And boy, was it worth it !
En me forçant à prendre un peu mon temps, il m’aura fallu 2 mois en tout et pour tout pour regarder les 89 épisodes qui constituent cette fabuleuse série, l’une des meilleures qu’il m’ait jamais été donné de voir à la télévision.
Alors, que dire de The Shield quand on arrive après la bataille, et que tant de gens en ont déjà parlé en bien ? Sans doute que ce que je retiendrai de la série, au-delà de l’excellence des scripts, de la réalisation et du casting, c’est une narration très différente dans son rapport au temps et au passé de tout ce que l’on peut voir en général à la télévision.
Je m’explique : dans la plupart des séries, l’intrigue ne commence pas avec le premier épisode. Une place très importante est en général accordée au passé. Ce passé peut-être soit le « bagage » des personnages, qui sert en général à expliquer leurs actions présentes (un cas extrême étant Lost et ses flashbacks, mais le même artifice est utilisé dans énormément de séries comme Nip / Tuck, Ally McBeal, The Practice, Grey’s Anatomy, Desperate Housewives…), soit une succession d’événements « pré-pilote » qui ont construit les relations entre les personnages et nous serons dévoilées au fur et à mesure (je me suis mis à Big Love récemment, et mon intérêt pour la série repose en grand partie sur la question « comment en sont-ils arrivés là ? »).
Quand c’est bien fait, ce passé, ses conséquences et l’aura de mystère qui l’entourent peuvent constituer l’un des plus grandes forces de la série : c’était le cas dans Gilmore Girls ou Veronica Mars. Mais, trop souvent, il est simplement utilisé comme une facilité scénaristique, une justification bien pratique que le showrunner sort de sa malle le temps d’un épisode avant de l’y reranger immédiatement après (exemples en vracs parmi les pires jamais vus à la télévision : Ally qui évoque sa petite sœur morte le temps d’un épisode pour ne plus jamais en reparler après dans Ally McBeal, Derek qui est pour la peine de mort dans Grey’s Anatomy parce que « je ne te l’ai jamais dit en 4 saisons et tu ne m’as jamais posé la question, mais mon père a été assassiné »)
Est-ce pour éviter cet écueil, ou à la suite d’un véritable choix artistique que Shawn Ryan a choisi de se concentrer uniquement sur le présent dans sa série ? En tous cas, on ne trouve aucune facilité, aucun suspense de ce genre dans The Shield. L’histoire de la série commence avec le pilote, et ce qui a eu lieu avant ne sera jamais évoqué… Ou presque : la série revient une fois sur ses origines dans un épisode à flashback mais celui-ci, s’il est très réussi et plein de clins d’œil amusant, ne vise absolument pas à changer le regard que nous avons sur les personnages.
De même, on ne sait rien ou presque du passé des personnages, et celui-ci ne sera jamais évoqué pour expliquer les actions des personnages, et surtout pas pour les excuser. Pas de grosses ficelles pour rendre Vic Mackey et ses collègues ripoux sympathiques – alors que dans Nip / Tuck, Lost ou n’importe quelle série de David E. Kelley, l’attitude de ces anti-héros aurait été mise en parallèle avec leur enfance malheureuse (parents disparus, coups, viols…), nous ne disposons dans The Shield que de leur présent pour les juger. Seuls les actes et leurs conséquences comptent dans cet anti- In Treatment, où tout ce qui est important est montré à l’écran.
Un parti pris risqué de la part de Shawn Ryan, puisque le téléspectateur risquait de n’éprouver aucune empathie pour ces personnages. Mais c’est ce parti pris qui, parce qu’il fonctionne grâce à la qualité des scripts et de l’interprétation, fournit à la série sa qualité principale : une grande ambigüité. Les antihéros de The Shield n’ont aucune excuse, et pourtant ils n’en restent pas moins attachants.
J’ai d’ailleurs été très impressionné par la capacité de la série à nous faire changer de point de camp en permanence, au fil des saisons et des épisodes : Vic, Shane, Claudette, Kavanaugh… On se surprend à souhaiter la victoire d’un personnage dans un épisode, puis à espérer de tout cœur qu’il se plante dans le suivant. On jubile de voir Vic s’en sortir au nez de tous, puis on a le cœur brisé en le voyant échapper à Claudette… L’impensable se produit même lorsqu’on se surprend à trembler pour Shane et sa femme et à leur souhaiter de tout cœur une fin heureuse, alors qu’on voulait la mort des personnages quelques épisodes plus tôt…
Cette capacité incroyable à provoquer l’empathie pour des personnages qui se trouvent dans des camps opposés (et dont les actes sont pour certains odieux) sans recourir à des « trucs » est la marque d’une grande série. Je n’avais pas retrouvée à l’écran depuis Rome. (Et certainement pas devant BSG)
Pour finir, The Shield fait partie de ces rares séries dont la fin ne m’a absolument pas déçu, et m’a même semblé élever l’ensemble d’un cran. (Seules deux autres séries me viennent à l’esprit : Six Feet Under et Rome. Et encore, les deux séries avaient des faiblesses dans leurs dernières saisons malgré des derniers épisodes réussis, ce qui n’est pas le cas de The Shield).
La Saison 7 est absolument fantastique, et mérite largement sa place en tête du tableau bilan pErDUSien de la rentrée 2008. (Merci d’arrêter immédiatement votre lecture si vous ne l’avez pas vue. Se spoiler sur The Shield serait une erreur monumentale.)
Non seulement le suspense y est difficilement soutenable (j’ai frôlé la crise cardiaque plusieurs fois par épisode), mais les personnages y sont tous très bien traités, et l’ensemble des intrigues de la série (même les vieilles qu’on croyait oubliées) très bien conclues.
J’ai particulièrement apprécié la lutte à mort fratricide et auto-destructrices que se livrent Vic et Shane, qui m’a rappelé l’un de mes romans préférés : Les liaisons dangereuses. Tels Mme de Merteuil et Valmont, Vic et Shane se laissent entraîner par leur orgueil (et leur goût de la violence) dans une lutte fratricide qui les fera chuter tous les deux à leur manière, en emportant tous les personnages qui leur ont fait confiance sur leur passage. Comme Valmont, Shane meurt repenti, après avoir trouvé une rédemption ambiguë aux yeux du téléspectateur (contrairement à Vic, il semble regretter sincèrement ses actions et leurs conséquences). Comme Mme de Merteuil, Vic s’en sort, mais au prix le plus fort, puisque la vérité à son sujet (celle qu’il refusait d’avouer à quiconque jusqu’à l’avant dernier épisode, même à son avocate en saison 5) est révélée au grand jour… Ah, et comme Cécile Volange, Ronnie se fait bien avoir dans l’histoire ! Je doute que la ressemblance ait été intentionnelle (j’aimerais quand même bien savoir si les scénaristes l’ont lu cela dit), mais qu’elle le soit ou non, une chose est sûr : en copiant Les liaisons, on ne peut pas se tromper !

Pour finir, et parce qu’on n’a jamais assez de Tops 10 sur un site de séries télévisées, voilà en exclusivité la liste de mes 10 épisodes préférés de The Shield.
10. Cracking Ice (3.08)
Même les personnages ultra-secondaires sont attachants dans The Shield, et on s’en rend compte dans cet épisode où l’on tremble pour Trish, une membre du Decoy Squad dont la couverture a été compromise par Claudette (CCH Pounder plus impeccable que jamais). En bonus, le suicide d’un officier offre une jolie scène à Catherine Dent (Danni), trop souvent sous exploitée dans la série malgré sa capacité à faire passer l’émotion d’un regard.
9. Party Line (7.10)
Il ne se passe presque rien dans cet épisode. Et pourtant, j’ai frôlé la crise cardiaque pendant 40 minutes (mon Dieu, cette scène où Shane joue du piano !!). Si ça ce n’est la marque d’une grande série… Et cette fin, où Mara nous surprend en ne trahissant pas Shane et où l’on comprend à quel point tout ça va mal finir… Mon Dieu !
8. Recoil (6.09)
Parce que c’est le premier épisode de la série qui m’a fait hurler « Oh my God ! » devant mon écran (c’est devenu une habitude la saison suivante), avec son double cliffhanger qui tue et qui prouve que, malheureusement pour nos héros, tout fini toujours par ressortir dans The Shield.
7. Pilot (1.01)
Parce qu’il parvient à nous faire rentrer dans la série en 40 minutes. Parce que la fin est l’une des plus surprenantes que je n’ai jamais vues à la télévision. Et parce que, 7 saisons plus tard, je m’aperçois qu’il n’y avait rien de gratuit dans cet épisode !
6. Tapa Boca (5.04)
Parce que la fin, où Vic confronte Emolia après avoir découvert qu’elle était sa taupe, est l’une des scènes les plus violentes et les plus terrifiantes de la série. Et parce que les aller-retour aux toilettes de Lem pour ne rien enregistrer de compromettant sur son micro m’ont bien fait rire !
5. Two Days of Blood (1.12)
Un meurtre sordide enregistré sur un répondeur, des tensions raciales qui explosent dans Farmington, Vic qui se retrouve dans la merde jusqu’au cou et deux enquêtes qui se rejoignent pour annoncer un final explosif. J’étais bien content de ne pas devoir attendre une semaine pour voir la suite !
4. Parracide (7.08)
« Eh bien, la guerre ! ». Un épisode qu’on croit classique, qu’on regarde presque tranquillement, jusqu’à ce qu’il se produise l’inimaginable et que, après 7 saisons de quasi-impunité, l’un des membres de la Strike Team se fasse enfin prendre la main dans le sac. Magistral.
3. Scar Tissue (2.08)
Parce que la confrontation entre Vic et Claudette – qui deviendra l’un des piliers de la série – y explose enfin au grand jour, parce qu’on s’y surprend à stresser pour Armadillo, l’un des pires psychopathes inventés par la série, devant les méthodes radicales de la Strike Team, et parce que Vic nous rappelle qui il est vraiment en sacrifiant Danny pour sauver sa peau.
2. Ain’t That a Shame (4.12)
Un excellent Season Finale, qui boucle toutes les intrigues de la saison, offre une belle conclusion au personnage de Monica Rawling (Glenn Close, parfaite), et nous prend par surprise en amorçant la chute de la Strike Team. Et, rétrospectivement, la scène où Rawling tente de mettre Vic en garde contre ses démons est sans doute l’une des plus tristes de la série.
1. Possible Kill Screen (7.12)
Parce que les dix dernières minutes – glaçantes – sont d’une intensité rarement (jamais ?) vue à la télévision, parce que les performances de Michael Chiklis, CCH Pounder et Laurie Holden y sont absolument incroyables, et parce que l’épisode se termine sur ce qui restera pour moi la réplique la plus marquante et la plus horrible de la série : « I’ve done worse ». Le Series Finale a beau être excellent, la véritable apothéose de ces 7 saisons est là.