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Battlestar Galactica - Critique du premier épisode de la saison 3

Occupation: The human race far from home, fighting for survival (and roasted peanuts)

Par Feyrtys, le 13 octobre 2006
Publié le
13 octobre 2006
Saison 3
Episode 1
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Rarement une troisième saison aura été autant attendue que celle de Battlestar Galactica. Ronald D. Moore et son équipe nous ont offert une fin de seconde saison inattendue, époustouflante mais également très risquée : seraient-ils capables de continuer à nous tenir en haleine, sans combat spatial, sans soldat, et sans l’espoir pour les derniers humains de vivre libre ?

Un an après la victoire de Gaius Baltar à l’élection présidentielle, un an après l’installation des premiers colons sur New Caprica et quatre mois après l’arrivée en force des cylons sur ce qui était devenu le seul refuge (et dernier espoir) des survivants humains, nous retrouvons notre série de science-fiction préférée.

Le ton de cette nouvelle saison est posé dès les premières minutes : la suite d’images surréalistes, qu’il faut décrypter petit à petit, au son d’un chant qui ressemble à une prière, nous donne à voir plusieurs situations désespérées. Anders et Tyrol préparent un attentat ; Tigh a été visiblement torturé et enfermé dans une cellule ; sa femme fait l’amour à un autre homme ; Adama est seul face à des ennemis contre lesquels il ne peut rien faire ; Kara met les couverts sur une table et enfin, Roslin tient un journal et prie.

Ces diverses images entrecoupées posent les diverses situations qui se sont établies en quatre mois d’occupation cylonne.

134ème jour d’occupation cylonne sur New Caprica - La Résistance

Ron D. Moore n’avait pas l’intention de montrer les premiers pas des cylons sur New Caprica, ni leurs routes pavées de bonnes intentions pour tromper la méfiance des humains. Il savait que le plus intéressant serait de passer directement aux choses sérieuses, aux situations dramatiques : c’est bien l’installation des cylons par la force, et le maintien d’une sécurité (toute relative) dans la peur et la répression qui sont intéressants pour Moore.

La paranoïa s’est installée, un groupe de résistants s’est formé et à leur tête se sont imposés Anders, le Chief, et Tigh, ce qui semble absolument naturel étant donné leurs personnalités. Au début de l’épisode, Sam et Tyrol font exploser plusieurs cylons à leur arrivée sur New Caprica.
Tigh, lui, a été torturé en prison. Les cylons lui ont arraché un œil, l’ancien XO d’Adama est à présent borgne...
Ron D. Moore explique dans son podcast qu’il lui fallait faire vivre une telle atrocité à Tigh. De cette façon, ce personnage devenait le symbole de tout ce que les hommes ont perdu quand les cylons sont arrivés sur New Caprica. Il est le symbole de l’énorme prix à payer.
J’ai toujours été une fan de Tigh, pour toutes les mauvaises raisons. Parce qu’il était le contraire d’Adama tout en étant son meilleur ami. Parce qu’il ne se laissait pas marcher sur les pieds par Starbuck, ni par Roslin d’ailleurs. Bien sûr, il a pris de mauvaises décisions, bien sûr, il est impossible de l’imaginer en Commandant. Mais Tigh est un excellent soldat, un militaire qui sait exactement ce qu’il est attendu de lui.
Je suis donc ravie de le voir à la tête de la Résistance sur New Caprica.
Et alors que je pensais que cette chère Ellen prenait du bon temps pendant que son mari était enfermé, elle me surprend : en réalité, elle fait ça pour libérer Saul. Et pas avec n’importe qui : avec un cylon, et en l’occurrence, avec le modèle nommé Cavil, interprété par le génialissime Dean Stockwell. C’est ce qu’on appelle faire des sacrifices. Je me demande si, dans l’éventualité d’un avenir « cylonfree » pour les humains, de sombres phallocrates voudront lui raser les cheveux...

L’occupation cylonne est donc loin d’être pacifique, en même temps, si elle l’était, on ne l’appellerait pas « occupation ».
Les cylons oppressent les civils, instaurent des couvre-feux, mettent en place la plus absurde des idées : une force de police humaine qui travaillerait pour les cylons, en vue d’une improbable « sécurité » et « paix ». Parler de sécurité et de paix, lorsqu’on occupe un territoire par la force, peut paraître un tantinet irréaliste, voire naïf. A moins que ce ne soit une tactique des cylons pour faire faire le sale boulot aux humains à leur place et avoir une bonne excuse pour taper sur la Résistance quand les choses dégénèrent...

Baltar est devenu, aux yeux des résistants, l’ennemi à abattre, l’incarnation de tous leurs malheurs. Déjà, avant les cylons, Baltar avait réduit leurs libertés. Depuis l’occupation, Baltar est devenu l’image même du collaborateur dans toute sa lâcheté. Il ne pouvait en être autrement, Gaius restera Gaius, quelque ce soit les événements qu’il affronte. A l’abri dans Colonial One, le Président est une marionnette aux mains des cylons, qu’il méprise pourtant, à peu près tout autant qu’il est obsédé par Number Six. Et le Président est devenu la cible parfaite pour les résistants : s’ils ne peuvent réellement « tuer » de cylons, la seule façon pour eux de toucher le nerf de la guerre est d’assassiner le symbole de la tragédie de cette occupation.

Les résistants bénéficient de l’aide cachée de Gaeta, devenu l’assistant de Baltar et proche de toutes les décisions prises par les cylons et exécutées par le Président. Il leur apprend qu’une cérémonie officielle aura lieu, célébrant l’entrée dans la force de police humaine de nouvelles recrues. Baltar devrait y présider. Duck (personnage que l’on apprend à connaître dans les webisodes) se propose de se faire exploser au milieu de la cérémonie... Tigh est d’accord, Tyrol l’est beaucoup moins.

La question des attentats suicides est une question extrêmement délicate, mais il ne faut pas croire que l’équipe de BSG s’attache à faire des déclarations politisées à chaque fois qu’ils abordent des sujets contemporains. Je ne crois pas qu’ils prennent parti pour ou contre les attentats suicides. Ils donnent deux avis. Celui de Tigh est de voir cet acte comme une stratégie militaire. Lorsqu’il envoie des soldats à leur mort certaine, ce n’est pas très différent, de son point de vue, que d’envoyer un homme se faire exploser. Le point de vue de Tigh est celui d’un militaire, tandis que celui de Tyrol est purement humain. Le Chief n’a pas d’argument contre, à proprement parlé. Mais il sait qu’il y a quelque chose de « mal » dans le fait de profiter du désespoir de quelqu’un pour le conduire au suicide et à l’assassinat de dizaines de personnes qui ne pourront se défendre. Dans l’épisode qui suit, nous apprendrons également que Roslin ne peut se ranger à cette idée, malgré son aversion pour Baltar et pour la force de police humaine.

Ron D. Moore explique dans son podcast qu’ils n’ont pas cherché à parler de la situation actuelle en Irak. Bien sûr, la plupart des scénaristes qui travaillent avec lui sont calés en Histoire. S’ils avaient voulu, dit-il, ils auraient pu s’inspirer de l’occupation de la Gaulle par les Romains. Mais ce qui les intéresse en premier, ce sont les personnages. Que feraient les personnages dans cette situation ? Et l’histoire suit naturellement de cette question.
Et c’est justement parce que BSG ne prend pas parti que la série permet à ses téléspectateurs de se poser des questions. Et de débattre.


134ème jour d’occupation cylonne sur New Caprica - Kara est une Stepford Wife.

L’histoire de Kara et de Leoben était prévue depuis la fin de la saison deux. Kara a été faite prisonnière par le modèle qui se fait appeler « Leoben », le même modèle que Roslin a fait passer par un sas spatial dans la saison une (Flesh and Bone). Le même modèle qui apparaît dans la mini-série également, et qui semble très porté sur les messages prophétiques. Il est probablement le cylon qui a le plus joué avec l’esprit des humains, essayant de les manipuler et d’insinuer le doute en eux.

Leoben est amoureux de Kara, probablement depuis leur rencontre dans Flesh and Bone. Il semble persuadé qu’avec l’aide de Dieu, il réussira à gagner le cœur de Kara. Être rempli d’illusions concernant l’amour semble être une constante chez les cylons... Et une vraie obsession. En saison une, lorsque Sharon déployait tous ses charmes pour séduire Helo, c’est parce qu’ils semblaient persuadés qu’ils leur manquaient un ingrédient essentiel pour se reproduire « naturellement » : l’amour... Ne sont-ils pas capables de s’aimer entre cylons ? Ne sont-ils pas attirés les uns par les autres ? Ne peuvent-ils pas éprouver de sentiments les uns envers les autres, mais uniquement envers les humains ?
C’est une société bien étrange que celle qui ne permet aucun amour ou aucune espèce d’amitié au sein de ses membres. Je me demande s’ils folâtrent entre eux, s’ils ont une quelconque activité sexuelle... Ils éprouvent du désir sexuel visiblement, donc il n’y a aucune raison qu’ils ne fassent pas l’amour entre modèles cylons. Un autre niveau de cybersex en somme ! Mais Ron D. Moore ne nous a donné aucun indice qui puisse nous faire croire que les cylons jouent à la bête à deux dos (j’adore cette vieille expression, faut pas m’en vouloir). Ils ont dû essayer, puisqu’ils sont arrivés à la conclusion qu’ils ne pouvaient pas se reproduire. Mais est-ce qu’ils continuent pour le plaisir, par curiosité ? Et pourquoi je me pose toutes ces questions ?

Leoben a donc enfermé Kara dans un appartement, qui en réalité est une cellule. Il lui apporte à manger, la soigne avec beaucoup d’égards. Et attend patiemment qu’elle trouve une occasion de le tuer. Puis sa conscience se télécharge dans un nouveau et tout recommence. Bien sûr, plus le temps passe, plus il déjoue les plans de Kara pour le tuer. Si elle fait sa tête de petite fille désolée, par exemple, c’est qu’elle a dégotté un poignard et qu’elle s’apprête à lui enfoncer dans la gorge.

On peut dire que les cylons s’y connaissent en torture psychologique, je crois que les Autres de l’Ildelost pourraient en prendre de la graine.

J’avoue que mon intérêt pour Kara a baissé avec les saisons. Autant je la trouvais drôle et forte et émouvante en première saison, autant elle a commencé à m’énerver en saison deux. Un peu trop impulsive pour être une héroïne, un peu trop imbue de sa personne pour être aimable, je lui ai préféré d’autres personnages. Même si son histoire est très séparée de celle des autres, il n’empêche qu’elle éveille un intérêt particulier, surtout sur la question des cylons et de leur recherche de l’amour. Celle-ci n’a pas changé depuis le début de la mini-série. Non plus les références à Dieu. Leoben est la preuve vivante que les cylons ont toujours les mêmes obsessions, malgré tout. Et qu’ils sont comme des enfants sans parents pour les surveiller. « Tu m’aimeras parce que je le veux »... Quoi de plus dément que l’illusion de réussir se faire aimer ?


Pendant ce temps, sur le Pegasus, Gropollo [1] mange du Toblerone. Et des cacahuètes. En arrosant le tout à la bière.

La flotte est en fuite. Mais la flotte a quelques pilotes qu’il faut entraîner, en cas d’attaque, ce dont se charge l’amiral Adama, malgré le renoncement apparent de son fils, commandeur du Pegasus. Lee est devenu tout mou, ce qui est non seulement un crime de lèse majesté quand on a eu un corps comme le sien, mais également un crime contre la pauvre Dualla qui a du passer de « Dieu Grec » à « Denis Roussos moins les poils » en l’espace de seulement un an. C’est quand même court. Je sais bien que le mariage favorise l’embonpoint, mais bon, y’a des limites.

Mais Lee n’est pas seulement devenu gros. Il a également perdu ce qui faisait de lui un soldat : il a perdu sa guerre. Et depuis qu’ils sont en fuite, il a renoncé à l’idée d’aller sauver les colons sur New Caprica. Alors que son père (avec une moustache, une vraie, pas un sombre pastiche) lui, n’a pas renoncé à secourir les survivants. Le désaccord a rouvert le gouffre qui se trouvait entre les deux hommes au début de la mini-série. Et quand Adama s’énerve contre son fils, mazette, ça rigole pas. Il arrive à faire peur quand il veut, the old man. On oublie trop souvent ça !

Le plus intéressant sur la flotte du Galactica n’est pas Gropollo et son bidon, mais bien Sharon. Sharon et Adama, plus exactement.
Bill est seul sur le Galactica. Tigh et sa femme sont partis s’installer sur New Caprica, et avant eux Roslin et Kara. Son fils est sur le Pegasus, et il s’est éloigné de lui doucement.
Les hommes qui ont autant de responsabilités qu’Adama ne peuvent rarement rester complètement seuls. Ils ont besoin d’une oreille attentive pour les écouter et les soutenir. Et Adama a trouvé à qui parler : Sharon.

Depuis qu’elle est revenue de Caprica avec Helo, Adama a toujours eu à l’égard de ce modèle une attitude particulière. Il lui a fait confiance alors que rien ne lui garantissait qu’elle ne le trahirait pas. Il a été (et il est toujours je crois) obsédé par le souvenir de Boomer lui tirant dessus.
Adama étant le personnage le plus noble et le plus sage qu’il m’est été donné de voir à la télévision, il n’est pas étonnant qu’il ait réussi à dépasser le fait que Sharon soit un cylon. Elle est même devenue sa confidente et son amie. Un lien s’est crée, plus sincère il me semble que l’amour de Sharon pour Helo (dans quelle mesure le but qu’elle s’était donnée a-t-il à voir avec ses sentiments pour lui ?).

Ron D. Moore pense que cette relation est la preuve que la série n’est pas seulement pessimiste et noire. Mais qu’elle porte en elle un optimisme incroyable : si Adama arrive à voir autre chose en Sharon qu’un robot sophistiqué, s’il arrive à la voir comme un être humain, alors tout est possible.


134ème jour d’occupation cylonne sur New Caprica - Pump up the volume.

L’espoir vient avec un signal capté par la Résistance. En effet, des protocoles ont été prévus en cas d’invasion cylon. Un raptor devait se rapprocher de New Caprica tous les jours à une certaine heure et envoyer des signaux. Adama envoie donc chaque jour un raptor en orbite la plus proche de la planète. Jusque-là, les résistants n’ont pu trouver de moyen de récupérer ce signal en toute sécurité. Grâce à Gaeta, ils ont eu une opportunité... Réponse de l’amiral :

It’s going to be ok. [2]

Pour lui comme pour les résistants, un nouvel espoir est né.

Seulement voilà, une horreur est déjà en train de se produire. L’attentat suicide se prépare, et ce même si Baltar, la cible, ne sera pas présent à la cérémonie. L’attentat suicide se prépare et a lieu. Le point de non-retour de la Résistance a été atteint.

Feyrtys
P.S. La première partie de ces deux heures d’introduction à la troisième saison atteint son but : poser les bases d’un nouveau ton, d’une nouvelle dynamique et des nouveaux enjeux. A la fin de cette première heure, je savais déjà que l’équipe de BSG avait réussi son pari et que le virage pris à la fin de la deuxième saison était parfaitement maîtrisé.
Notes

[1Copyright Joma

[2La même phrase que dans Reservoir Dogs, quand Mr Orange baigne dans son sang et que Mr White essaye de le rassurer. Mais c’est une autre histoire.