Critique des meilleures nouvelles séries télé (et des autres)
Regarde critique sur les séries TV actuelles

Law & Order : SVU - Quand l’affaire DSK passe à la sauce série dans Law & Order

Scorched Earth: Troussage de domestique 2.0

Par Jéjé, le 24 septembre 2011
Par Jéjé
Publié le
24 septembre 2011
Saison 13
Episode 1
Facebook Twitter
"New York : Unité Spéciale" ? On ne regardait plus depuis des années, mais on y a tous pensé le 15 mai. Ne dites pas le contraire !

Previously on pErDUSA

Ma Semaine à Nous 166 - A pErDUSA, on reconnaît que la série dont le renouvellement nous a fait le plus plaisir, c’est bien Law & Order : Special Victim Unit. Si, si...Avec le président du FMI qui s’est fait arrêté dans un avion d’Air France par la brigade des « Sex Crimes » du NYPD parce qu’il est accusé d’avoir séquestré et d’avoir tenté de violer une femme de ménage, on a trop hâte de voir l’épisode que ça va donner l’année prochaine avec Steve Carrell dans le rôle de DSK et Julianna Marguiles dans le rôle d’Anne Sinclair.

Le jeu des sept grosses similitudes

Il n’a pas fallu attendre longtemps, car c’est avec son season première que SVU s’empare de l’affaire DSK et qu’ultime survivante de la galaxie Law & Order, elle perpétue la marque de fabrique du "ripped from the headlines" de la série originale.

Dans cette dernière, le fait divers était souvent un prétexte à des intrigues judiciaires différentes de la réalité et surtout une façon facile de promouvoir un épisode. J’avais cependant bon espoir que SVU s’empare de l’histoire sans complexe vu son passé récent d’écriture à la truelle.
Car, pour moi, peu importait la qualité de l’épisode, ce que je voulais, c’était voir la transposition la plus large possible de l’affaire à l’écran.

Et ma nouvelle passion pour les remakes a été comblée au delà de ses espérances.

Ce prologue… est exceptionnel.

Il débute par un plan sur un sexagénaire qui noue sa cravate avec application face à un miroir. Il regarde des traces de griffures sur son coup. En fond sonore, un reportage sur la crise de la dette en Europe.

Ca sourit pas beaucoup, tout ça !

Le directeur de casting mérite un Emmy.
Les gars du maquillage aussi.
Et l’acteur aussi. Franco Nero, un italien pas vraiment connu qui a joué dans des films de Bunel et fait un méchant dans un Die Hard.
Hop, trois Emmys.
De suite.
Maintenant.
Alors même que l’acteur porte un bouc, la seule expression de son visage dans ce plan et ses yeux, avec l’un toujours un peu plus fermé que l’autre, font qu’en une micro seconde, on voit DSK à l’écran !
Les scènes se succèdent ensuite dans un rythme effréné : l’homme marche dans un couloir d’hôtel, une femme de chambre sort d’une chambre en appelant à l’aide, un employé de l’hôtel contacte la police, l’homme déjeune avec l’un de ses enfants, Cragen (le commissaire) informe ses troupes de la brigade des crimes sexuels de la situation , l’homme se rend compte dans une limousine qu’il a oublié son ordinateur portable, les flics apprennent qu’il se dirige à l’aéroport, il s’installe dans son siège d’avion, il est arrêté par Munch et Finn !

Générique.

On l’a tous imaginé cette scène !

C’est la mise en images presque parfaite de la version que chacun d’entre nous a pu construire au fur et à mesure des informations qui ont déferlé dans les médias à partir du 15 mai.

La seule dissonance avec l’histoire DSK racontée partout dans le monde concerne la nationalité du principal protagoniste. Et quand on transforme un Français en Italien dans le contexte d’une histoire de sexe, de pouvoir, de "charme" et de domination masculine, on affiche une volonté de s’amuser un peu finement avec les notions de fiction et de représentations. (Je souris rien qu’à écrire la réplique d’ouverture de Cragen "Le suspect s’appelle Roberto Distasio, il est pressenti pour devenir le prochain premier ministre italien" !)

J’ai adoré les modifications tellement transparentes des faits. Distasio est le chef du "global economic trust", il redoute une manipulation de Berlusconi, qui ne reculerait devant rien pour le faire tomber ("He’s the Geppetto, the one who pulls the strings"), la femme de chambre vient du Sud Soudan…
Tout comme les références encore plus directes : "My wife says you’re the best" (Distasio à son avocat), "Some house arrest. The cat’s got a screening room" (Finn, à propos de l’appartement que loue Distasio après avoir été libéré sous caution.)
Ou bien les discussions sur le sexe et le pouvoir par les flics de la brigade, du niveau assez caricatural des dernières saisons de SVU, mais qui valaient largement les innombrables éditos des journalistes sérieux de chez nous.
Tout ça, presqu’autant que les reconstituions des images qui ont (trop) souvent traversé l’Atlantique pendant des mois.

La chemise, la chemise...

Là où les scénaristes m’ont vraiment surpris, c’est à partir du moment où l’intrigue de l’épisode s’éloigne apparemment des faits. Les charges ne sont pas abandonnées malgré les mensonges de la femme de ménage. Distasio n’est pas libéré. Le procès a lieu. Et tout ce qui passe reste construit à partir des détails de l’affaire DSK sortis dans la presse.
Le témoin surprise de la défense n’est autre qu’une version de l’homme avec lequel Nafissatou Diallo dit avoir élaboré et répété son histoire (apparemment) fausse de viol collectif en Guinée. Le procès se concentre comme tous les observateurs le prédisaient sur les mensonges de l’accusatrice.
Le verdict qui tombe semble plausible. Dans SVU, Distasio est inculpé de seulement trois chefs d’accusations : viol au premier degré, agression au deuxième degré et "Unlawful emprisonnement in the second degree" (séquestration illégale), ce dernier étant le seul commun avec les sept qui touchaient DSK.
Le jury est bloqué pour le premier. Il décide l’acquittement sur le deuxième et la condamnation sur le dernier, le moins grave, celui dont la peine maximale correspond à une année d’emprisonnement.

"Got to come on the Mayflower to make a rape charge stick." (Finn)

Cette fin évite que la série donne une vision angélique du système judiciaire américain, vision qui aurait fait tâche en regard de l’abandon des charges du 23 août dernier, et conclut de façon vraiment satisfaisante l’intrigue judiciaire de l’épisode et la réinterprétation fictionnelle de l’affaire DSK, d’autant plus que le scénario a dû être terminé au mois de juillet !

Une seule réplique pose problème. Celle prononcée par Alex Cabott, peu après le générique, quand elle arrive pour la première fois à la brigade.
"So another DSK…"
Euh, pardon ?
On n’est pas complètement débile, on avait compris la référence. Mais formulée de cette façon, cette question indique au spectateur que l’intrigue de l’épisode se déroule dans une ville qui vit l’affaire DSK en parallèle ? Or, il n’en sera plus jamais question. De plus, si l’affaire DSK fait partie des références des personnages, dans ce cas-là, ils refont les mêmes erreurs aux mêmes moments...
Il faut simplement décréter que cette réplique n’existe pas.
Comme la saison 2 de Friday Night Lights.

Un peu d’humour

Mais c’était un bon épisode de SVU ou pas ?

Pour les fans de SVU, le véritable enjeu ne se situait pas au niveau de l’affaire de la semaine, car après douze saisons sous le sceau du duo Benson-Stabler, cet épisode est le premier sans Chris Meloni.

Je n’ai suivi que très ponctuellement la série après la cinquième ou sixième saison, lassé d’un duo qui ne laissait aucune place aux autres personnages et d’intrigues uniquement policières axées sur les rebondissements les plus invraisemblables et les plus racoleurs. (Je vous conseille l’épisode complètement débile avec Isabelle Huppert, qui joue une mère divorcée qui kidnappe son fils, qui meurt, et où elle finit par prendre Sharon Stone en otage à la morgue). A mon avis, le départ de la brute épaisse seulement bonne à faire voler les tables et à casser du pervers lors des interrogatoires, est la meilleure chose qui pouvait se produire.

Pour la première fois depuis bien longtemps, j’ai vu un ensemble show qui utilise la totalité de sa distribution (je crois que je n’avais plus vu Munch depuis 2002) J’ai pris plaisir à une partie judiciaire ample et équilibrée. Les retours d’Alex Cabott et l’arrivée de Mike Cutter (de Law & Order, tout court) pourraient presque me convaincre de suivre plus régulièrement, d’autant que les audiences désastreuses de cet épisode suggèrent fortement que cette treizième saison sera la dernière. Je vois bien la série réussir une sortie à la Urgences, en revisitant régulièrement ses anciens personnages tout en réussissant l’intégration de petits nouveaux.

Jéjé
P.S. J’ai hâte de voir ce que va faire Rubicon de l’affaire Karachi !