Aussi, je ne me suis lancé dans aucune nouvelle série cette saison. Bref, mon régime sériel est composé principalement de Law and Order : Special Victims Unit, Sleepy Hollow et Agents of S.H.I.E.L.D.
C’est l’équivalent d’un régime alimentaire à base de brocolis, kebabs et Coca.
Suivre l’un des drama des plus intelligents à l’antenne et deux séries bancales mais qui me bottent n’est peut-être pas la meilleure combinaison possible mais elle me va parfaitement.
Et la raison pour laquelle les séries plus pertinentes ne me manquent pas vient de ma découverte de deux émissions, Full Frontal et Join or Die, les deux programmes qui m’enthousiasment le plus de semaine en semaine.
Je n’ai jamais été un grand consommateur de talk-shows américains, Jon Stewart, John Oliver et Seth Meyers peuvent me convaincre de les suivre quelques semaines, mais je me lasse très vite. Ce n’est pas le cas de Samatha Bee et Craig Ferguson.
Join or Die et Full Frontal sont très différents. Le premier est une émission où Craig Ferguson aborde une question historique (quelle drogue a eu le plus d’impact sur le monde ?, qui était le pire dictateur ?, quelle est la secte la folle de l’histoire ?), s’entoure de trois invités, un expert sur le sujet, un humoriste et une célébrité et débattent de la pertinence de six propositions avant qu’un vote du public établisse le gagnant.
Le second est un talkshow où Samatha Bee revient sur l’actualité de la semaine souvent à travers des sujets qui donnent la part belle à la condition féminine ou aux préjudices humains.
D’apparences très différentes, au fond, il s’agit de deux émissions très drôles qui expriment une réflexion, souvent très difficile, sur notre société.
Full Frontal
Réduire Full Frontal à une émission qui exprime une opinion pro féministe serait extrêmement réducteur.
Samantha Bee s’intéresse aux injustices et à l’hypocrisie qui les entoure de manière percutante. Elle se focalise souvent sur le fait que la moitié de la société (les femmes) n’a pas les mêmes droits que l’autre (les hommes).
Cette injustice, peut-être la plus grande, parait pourtant invisible tant elle est peu abordée et quand elle l’est provoque des réactions très virulentes (quand ce n’est pas de l’indifférence).
Mais ce problème, comme cette émission, ne concerne pas que les femmes. Il y a de fortes chances que vous fassiez partie d’une minorité que ce soit par votre identité sexuelle, vos revenus, votre origine, votre sexualité ou votre condition physique ou mentale. Si la société n’est pas capable, à défaut de la régler, de l’examiner et tout simplement d’écouter ce qui est l’une des plus grandes injustices d’un point de vue purement statistique (plus de femmes que d’hommes), à savoir la condition des femmes, nous ne serons pas capable d’avancer et d’honorer les règles d’égalité, liberté et fraternité qui régissent une démocratie.
Avant de pouvoir régler un problème, il faut y faire face. Avant d’y faire face, il faut le comprendre. Et avant de comprendre, il faut écouter. Tout simplement. S’assoir, accorder son attention à un message et des idées qu’on peut, de prime abord, ne pas partager. Et l’humour est un moyen efficace de se faire entendre.
Join Or Die
Craig Ferguson opère d’une manière similaire.
Alors que je m’attendais à voir une émission drôle et originale sur l’histoire, Join or Die utilise le "thème de la semaine" pour simplement mettre en place un débat sur la société actuelle.
Le titre d’ailleurs est un rappel à l’adage historique américain mais il s’agit aussi de leitmotiv de l’émission, à savoir qu’on se doit de rejoindre le débat ou de mourir.
Chaque émission est, bien sûr, informative mais elle permet d’arriver d’une manière neuve sur un débat de société.
C’est dans Join or Die qu’on a pu entendre le débat le plus pertinent sur la toxicomanie à la télévision en ce début d’année. En débattant de la drogue qui a le plus marqué l’histoire, le panel explore l’idée que la drogue en elle-même est neutre. La drogue se fiche de savoir si, sous son emprise, vous tuez votre voisin ou composez une belle symphonie, le problème vient de pourquoi l’utilisateur la prend, et dans quel cadre. Il en découle une discussion sur la répression, son impact géopolitique, et sur la manière de catégoriser les drogues (l’actrice Maria Bello met en avant l’idée que le sucre est une drogue bien plus dangereuse que celles choisies dans le panel dans un argumentaire ludique).
En l’espace de quelques semaines, les deux émissions ont abordés un sujet similaire sous deux angles complémentaires : l’extrémisme athée chez Samantha Bee et la religion chez Craig Ferguson avec une vision saine et sensée sur l’athéisme. Ces deux émissions permettent de voir notre société d’une manière différente, drôle, inquiétante et ludique. Elles choquent mais font rire, aident à se forger une opinion et apprennent à nous faire écouter l’autre. Et c’est ce qui manque actuellement dans les séries.
Entendre une vraie opinion sur un sujet qui nous touche tous devient très rare !
Le fait que Special Victims Unit aborde les réflexions sur des thématiques importantes comme la réinsertion des délinquants,le traitement des personnes transgenres ou le consentement lors de l’acte sexuel pour des adolescents avec peu d’expérience fait de la série le compagnon idéal de ces deux émissions. On a beau se trouver dans une époque où il y a un grand nombre de programmes à l’antenne, mais la part de séries qui poussent à la réflexion n’est pas assez significative. Un peu comme les dramédies ont gratté une grande partie du champ d’action des comédies, ces talk shows ont repris une partie du rôle de miroir de la société qu’on pouvait trouver dans des cop show bien ficelés comme Homicide ou NYPD Blue ou des dramas humains intimistes comme Once and Again.
Et comme vous vous devez d’ajouter fruits et légumes dans votre alimentation, il est fortement conseillé d’ajouter ces émissions dans votre régime télévisuel.
