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21 Drum Street - Ce n’est ni le début ni la fin de l’âge d’or des séries télé américaines

N°16: Mais taisez-vous avec votre âge d’or des séries !

Par Conundrum, le 22 décembre 2012
Publié le
22 décembre 2012
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Lorsque j’étais plus beaucoup plus jeune, je n’avais aucune difficulté à trouver des amis pour m’accompagner à la cédéthèque de ma ville pour m’aider à prendre l’impossible décision de ne choisir que 3 CD parmi les nouvelles acquisitions.

En revanche, j’ai du attendre de rencontrer Jéjé pour trouver quelqu’un pour partager mon excitation face au « Oh Mon Dieu ! » de Justine de l’avant-dernier épisode de la première saison de Murder One, des années après sa diffusion originale sur M6.

Aujourd’hui, je ne parle que très peu de séries dans mon quotidien. Ce qui est un peu ironique car il s’agit de l’un des sujets de prédilection de mon entourage. Entre les gens qui téléchargent, qui découvrent en DVD ou lors de leur diffusion française, obscures ou populaires, tout le monde a une opinion sur tout.
Entre ma stagiaire ultra timide qui ne peut plus se taire dès qu’elle commence à parler de Friday Night Lights et mon frère aîné (dans sa jeunesse hermétique à un genre qui lui impose un rendez-vous régulier) tout content d’apprendre que France 2 va diffuser Castle en version originale, c’est un profond changement qui s’est opéré en une quinzaine d’années. Mais la raison pour laquelle je rechigne à parler séries dans mon quotidien est que, rapidement, et pour la plupart d’entre eux, ce changement ne vient pas d’eux, mais des « séries qui vivent un âge d’or ».

Cette terrible facilité qui me fait saigner les oreilles.

C’est peut-être vrai mais il s’agit d’un raccourci bien trop facile. Il y a de ma part, je l’avoue, une mauvaise-foi qui m’empêche de parler de séries. Lorsque tout le monde parlait d’Urgences, je clamais haut et fort que Chicago Hope, cette obscure série diffusée sur RTL9 le dimanche en deuxième partie de soirée, lui était vastement supérieure. J’avais tort, mais mon esprit de contradiction était plus fort que ma raison.
Aujourd’hui, je ne peux pas m’empêcher de dire du mal de « HowIMet » tout comme à l’époque, je ne voulais pas avouer que je n’étais pas aussi obnubilé par Friends que les autres, ces gens qui ne regardent pas, pire, ne connaissent pas, Spin City ou Seinfeld.
Ça n’avance à rien d’être négatif, c’est terriblement hautain de ma part, mais je refuse d’entendre dire par quelqu’un que les séries rentrent dans un age d’ôr juste par qu’ils regardent « HowiMet » et a vu trois épisodes de The Wire, « la meilleure série de tout les temps ».

C’est exactement comme me dire, il y a quinze ans, que Losing My Religion était la meilleure chanson de REM alors que c’était l’une des deux chansons du groupe que mon interlocuteur connaissait. [1].

Des séries de qualité, il y en a toujours eu. Je ne crois pas à un nouvel âge d’or. En fait, je ne crois pas à l’existence d’un âge d’or tout court. Il y a juste une multiplication de l’offre et des moyens de découvrir des séries, qui converge avec une facilité de pouvoir partager sa passion grâce aux outils qui sont à notre disposition.

J’ai souvent dit que les années 90 étaient une excellente période pour les séries, ce qui se rapproche le plus d’un âge d’or à mes yeux. Mais je ne pense pas que les séries étaient meilleures, c’est juste qu’elles me parlaient plus. Des cops-shows pouvaient avoir ou ne pas avoir d’anti-héros, j’aimais Andy Sipowitz autant que j’aimais Lennie Briscoe. Il y avait des sitcoms à l’humour absurde, ou bien plus travaillée, qui faisaient que je suivais avec autant de plaisir Newsradio que The Larry Sanders Show. Que ce soit dans les teen-shows ou les dramas familiaux, les sentiments sonnaient vrais sans être nécessairement mielleux.

J’ai juste eu la chance de grandir avec ces séries. Tout comme ceux qui se font leur culture séries aujourd’hui avec les flics de The Shield et Southland, les sitcoms à la The Neighbors et la nouvelle mouture d’Arrested Development ou qui pleurent devant Parenthood. J’imagine que ces mêmes personnes sont aussi choquées par les révélations de Scandal que je l’étais avec celles de Murder One.

Je ne crois pas à un âge d’or de la télévision, mais plus à des périodes où la télévision est plus à l’écoute de son public. Quand Lorne Michaels parle de la genèse de Saturday Night Live, il voyait un profond décalage entre les aspirations de la jeunesse américaine des années 70 et ce que la télévision proposait. La longévité de son émission est une preuve de la force de la capacité d’écoute d’un auteur ou d’un producteur. Une télévision intelligente ne voit pas l’explosion de la télé-réalité des années 2000 comme un des premiers signes de l’apocalypse. Elle réfléchit quand elle voit le succès de Survivor, et nous donne Lost en retour.

La première partie des années 2000 a vu les chaînes américaines lutter à assimiler l’impact du 11 Septembre, d’Internet, de la télé-réalité, de l’achat des networks par de grands studios et l’émergence d’une production câblée de qualité. Il en découle une œuvre sérielle de network moins pertinente. Le retour d’une télévision plus en phase avec son public est alors perçu comme un nouvel âge d’or par ceux qui commencent à se passionner pour les séries à ce moment là, ou par ceux qui suivent sporadiquement le genre et se retrouvent avec plus de séries à regarder. Mais la qualité n’a jamais quitté les ondes, elle était juste un peu plus difficile à trouver.

Tout ça pour dire qu’Alan Sepinwall a écrit un chic livre sur le sujet, The Revolution Was Televised. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il dit, mais il a un avis intelligent et réfléchi qui lui permet d’affirmer que nous sommes dans un nouvel âge d’or sans me donner envie de rentrer mon crayon dans l’œil. Et grâce aux interviews de créateurs, producteurs et dirigeants de chaîne de l’époque, ce livre me fait voir d’un autre regard (plus clément ou plus critique) certaines œuvres majeures des dix dernières années.

Et Losing My Religion n’est pas la meilleure chanson de REM.

Conundrum
Notes

[1Everybody Hurts était la seconde, bien évidemment