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Spartacus - Présentation enthousiaste des premières saisons de la série

Introduction à la Saison 3: Jupiter’s cock !

Par Jéjé, le 24 juillet 2012
Par Jéjé
Publié le
24 juillet 2012
Saison 3
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Cet été, la rédaction de pErDUSA revient sur les moments marquants de l’année série écoulée, à travers une succession de billets estivaux plus courts, plus faciles à digérer, parfaitement adaptés à la saison. Parce que, vraiment, on ne voudrait pas que vous passiez trop de temps devant un écran à cause de nous.

Bon sang ! En description de ce qui, pour moi, est l’un des meilleurs dramas à l’antenne, on ne trouve sur pErDUSA que quelques blagues sur son côté "porno-soft". C’est entièrement de ma faute, je n’en ai quasiment pas parlé.

Je profite donc de l’été pour me racheter, et il n’y a pas de temps à perdre. La prochaine saison de Spartacus sera la dernière, le monde doit enfin doit dépasser les à-priori qui l’entoure et prendre conscience qu’il ne peut plus passer à côté d’une des séries les plus abouties et les plus jubilatoires de ces dernières années.

En effet, malgré son succès d’audience pour la chaîne Starz, de l’avis général (si jamais ça signifie quelque chose), Spartacus est considérée, au mieux, comme une réussite mineure et, essentiellement, comme un "guilty pleasure" amusant.

— I have done this thing because it is just. Blood demands blood. […] I would not see another heart ripped from a chest, or breath forfeit for no cause. (Spartacus)

Ce gros malentendu repose, pour une grande partie, sur sa très grande astuce formelle, qui pour raconter l’histoire de l’esclave-chef-de-guerre, reprend le style bd ultra violente de 300, rompant ainsi avec la tradition des reconstitutions minutieuses et onéreuses, supposées fidèles, des séries historiques des grandes chaînes du câble, qui ont atteint leur apothéose avec Rome (et tradition dans laquelle s’inscrit encore Game of Thrones).

Et CGI fuerunt

Ce choix esthétique radical va demander aux spectateurs un effort pour concilier un univers visuel chimérique et ludique (et clairement un peu cheap) et une histoire véridique, racontée sérieusement (on est loin des élans parodiques de Hercule et de Xena, même si on sent clairement la patte de Sam Raimi dans l’entreprise), effort d’autant plus difficile à faire que le pilote (et les premiers épisodes) manie ce mélange de façon approximative, particulièrement à cause d’une narration pas encore bien adaptée au style.
Et je crois que c’est ce qui explique ma relative déception (injuste) devant le premier épisode de la saison 2 : il faut vraiment un peu de temps pour s’immerger dans cette association originale.

Ce risque stylistique offre une liberté incroyable de mise en image, essentielle pour conter le souffle de l’histoire de Spartacus, faite de combats de gladiateurs dans des arènes surpeuplées et de batailles épiques entre les cohortes romaines et les milliers d’esclaves libérés.
Evidemment, l’utilisation des images de synthèse pour créer la plupart des décors et des figurants, le ciel aussi souvent, saute aux yeux en permanence, mais, comme devant un dessin animé, une pièce de théâtre, la force de l’histoire emporte tout !
Et c’est comme ça que la saison 2 de Spartacus propose des épisodes d’une ambition et d’une réussite épique bien supérieure au Blackwater de Game of Thrones, par exemple, limitée par ses contraintes de budget et de réalisme. La bataille devant la porte de King’s Landing alterne gros plans et plans rapprochés dans une relative obscurité, avec au maximum une cinquantaine de figurants à l’écran, sans qu’on ne voit jamais de perspectives d’ensemble des lieux. Dans la seule deuxième saison de Spartacus, trois épisodes sont consacrés à des attaques d’aussi grande envergure : une opération sauvetage dans des mines et la destruction d’une arène, en plein jour, et une bataille de nuit sur les flancs du Vésuve.

— And I expect his cock in you, or you will find a sword in its place. (Lucretia)

Les innombrables scènes de nudité frontale et de sexe n’ont sûrement pas aidé les spectateurs pas forcément adeptes des effets spéciaux bon marché à prendre la série un peu plus au sérieux. Certains ont même pu les trouver racoleuses et inutiles.

Une soirée banale chez les Batiatus

La série appartient quand même au genre du péplum, pour lequel les corps musclés, huilés et partiellement dénudés des gladiateurs correspondent à l’identité visuelle de base. Un genre à forte charge érotique donc. Il aurait été dommage que Starz, chaîne du câble premium au même titre que HBO et Showtime, passât à côté.

Mais là où d’autres séries dénudent certains personnages (souvent féminins) simplement parce qu’elles le peuvent (Game of Thrones, je pense encore à toi [1]), Spartacus assume pleinement sa dimension érotique et en fait un élément essentiel de l’atmosphère de son univers particulier.

Contrairement aux Tudors, par exemple, où la nudité est toujours associée à des actes sexuels et appartient donc à l’enceinte des chambres à coucher, ce qui frappe dans Spartacus, c’est que les corps s’offrent au regard public (des personnages).
Il n’est pas rare qu’un sein déborde de la tenue d’une spectatrice enthousiaste dans les arènes, que les gladiateurs se baladent entièrement nus dans les couloirs : la nudité décomplexée et fréquente, indifférente des genres, transporte dès lors le spectateur dans un univers éloigné du rapport au corps des sociétés judéo-chrétiennes.
(Spartacus doit être la seule série dans laquelle on voit autant de pénis que de seins… Et apparemment, il existerait une prothèse, surnommée Kirk Douglas, pour les acteurs sensibles sur la taille de leur appendice [2].)

Quant aux très nombreuses scènes de sexe, elles explorent la plupart du temps les dimensions de domination, de possession, de soumission, liées à la fois aux actes sexuels eux-mêmes, aux motivations (parfois soapesques) des personnages mais également à la société romaine des maîtres et des esclaves.
Souvent, ces scènes nous rappellent que la liberté commence par la possession de son propre corps. (Une intrigue de la saison examine finement cette lente réappropriation chez la compagne d’un des lieutenants de Spartacus).
C’est ainsi que les scènes d’orgies n’existent pas dans la série par leur simple érotisme, elles provoquent des sentiments de dégoût et de gêne et font quasiment toucher du doigt la décadence morbide d’une société romaine à la fois éclairée et ignoble.

— Words fall from your mouth like shit from ass (Gannicus)

L’univers visuel et sensuel de Spartacus est complété par un travail orignal et remarquable sur la langue.

I will # !$§ your $%# !!#, by Jupiter’s &#%$

Pour traduire le décalage temporel et linguistique qui existe entre la langue du spectateur et celle des personnages de l’Antiquité, Rome avait trouvé une solution assez simple : faire parler ses personnages, non pas en latin (ce qui serait rébarbatif et complètement artificiel) mais dans un anglais soutenu aux accents britanniques, dans la lignée des illustres tragédies historiques de Shakespeare (Jules César, Antoine et Cléopatre…)
Un procédé inadapté pour transcrire à la fois la langue des maîtres romains et le langage d’esclaves étrangers et analphabètes.

Les scénaristes de Spartacus ont alors décidé de mêler expressions anglaises désuètes, grossièretés contemporaines et références latines et d’enlever la plupart des articles, créant un salmigondis amusant, qui fonctionne avec tous les personnages et qui donne de si jolies citations.
Gratitude ! [3]

— That shit fuck beckons me to the city only to spurn me like a thin-waisted whore. Once again the gods spread the cheeks and ram cock in fucking ass ! (Bathiatus)

(Cette partie recelle de petits spoilers, essentiellement sur le découpage en saisons d’une intrigue générale relativement connue.)

La série a dû surmonter des épreuves au cours de sa production, qui ont poussée bien des spectateurs à penser qu’ils ne verraient jamais la saison 2 et les premiers pas d’un Spartacus enfin libre. Les résultats produits montrent qu’on peut avoir toute confiance en Steven DeKnight et ses scénaristes pour conclure avec panache leur série.

C’est le Vésuve derrière, le VESUVE !

Andy Whitfield, l’interprète de Spartacus développa un cancer peu après le tournage de la première saison. Pour lui laisser le temps de se soigner et ne pas perdre le momentum de la série, la production mis en chantier une saison-prequel de six épisodes autour de Gannicus, précédent champion du lundus et rare gladiateur affranchi pour l’ensemble de ses victoires.
A la mort d’Andy Whitfield, la production envisagea d’annuler la série purement et simplement avant de décider de chercher un nouvel acteur pour interpréter Spartacus.
C’est ainsi que près deux ans plus tard la nouvelle saison vu le jour, avec plusieurs défis à relever. Réussir la transition entre les deux interprètes n’était pas un mince affaire comme maintenir l’intérêt dans une configuration narrative différente de la saison précédente dont la base de la réussite résidait dans les chorégraphies hebdomadaires des combats de gladiateurs.

Sur ce dernier point, la nouvelle saison surpasse la précédente grâce à la diversité des situation de combats : non seulement, on retrouve les entraînements, les duels de gladiateurs, et pas seulement dans les arènes, mais comme je l’ai dit plus haut, on découvre les batailles des cohortes de romains contre l’armée des esclaves de Spartacus.
Les intrigues du côté des esclaves montent en sophistication en développant un discours sur ce que signifie qu’être libre assez fin, d’autant plus qu’en faisant revenir après le prequel le personnage Gannicus, l’affranchi, aux côtés de Spartacus, le rebelle, sont confrontées diverses approches de la liberté.
Les histoires des maîtres font tout au long de la saison un écho malin à la précédente, en atteignant un degré de perversité assez incroyable dans le finale, sans oublier de prendre à leur compte une réflexion sur la liberté quand elles se focalisent sur les destins des personnages féminins, les plus fouillés, toujours étroitement liés à leur situation maritale, leur fécondité et leur sexualité.

Si vous n’êtes toujours pas convaincu de (re)donner une chance à la série, je ne peux que vous recommander de lire les textes de Maureen Ryan sur le sujet, la plus grande admiratrice Spartacus parmi les critiques américains, et peut-être de commencer par cette note [4], qui conclue la review du dernier épisode de la saison 2 et par sa liste du meilleur de la télé de 2010 où elle y range Spartacus aux côtés de The Good Wife, Fringe, Mad Men, Rubicon et Terriers (elle a quand même bon goût, la dame).

Allez, vite, plus que six mois pour rattraper les seuls vingt-neuf épisodes pour savourer l’ultime saison, programmée pour janvier.

Jéjé
Notes

[1Qu’il soit bien clair que ce texte n’est pas une charge déguisée contre Game of Thrones, qui est une série pas exempte de défauts mais que j’apprécie beaucoup

[2Voir l’anecdote racontée par l’un des producteurs au TCA de l’été 2009.

[3Remplace "Thank you" dans Spartacus.

[4Declaration : "Spartacus" is one of the most feminist shows on television. It has so many different kinds of female characters, and though it doesn’t shy away from showing the restrictions they operate under, and it continually depicts their resilience, their strength, their flaws and their overall complexity. To the people who don’t watch this show and pre-judge it in annoying ways, I always say : It’s not only one of the best-constructed shows on TV, it depicts all kinds of sexuality in a truly equal and honest fashion (unlike many HBO and Showtime shows, "Spartacus" doesn’t put naked women in random scenes just because it can), it’s gay-friendly, it’s multiracial and it’s full of so much lady awesomeness. So the people who dismiss "Spartacus" without taking time to at least sample some of those aspects of the show ? I have many choice German curse words reserved for them. (Maureen Ryan, ’Spartacus : Vengeance’ Finale Review, The Huffington Post, 2012)