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Shameless - Critique des débuts du remake de la série britannique du même nom

Shameless: C’te honte !

Par Jéjé, le 12 janvier 2011
Par Jéjé
Publié le
12 janvier 2011
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Showtime a un grand sens de l’humour : pour accompagner Episodes, leur série sur l’impossibilité de faire à Hollywood un bon remake d’une série anglaise iconique, le network propose… le remake de Shameless, une série anglaise iconique.

Alors, Showtime plus fort que Hollywood ?

Qu’est-ce que c’est ?

Shameless existe en Angleterre depuis 2004 où elle a été des son lancement un énorme succès critique et publique.

Il s’agit d’une chronique familiale aux allures de conte politiquement incorrect où l’on suit les péripéties de cinq frères et soeurs livrés à eux-mêmes, aux côtés de leurs voisins et de leurs amis, dans l’équivalent anglais d’une cité HLM. Leur mère étant partie depuis des années, leur plus grand fardeau est leur père, dont ils doivent souvent gérer les bévues alcoolisées.

Les seuls, les vrais, les uniques

C’est drôle, c’est attendrissant, c’est hilarant, c’est choquant, c’est anglais, c’est génial !

Et ça, c’est le remake américain.

C’est avec qui ?

Shamless US, c’est avec William H. Macy, l’horrible mari de Felicity Huffman qui la laisse se détruire sur ABC depuis des années et se transformer en monstre boursouflé de botox et Joan Cusack, éternelle abonnée aux rôles de bonne copine rigolote dans des films insignifiants.

Et tout un tas de petits jeunes acteurs du moule hollywoodien aux dents bien blanches et bien alignés…

Pour "remplacer" Anne-Mary Duff et James McAvoy, le couple phare des premières saisons du Shameless anglais, la directrice de casting a eu l’idée géniale de prendre le couple phare de… Dragon Ball Evolution

Vraiment !

C’est de qui ?

De Paul Abbott, le créateur de la série originale de Channel 4, à qui l’on doit également State of Play, une mini série (encore) géniale d’espionnage, qui avait fait l’événement sur la BBC en 2003, et qui a eu (elle aussi) le droit à un remake (au cinéma cette-fois) américain.

Et de John Wells, un gars quand même bien sous tout rapport, producteur d’Urgences et de Southland, sauveur de The West Wing après qu’Aaron Sorkin a tout fait pour essayer de casser son jouet en partant.

Ca parle de quoi ?

D’exactement la même chose qu’Episodes.
A savoir l’impossibilité (et surtout l’inutilité) de faire un bon remake d’une série anglaise.

Et c’est bien ?

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?

Je ne peux pas oublier que j’ai vu l’épisode anglais quatre ou cinq fois dont une pas plus tard qu’hier.

J’adore la version originale de Shameless, c’est ma série anglaise préférée. Pas celle que je considère comme la meilleure ou la plus brillante mais celle pour laquelle j’ai le plus d’affection.
Alors je suis un peu comme un fan de Retour vers le Futur à qui on présenterait la version 2010, décalquée scène par scène du film de 1985, avec Shia Labeouf en Marty McFly et Betty White en Emmet Brown… Mais ok, on peut quand même discuter...

Je suis surpris que Abbott et Wells aient pris la décision pour ce pilote d’en faire un quasi décalque. C’est évidemment gênant pour ceux qui connaissent la version anglaise et qui ont l’impression d’avoir un script simplement rejoué par de moins bons acteurs mais c’est surtout que la description sociale de la série ne fonctionne pas. Elle n’est pas adaptée à la situation américaine.
Les petites maisons des cités ouvrières anglaises (les council estate) n’existent pas aux Etats-Unis, ce ne sont pas les mêmes types de prestations sociales.
Il est assez pénible de constater de plus que la maison est beaucoup, beaucoup plus grande que son modèle anglais, beaucoup mieux meublée, peinte avec des couleurs chaudes… Avec ça, l’ancrage social prend un drôle de coup : on se rapproche plus de la vision de l’immobilier décrite dans Friends que de l’autre côté de l’Atlantique.
Et ce ne sont pas les scènes inédites (il y en quelques unes, puisque cet épisode est dix minutes plus long que son grand frère) qui aident à créer une illusion de réalisme : Fiona travaille dans un fast food et fait des ménages dans un motel, et alors ? Ca leur permet d’avoir une maison de 250 m2 à côté d’un métro à Chicago ? Un chien pisse sur leur petite barrière ? Heu… C’est donc un milieu social très dur, c’est ça ?
L’environnement dans lequel vivent ces personnages manque ainsi vraiment de crédibilité.

La distribution a également sa part de responsabilité dans ce décalage entre les intentions de la série et ce qui se passe à l’écran. Et je ne parle même pas de la qualité du jeu des acteurs, qui en plus, dans l’ensemble, n’est pas si mauvaise (exceptée pour Justin - Sangoku - Chatwin qui ferait passer Chace Crawford de Gossip Girl pour Paul Newman).
Tous les acteurs sans exception ont des corps de riches… Des torses développés par les exercices de personnal trainers, des ventres aplatis par des régimes à base de protéines bio, pas un gramme de graisse ne dépasse nulle part. Dans Shameless UK, les filles sont potelées… Comme de vraies Anglaises, vous dirait Feyrtys. Là bas, l’actrice qui incarne Karen, la fille de Sheila, était un peu ronde (au début), avec de bonnes joues et une vraie gouaille. Aux USA, c’est le sosie d’Emma Waston ! Et moi, je n’y crois pas qu’Hermione se mette à genoux pour sucer le premier venu sous la table…

Mais le plus grave, à mon sens, ce sont les deux scènes rajoutées outre celles de "Fiona au travail"…

1) Dans la scène où Steve se révèle être un voleur de voiture, dans les deux "versions", tout est identique jusqu’à prenne le poignet de la serveuse pour voir l’heure qu’il est.
UK : La serveuse lui dit qu’il est temps de mettre sa veste. Dans le plan suivant, il sort du restaurant avec un veston de voiturier et, on le comprend, à ce moment-là, va voler la voiture du client qui arrive.
US : Il demande à la serveuse si "il est en pause". Elle lui dit bientôt. Il sort de sa poche une enveloppe qu’il donne à la serveuse. Musique à la Ocean Eleven. Plan sur le voiturier qui prend sa pause. Arrêt sur image au moment où il enlève sa veste. La serveuse donne alors la veste à Steve. Il sort. L’écran se coupe en deux comme dans 24 et on le voit voler la voiture.

2) Dans la scène où Ian et Fiona discutent dans le salon alors que Franck est allongé, ivre mort par terre, Ian demande à sa soeur si elle n’en a pas marre de s’occuper de tout le monde. Elle lui dit que c’est agréable de se sentir désirée. En désignant Franck, il lui dit que c’est un boulot à vie et se lève.
UK : La caméra fixe le visage de Fiona qui montre un grand désarroi suite à cette révélation. Puis on passe à un plan où elle regarde son père, toujours inconscient par terre. Fin de la scène.
US : Fiona se met alors quasiment à pleurer, se reprend, se lève et donne un coup de pied à son père. "Get up !" Elle continue à lui hurler dessus. Elle s’arrête, s’agenouille, prend le bras de son père et la met sur son épaule en prenant la voix de son père. "Good job Fiona. I don’t know how I could do thaï without you. Thanks for tour hard work ?." Elle se répond "Tou’re welcome Dad, my pleasure"… Le tout avec une petite musique à la guitare !

Abbott comme Wells n’ont manifestement pas confiance en leurs spectateurs américains pour leur infliger ses deux rajouts explicatifs. Le spectateur de Showtime a-t-il vraiment un QI plus faible que celui de Channel 4, la chaîne de Big Brother UK ?!

J’étais prêt subir une version un peu plus sucrée de Shameless , un peu moins crédible pour voir si en cours de saison la série allait trouver sa propre voix et sa propre direction (un peu à la The Office) mais me faire prendre pour un débile, j’ai beaucoup plus de mal…

Allez, ce n’est pas si grave. La saison 8 a commencé ce lundi sur Channel 4 avec un épisode par soir de cette semaine puis une dose hebdomadaire pour 22 épisodes ! Et la série est déjà renouvelée pour une neuvième saison…
Oui, c’est pas si grave ce truc sur Showtime.

Jéjé