VITE VU — Au 24e FIPA
Critiques en bref
Par le Village • 29 janvier 2011
Critiques en bref de plusieurs unitaires, séries ou mini-séries vues lors de la 24e édition du Fipa, en janvier 2011. Sont abordés : "L’Infiltré", "The Song of Lunch", "On Expenses", "Les Mystères de Lisbonne", « Weissensee », « Kongo », « C’era una volta la città dei matti ».

« L’infiltré »

Par Sullivan Le Postec

« L’infiltré », c’est le prochain unitaire politique de Canal+, diffusé prochainement sur la chaîne cryptée.

Nous sommes dans les années 80. Le terrorisme palestinien fait des dégâts en Europe. La France et ses agents s’activent pour éviter que le pays ne soit touché. Abou Nidal a été contraint à l’exil lors de la partition de la Palestine en 1947. Le jeune homme intelligent issu d’une famille riche est peu à peu transformé par ces circonstances en terroriste, en mercenaire, et pour finir en véritable psychopathe. Un agent de la DST, Michel Carat (excellent Jacques Gamblin) est en contact avec Nidal, pour mieux essayer de déstabiliser son organisation. L’intérêt de la France est en effet qu’Arafat, devenu l’ennemi absolu de Nidal maintenant qu’il en engagé dans la voie d’une résistance plus pacifique et espère un processus de paix, devienne le leader incontesté des Palestiniens.
Michel Carat propose à Abou Nidal de permettre à des jeunes de ses camps d’entraînement de bénéficier d’une formation dans des écoles françaises. Il n’est pas dupe du fait que Nidal se servira d’eux pour mener des opérations en Europe, mais il a l’assurance que ces opérations n’auront pas lieu sur le sol français. Surtout, il espère pouvoir retourner un très trois jeunes hommes pour en faire un infiltré.
Son attention se concentre sur Issam Mourad (Mehdi Dehbi, parfait même s’il n’a probablement pas assez à jouer), au destin tragique et dont le seul membre survivant de sa famille est une sœur handicapée et hospitalisée, qui peut pour les différents camps en présence, y compris les services secrets israéliens, être un instrument de pression sur lui. Patriote déterminé, mais qui s’interroge sur le terrorisme et sur la de plus en plus évidente psychose paranoïaque d’Abou Nidal, Issam va être retourné par Carat et devenir un infiltré.
Mais ces manipulations auront un coût moral très élevé.

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« L’Infiltré » est basé sur des sources réelles et des récits de témoins direct. Il souffre d’un défaut récurrent de ces œuvres très directement inspirées de la réalité. On passe de recréation de scène vraie en recréation de scène vraie en négligeant quelque peu la fiction et l’émotion. Les personnages de ce film ne sont pas assez investis, restent à l’état de figures au service d’une reconstitution.

Néanmoins, l’histoire racontée est tellement forte, les conflits moraux qu’elle pose sont tellement énormes, et la conclusion si tragique et ingrate qu’il faut reconnaître que « L’infiltré » parvient à toucher son spectateur et à provoquer de multiples questions chez son spectateur, sur ces vies sacrifiées pour préserver des intérêts précaires, dans l’espoir d’une paix qui semble toujours si distante vingt ans après les faits racontés…

Mehdi Dehbi a remporté le Prix d’interprétation pour « L’Infiltré », qui a également reçu le FIPA d’Argent dans la catégorie Unitaire de fiction.

Unitaire Français. 1h45.
Une production Breakout Films pour Canal+.
Scénario et réalisation : Giacomo Battiato.
Avec Jacques Gamblin et Mehdi Dehbi.

« The Song of Lunch »

Par Sullivan Le Postec

La mission de la fiction de BBC4, la quatrième chaîne du groupe, est de concevoir des créations à l’exigence plus formelle, plus arty. Le résultat final peut couvrir un spectre large, de « On Expenses » à ce « Song of Lunch ».

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Cet unitaire de quarante-sept minutes est en fait une adaptation par lui-même d’un poème de Christopher Reid.
Lui, un éditeur joué par Alan Rickman, se rend à un déjeuner avec Elle, son ancien amour, incarnée par Emma Thompson. Quinze ans après le déjeuner au cours duquel ils ont rompu, dans ce même restaurant du quartier de Soho à Londres.

La narration fait appel à des longs passages en voix-off, que j’imagine directement extraits du poème, dans lesquels le personnage masculin décrit ce qu’il ressent, et aussi malheureusement ce qu’il fait et que l’on voit à l’écran. L’interprétation est évidemment sans faille, et il y a une jolie ambiance qui se dégage par moment. On s’ennuie quand même un peu devant cette tentative de fiction télévisée poétique, malgré le très joli travail de réalisation de Niall MacCormick (réalisateur de « Party Animals » et de l’épisode Firewall de « Wallander ») qui délivre quelques images exquises à l’enchaînement naturel.

Unitaire britannique. 47 mn.
Une production BBC TV pour BBC4.
Scénario : Christopher Reid d’après son poème. Réalisation : Niall MacCormick.
Avec Alan Rickman et Emma Thompson.

« On Expenses »

Par Emilie Flament

D’un coté, Heather Brooke, journaliste américaine. De l’autre, Michael Martin, président de la Chambre des Communes. Au centre, le Freedom of Information Act. Ce sont des faits réels et c’est l’un des plus gros scandales politiques de ces dernières années en Grande-Bretagne... et pourtant, Simon Cellon Jones et Tony Saint arrivent à nous en faire rire ! Comme quoi, le traitement peut tout changer !

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Une fois de plus la finesse britannique réussit à nous montrer qu’il n’est pas nécessaire de tomber dans le sombre ou dans le thriller pour traiter des sujets sérieux... l’humour est un bien meilleur moyen !
Le rythme est donné par la narration façon ping-pong qui alterne les séquences concernant Brooke et Martin. Les 2 camps évoluent en parallèle et les protagonistes ne se croisent qu’à 2 reprises sans même s’adresser la parole. Pour une accro à la structure narrative comme moi, c’est juste génial !
Les personnages sont bien sûr hyper caractérisés : l’américaine ne se retrouve pas du tout dans le flegme britannique et s’acharne en bonne militante têtue, les représentants de la Chambre de communes sont tous des politiciens qui profitent du système en en tirant le maximum et sans trop s’embêter avec la politique ; Heather Brooke danse sur ‘‘Fame’’, Michael Martin joue de la cornemuse dans son bureau....

Pourtant, on n’en oublie pas le fond : les dépenses démesurées des hommes politiques sous couverts des notes de frais et autres largesses financières liées à leur fonction... un scandale révélé par l’entêtement de Brooke. Mais avec son petit bibi rose ou ses haut-talons rouges, cette Heather Brooke ne peut que nous coller un énorme sourire qui dure pendant toute l’heure de « On Expenses » et même après.

Alors qu’en France, un tel sujet aurait probablement été jugé trop chaud pour être traité, les anglais font preuve une fois de plus de beaucoup de recul par rapport à leur politique et n’hésite pas à nous proposer cette petite perle de cynisme.

Some scenes have been imagined... some dates compressed. But mostly you couldn’t make it up” ... Tout est dit !

Unitaire britannique. 59 mn.
Une production BBC Northern Ireland pour BBC4.
Scénario : Tony Saint. Réalisation : Simon Cellan Jones.
Avec Anna Maxwell Martin et Brian Cox.

« Les Mystères de Lisbonne »

Par Sullivan Le Postec

« Les Mystères de Lisbonne » est une série de six épisodes de 52’, réalisée par Raúl Ruiz d’après un scénario de Carlos Saboga, qui adapte un roman du même titre signé Camilio Castelo Branco. C’est une co-production entre Alfama Films et Arte France.

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On y découvre un jeune garçon de 14 ans, Pedro da Silva, habitant un collègue religieux. C’est à cet âge qu’il rencontre pour la première fois sa mère, et découvre enfin son histoire : il est le fils de l’amour contrarié de cette femme et d’un homme, second de sa fratrie, comme elle et donc pauvre (puisque tout l’héritage va à l’aîné, qu’il ne saurait être question de spolier), qui ont bravé les interdits.

Produite en 2010, « Les Mystères de Lisbonne » donne le sentiment d’être une fiction historique un peu classieuse datant des années quatre-vingts ou quatre-vingt dix, et qui aurait été mystérieusement retrouvée aujourd’hui sur une étagère.
La mise en scène est extrêmement théâtrale — c’est assumé, on a même le droit à des petites transitions où les personnages sont des figures de papier sur une scène dessinée. Mais la succession de scènes filmées en plan séquence, avec le minimum de mouvements de caméra plombe totalement le rythme d’une histoire déjà pas follement passionnante, tant on a l’impression de l’avoir déjà vue mille fois. Les quelques déplacements des acteurs sont parfaitement artificiels, là encore très théâtraux, et s’interposent aussi contre toute possibilité d’immersion dans cette histoire.

C’est un théâtre d’ombre dont il s’agit, aux personnages sans chair ni humanité. Et la musique violoneuse mélodramatique plaquée sur l’ensemble est loin de suffire à y insuffler la moindre émotion…

Série Franco-portugaise de 6 épisodes de 52 mn.
Une production Clap Filmes, Alfama Films, Arte France.
Scénario : Carlos Saboga. Réalisation : Raul Ruiz.
Avec : Adriano Luz, Maria João Bastos, Ricardo Pereira.

« Weissensee »

Par Carine Wittman

Cette série raconte l’histoire d’amour de Julia avec Martin, deux jeunes gens vivant en Allemagne de l’Est avant la chute du mur de Berlin.

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Julia est la fille d’une chanteuse célèbre et Martin, le fils d’un policier. On sent dès le début que les parents se connaissent et on n’est donc pas très étonné lorsque la mère affirme que Julia est la fille du policier pour la sauver. Cela en fait une sorte de Roméo et Juliette un peu sordide même si on s’imagine bien que la mère ait menti pour sauver sa fille de la mort.
Car Julia veut s’enfuir à l’Ouest et son petit-ami, ayant une double nationalité, peut passer la frontière comme il l’entend. C’est parce qu’ils se font arrêter que la police commence à les surveiller et qu’un guet-apens est mis en place. C’est d’ailleurs Martin qui l’arrête et tombe éperdument amoureux d’elle au premier regard.

Ça se laisse regarder mais rien que le générique donne le ton de cette série qui affiche sa nationalité avec fierté. Les couleurs sont passées comme l’époque pendant laquelle l’histoire se déroule. En comparaison aves les autres fictions déjà vues, on peut dire que c’est en-deçà du reste.
Je me suis arrêtée au premier épisode parce que la fatigue aidant, j’ai bien failli m’endormir comme les mamies devant un bon « Derrick ». Il n’y a rien de très original dans ce premier épisode, les acteurs ne sont pas mauvais, la réalisation est sans grande surprise, Martin et Julia sont plutôt attachants mais de là à en regarder plus, c’est une autre histoire.

Série allemande en 6 épisodes de 52’. 2010.
Ecrit par Annette Hess. Réalisé par Friedemann Fromm.
Avec Florian Lukas, Hannah Herzsprung.

« Kongo »

Par Sullivan Le Postec

Enquête en milieu très hostile pour une femme soldat prise en éteau entre une armée où règne l’omerta et l’un des plus terrible conflit contemporain, an Afrique.

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Congo, à la frontière du Rwanda. Les conflits ethniques continuent de déchirer cette région du monde, ravagée par une guerre impitoyable dans laquelle des chefs de guerre recrutent par la force des enfants pour en faire des soldats. Ici, tout le monde est dangereux. N’importe qui peut vous tuer. Les forces militaires mandatées par l’ONU tentent l’impossible : établir et diffuser la paix. Mais il se pourrait que ce soit au contraire la violence de cet endroit qui se répande. Un soldat du contingent allemand est retrouvé mort. Un suicide, apparemment. Le responsable du campement voudrait en rester à cette conclusion, mais l’enquêtrice militaire dépêchée sur place est déterminée à découvrir la vérité. Ce qui l’amène à découvrir un monde où règnent l’horreur et l’omerta.

Avec ce téléfilm, l’Allemagne prouve qu’elle est capable de se confronter aux situations délicates impliquant ses forces militaires en ce moment même, et pas sur une chaîne confidentielle. Ce téléfilm a vocation à toucher un large public. C’est à la fois sa force, et sa limite.
Sa force parce que sur un sujet difficile, la situation au Rwanda et dans ses alentours, il aborde d’autres thèmes difficiles voire polémiques : le secret à l’intérieur de l’armée, et ses arrangements avec la vérité. Et l’histoire mène à une résolution qui est aussi loin du happy-end qu’il est possible…
Sa limite, parce que pour s’assurer de garder l’attention de la ménagère malgré cette radicalité de sujet et de point de vue, « Kongo » a trop recours à des formes de sur-dramatisations mélodramatiques. Ainsi, de manière complètement improbable, c’est l’héroïne, qui a eu le temps d’arriver au Congo depuis l’Allemagne qui révèle elle-même la mort du soldat à sa femme (c’est justifié par un retour de vacances à l’instant même du téléphone, qui n’aurait pas laissé le temps à la femme ni d’écouter le répondeur, ni de lire ses mails). On note aussi une scène d’embuscade qui se révèle être une farce du contingent néerlandais (pointer une civile avec un viseur pendant plusieurs minutes, quel humour !), une déclaration d’amour balancée au milieu d’une conversation, et complètement inutile (les acteurs avaient parfaitement retranscris ces sentiments de façon non-verbale), ou encore une séquence où l’héroïne en plein doute décide d’aller se placer au milieu du campement sous une pluie battante, histoire d’offrir un plan de vidéo-clip totalement gratuit.

Dommage, « Kongo » n’est qu’un film intéressant et très ambitieux mais bancal, là où il aurait pu être une œuvre coup-de-poing.

Unitaire allemand de 90’. 2009.
Ecrit par Alexander Adolph. Réalisé par Peter Keglevic.
Avec Maria Simon, Jörg Schüttauf, Götz Schubert.

« C’era una volta la città dei matti »
(Il était une fois la cité des fous)

Par Carine Wittman

Le co-scéraniste et réalisateur Marco Turco raconte la vie et l’œuvre de Franco Basaglia, un psychiatre qui a permis la fermeture des asiles psychiatriques rétrogrades en Italie.

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On pourrait penser le sujet lourd mais en fait cela commence de façon très enjouée avec une demande en mariage de Franco des plus romantiques. Il demande à Franca de se marier ou il se jette par la fenêtre. On pense qu’il va s’agir d’un patient mais en fait il s’agit du médecin le plus vivant que l’on puisse connaître.

Parce qu’il refuse de torturer des patients pour montrer comment on peut déclencher une crise d’épilepsie, il se voit ‘‘offrir’’ la direction d’un asile. On aura découvert juste avant Margherita, une jeune femme dont le seul problème est d’être dans les jambes de sa mère.
Car dans les années 1960, c’était ça les asiles : quand on y entre, on n’est pas obligatoirement fou, mais dans tous les cas une fois qu’on y est, on devient totalement inexistant. Une fois entré dans un asile, on n’existe plus, on retire tous les biens que l’on a, on coupe les cheveux des femmes et si jamais on fait des vagues, on subit coups, brimades, électrochocs et pire encore.
Basaglia arrive dans l’asile et décide de tout changer ; il amène une nouvelle équipe et espère convaincre le personnel déjà en place mais les infirmiers et vieux médecins aiment trop ce qu’ils faisaient et peu sont d’accord avec les nouvelles méthodes.
Basaglia s’intéressera plus particulièrement à Margherita et à Boris qui vient de passer les 15 dernières années dans une camisole, attaché.
On va suivre leurs évolutions, les abus que Margherita va continuer à subir dès qu’elle verra sa mère mais aussi le combat de Basaglia pour mettre fin à la cruauté des asiles psychiatriques. On va aussi découvrir la psychiatrie moderne en rendant la parole aux malades.

C’est drôle, touchant, on pleure et on rit. Les personnages sont attachants et les acteurs jouent assez juste. D’un point de vue historique et sociologique, ce téléfilm est captivant. Mais on ne peut s’empêcher de penser en regardant qu’il s’agit plus d’un film que d’une œuvre faite pour la télévision. Même si la mini-série n’a rien à se reprocher, c’est le principal problème du FIPA ; une sorte d’élitisme qui oublie que les fictions doivent être conçues pour la télévision et non en dépit de.

Mini-série italienne de 2x90’. 2010.
Co-écrit par Alessandro Sermoneta, Katja Colja et Marco Turco. Réalisé par Marco Truco.
Avec Fabrizio Gifuni, Vittoria Puccini, Michela Cescon.

Dernière mise à jour
le 3 février 2011 à 17h18