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Dossier - Présentation de la série Wonderfalls

: Une série... culte ?

Par Eclair, le 9 mai 2005
Par Eclair
Publié le
9 mai 2005
Saison Wonderfalls
Episode Wonderfalls
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Pourquoi une telle question ?

Mai 2004. Alors que cela fait bientôt un an qu’on attend l’arrivée de Wonderfalls, le miracle arrive enfin. Déjà sous le charme de Dead Like Me, et pour certains d’entre nous sous celui de Joan of Arcadia, le coup de cœur était prévisible. Pensez donc, une série de Bryan Fuller, Todd Holland et Tim Minear en producteur avisé, avec dans le rôle principal une jeune femme sarcastique.... Tout cela renforce l’idée qu’un vent est en train de tourner...

Du buffy-girl power pas encore épuisé naît l’idée de jeunes femmes qui non seulement s’affirment, mais qui portent aussi un regard désabusé sur la société actuelle. De l’héroine, on dérive vers une héroine qui ne supporte ni son statut ni sa vie. Alors, anti-héroine ? Pas au sens kimmien du terme, heureusement. Lorsqu’on regarde des séries tv, on a souvent des amourettes, des instants que l’on désire garder en mémoire, et puis...le temps passe. Et le temps juge.

Alors est-il trop tôt pour estampiller Wonderfalls « série culte » ?
En tout cas, tous les indices laissent à penser qu’un phénomène est en marche.

Qu’est-ce que c’est ?

Mais avant tout cela, pour ceux qui ne nous lisent pas depuis le début, petit (voire même très grand) rappel de l’objet de ce culte.

Amusant de voir comment le concept de la série est né. Vous mettez Todd Holland et Bryan Fuller dans une même pièce en plein brainstorming, et vous obtenez Wonderfalls. La pièce en question ? Une cuisine, où trônent fièrement des objets en forme d’animaux. Effectivement, ça serait marrant si ceux-ci se mettaient à parler... C’est d’autant plus marrant quand on pense à Jeanne d’Arc... et à un décor plus intéressant que la ville ou la plage (les chutes du Niagara, par exemple).
De là fusent les noms pour la série : the maid of the mist, animal cracker, the chachkey whisperer, normally insane, what ever happened to baby jane, voire même.... Joan of Niagara (Ca ne s’invente pas !). Et à force de se répéter que « something wonderfalls is happening », le titre est trouvé : ça sera Wonderfalls.

L’histoire ? Jaye Tyler, benjamine de la famille, 24 ans, vit dans un camping, et se retrouve vendeuse dans un magasin de souvenirs (Wonderfalls) situé au pied des chutes du Niagara. Bien que diplomée en philosophie, elle a pour supérieur hiérarchique « mouth-breather », bien plus jeune que lui, et surtout nettement moins diplomé. La vie serait-elle injuste avec elle ? Jaye n’a malheureusement pas d’ambitions.“She has really managed to create a stressless expectation free-zone for herself”.
Comme le soulignent ces phrases : “While their lives may appear aimless and desultory there’s nothing random about the choices the gen-Y non-winner makes. Everything they do is for a single purpose : to avoid engaging with the world around them. And subject is reluctant to make eye contact with children or the elderly.” “What about friends ? You want to choose people who aren’t much more motivated than you are. But you don’t surround yourself with total narcissists. Otherwise things start to be about something other than you.”
Jaye est le prototype de la fille intelligente qui sait ce qu’elle ne veut pas, et qui porte un regard différent de ses consoeurs. Son school-book ? Clubs : None. Sports : none. Honors : none. Ca veut tout dire !

Mais le show n’est pas articulé seulement autour de Jaye. Elle a un frère plus âgé (Aaron) qui vit encore chez ses parents et qui étudie la religion, une grande sœur (Sharon) avocate dont elle découvrira l’homosexualité au cours de scènes désopilantes, un mère (Karen) imbue d’elle-même et un père médecin (Darrin) qui a du mal à communiquer. Il faut dire que lorsque sa fille s’enferme dans sa chambre, on ne lui demande pas quand elle a eu son dernier orgasme !
”i know where you’re careless, it’s not because you don ‘t care. Theses things happen with you”

Le constat est simple, « Jaye » sonne bien différemment de Darrin, Aaron, Sharon, Karen...
Tout bascule lorsqu’un lion en cire dont la tête est déformée par la machine mold-a-rama, se met à lui parler. Dès lors, si elle suit les ordres des animaux en plastique, peluche, cire,... elle va transformer le destin des autres ... et le sien. Car toute la série est centrée sur le destin.
Dès l’introduction, où l’on nous conte l’une des 50 (fausses) légendes des chutes du Niagara. Pour les touristes, le fait que les indiens sacrifient la fille du chef pour plaire à leur dieu n’a rien de mensonger.
« I surrender to destiny ». Famous words.
Dès lors, Jaye ne pourra qu’obéir aux ordres : « I’m done fighting. From now on, i’m fate’s bitch ». Enfin...le problème c’est que ces ordres, elle répugne à les exécuter, vu les conséquences dramatiques qui en découlent. Et de plus, le message qui lui est adressé est suffisamment énigmatique pour lui donner différentes interprétations, sans compter que le timing de ces ordres n’est pas des plus précis ! « give it back to her » , « mend what is broken », « let him go », et j’en passe...

La série va donc suivre cette « destiny puppet » dans une ambiance cynico-comique irrésistible.
Bien entendu, différents arcs se rajoutent à chaque épisode, comme par exemple la meilleure amie de Jaye (Mahandra), la quête de spiritualité de son frère, le lien fraternel et la lesbiannité de sa sœur Sharon, l’amour de ses parents, et... une histoire d’amour avec le tenancier du bar. Histoire compliquée par son ex-femme, Heidi, interprétée par Jewel Staite (Firefly).

Mieux encore, l’univers développé est fortement cohérent. Le faux-flic qui s’occupe de la sécurité des magasins, le psychiatre qui vidéotape ses sessions, le livreur et son ex-femme, tous ces personnages semblent avoir leur vie dans leur série, et ne sont pas juste des faire-valoir d’un épisode. Ceci sans parler des innombrables animaux parlants qui font partie du quotidien de Jaye : lions, oiseaux, porc, lapins, serpents, âne, flamants roses, pingouins, ours, buffles, ... De quoi devenir cinglé quand ceux-ci se mettent à vous réveiller la nuit en chantant ! La série va d’ailleurs réfléchir sur le comportement de Jaye, au point que l’on peut se demander si « elle n’utilise pas les animaux pour éviter le risque d’interagir avec les humains » (Safety Canary)

La série ne révèlera jamais « qui » parle à Jaye, ou « pourquoi » on lui parle. Des pistes sont lancées, une réponse -non satisfaisante mais génialissemement drôle- donnée, et au final c’est bien mieux ainsi. Parce que la série n’est pas portée sur le mystère, mais sur ses personnages, terriblement attachants.

Et quel cast ! Peu de séries marchent instantanément, avec l’impression que tout est à sa place, et que le miracle est là. Cette série est un bijou de casting, et leur entente fait plaisir à entendre, notamment quand ils se mettent à chanter le générique (commentaires du dernier épisode de la série, sur DVD).
« I wonder wonder wonder why the wonderfalls... »
Caroline Dhavernas d’abord, dont le charme est irrésistible sur le petit écran que ce soit dans les scènes comiques ou les scènes shipper émouvantes. Mais aussi Katie Finneran, Tyron Leitso, Lee Pace, William Sadler, Diana Scarwid et Tracie Thoms (qualifiée de black Sandra Bullock par les créateurs de la série).

Et la réponse alors ?

Bref, vous l’aurez compris. Jusque là, ça en fait une très bonne série, au pire sympathique. Mais alors pourquoi parler de série culte ?

J’y viens, j’y viens.

L’une des raisons principales est sa mort prématurée. On pourrait même parler d’assassinat.
4 diffusions dans le « slot-time de la mort » et la série s’arrête. Caroline Dhavernas ne viendra même pas au Late Late Show de Craig Kilborn, écoeurée par l’annonce...
A quoi bon une promo pour une série que l’on vient d’enterrer ?
La Fox aura tué dans l’œuf un potentiel hors du commun. Non, je ne rappelerai pas l’ignoble abandon de Firefly l’année dernière. Je ne vais pas transformer cet article en brûlot anti-Fox même si les doigts me démangent.
Vous me direz, 4 épisodes c’est vraiment chaud pour juger de la qualité d’une série. Sauf que 13 épisodes existent...et que la qualité est non seulement très bonne, mais en plus constante. Les idées loufoques se succèdent, le rire et l’émotion est là, et on sort de la série avec le sourire aux lèvres et une « pêche d’enfer » comme dirait le voisin.
Wonderfalls, série morte-née est-elle pour autant destinée à rejoindre My so-called life, Firefly, Profit...?

A la vue des ventes des dvds, on peut raisonnablement être optimiste. Ce n’est certes pas un carton plein comme Firefly, mais Joss Whedon a une plus grande notoriété que Bryan Fuller.
Ce qui j’espère ne restera pas ainsi. L’un comme l’autre méritant une plus grande place à la télé. Depuis l’arrêt de Dead Like Me, autre grande série destinée à devenir culte, notamment.
Mais nous y reviendrons sûrement.

On se console tant qu’on peut en sachant que les 13 épisodes forment un tout cohérent, et qu’aucun arc n’est réellement en suspend à la fin. A la différence de l’insoutenable dernier épisode d’Angela, 15 ans, par exemple.
Mais... des sujets concernant la suite des aventures de Jaye et ses animaux commencent à sortir : internement psychiatrique, grossesse non désirée, plein de choses auraient du arriver...

De plus, le culte proprement dit continue de battre son plein : le site savewonderfalls.com est d’ailleurs largement cité par les créateurs, qui savent que sans cette communauté de fans les dvds n’auraient jamais vu le jour, et sans eux le monde pourrait passer à côté de Wonderfalls. Actuellement il y a un concours de fans suivi par Bryan Fuller himself, et il semble que la fan-fiction va réellement débuter. Nul doute qu’avec les dvds la communauté de fans va s’agrandir.

Car plus encore que les images, le talent des acteurs et la réalisation (qui permet à des scènes géniales de rester dans les mémoires), ce sont les dialogues qui font mouche et s’inscrivent d’ors et déjà dans le patrimoine des plus grands scripts tv.
Pour moi qui suis passionné de citations de séries tv, je ne résiste pas à l’envie d’en mettre quelques unes (Je vous préviens je suis gourmand). Après ça, nul besoin d’expliquer en quoi les dialogues sont cultes. Ca et le fait de savoir que supercalifragilisticexpialidocious compte 34 lettres...

“Sweetie, when was the last time you had an orgasm ?”
“I’ve change religions, for god’sake ! I’m not going to heaven now !”
“Screw the chicken ! I’m gonna save that’s bitch marriage !”
“No. It’s not an issue. It’s a full subscription.”
“Jesus was nice to prostitutes”
“You didn’t redecorate my room with zoo-theme wallpaper did you ?”
“I didn’t do anything wrong. I shouldn’t have to go to church.”
“- Stupid cow
- Selfish bitch”
“Meaninglessness in a universe that had no meaning, that I get. But meaninglessness in an universe that has meaning... What does it mean ?
- It doesn't mean anything”
“And i’d rather be a nobody that’s a somebody than a somebody that’s nobody or something. Point is, you suck !”
“I’m trying to save him by avoiding him so I could be with him. But I can’t go near him or I’ll destroy him. So if I could just manage to stay away from him then maybe we could be together. Please don’t repeat that back to me.”
“I don’t wanna be chosen. For this instance, I’m anti-choice.”
“- Many of the great spiritual leaders didn't even realize they had gift. Until they were called on to use them. St Paul was just a punk until he was blinded by the lights and Gandhi was just drunkin' and whorin' it up with his friends until he heard the cry of his people....
- And Neo was just a big geek until he swallowed that little red pill.”

Au final, c’est quoi la réponse à cette question ?

Avec des dialogues pareils, un cast parfait, des scenarii vraiment originaux et un sens du comique qui frôle le génie, nul doute que la série restera dans les mémoires. Elle dispose en outre d’une sortie en DVD zone 1 (avec sous-titres anglais), et ce serait un crime de passer à côté de ce chef d’œuvre.
Reste que sans un accompagnement des fans sur le long terme, elle risque de ne servir que de réservoir à idées pour les prochaines séries. Hmmm... Culte ? Vous avez dit culte ?

Eclair