WEB-SERIE - Addicts
Un des projets web les plus ambitieux...
Par Emilie Flament • 2 février 2011
Loin de la web-série ‘’zéro budget’’ faite avec les moyens du bord, « Addicts » est un véritable projet Recherche & Développement initié par Arte et produit par Mascaret Films.

C’est sans doute une des web-séries les plus ambitieuses produite en France jusqu’ici. Loin de la web-série ‘’zéro budget’’ faite avec les moyens du bord par une petite bande de passionnés qui n’a d’autre média qu’Internet à sa disposition pour faire connaître sa création, « Addicts » est un véritable projet Recherche & Développement initié par Arte et produit par Mascaret Films. Au FIPA, nous avons rencontré Bénédicte Lesage (Mascaret Films) et Pierre Merle (Arte) qui nous ont fait partager leur expérience sur cette web-série, visible sur addicts.arte.tv.

Une expérience à tous les niveaux

A l’origine, il y a un projet de court-métrage de 2 jeunes d’une cité bordelaise, subventionné par les Actions Culturelles d’Arte, et une scénariste, Lydia Hervel, qui pendant plusieurs mois le développe dans des ateliers d’écritures. Ils finissent par proposer à la chaîne un projet de série sur des petits malfrats d’une cité, avec pour particularité d’intégrer majoritairement des habitants dans le ‘‘casting’’ du projet. Suite à leur collaboration sur « La Journée de la Jupe », Arte demande à Mascaret de produire le projet devenu web-fiction. Un pari fou que peu de sociétés de production aurait accepté mais le défi est intéressant et l’envie d’explorer les possibilités de cette web-fiction l’emporte. Mêlant toujours les jeunes et les professionnels (auxquels se joint Vincent Ravalec, réalisateur), un nouvel atelier d’écriture commence avec la volonté de tendre vers une narration délinéarisée.
Mais l’écriture n’est pas la seule partie ‘‘hors normes’’ de la production. Il faut défricher le terrain sur tous les plans. « Addicts » est le fruit de partenariats et de financements inhabituels car mettant en jeux des acteurs historiques de la création comme Arte et des acteurs web tels que DailyMotion ou Allociné. C’est également un mois de tournage dans une cité bordelaise avec une équipe composée essentiellement de non professionnels. Même le mode de diffusion est à concevoir. Afin d’exploiter un maximum les possibilités d’Internet, une agence web travaille également sur le projet. Globalement, c’est une approche différente de la façon de travailler sur les productions habituelles.

Une narration en 4 dimensions’

En partant d’une galerie de personnage et d’un ton, il a rapidement fallu définir un conflit qui porterait l’action de la série. Les discussions entre les professionnels et les jeunes en réinsertion sont franches : la réinsertion c’est l’objectif, mais les difficultés sont réels... si un gros coup se présentait, ils le feraient. Le pitch est là : Quatre jeunes tentent d’avancer dans un quartier difficile malgré leurs erreurs passées. Jusqu’au jour où on leur propose un casse qui leur simplifierait beaucoup le quotidien.
Le format finalement se compose de 16 épisodes, tous découpés en 5 modules d’environ 3 minutes, un pour chacun des quatre protagonistes et un dernier se déroulant dans un autre temps de l’action, lors de garde à vue au commissariat. Les modules sont accessibles par différents points d’entrée : en mode épisode, par personnage, par timeline, par lieu sur une représentation du quartier. Ce sont donc 4 possibilités d’accès qui sont fournies au spectateur.
Afin de renforcer le rapport réalité / fiction, des empreintes numériques sont créées pour les protagonistes près d’un an à l’avance (profils Facebook, Twitter, Meetic...). Tous ces éléments, les épisodes ainsi que des web-documentaires du tournage sont centralisés sur le site de la web-série addicts.arte.tv.

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Un premier bilan positif

Mise en ligne entre le 15 novembre et le 17 décembre, à raison de 3 épisodes par semaine, la web-fiction est maintenant totalement disponible. Au global, le projet totalise près de 400 000 visionnages en cumul sur les différents sites. L’analyse des ‘‘parcours‘’ des spectateurs étant toujours en cours, il est encore difficile de déterminer si le visiteur s’est laissé tenté par les multiples possibilités de narration ou si il s’est limité à une lecture au fil de l’eau. Cependant, 50 % des visionnages ayant eu lieu sur DailyMotion contre 3 % sur Arte.tv, on peut supposer que le public a été plus fainéant que pro-actif.
Si l’on s’en tient au contenu de la fiction, il faut avouer que les plus de 200 minutes de modules mis bout à bout ne sont pas très digestes. Mais là encore, la production et la chaîne ont fait un choix. Conscients que le récit n’était pas optimisé pour obtenir de fortes audiences, ils ont préféré aller au bout de l’expérimentation en mettant à disposition l’ensemble du contenu produit. Encore une fois, ce projet est un laboratoire porté par une véritable volonté de défricher un nouveau terrain et de donner envie à d’autres de créer de nouveaux projets.
En plus des résultats visibles, la web-série aura eu le mérite d’ouvrir des portes en matière de financement et de valider les stratégies de création web mises en place par différents acteurs du secteur : financement d’Arte non seulement par le pôle web mais également par le pôle fiction, financement de la région Aquitaine, financement du CNC et même premier partenariat avec DailyMotion...

Doit-on s’attendre à une suite ? à de nouveaux développements de l’univers d’Addicts ? Malgré les nombreuses idées non explorées par manque de temps et de budget, la réponse est non. L’optique est plutôt de s’engager sur de nouveaux projets. Arte diffusera cependant un version montée de 90 minutes sur son antenne.

Dernière mise à jour
le 2 février 2011 à 03h51