se cristallisent autour d’un personnage, qui pose problème. Ni par son interprétation, ni par sa caractérisation, mais concernant les scènes qui la mettent en avant. Anne Rossi est une jeune stagiaire, arrivée à la criminelle quand sa colocataire débarque à la B.R.B. Globalement, on sait déjà qu’il y aura trahison à un moment donné. Ca ne loupe pas. La jeune fille ressemble comme deux gouttes d’eau à une femme qu’a connu Constantine. Casse-gueule à souhait. Quand Legrand se rend compte de la ressemblance, elle la mute pour éviter de plomber Constantine. Mais pourquoi le dire en face à Anne ? Pour permettre à l’actrice de demander 3 fois par épisode à qui elle ressemble (sans réponse, d’ailleurs) ? Constantine éprouve une affection visible pour elle. Une attraction, même, qui suppose que la sosie était son amante. Cette affection est soudaine mais assez finement sous-entendue. Mais tout vole en éclat dans une scène qui tombe à plat. Sur un balcon, Constantine et la jeune femme ont une conversation fleur bleue qui dénote totalement avec le reste de l’ambiance de la série.

Ca jure, c’est maladroit et ça n’apporte pas grand chose au final. Si la productrice, Véronique Marchat, nous a avoué sa surprise devant un tel rejet de la scène, Nicolas Cuche nous a avoué qu’elle provenait d’une frustration, un manque à son goût dans le scénario. Pour lui, la relation entre Constantine et Rossi manquait de clarté. Et en réaction sur le vif, il a décidé d’insérer cette séquence. Pas heureux. Peut-être y-avait-il mieux à faire. Changer le scénario, peut-être ? La réalisation (nous y reviendront plus tard) le permettait-elle ? Annabelle Hettman était la seule comédienne présente dans la salle. Pour le voir en condition. Elle ne fut pas déçue. Le rejet de la scène, chez les spectateurs, a été massif (et aussi très lourd, en passant). Si elle a plutôt mal vécu la situation sur le coup, Annabelle reste convaincue que la scène n’a rien de ridicule : "même si on le [Constantine] voit arriver avec ses gros sabots pour essayer de séduire cette jeune femme, même si il lui sort des choses assez extravagantes, la naïveté de mon personnage était sincère. Et puis toute la salle n’a pas rit."

Flashs-bofs

Le visionnage est aussi un peu gâché par l’utilisation systématique (et jusqu’à l’épisode 3 sans intérêt majeur) des flash-backs qui nous ressortent les mêmes images qu’au début du premier épisode, les évènements qui datent de cinq ans. C’est loin d’être réussi, et ça n’apporte rien à la caractérisation des personnages. On sait que ces évènements les ont laissés profondemment marqués, pas la peine d’appuyer.

De réelles qualités

Les deux premiers épisodes oscillent entre le maladroit et le bon. Voir le très bon. La scène où Yach se rend dans un parc qui fait face à l’appartement où vit son ex et sa fille pour échanger un moment fait de silences et de regards avec elle, est très touchante. Certains des dialogues de ce même Yach sont assez jubilatoires, quand d’autres tombent tristement à plat (car trop explicatifs et didactiques, surtout lorsqu’il explique ses relations avec Constantine à son amante, jouée par Gwendoline Hamon) car trop "écrits". La narration use et abuse de séquences qui commencent par une conversation anodine, qui s’orientent vers une révélation coup de poing qui devrait arriver au début de la scène. Comme si vous alliez voir les pompiers pour leur demander combien de temps ils font de sport dans la journée et "tenez, au fait, il y a le feu chez moi". Dommage. A contrario, on appréciera la finesse avec laquelle on apprend que le fils de l’indic souffre d’un handicap majeur. Un élément qui a énormément de valeur pour la suite et qui n’est pas trop appuyé ni voyeuriste.

Un long film de plus de 3 heures, pas une série

2 épisodes. Enfin. Un épisode de 90 minutes. Véronique Marchat et Nicolas Cuche insistent avec une grande force sur un point : il faut regarder la totalité pour se faire une idée. Ca pourrait être un argument commercial mais en fait il n’en est rien. La seconde partie est en effet beaucoup plus maîtrisée que la première. Une bonne utilisation du suspence, des mises en danger de personnages bien plus convaincantes que dans l’heure et demie précèdente. L’esthétique s’affirme, prenant pour parti-pris de filmer les scènes de dialogues de manière posée, les scènes d’action avec une caméra très (un peu trop pour la dernière scène) nerveuse et avec shutter ouvert (« The Shield » utilise allégrement ce procédé, qui vient entre autre du film « Gladiator », qui a pour effet de donner un aspect quasi stroboscopique aux images et du coup, de les dynamiser). Les personnages, s’ils s’embourbent encore, hélàs, dans des dialogues trop explicatifs, s’épurent à mesure que les mystères s’évanouissent. Certaines scènes tombent encore à plat, comme la crise de larme d’un des lieutenants de Yach sur son lit d’hôpital, trop exagérée, ou encore toute l’intrigue autour de ce même lieutenant, poussé par Yach à formuler un faux témoignage, juste pour faire une faveur à Constantine (qu’il ne peut pas blairer, quand même). D’autres scènes fonctionnent pourtant à merveille. La fin de l’épisode 3, avec un Edouard Montoute survolté (en surjeu permanent dans son rôle, mais sans que ça choque), les scènes avec Yach qui démonte une salle de jeu, ou qui confronte un indic-traitre, une bagarre bien cradingue entre Constantine et Yach dans les toilettes... du tout bon.

Du changement

Alors « Flics » est totalement imparfait. Mais il faut bien se rendre compte d’où il part. Entre les déclarations d’Olivier Marchal, les changements à la tête de la fiction de TF1, et, pour ceux qui ne le connaissent pas, le cahier des charges fiction de cette chaîne, qui interdit entre autres les scènes de nuit, les allusions au suicide... GMT peut être satisfait du bébé (d’autant qu’ils jouent gros sur ce coup-là). Car non seulement la fiction a retrouvé les faveurs de Marchal, mais elle transige avec des règles qui semblaient gravées dans le marbre dans la première chaîne d’Europe. Ca jure, ça clope, ça aborde le suicide, ça montre des scènes de violence assez crues. Donc on a envie que ça marche. « Engrenages », sur Canal+, était tout aussi maladroit, et bien moins réussi, mais a permi une véritable ouverture de la chaîne cryptée sur la question des séries maison. Rien que pour ça, on espère que TF1 fera sont petit 30%.

Pour que les choses changent, enfin.


Nos articles sur la saison 2 :

Post Scriptum

Flics
Saison 1, 4x52
GMT Productions
Créée par Olivier Marchal
Réalisée par Nicolas Cuche
Avec : Fréderic Diefenthal (Yach), Yann Sundberg (Constantine), Catherine Marchal (Léa Legrand), Alice Vial, Annabelle Hettmann, Marc Barbé, Gwendoline Hamon, Nicolas Koretzky et Edouard Montoute