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We Have To Go Back - Quand Joss Whedon joue au DRH gentil

We Have To Go Back N°2) : Un trou dans le monde d’Angel

Par Max, le 4 août 2018
Par Max
Publié le
4 août 2018
Saison Analepse
Episode Analepse
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Dans cette nouvelle chronique initiée par Drum il y a quelques temps (et lâchement mise de côté par nous ensuite), nous devions revisiter quelques épisodes marquants des séries trop âgées pour n’intéresser que ceux qui l’ont vu (à savoir ceux qui n’ont pas découvert les séries avec Netflix). J’aime voir ou revoir des vieilles séries, surtout quand les événements des épisodes sont déjà connus mais n’enlèvent rien à la joie ou la peine qu’ils vont nous causer à nouveau.

En ce mois chaud (et froid de nouveautés), nous revenons sur A Hole In The World, le 15ème épisode de la 5ème et dernière saison d’Angel, diffusé le 25 février 2004.
L’épisode avait été reviewé en son temps lors de sa première diffusion aux US, on pourrait dire qu’il avait été reviewé En Direct des USA, par Tigrou il y a maintenant 14 ans, dans un texte que vous pouvez lire ici.

Précédemment dans …

Joss Whedon n’a jamais été ce que l’on peut appeler un showrunner particulièrement lumineux et tendre avec ses personnages et n’hésite pas à user des rebondissements et des morts pour dynamiter et dynamiser son intrigue. Mais si proche de la fin de la série dérivée de Buffy, que l’on considère généralement comme plus sombre et adulte (mouais), on pouvait s’attendre à ce qu’il garde ses billes pour le final.

Grr Arrgh n°2

Angel, petite sœur de Buffy, a su modifier sa formule de départ au même moment que la tueuse de vampires. À partir de la saison 2, elle a peu à peu délaissé les cas de la semaine (une enquête surnaturelle pour les apprentis détectives privés sous le “soleil” de Los Angeles) pour se tourner peu à peu vers une mythologie tentaculaire se terminant ici avec Angel et ses acolytes (moins Cordelia et Connard Connor) à la tête de Wolfram et Hart. La saison 5 nous les fait suivre alors qu’ils en ont pris la direction et doivent en gérer des clients maléfiques, les amenant à ne pas toujours faire les choix les plus moraux mais ceux dans l’intérêt de tous.

On est donc de retour avec une formule plus figée que les trois saisons précédentes, plus faible aussi mais qui donne des dilemmes assez intéressants pour une série qui a toujours mis un point d’honneur à explorer les zones grises du monde et de ses personnages. Mais il faudra un événement plus que dramatique pour que le spectateur en prenne la totale mesure. En effet, un beau matin, alors que tout le monde mène sa petite vie après une mission, Fred reçoit dans son laboratoire un sarcophage dont une poussière va jaillir et la condamner à une mort proche et certaine.

Tout dans cet épisode est fait pour que l’urgence se fasse ressentir, qu’une solution soit alors trouvée pour la sauver. La dispersion du groupe, chacun à leur mission (et qui présage la toute fin de la série), nous indique que rien ne sera trouvé, qu’ils se lancent tous à corps perdu dans une bataille qu’ils ne peuvent remporter pour une fois. Lorne, qui entend Fred fredonner quelques secondes avant qu’elle ne tombe, en prend alors toute l’importance. Ce n’est pas la première ni la dernière fois que Whedon fait cela, le final de Buffy, 7.22 - Chosen, procède presque de la même manière. Mais ici, cela va lui permettre de questionner la notion d’humain en chacun de ses personnages alors qu’elle s’apprête à quitter l’une des leurs.

Nous ne sommes pas des héros, nos faux pas nous collent à la peau

“I’m not some damsel in distress !” - Fred

Angel et Spike décollent pour l’Angleterre à la recherche d’un artefact susceptible de soigner Fred. Il l’est mais à un prix monumental : il tuera des milliers de personnes. Whedon utilise avec pertinence (peut-être pour la première fois de la saison) l’association des deux vampires avec une âaaaaaame pour donner vie à un dilemme : l’individue chère à leur cœur ou le plus grand bien de tous. Mais ici, c’est leur âme qui les empêche de sauver leur amie, leur humanité qui leur empêche de faire le choix qu’ils meurent d’envie de faire. Et condamne Fred.
Wesley, lui, se résigne très vite au destin de sa petite-amie et cherche alors à profiter des derniers instants qu’il peut avoir avec elle. Il renonce au statut d’amoureux héroïque qui ferait tout pour sa bien-aimée même si cela lui coûte (il tire dans les genoux d’un employé, sans raison). De son côté, Gunn comprend qu’il ne pourra jamais plus être le même, par la culpabilité qu’il porte en lui (il est celui qui a fait livrer le sarcophage), affrontant littéralement son Evil Twin. Il a perdu une partie de son âme.

Rien d’étonnant alors que cet épisode soit écrit et dirigé par Joss Whedon himself, tout est pensé en adéquation avec l’histoire des personnages jusqu’ici (et après) mais n’enlève rien à la qualité intrinsèque de l’épisode en lui-même. De sa direction à sa musique (très très inspirée), 5.15 - A Hole In The World est maîtrisée par le manitou dans une saison qui se fourvoie souvent mais que cet opus va remettre sur le droit chemin. De l’aveu du showrunner, Drogyn (le personnage qui guide Angel et Spike dans leur recherche d’une solution à la mort annoncée de Fred) a été écrit et introduit comme quelqu’un qui ne pouvait pas mentir, faculté (ou malédiction) donnée pour que, lorsqu’il leur annonce que Fred ne peut pas être sauvée, les spectateurs n’aient d’autre choix que de le croire. Si un dernier retournement de situation n’aurait pas été étonnant, cela accentue la tragédie que vit la jeune femme et, par extension, ses amis, impuissants malgré les opportunités présentées.

En parallèle du dilemme qui agite les deux vampires, l’état de désespoir et de démence de Fred, en tête à tête avec Wesley, n’est qu’accentué. Nous comprenons petit à petit qu’elle est condamnée mais nous nous disons que non, si proche du season finale (qui s’avérera être le series finale), les scénaristes ne peuvent faire cela, alors qu’elle est le ciment du groupe, notamment dans une saison plus faible que les autres, alors qu’elle vient juste de retrouver l’amour avec Wesley, alors qu’Amy Acker est une favorite de tous. On ne peut croire à sa disparition et pourtant …

“Why can I stay ?” (...)

Sur ces mots amers, Fred nous quitte. Et Illyria renaît.

Sans ses dix dernières secondes, 5.15 - A Hole In The World est donc un incroyable stand-alone qui, en 42 minutes, nous introduit une menace inconnue sans qu’elle ne semble gratuite, un enjeu monumental pour un personnage important, une quête impossible qui joue avec les attentes et les nerfs du spectateur qui s’attend à ce que cela soit déjoué dans un retournement final et une issue dramatique, tuant la dernière goutte d’innocence de la série pour son dernier sprint qui ne sera que noirceur, renoncement et rédemption.

Max