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The Good Fight - La fin d’une ère chez The Good Fight

Day 415: Une Fantasque Foire aux Fuck

Par Conundrum, le 12 mars 2018
Publié le
12 mars 2018
Saison 2
Episode 2
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La semaine dernière, The Good Fight est revenue avec un épisode qui a relancé la série de manière un peu brouillonne. La présidence de Trump, qui a pris les scénaristes par surprise en saison 1, est désormais un des moteurs de la série comme l’ont montré les superbes pré générique et générique de l’épisode. Il y a eu un départ et une arrivée majeure, une intrigue pour Diane (enfin !) et un nouvel arc qui met en danger les avocats à Chicago.

Il restait peu de temps pour résoudre l’arc de la saison 1 qui a vu Maia finir en prison. Heureusement, l’épisode de la semaine lui est quasiment intégralement consacré. L’affaire de fraude qui a lancé les événements du pilote commençait un peu à s’étaler en longueur. En effet, d’un point de vue scénaristique, nous avions atteint ses limites. Son but était d’empêcher Diane de prendre une retraite bien méritée, de mettre Maia en danger et de donner à Lucca une mission (protéger et aider Maia).
Cet épisode, où les personnages ont bien assimilé que manier les jurons était plus qu’autorisé sur CBS All Access, met fin au premier chapitre de cette intrigue de manière plus ou moins habile, mais surtout au bon moment.

La Longue Lutte de Lucca

En effet, Lucca et Maia ne semblaient exister que sous ce prisme. Lucca, lors de son introduction en fin de The Good Wife, était une femme seule, efficace et qui, comme Alicia, semblait avoir un vide dans sa vie. Inscrivant ses premières actions dans la continuité de son personnage de la série-mère, elle a pris à cœur d’aider Maia. Avant même qu’on ne lui assigne la défense de la jeune femme, elle l’avait défendue, consolée et conseillée lorsque celle-ci se fait agresser par une victime de son père. Tout la saison 1 montre Lucca comme l’avocate brillante et efficace qu’elle est, elle voit aussi une solide amitié naître entre elle et sa collègue/cliente. Mais montrer un personnage brillant sans problème est ennuyeux, alors, certaines de ses failles personnelles ont été exposées par sa relation compliquée avec Colin. Lucca fut, de loin, le personnage le mieux traité de la saison.

Mais la série ne peut pas s’endormir sur ses lauriers et du matériel neuf doit lui être donné. Cette semaine, une petite scène m’a réjouit et j’espère qu’on reviendra sur ce terrain mais lorsque Lucca remarque que Diane communique avec Maia sans l’inclure, elle s’impose face à la figure iconique de la série. Cette scène, limite anodine dans son traitement, montre une richesse sous exploitée de la série dérivée. Elle peut capitaliser sur le passif de ses personnages et faire appel à des relations qui pré-datent The Good Fight.
Diane et Lucca ne sont pas amies, Lucca a eu rôle clé dans les événements qui ont ébranlé la relation de Diane et de son mari. Lucca n’est d’ailleurs pas restée au cabinet lorsque Alicia est repartie. Elles travaillent ensemble, mais elles ne partagent que rarement l’écran. Cette relation est particulièrement fertile dans sa complexité et j’espère que cette saison l’exploitera au mieux.

La Malicieuse Mémoire de Maia

Quant à Maia, son personnage est à la fois problématique et intéressant. Je ne sais pas si c’est l’écriture, la réalisation ou le jeu de l’actrice, mais il y a quelque chose qui cloche dans la représentation de son conflit intérieur. Par son biais, la série aborde un aspect de la psychologie très peu vu dans les séries : la perception. Maia a fermé les yeux sur tous ses problèmes familiaux et se complaît à ne pas questionner la vision idyllique que ses parents lui ont donnée. Il faut des événements forts et traumatisants pour qu’elle se force à confronter son passé. Lors de la mention de certains faits, on voit souvent Rose Leslie faire une tête un peu étrange avec un regard perplexe et nous avons des images de son passé. Le problème est que Maia semble se souvenir soudainement d’événements très importants, non pas pour elle, mais pour la trame principale de l’intrigue.

Toutes les personnes qui ont vu The Keepers, la série documentaire poignante de Netflix, savent que des événements graves et importants peuvent être occultés de notre mémoire. Des actions anodines peuvent les faire resurgir, mais il faut beaucoup de travail pour retracer le déroulement de son histoire personnelle. Maia a eu ses premiers émois avec sa professeure de tennis et elle se souvient aisément et rapidement que son père a eu une liaison avec elle. Je n’aurais pas eu de soucis avec cela si la série avait ralentit le rythme, si on avait vu Maia prendre le temps d’analyser la situation et d’arriver à la conclusion que son père trompait sa mère.
Tout est allé trop vite la semaine dernière sur ce terrain. Cette semaine, à la mention du témoignage de sa mère, Maia se souvient qu’elle lui a fait des confidences à peine voilées sur l’illégalité du travail son père. On ne parle plus d’accès à sa mémoire, mais de soudaines épiphanies qui arrangent plus l’équipe scénaristique de la série que notre héroïne. L’idée de ne pas pouvoir faire confiance à sa mémoire est très bonne mais son traitement non seulement passe à côté du propos mais surtout dénature son intérêt car elle s’apparente plus à un moyen pratique de faire avancer le récit qu’une façon d’explorer la personnalité de Maia.

Sur cet aspect-là, la série s’en sort beaucoup mieux avec le témoignage d’Amy, la copine de Maia. La seule relation sentimentale stable dépeinte dans The Good Fight était celle entre les deux jeunes femmes. Le conflit qui est né entre elle est particulièrement fin.
Les deux femmes n’ont pas la même perception d’événements.
En saison 1, le père d’Amy voulait investir dans le fond de celui de Maia mais cette dernière était réticente. Quand Amy lui a demandé s’il y avait un problème avec le fond, elle se souvient que Maia a hoché de la tête, ce que Maia dément. Il ne s’agit pas d’un mensonge ou d’une trahison mais d’un problème de perception de la réalité. Et pour une femme qui a du mal à se souvenir de son passé, ce conflit est pertinent. En effet, le témoignage d’Amy n’est pas utilisé pour faire avancer l’intrigue judiciaire (au final, il ne sert pas à grand chose), mais montre Amy comme une femme forte, qui croit en ses convictions (elle ne ment pas pour sauver sa copine) et qui n’a aucun intérêt à faire du mal à Maia. C’est un conflit de couple qui a une vraie portée qui n’a rien d’un ressort artificiel.

Les Dangereux Défis de Diane

Mais Maia n’est pas la seule à avoir des problèmes de mémoire, Diane semble soudainement se souvenir qu’elle est la marraine de celle-ci et aujourd’hui fait tout pour aider la jeune femme dans son procès.

Elle lui apprend l’existence d’un témoin surprise (qui s’avérera être elle-même), mais surtout, lorsqu’elle apprend que la mère de Maia s’apprête à témoigner contre sa fille, elle utilise ses connaissance pour rendre visite à son amie. Les deux femmes se parlent hors caméra et la mère de Maia, in extremis, change son témoignage. Maia a l’illusion qu’un de ses parents se bat encore pour elle. C’est une scène interessante.
Je ne sais pas trop où The Good Fight veut en venir en ne montrant pas la discussion entre les deux amies. On ne sait pas ce que Diane a pu dire à Lenore pour la faire changer d’avis de si intéressant que les scénaristes préfèrent garder cette révélation pour plus tard.

L’équipe de The Good Fight semble aussi se rappeler soudainement qu’elle a Christine Baranski au centre de sa série. Et cet épisode la met sur tous les fronts.
S’il était flagrant que l’actrice n’était pas disponible lors du tournage de l’épisode d’ouverture [1], il est difficile de croire que l’actrice était toujours occupée lors du tournage de cet épisode. Je ne sais pas si la production surcompense pour cacher ses problèmes d’emploi du temps, mais il est agréable d’avoir une grande dose de Baranski.
Diane montre des signes plus fort de dépression et tombe dans le piège d’une Liz que nous avons sous estimé. Erica Tazel avait été remerciée car le conflit entre Barbara et Diane avait été mal exploité en saison 1, les King ont clairement décidé de pas faire la même erreur avec Liz.

Barbara devait s’inquiéter d’un rapprochement entre Diane et son partenaire, Adrian. Pour renforcer l’idée de ce conflit, Liz arrive dans le rôle de l’ex-femme d’Adrian. Elle vient avec un passif avec Adrian qui équilibre le conflit à naître avec Diane. Elle affirme son ambition de manière bien plus forte que Barbara.
Et c’est elle qui lance le premier tir en expliquant à Adrian qu’il faudrait songer à chercher un·e nouvelle/eau partenaire pour le cabinet car Diane pense à prendre sa retraite. Elle obtient la confiance de Diane en l’aidant sur le cas de Maia, elle joue sur ses souvenirs de Will pour renforcer un lien avec Diane et elle utilise des informations (réelles) obtenues lors de confidences personnelles à fins professionnelles. Si la justesse et la finesse d’une Erica Tazel me manquent, Audra MacDonald sied mieux à un The Good Fight qui s’affirme plus.

Et c’est ce qu’on retire de ces premiers épisodes. S’ils déstabilisent un peu, l’équipe à l’écriture semble savoir où la série doit se diriger. Elle s’affirme dans son discours anti Trump. Elle s’affirme dans les conflits entre les personnages. Elle s’affirme en lançant plusieurs trames sérialisées. Elle prend plus de risques, et en mettant une fin au chapitre du procès de Maia, elle s’affranchit d’une béquille sur laquelle elle s’est beaucoup reposée.
Ce qu’on perd en subtilité, on le gagne en confiance.

C’est louable mais on n’oublie pas que la satisfaction de l’épisode vient plus du fait que nous avons une résolution satisfaisante à une intrigue historique de la série (car au final, c’est Maia qui prend son destin en main, trouve le moyen de contacter puis de piéger son père) qu’à ses qualités narratives qui, bien que mieux gérées que celles de la semaine dernière, sont loin d’être parfaites.

Conundrum
P.S. La semaine prochaine, Nico vous guidera dans l’analyse du troisième épisode de la saison. Dans l’intérim, si ce n’est pas déjà fait, ruez vous sur The Keepers.
Notes

[1Ses scènes ont été tournées après la production de l’épisode, elle est absente lors des scènes d’enterrement, elle est bloquée dans sa propre intrigue, etc…)