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The Real Jéjé of pErDUSA - A la recherche de séries gays en attendant Looking

N°17: Looking for The Outs

Par Jéjé, le 14 janvier 2014
Par Jéjé
Publié le
14 janvier 2014
Saison Prise
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Le 19 janvier, Looking va commencer sa diffusion sur HBO, dans, il me semble, l’ombre du lancement True Detectives (précédée de critiques dithyrambiques et unanimes) et de la nouvelle saison de Girls. Son arrivée discrète n’a, à première vue, rien d’étonnant. C’est même plutôt assez rassurant. Mettre en scène le quotidien contemporain de personnages gays à notre époque n’a franchement plus rien de précurseur, ni de polémique. “C’est même presque banal”, me suis-je dit.

Avant que je ne commence à chercher quelle pouvait bien être la dernière série que j’avais vue (ou que j’aurais ratée, pour le coup) dans le genre.

Récemment, il y a bien eu plein de comédies avec des gays en personnages principaux : The New NormalALL, PartnersALL, Sean Saves The World>1.10 sur les networks US, ViciousØ et SirensALL en Angleterre.
Des mini-séries bien tragiques sur la vie homosexuelle dans les sombres années 1980 : Torka Aldrig Tårar Utan HandskarØ (Suède, 2012), Sa Raison d’EtreALL (France, 2008), et il y a un peu plus longtemps The Line of BeautyP (Angleterre, 2006).
Glee>5.08 aussi (un genre à part à elle toute seule).
On a même eu des versions gays des Real Housewives (The A-List : New YorkALL et The A-List : DallasALL).
Mais des séries un brin réaliste centrée sur des gays, rien depuis 2005. Rien depuis la fin de l’horrible version US de Queer As Folks1 + some de Showtime et la très confidentielle Noah’s ArcP de Logo.

Cette constatation m’a un peu attristé mais m’a surtout donné l’envie irrépressible de voir des fictions dont les personnages et les situations raisonneraient chez moi de façon un peu plus personnelle que ceux d’un commissariat des années 80 (Hills Street Blues) et qu’une productrice de journal télé des années 70 (Mary Tyler Moore), mes deux obsessions du moment.

Je me tournai alors un temps vers le cinéma (je sais, ça n’a rien de glorieux).

Et commençai par Week End (Angleterre, 2010) dont le DVD traînait chez moi depuis longtemps.

Formidable chronique d’un amour de deux jours, le film explore le thème de la réalisation du couple et des relations gay dans une époque de tolérance plus grande (en apparence, en tout cas). Glen, le personnage le plus à fleur de peau, se fait la voix de questions importantes : existe-t-il une spécificité des relations homosexuelles ? La recherche d’une vie dans l’indifférence de la société conduit-elle les gays à adopter des schémas normés inadaptés à leur épanouissement ?

Film de réflexions et de sentiments, son visionnage m’a été en partie gâché par les séries télé… et le fait que je n’arrivais pas à me souvenir dans laquelle j’avais bien déjà vu l’acteur principal. 
Surtout q’une fois que je me suis enfin rappelé qu’il était le nouveau soupirant de Lady Mary dans la dernière saison de Downton AbbeyALL, mon esprit est parti vagabonder dans le Yorkshire des années 20. J’ai repensé à Thomas, à mes regrets devant la peinture bien trop progressiste et anachronique de l’acceptation son homosexualité par l’ensemble des personnages. Garrow’s LawALL, série historico-judiciaire (également britannique), avait eu un très joli épisode sur l’homosexualité au XVIIIème siècle, lui beaucoup plus crédible sur l’état d’esprit général de la société de l’époque dépeinte. Je me suis dit que je suivrais mini-série historique sur Oscar Wilde ou le frère de Louis XIV avant de me rendre compte que Russel et Glen étaient sur un quai de gare et que, le week-end était déjà terminé.

Je choisis alors, pour éviter que de trop nombreuses “mais je l’ai vu où, lui ?” de trop parasiter mon prochain film, de chercher là où les références aux séries ne pouvaient pas être plus évidentes.

Je trouvai mon bonheur avec The Broken Hearts Club : A Romantic Comedy, un film de 2001, écrit et dirigé par Greg Berlanti pré-Everwood, pré-Brothers & Sisters, pré-Political Animals, produit déjà par Julie Plec, pré-Vampire-Diaires. Ce film brosse le quotidien d’un groupe d’amis gays de moins de trente ans à Los Angeles, composé tenez vous bien de Timothy Olyphant pré-Deadwood/Justified, de Dean Cain post Lois & Clark, d’un Zach Braff décoloré et musculeux pré-Scrubs, de John Mahoney per-Frasier… Et avec Mary McCormack post-Murder One/pré-The West Wing, en grande soeur lesbienne [1] !
L’ombre de Sex & The CityALL plane de façon plus qu’évidente sur cette chronique narrée forcément par une voix-off (celle assez perchée de Timothy Olyphant), découpée en plusieurs segments introduits par des cartons explicitant la définition d’un mot spécifique des relations amoureuses et (homo)sexuelles dans la grande ville.
Une fois que l’on s’est habitué au jeu assez outré et aux manières lourdement efféminé de la distribution, on peut y trouver quelques bonnes répliques et quelques analyses assez justes sur l’immaturité émotionnelle de certains gays. L’ensemble reste très naïf (pour ne pas dire mièvre) et assez convenu.

Le gros point positif de The Broken Hearts Club : A Romantic Comedy fut de me rappeler que mon salut ne pouvait venir que des séries.
Et de pErDUSA, forcément.

Je me rappelai que l’une des dernières fois où Blackie avait évoqué son amie Jane Espenson, c’était pour parler de Husbandss1, une websérie centrée sur un couple gay incongru qui tentait de faire fonctionner leur relation construite principalement sur les bases d’un mariage très alcoolisé à Vegas.
A l’époque, j’avais détesté ces courts épisodes de moins de deux minutes à peine (dont quinze secondes d’un générique criard abominable). Le point de départ me semblait trop artificiel, les gags assez lourds, ça ressemblait à un one-man show mal reformaté en micro-épisodes de série télé. La laideur des images fut la goutte d’eau qui m’empêcha de dépasser la première “saison” de cet objet pourtant unanimement célébré et scella provisoirement mon incursion dans le mondes des web-séries.

Mais l’époque était critique. Il fallait y retourner.

Je découvris que trois web-séries américaines centrées sur des personnages gays (tous de moins de trente ans) avaient eu un certain succès au cours des deux dernières années : Hunting Season, Easiders et The Outs.

En bon élève, je suivis cet ordre chronologique de diffusion, porté aussi par le fait que Hunting Season semblait des trois celle avec la photo la plus “professionnelle” (je blâme Husbands pour m’avoir fait accorder autant d’importance à ce critère un poil superficiel).

Et effectivement, de la photo aux décors, des plans généraux de la ville aux scènes bondées d’extras, les images n’ont rien à envier aux séries actuelles.
Hunting Season a été créée par un certain Jon Marcus, producteur depuis une dizaine d’année sur des films indépendants (et d’une série télé, Scoundrels, avec Virginia Madsen, diffusée par ABC à l’été 2010), dont il a produit et réalisé l’ensemble des 8 épisodes (et en a écrit une partie).
Elle suit Alex, un jeune chroniqueur people new yorkais qui décide de documenter sur un blog anonyme (et donc en voix off) sa vie sentimatalo-sexuelle et celle de ses trois amis (le romantique fleur-bleue, le sex-addict et l’intello complexé).
A ce stade, on n’est même plus sous l’influence de Sex And The City, on est dans le décalque absolu. La durée très courte des épisodes (une dizaine de minute environ) pourrait expliquer le recours à ces types emblématiques de personnages, forcément familiers, si la série voulait garder la majorité de son temps pour développer un discours un peu original, éclairant et informé sur la "communauté" gay new-yorkaise contemporaine. Malheureusement, Hunting Season n’aligne que les platitudes les plus usées sur la vie homosexuelle urbaine. Pire, la réflexion générale qui sous-tend l’ensemble des épisodes est qu’il est quand même plus facile pour s’amuser d’être jeune et bien foutu...
J’ai bien cru dans l’épisode 5 que, lorsqu’un des amis d’Alex montre aux autres son profil Manhunt où il mentionne explicement qu’il ne souhaite coucher qu’avec des blancs ou des latinos, la série allait prendre en épaisseur en s’intéressant à une conséquence raciste du modèle "supermarché assumé" de la drague sur Internet. Mais rien, il s’agissait seulement de créer un peu de tension avec l’asiatique du groupe, avant qu’Alex ne conclue que, Internet ou pas, "on peut avoir une super soirée new yorkaise sans sortir de chez soi".
La nudité frontale récurrente des héros constitue sa véritable seule spécificité, mais c’est loin d’être suffisant pour justifier l’existence de Hunting Season (il faut dire que je n’ai jamais bien saisi l’intérêt du porno soft), dont l’inanité de l’entreprise m’a franchement laissé perplexe.

J’enchaînai sans attendre avec Eastsiders.

J’accueillais presque avec soulagement ses images ternes et sa distribution très réduite (avec une moyenne de cinq acteurs par épisode). Je me disais que le fond viendrait contrebalancer l’absence de moyens et que la créativité naîtrait de la contrainte.
Las, Kit Williamson, acteur principal, scénariste et réalisateur des 9 épisodes (que l’on a pu apercevoir en copywriter débutant dans quelques épisodes de la dernière saison de Mad Men) semble avoir confondu minimalisme et nombrilisme.
Cal et Thom sont deux jeunes hommes vivant à Los Angeles, en couple depuis plusieurs années mais dont la relation s’est retrouvée fragilisée par les tendances adultères de Thom. On fait leur connaissance, si l’on peut dire (parce que c’est là que le bas blesse) à un moment de forte crise : Cal a découvert l’existence d’un troisième homme.
Ces personnages diffèrent certes des stéréotypes des jeunes gays butineurs sexuels vus précédemments. Ils ne ressemblent pas à d’autres [2], le problème, c’est qu’ils ne ressemblent à rien.
Ils sont juste gays. C’est tout ce qui les définit. Et leur crise triangulaire. Rien d’autre.
C’est pas compliqué, on a l’impression d’assister à une très longue engueulade entre un couple d’inconnus dans le métro.
C’est au départ un peu gênant, ça devient très vite pénible. C’est surtout très vain.
Ces personnages, uniquement définis que par leur relation triangulaire, sans passé, sans contexte, font que le fait qu’ils soient trois hommes n’est jamais interrogé. Les dialogues pourraient être exactement les mêmes si l’un des trois était une femme.
A coté de ça, le naturalisme cru dans lequel est sensée évoluer cette histoire est vite mis à mal par des rebondissements soapesques dignes de Melrose Place (Cal se met par exemple à coucher avec l’amant de son compagnon après deux ou trois épisodes…)
Rien ne fonctionne donc pendant le deux tiers de la série.


Jusqu’à ce qu’on soit (enfin) réveillé par Kathy, le personnage de la bonne copine de Cal. Elle vivait ses drames personnels et relationnels en périphérie de l’histoire, et dans le septième épisode, alors qu’elle souhaite les évoquer avec lui, excédée par son absence d’écoute, elle le met face à sa lâcheté et son auto-apitoiement.

Avec cette scène savoureuse, Eastsiders prend un peu de hauteur : elle pointe avec justesse les ravages du nombrilisme et de l’absence de recul dans laquelle peut faire plonger une relation amoureuse peu satisfaisante, et fait exister Cal également dans une relation d’amitié. Elle ne rattrape en rien les six épisodes précédents sans point de vue et ne donne pas non plus le courage à la série de poursuivre l’exploration avec moins de complaisance de l’immaturité sentimentale de ses personnages principaux. En revanche, elle donne à Kathy une ampleur qui permet à sa relation sentimentale de prendre une bonne place dans la série et de contrebalancer la relation initialement centrale.
Je me prenais à rêver d’une deuxième saison où elle deviendrait le personnage principal tandis que Cal ne reconstruirait discrètement dans un coin.
Je terminais donc Eastsiders sur une note d’espoir, mais sans avoir trouvé ce que je cherchais.

Je lançais The Outs.

Après le premier épisode, j’avais confiance.
Au bout de trois, je savais que j’étais arrivé au but.

Enfin [3].

Jéjé
P.S. Beaucoup plus sur The Outs, très prochainement... J’ai fait le plus simple, j’ai dit du mal. Les difficultés commencent.
Notes

[1Oui, Drum, je te prêterai le DVD.

[2Quoique… Le personnage principal est un aspirant photographe assistant dans une galerie d’art, un autre type du cliché du “jeune urbain”

[3L’intégralité des épisodes est disponible sur le site officiel de la série, ne perdez pas de temps.