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Desperate Housewives - Avis sur la fin de saison 8 et critique du dernier épisode de la série

Bilan de la Saison 8: A long time ago, we used to be friends

Par Jéjé, le 23 mai 2012
Par Jéjé
Publié le
23 mai 2012
Saison 8
Episode 23
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J’aurais pu, j’aurais dû, abandonner Desperate Housewives il y a trois ou quatre saisons. Mais je suis faible, je n’ai jamais pû tourner le dos à une série dont les débuts m’avaient enthousiasmé comme peu d’autres y étaient parvenues. Alors, avant d’aborder cet ultime épisode, je vais revenir rapidement sur la trajectoire erratique d’une série qui n’a jamais réussi à trouver son équilibre.

Ces grands débuts auxquels je faisais référence ont, avec le recul, peut-être constitués l’un de ses plus grands handicaps, puisque la série n’a jamais réussi à combler les attentes créées par - soyons généreux - la première saison. 

La satire promise (et amorcée) de la vie de femmes aliénées par la recherche des apparences du bonheur et de la fraternité dans une petite communauté s’est heurtée à la répétition saison après saison d’une formule inadaptée

Pas besoin d’autre chose pour avoir peur

L’énigme autour de la mort de Mary-Alice était parfaite pour suciter l’intérêt du spectateur et lui permettre de plonger rapidement dans le microcosme de Wisteria Lane.
Etrangement, plutôt que de creuser ensuite les personnages auxquels le spectateur s’était attaché simplement pour eux-mêmes, les scénaristes ont choisi de faire de l’élément policier un motif central de la série. 
A partir de la saison 2, des mystères annuels se sont succédés, sans lien particulier avec les héroïnes. Elles se sont vues forcées d’exister en parallèle, dans de petites intrigues personnelles, en regard, anecdotiques et sans saveur.
Leurs personnages se sont alors vite figés dans des caractères convenus tandis que la série développait un discours en totale contradiction avec le thème des premiers temps. Exit le désir oppressant de conformité causé par le regard des pairs, désormais le malaise vient toujours de l’extérieur, de l’étranger, de l’inconnu, la sérénité résidant dès lors dans le repli sur soi et l’entretien de relations d’amitié au sein d’une communauté réduite. 

Le véritable mal, selon Desperate Housewives

Bien évidemment, la réussite d’une série ne se mesure pas seulement à l’aune de la cohérence de sa thématique générale. 
Desperate Housewives a bénéficié au long de ses huit années de dialoguistes hors pair et du talent comique exceptionnel d’Eva Longoria. 
Il est dommage qu’ils aient servi essentiellement la production de répliques savoureuses ponctuelles plutôt que d’intrigues générales satisfaisantes, car ces grands mystères envahissants n’ont jamais donné grand chose d’intéressant. 
Joe Keenan, l’un des scénaristes les plus brillants de Frasier, arrivé sur la saison 3, a peut-être écrit Bang, le meilleur épisode de la série (en dehors du pilote), mais même lui n’a pas su relancer la série sur des fondations solides.
Mais il est vrai qu’un épisode de Desperate Housewives manquait rarement de moments amusants.
Ce qui explique à mon sens la longévité de son succès.
En dehors des événements spectaculaires (crashs d’avions, tornades dévastatrices, prises d’otages, bond de cinq ans dans le temps, morts soudaine et souvent violente de personnages secondaires...) que cette morosité narrative a conduit les scénaristes à multiplier, et qui ont finit par transformée la série en gigantesque soap outrancier.

Cette évolution, assumée, aurait pu en faire une réussite mineure.
Mais Desperate Housewives n’a jamais embrassé ce changement de direction. 
En conservant la voix-off moralisante de Mary-Alice à chaque épisode, elle n’a pas voulu couper le lien avec ses ambitions originelles. Elle n’en est apparue que plus éloignée et surtout boursouflée de prétention à chaque truisme lénifiant qu’annonait la voix sirupeuse de Brenda Strong.

Les deux dernières saisons ont marqué des tentatives de retour aux sources de la série. Alors, le danger provenait toujours de cet extérieur inquiétant et nocif, mais, l’esprit généreux de communauté célébré pendant des années était enfin interrogé, voire remis en cause. 

En saison 7, Paul Young (veuf de Mary-Alice) sort de prison et revient s’installer à Wisteria Lane avec l’intention de se venger des héroïnes. Il tente d’acheter un maximum de maison dans le quartier : ce projet immobilier fragilisr grandement la fraternité sensée y régner quand celle-ci se voit confrontée au défi de l’argent. 
Cette même fraternité est à nouveau écornée quand les résidents se rendent compte avec effroi que Paul a décidé d’installer au sein de ses propriétés un centre de réhabilitation pour anciens détenus.

Ils ne partent pas à la Bastille

Malheureusement cette ébauche de regard critique tourne court à la mi-saison quand le traditionnel épisode "spectaculaire" (cette fois-ci une émeute urbaine en plein Wisteria Lane) se conclut par une tentative de meurtre sur Paul. Le reste des épisodes se focalise sur la résolution de ce rebondissement purement soapesque et "thématiquement" inoffensif. 

Quant à cette dernière saison, au premier abord, elle semble rompre avec la formule. Il n’y a pas de nouveau voisin étrange cette fois-ci, et elle paraît vouloir vraiment se concentrer sur les liens d’amitié sensés exister entre ces quatre femmes.
L’accent est mis sur les sentiments de culpabilité, de manque de confiance, de trahison, de rejet, qui s’installent et grandissent à mesure qu’elles peinent à conserver secret l’acte criminel collectif qu’elles ont commis dans le premier épisode.
Sur le papier, ces prémisses s’avéraient terriblement excitants et promettaient presque d’achever la série sur une saison enthousiasmante.

Hélas, une exécution calamiteuse mis à plat toute l’entreprise.
A commencer par un point de départ ridicule. 
Car ce terrible secret qu’elles partagent, c’est d’avoir enterré le corps d’un affreux pédophile ! Et par n’importe lequel : le propre beau-père de Gaby, qui l’avait violée dans son enfance, qui s’était mis en tête de la harceler vingt ans plus tard et que Carlos venait de tuer par légitime défense... 
Ce secret n’étant pas présenté par les scénaristes comme un crime mais plutôt comme une circonstance malheureuse, nécessaire voire louable (condamnable seulement d’un point de vue strictement judiciaire, point d’une loi passée à une époque sûrement trop libérale), tous ceux qui veulent découvrir la vérité deviennent les ennemis de femmes justes et honorables. 
Les scénaristes poussent le bouchon jusqu’à faire du flic chargé de l’affaire un psychopathe qui n’enquête dessus que pour se venger d’avoir été plaqué par Bree !
Toute cette histoire est un naufrage qui se conclut par un deus ex machina bien pratique à la morale pour le moins douteuse. 
Mrs MacClusky qui se meurt d’un cancer se dénonce dans l’avant dernier épisode à la place de Carlos ! Tout est bien qui finit bien, on peut passer au season finale.

Un mariage, une naissance, une mort, Marc Cherry, crédité comme seul scénariste de l’épisode, tente un feu d’artifice soapesque. Pourtant, même débarassé du poids mort narratif qu’ont toujours été les intrigues mystérieuses, l’épisode ne passionne guère.
Et pour cause, les événements principaux concernent des personnages secondaires : le mariage, clé de voute de l’épisode, est celui de Renée. La "cinquième" Desperate Housewives des dernières années, pis-aller inutile d’Eddie Brit. 

Il aurait été autrement plus intéressant et plus significatif que le finale mette en lumière ce personnage, le seul à avoir porté au delà des premiers épisodes les stigmates du regard blessant de ses congénères et dont on avait pu suivre, en marge, la lutte contre les codes de la cordialité du bon voisinnage. Et au fur et à mesure du temps sa défaite et ses tentatives pour s’intégrer à un groupe qui la méprisait. 
Mais bon, Marc Cherry pouvait difficilement faire revenir Edie d’entre les morts, surtout vus les relations qu’il a gardées avec Nicolette Sheridan. 

Ce mariage, donc, sert essentiellement à révéler à Lynette qu’elle n’a pas besoin d’une carrière pour être heureuse. Et c’est seulement parce qu’elle accepte de rester à Wisteria Lane pour jouer les bonnes épouses que Tom consent à se remettre avec elle et dans sa grande mansuétude l’autorise à accepter un poste important à New York ! 
Le discours sur la condition féminine n’aura pas été un des points forts non plus de la série...
Au départ, Lynette, comme on parle d’elle, incarnait une femme rendue malheureuse par son rôle de mère. Huit ans après, Julie accouche d’un enfant dont elle ne voulait pas après avoir été convaincue par Susan, sa mère, qu’il n’y a rien de plus extraordinaire pour une femme que la maternité...

Seule la mort de Mrs MacClusky, traitée avec tendresse, apporte un peu d’émotion dans ce finale.

Et sur le point de refermer sa série avec le départ de Susan de Witeria Lane sur une dernière partie de poker célébrant l’amitié des quatre héroïnes, Marc Cherry, en dernière minute, comme s’il regrettait d’avoir abandonné pendant toutes ses nombreuses années le ton de la satire acide, tente une dernière bravade.

Voilà, c’est (presque) fini

Mary-Alice explique qu’elles ne se reverront jamais, que Lynette vieillira à New York en hurlant sur ses petits enfants à Central Park, que Bree déménagera dans une banlieue encore plus conservatrice et deviendra une élue républicaine et que Gaby animera sa propre émission de télé-shopping.
On atteint avec cette pirouette de dernière minute le degré zéro de l’imagination. Cherry se contente de reprendre le trait le plus caricatural de chaque personnage pour broder des projections platements évidentes. Et fait fi des événements de huit saisons. (Avec son troisième mari, ses milliards d’amants, son fils gay et criminel, son procès, Bree brigue des fonctions électorales ? Lynette et Susan partagent un petit-fils mais ne vont jamais se revoir ?) Et pour dire quoi, au final ? Que ces femmes n’étaient pas vraiment amies ?
En faisant ça, Marc Cherry méprise ses personnages et les spectateurs qui ont fait le choix de suivre jusqu’à la fin.
C’était encore plus navrant quand l’ultime conclusion, la femme qui emménage dans la maison de Susan est porteuse d’un terrible secret, est, elle, un clin d’oeil amusant à la partie "mystères" de la série. 

On pourra se satsisfaire en pensant que Finishing the Hat est un finale à l’image de la série : quelques bonnes répliques et deux bonnes idées engluées dans un bain d’ennui, de facilités et de poncifs conservateurs.

Jéjé
P.S. Quand je pense que j’ai dû voir l’épisode pilote cinq ou six fois...